Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la France est un État historiquement multilingue. On y trouve de nombreux locuteurs de langues romanes, comme le français, l’occitan, le catalan, le corse, le francoprovençal, mais également de langues germaniques, comme l’alsacien, le flamand occidental et le platt deutsch, ou encore du basque et du breton – pour ne parler que de la France métropolitaine.
Le texte de notre collègue Paul Molac, présent dans nos tribunes, tend à considérer toute la pluralité des langues dans notre pays. Il importe de changer le regard que l’on pose traditionnellement sur les langues régionales. Ces langues sont au français ce que nos territoires sont à la France.
J’aimerais vous citer un tweet – excusez l’expression ! – sans équivoque du président de la République, en date du 21 juin 2018 : « Les langues régionales jouent leur rôle dans l’enracinement qui fait la force des régions. Nous allons pérenniser leur enseignement. » Aujourd’hui, après plus de deux années, nous débattons d’une proposition de loi, dont l’un des objectifs principaux est bien d’enseigner nos langues de France.
Ce texte, débattu en premier lieu à l’Assemblée nationale, a été vidé de sa substance avant d’arriver dans cet hémicycle. Nous pouvons le regretter. Toutefois, les amendements visant à redonner du corps à la proposition de loi, en rétablissant l’article 3 et en permettant le versement d’un forfait scolaire de l’enseignement bilingue, sont de bon ton et ambitionnent de donner une réalité, au sein de l’école de la République, à nos langues régionales. Nous serons nombreux à les soutenir.
La défense et la promotion des langues régionales, ce n’est pas une lubie ; c’est encore moins une revendication communautariste. Il faut sortir de ce paradigme. Le cœur de cette proposition de loi est bien d’inclure les langues régionales au sein de nos institutions, afin qu’elles participent à la vie de la cité. Nos concitoyens y sont attachés.
Il est important de soulever un point essentiel. Pour la réussite de tels projets, l’État doit associer les collectivités territoriales et leur laisser une marge de manœuvre. Bien entendu, ces dernières n’ont pas attendu pour s’organiser ! Localement, on constate que de nombreux acteurs sont investis dans la défense et la promotion des langues régionales, pour l’acceptation de leurs identités. Dans les Hauts-de-France, je veux souligner le soutien actif du conseil régional, avec, notamment, la création d’un office public du flamand occidental.
Nos langues régionales ont fait preuve d’une grande résilience, voire de résistance, et restent des réalités. Pourtant, il y a urgence à agir, avant qu’elles ne soient plus que des folklores destinés à mourir tôt ou tard.
Bien que la Constitution érige les langues régionales au rang de patrimoine de la France, ces langues ne doivent pas être mises sous cloche ni admirées comme des vestiges du passé. Comme l’a si bien dit notre collègue Paul Molac, « une langue ne s’abîme pas quand on la parle, mais uniquement quand on ne la parle pas » !
L’enseignement est la seule manière viable et de long terme pour protéger et promouvoir les langues régionales.
Jean Jaurès, dans la Revue de l ’ enseignement primaire du 15 octobre 1911, s’étonnait déjà qu’un enfant parlant l’occitan, avec un réflexe d’analogie et de comparaison, déchiffrât aisément le portugais, l’espagnol et même l’italien.
Les langues régionales étaient pour lui un moyen d’être « en harmonie naturelle, en communication aisée avec ce vaste monde ». En somme, l’apprentissage de la langue de sa région est un avantage pour mieux se lancer dans le monde. Je tiens à rappeler que, au sein de l’Union européenne, on dénombre plus de 60 langues régionales ou minoritaires.
Monsieur le ministre, avec un peu de bonne foi, ce qui se dessine dans la dernière réforme du lycée ouvre la possibilité de créer des cursus d’enseignement de certaines langues régionales.
Toutefois, il faut préciser que toutes ces langues ne sont pas logées à la même enseigne. Ces disparités sont parfois vectrices de frustrations et d’incompréhension. Je pense, bien entendu et vous le savez, au flamand occidental, toujours exclu de la circulaire de 2017 et votre collègue a encore botté en touche sur ce point, la semaine dernière, lors de la séance de questions orales.
À ce propos, je vous remercie, madame la rapporteure, de votre détermination.
La proposition de loi que nous examinons vise à pérenniser et valoriser une partie de notre culture et de nos patrimoines. En l’espèce, ce n’est pas la panacée. Les dispositions de ce texte vont dans le sens d’une plus grande reconnaissance de nos langues régionales, des particularités de nos territoires et de leurs habitants. Cela nous permet de rappeler à quel point notre pays est beau et fort de sa pluralité.
Le groupe Les Indépendants votera donc cette proposition de loi.