Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une langue ne saurait vivre et survivre sans un statut officiel et juridique qui lui assure une existence pleine et entière. C’est essentiel.
Il existe quelque 6 500 langues utilisées à travers le monde. Celles qui disparaissent sont celles qui ne bénéficient pas d’une reconnaissance officielle, légale, nationale ou régionale.
En France, les langues régionales appartiennent à notre patrimoine depuis leur inscription dans la Constitution, en 2008. Ce patrimoine est une richesse pour notre pays et pour nos territoires, mais si nous voulons le conserver, ces langues doivent être enseignées, acquises et transmises.
Loin des clichés folkloriques, les langues régionales et le multilinguisme constituent un atout, notamment pour les régions frontalières. Mon expérience d’élue de la région rhénane m’a montré que le bilinguisme est aussi un outil de coopération économique, qui offre des possibilités d’emploi pour de nombreux habitants. En effet, on compte quelque 50 000 travailleurs frontaliers du nord au sud de l’Alsace, sur les frontières allemande et suisse.
En Alsace, le nombre d’élèves, du primaire au lycée, qui fréquentent ces classes a été multiplié par deux depuis dix ans. Permettre un multilinguisme dès le plus jeune âge offre aux élèves la possibilité d’acquérir plus facilement d’autres compétences.
L’éducation nationale, d’une part, et les collectivités locales, d’autre part, sont les maillons indispensables de cette transmission linguistique et culturelle. En théorie, le dispositif d’apprentissage existe, de la maternelle à la terminale, pour les élèves qui le souhaitent. En pratique, cet enseignement se heurte à des obstacles parfois administratifs, mais le plus souvent idéologiques.
La proposition de loi de Paul Molac, que nous examinons aujourd’hui, est un bon exemple de tous ces obstacles. Les articles 3 à 7, relatifs à l’enseignement des langues régionales dans ses différentes formes, ont été supprimés à l’Assemblée nationale, vidant le texte de sa substance.
Or nous savons tous, dans cet hémicycle, que seul l’enseignement permet aux langues régionales de rester vivantes. Les restreindre à un affichage sur les noms de rue et les documents d’état civil en ferait à coup sûr des langues mortes.
Notre ambition est donc d’abord de réaffirmer le rôle du forfait scolaire comme contribution à cet enseignement. En effet, la participation financière des communes pour les établissements associatifs ou privés qui enseignent une langue régionale est nécessaire. Plusieurs amendements ont été déposés en ce sens.
Ensuite, une gestion efficace des ressources humaines, monsieur le ministre, est vraiment nécessaire. Aujourd’hui, en Alsace, nous constatons que des candidats allemands et autrichiens doivent, malgré leurs compétences reconnues, s’engager dans des démarches trop longues pour obtenir une équivalence.
En réalité, le manque d’enseignants est un faux problème. C’est la raison pour laquelle la Collectivité européenne d’Alsace se propose légitimement d’organiser la formation et le recrutement des enseignants au plus près de nos besoins en frontière.
Concernant l’enseignement immersif, il existe aussi des malentendus et des incompréhensions qu’il faut éclaircir. Ce sera l’objet de mon amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 2 bis.
Sans le volontarisme de certains élus et la détermination des réseaux d’écoles associatives, l’enseignement des programmes en breton, en basque, en occitan, en catalan ou en alsacien aurait disparu, alors qu’il attire chaque année de plus en plus d’élèves.
Au Sénat, plusieurs groupes politiques partagent la même ambition et les mêmes objectifs au-delà des alliances partisanes. Je m’en félicite.
Cette proposition de loi nous donne aujourd’hui l’occasion et la responsabilité de promouvoir la modernité, l’envergure et l’intérêt de ces langues qui nous unissent. Elles portent en elles une mentalité, une racine, une culture et une sensibilité qui nous emmènent tous vers l’avenir.