Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du 10 décembre 2020 à 14h30
Protection patrimoniale et promotion des langues régionales — Articles additionnels après l'article 2 bis

Jean-Michel Blanquer :

D’une certaine façon, cet amendement tend à pousser les choses d’encore un cran, sur les dépenses d’investissement. Il s’agit d’autoriser les collectivités locales à attribuer un soutien financier pour les dépenses d’investissement et de fonctionnement des institutions qui agissent pour la promotion des langues régionales, notamment des établissements privés, sous contrat ou hors contrat, du premier et du second degrés, qui dispensent un enseignement en langue régionale.

Si l’on recherche les dispositions en vigueur dans ce domaine, on trouve, d’une part, la loi du 30 octobre 1886 portant sur l’organisation de l’enseignement primaire, la « loi Goblet », qui instaure le principe d’interdiction de toute aide publique aux dépenses d’investissement des écoles privées du premier degré – c’est l’article L. 151-3 du code de l’éducation –, et, d’autre part la loi du 15 mars 1850 sur l’enseignement, la « loi Falloux », reprise à l’article L. 151-4 du même code, en vertu de laquelle les établissements d’enseignement privés du second degré général ne peuvent se voir attribuer de financement public pour leurs dépenses d’investissement qu’à hauteur de 10 % de leurs dépenses annuelles.

Ces principes n’ont pas été modifiés par la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privés, la « loi Debré », et ils sont rappelés constamment par les juridictions administratives.

Il existe quelques dérogations à ces principes d’interdiction ou de limitation du financement public des investissements des établissements d’enseignement privé, mais pour des objets bien déterminés et relatifs à des éléments obligatoires et incontournables de la formation, dans le respect des exigences rappelées par le Conseil constitutionnel.

Les auteurs de la présente proposition de loi et du présent amendement entendent reprendre, dans la loi, les éléments de la décision du Conseil du 13 janvier 1994 relative à l’aide aux investissements des écoles privées par les collectivités territoriales. Or ces dérogations visent des situations bien précises et objectives : il s’agit, d’une part, du financement d’équipements pour les enseignements complémentaires préparant à la formation professionnelle des élèves de collège ou pour la préparation à des diplômes et, d’autre part, du financement de certains équipements informatiques – c’est l’article L. 442-16 du code précité.

Par conséquent, la condition que le présent amendement tend à instaurer pour autoriser le financement, par les collectivités locales, des dépenses d’investissement ou de fonctionnement des établissements privés ne répond pas à ces exigences du Conseil constitutionnel. En particulier, l’offre d’un enseignement en langue régionale ne constitue pas un critère objectif de financement des établissements privés, dans la mesure où cela exclurait, par exemple, le financement des écoles privées sous contrat avec l’État qui ne dispenseraient pas un tel enseignement. L’un des risques encourus avec certaines des dispositions proposées serait donc de créer une forme d’inégalité, selon qu’un établissement propose ou non une langue régionale.

Si l’article 75-1 de la Constitution dispose que les « langues régionales appartiennent au patrimoine de la France », le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision du 20 mai 2011, que « cet article n’institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit ». Le Conseil constitutionnel a donc estimé qu’il ne s’agissait pas d’un droit opposable.

Cette disposition ne répondant pas aux exigences rappelées par le Conseil constitutionnel et pouvant même entrer en contradiction avec le régime législatif actuel, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.

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