À titre préliminaire, je veux indiquer que, au-delà de ce qui est discuté dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi, il existe toute une série de facteurs de dynamisme pour les langues régionales, qui se déploieront dans des temps futurs. Je veux notamment rappeler ce que je disais précédemment à propos du CNED et de ses possibilités d’extension quantitative extrêmement importantes, au travers de l’enseignement à distance ou des mécanismes périscolaires.
En effet, maintenant que nous avons un ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, nous avons la possibilité, avec, par exemple, le plan Mercredi, de favoriser l’enseignement des langues régionales en dehors du temps scolaire ; c’est une opportunité majeure. Certes, cela est de niveau infralégislatif, mais, d’un point de vue pratique, cela peut conduire à des choses très importantes.
La disposition contenue dans ces amendements est redondante avec les dispositions de l’article L. 312-10 du code de l’éducation, qui prévoit déjà qu’un enseignement de langue et de culture régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité, selon des modalités définies par voie de conventions entre l’État et les collectivités territoriales. Nous avons de multiples conventions de ce type ; je citais, précédemment, celle qui a été conclue avec l’Alsace.
En outre, telle qu’elle est rédigée, cette mesure est de nature à intégrer l’enseignement de la langue régionale parmi les enseignements obligatoires et, si elle était ainsi interprétée, à imposer cet enseignement aux élèves, ce qui serait contraire au principe de libre choix des familles face à l’offre linguistique proposée dans les écoles et les établissements publics locaux d’enseignement fréquentés par les enfants. En effet, le caractère non obligatoire de cette disposition n’est pas précisé dans l’amendement, la langue régionale n’étant pas mentionnée comme matière facultative ou optionnelle, dans le cadre de l’horaire normal d’enseignement. Ce caractère obligatoire pourrait tout à fait être induit par le contenu des conventions signées en amont.
La circulaire n° 2017-72 du 12 avril 2017 indique déjà qu’une langue régionale peut être enseignée à l’école élémentaire sur l’horaire dévolu aux langues vivantes, étrangères ou régionales. L’enseignement de la langue régionale peut éventuellement être renforcé, selon le projet d’école, par la conduite d’activités en langue régionale dans différents domaines d’apprentissage. Cet apprentissage peut en outre être précédé par des actions de sensibilisation et d’initiation à l’école maternelle, sous la conduite d’un professeur ou d’un intervenant extérieur. Il n’y a donc pas de caractère obligatoire pour l’enseignant et l’on compte beaucoup de projets extrêmement dynamiques sur le terrain, dans ce domaine.
Par ses décisions du 17 janvier 2002 et du 12 février 2004, le Conseil constitutionnel indique que « si l’enseignement de la langue [régionale] est prévu “dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires”, il ne saurait revêtir pour autant un caractère obligatoire ni pour les élèves, ni pour les enseignants ; […] il ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les élèves aux droits et obligations applicables à l’ensemble des usagers des établissements qui assurent le service public de l’enseignement ou sont associés à celui-ci ». Or les limites fixées par le Conseil constitutionnel ne sont pas prises en compte dans le présent amendement.
En effet, tel que celui-ci est rédigé, l’enseignement de la langue régionale devra être obligatoirement proposé aux élèves des écoles maternelles et élémentaires, dès lors qu’il existerait une convention ou une demande exprimée sur le territoire. Cette disposition serait susceptible d’alourdir considérablement le poids des dépenses publiques.
Enfin l’amendement tend à attribuer un caractère obligatoire aux conventions passées avec l’État et, tel qu’il est formulé, il vise également à exclure de son champ les langues n’étant soumises à aucune convention, ce qui créerait une situation d’inégalité entre les langues régionales actuellement enseignées.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.