Je ne rejouerai pas M. Smith au Sénat – ce serait faisable, puisqu’il reste cinq minutes avant la fin du temps consacré à l’examen de ce texte –, mais je veux très rapidement vous dire ma façon de voir à l’issue de ces débats.
Je veux remercier le sénateur Canevet de ses propos, qui résument bien mon état d’esprit.
Toutefois, je ne trouve pas convenable que ce type de débat se termine par une fausse opposition entre les sénateurs, qui seraient tous pour les langues régionales, et le Gouvernement, qui serait contre. Ce n’est pas vrai, c’est masquer la réalité que de décrire les choses ainsi. Certains d’entre vous ont bien voulu le reconnaître, il existe, à l’échelon local, un dynamisme conduisant l’État, c’est-à-dire l’éducation nationale, à faire progresser les langues régionales aux côtés des collectivités locales.
Tout cela repose sur de multiples instruments, qui ne sont pas tous de niveau législatif. Cela passe aussi par la prise en considération de la demande – cela a été souligné, y compris par le sénateur Brisson –, ce qui témoigne d’une inversion de la situation par rapport aux époques précédentes. En effet, très souvent, on ne parle pas la langue en famille et c’est l’école qui l’encourage ; auparavant, c’était l’inverse. Faire semblant de croire le contraire alimente des débats, qui créent du conflit de manière totalement inutile, puisque, oui, nous allons encourager les langues régionales. Ensuite, nous pouvons avoir des conceptions différentes des chemins à prendre, sans pour autant être dans la critique manichéenne.
Par ailleurs, au travers de ce débat, on touche à d’autres sujets que les langues régionales, mais qui ne sont pas moins importants. L’équilibre public-privé en est un, de même que la question du taux d’encadrement. En effet, cette politique suppose des moyens publics et, aujourd’hui, les structures qui enseignent les langues régionales ont un taux d’encadrement beaucoup plus favorable que dans le reste du système. Il y a donc aussi un risque dans ce domaine, celui de créer des inégalités en faveur de classes sociales qui, en général, ne sont pas parmi les plus défavorisés. Il faut avoir l’honnêteté et la lucidité de traiter cette question, sans quoi on crée une République de la consommation culturelle. Ce n’est pas ce que nous voulons, nous voulons la vitalité des langues régionales, ce qui n’est pas la même chose.
Évidemment, cette position n’est pas facile à tenir, parce qu’elle est ensuite facilement caricaturée ; j’observerai d’ailleurs attentivement les commentaires médiatiques qui suivront, puisque, je le répète, les restitutions du précédent débat n’étaient pas spécialement objectives. Néanmoins, je tiendrai cette position, celle du dynamisme des langues régionales dans le cadre de l’équité, de l’équilibre, mais aussi d’un dynamisme « sérieux », c’est-à-dire permettant d’agir sur les causes profondes pour développer les langues régionales.
Oui, ce gouvernement agit en faveur des langues régionales ; oui, il y aura de nouveaux progrès. Cela passera peut-être par cette proposition de loi, si elle est adoptée définitivement, mais également par l’action de terrain. Cela suppose que l’on soit non dans le conflit, mais dans la construction collective ; si l’on se réfère aux principes que nous avons tous énoncés, normalement, nous sommes à peu près tous d’accord…