Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 10 décembre 2020 à 14h30
Préservation des biens communs pour la construction du monde d'après — Rejet d'une proposition de loi constitutionnelle

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les actions du Gouvernement ne vont pas à la vitesse des urgences climatiques et écologiques. Vous le savez, madame la ministre, car je connais vos convictions ainsi que leur sincérité.

Je remercie Mme Bonnefoy et ses collègues de proposer à notre réflexion et à notre étude la place que peuvent occuper les biens communs.

Ces derniers peuvent être définis de différentes façons. Ils procèdent d’une nouvelle classification des biens dans la sphère économique. Il s’agit de biens rivaux, dont la consommation par une personne va diminuer la capacité de consommation par une autre personne, et de biens non exclusifs, dont l’accès ne peut être restreint.

Les biens communs étant souvent des biens ressources, ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux, du fait de la diminution des ressources naturelles. C’est vrai pour les biens communs en France comme pour les biens communs de l’humanité, à l’instar de l’eau.

Je comprends très bien qu’il puisse être compliqué de légiférer à ce sujet, monsieur le rapporteur. Vous avez raison.

Cela dit, devons-nous ne rien faire ?

En bon méridional que je suis, je veux vous citer l’exemple des prud’homies de pêche de Marseille au travers des siècles. Ces dernières existent depuis le Moyen Âge. L’équilibre qui a été trouvé par les pêcheries locales, dans les restrictions acceptées par tous pour les zones et les jours de pêche, dans la résolution des conflits, dans la répartition des ressources et dans l’attention portée au renouvellement de la ressource en poissons pour éviter tout épuisement irréparable a été exemplaire, mais cette gestion du bien commun a été mise à mal par deux éléments qui permettent de comprendre l’intérêt réel de cette proposition de loi constitutionnelle pour la protection des biens communs : l’arrivée de nouvelles technologies de pêche, qui a perturbé l’équilibre du processus de renouvellement de la ressource, le « progrès » n’étant pas toujours source de bien-être, et l’arrivée de pêcheurs venus de l’extérieur, qui a fait basculer l’équilibre compétitif, puisqu’il s’agissait d’un intérêt commercial, et marqué la fin de l’acceptation de ces règles d’exploitation durable.

Il me semble important de tirer les enseignements de cette expérience. Au vu du contexte actuel, cet avertissement devrait nous amener à avoir pour ambition une gouvernance à long terme, acceptée par tous, garantissant une répartition équitable des biens communs et assurant la préservation de l’environnement, de la biodiversité, de l’eau et de l’air – de la vie, en quelque sorte.

Les auteurs du texte qui est soumis à notre examen nous interpellent sur la nécessité de penser ces biens communs comme des biens réellement à part, mais leur qualification ainsi que la portée et la valeur juridique de leur inscription dans la Constitution laissent encore des questions en suspens.

Comment inscrire la protection effective de ces biens communs en tenant compte du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre ? On l’a fait à moult reprises quand on a dû exproprier pour construire des lignes de TGV – pas toujours très bien d’ailleurs. On l’a également fait dans le cadre de la santé, via la production et la distribution de médicaments sous le régime de licences d’office. Nous acceptons donc d’ores et déjà, dans certains cas, que l’intérêt général prime sur des intérêts privés et sur ces autres droits.

La préservation de la biodiversité ne devrait-elle pas accéder à ce statut d’intérêt général ? Alors que les règles de la mondialisation ne prennent pas en compte l’aspect durable de l’exploitation des ressources naturelles, comme le montrent les choix faits par l’Europe, dictés par des normes comptables, il est temps, me semble-t-il, de commencer à prendre des mesures juridiques pour préserver nos biens communs.

L’introduction de la notion de protection des biens communs mondiaux au niveau constitutionnel, le renvoi au pouvoir législatif de la protection des sols et de l’autonomie alimentaire, mais aussi des mesures garantissant le respect des biens communs par l’encadrement du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre, tels sont les objectifs du texte qui nous est proposé.

Notre groupe adhère à ces objectifs, approuve la démarche et défend cette inscription au cœur de la Constitution. Il votera donc cette proposition de loi.

La pétition « Notre affaire à tous », qui a recueilli plus de 2 millions de signataires, s’est transformée en une action en justice, qui a déjà obtenu gain de cause une fois et va se perpétuer, montre bien que la voie juridique doit également être utilisée.

Les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle ont raison de montrer que le niveau supranational est le niveau de réflexion nécessaire de protection pour la préservation de nos biens communs. Nombreux y verront un optimisme infondé, mais, dans notre démarche, qui va du local au global, c’est notre pays, le local, qui doit prendre l’initiative. Nous invitons le Gouvernement à tout mettre en œuvre et à agir d’une manière rapide et concrète dès maintenant pour une protection globale des biens communs, que ce soit au niveau français, européen ou mondial.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion