Intervention de Jean-Claude Tissot

Réunion du 10 décembre 2020 à 14h30
Préservation des biens communs pour la construction du monde d'après — Article 2

Photo de Jean-Claude TissotJean-Claude Tissot :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 2 a pour objet d’inscrire dans la Constitution la protection du sol, ainsi que la garantie de la sécurité et de l’autonomie alimentaires parmi les grands domaines dont la loi détermine les principes fondamentaux.

Ces dernières années, la jurisprudence tend certes à évoluer vers un rééquilibrage entre la liberté d’entreprendre et la protection de l’environnement. Toutefois, avec cette proposition de loi, nous ne souhaitons pas simplement donner un coup d’accélérateur, bien nécessaire à cette évolution ; nous proposons un réel changement de paradigme.

Voilà quelques mois, dans cet hémicycle, à la sortie du premier confinement, nous évoquions tous la nécessité de préparer le monde d’après. Nous étions sonnés par cette crise inédite et par ce qu’elle avait révélé de l’état de dépendance de notre pays dans toute une série de productions, non seulement stratégiques, mais aussi vitales, dont, bien évidemment, l’agriculture.

En juin, le débat sur le rapport d’information Vers une alimentation durable : un enjeu sanitaire, social, territorial et environnemental majeur pour la France ? avait notamment fait ressortir l’urgence pour notre pays d’être plus résilient sur le plan alimentaire, afin de ne pas être aussi démuni face aux prochaines catastrophes. Mais les réponses concrètes qui ont émergé depuis sont loin d’être à la hauteur de cette exigence essentielle.

Aujourd’hui, nous ne pouvons plus être dans une posture défensive et nous contenter de corriger, rustine après rustine, les conséquences les plus visibles des excès ou des dérives de l’économie de marché. C’est pourquoi, avec ce texte, nous ne voulons pas simplement autoriser le législateur à porter plus largement atteinte au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre. Nous proposons de définir positivement ce qui doit exister en dehors du marché, ce qui doit être régi par des principes fondamentaux propres.

Ainsi que le disait déjà en 1944 Charles de Gaulle, « les grandes sources de la richesse commune doivent être dirigées et exploitées non point pour le profit de quelques-uns, mais pour l’avantage de tous ». S’il n’a pas inscrit ces mots dans la Constitution de 1958, rien ne nous empêche aujourd’hui de donner corps à cette idée au travers de la notion de « biens communs ».

Les biens communs se définissent comme une approche alternative de la gestion de biens et de services qui bouscule le modèle économique dominant basé sur la propriété, mais aussi comme un imaginaire politique renouvelé. Les inscrire dans la Constitution permettra d’ouvrir la porte de cet imaginaire, pour que le législateur puisse penser des solutions qui permettront non seulement de préserver l’existant, mais aussi de bâtir véritablement ce monde d’après dont nous avons tant besoin.

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