Intervention de Olivier Jacquin

Réunion du 10 décembre 2020 à 14h30
Contribution exceptionnelle sur les assurances — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Olivier JacquinOlivier Jacquin :

Si ! Vous l’avez écrit et affirmé en commission des finances.

Nous avons au moins appris que le chiffre allégué d’environ 2 milliards d’euros de sur-profits était proche de la réalité, avec toutefois une grande variété de situations. Ainsi, dans le domaine des catastrophes naturelles, en mars et avril derniers, les sinistres ont augmenté – vous citez ce chiffre – de 43 %. Dans le domaine des assurances professionnelles, on constate également une augmentation des sinistres. Sur les sinistres de la branche automobile, en revanche, les économies ont été importantes. Quant au domaine de la protection santé, les sinistres y seraient, à ce jour, en légère hausse.

Mais l’inquiétude des assureurs est énorme pour 2021, puisque les contrats collectifs prévoyance et santé s’appliquent même après le dépôt de bilan d’une entreprise, pendant douze mois ; le cas échéant, il n’y aurait pas de cotisations en 2021, mais bien des droits à payer.

La variété est donc immense. Je voudrais vous parler, de ce point de vue, d’une grosse mutuelle spécialisée dans le domaine du spectacle – elle n’a pas souhaité être citée. Elle perd près de 100 millions d’euros de cotisations professionnelles à cause de l’arrêt des activités. Son activité d’assurance annulation d’événements culturels essuie d’énormes pertes cette année. Notre dispositif permettrait d’aller dans la nuance et de ne pas taxer cette société d’assurances, qui est victime de la crise. En revanche, une autre société d’assurances disposant d’un portefeuille spécialisé dans l’automobile serait, elle, contributrice.

Troisième point : vous évoquiez la participation généreuse des assureurs – souvenez-vous : ils avaient mis 200 millions d’euros dans le panier du Fonds de solidarité ; moins d’une semaine plus tard, devant le tollé provoqué par le ridicule de cette somme, ils annonçaient 400 millions d’euros ! Aujourd’hui, on entend des déclarations de générosité incroyables : ils donneraient près de 4 milliards d’euros ! Les chiffres sont très variables ; comme pour le Téléthon, comme pour l’incendie de Notre-Dame de Paris, il faudra, le moment venu, les comparer à la réalité.

Quatrième point : comme il est signalé dans les rapports de l’ACPR, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, et de la direction générale du Trésor, ce n’est qu’en avril 2021 que nous connaîtrons effectivement l’impact réel pour les assurances non-vie. D’où l’intérêt de ce dispositif ! Il ne sera pas aveugle et ira taxer à l’endroit précis où des sur-profits sont réalisés.

Un mot sur un point qui vous inquiète, monsieur le rapporteur, et qui inquiète la partie droite de l’hémicycle : vous évoquez une « nouvelle doctrine fiscale » et les risques attachés à sa pérennisation, qui reviendrait à taxer opportunément ou conjoncturellement tel ou tel secteur quand ça va bien pour lui : les marchands de glace pendant une canicule, les marchands de parapluies en cas de mauvais temps. C’est ce que feraient les socialistes, selon vous.

Vous avez raison, le risque économique, pour une entreprise donnée, ne s’appréhende pas à l’année, mais sur un cycle plus long. L’agriculteur que je suis sait très bien que les bonnes récoltes viennent effacer les mauvaises, et que l’on compte en permanence sur les premières.

Notre dispositif est exceptionnel et fondé sur l’état d’urgence sanitaire. Mais son caractère pérenne vous gêne et vous inquiète. Nous avons bien vu comment vous réagissiez à nos demandes d’un taux majoré exceptionnel d’impôt sur les sociétés cette année. Une telle majoration exceptionnelle aurait pourtant été vraiment juste, et préférable à ce dispositif, que je ne présente que par défaut !

Mais vous n’en avez pas voulu : vous votez en applaudissant la baisse de l’IS et des impôts de production pour 10 milliards d’euros. Ça, c’est dogmatique et aveugle !

Quant à vous, madame la secrétaire d’État, votre gouvernement augmente discrètement la taxe de solidarité additionnelle (TSA) de 1, 5 milliard d’euros – les assurés ne verront pas directement que c’est vous qui en avez décidé ainsi par décret…

Le groupe Les Républicains du Sénat, lui, a voté la taxe Husson sur les primes d’assurance, taxe aveugle et injuste, au taux de 2 %.

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