Intervention de Olivia Grégoire

Réunion du 10 décembre 2020 à 14h30
Contribution exceptionnelle sur les assurances — Rejet d'une proposition de loi

Olivia Grégoire :

Je mesure, là encore, l’incompréhension et la colère de ces entreprises. Je rappellerai seulement que le Gouvernement ne s’est pas, à ce propos, contenté d’un constat, et qu’il a cherché à faire bouger les lignes. Bruno Le Maire a pris l’initiative, dès le printemps dernier, de convoquer à plusieurs reprises les assureurs pour composer avec eux une réponse immédiate et opérante aux problématiques auxquelles sont exposés les secteurs les plus sinistrés.

Les assureurs ont pris des engagements financiers : leur effort est au total d’un peu plus de 3, 2 milliards d’euros, dont 400 millions d’euros de participation directe au Fonds de solidarité, premier acte de solidarité significatif et bienvenu.

Pour autant – votre proposition de loi en témoigne –, la deuxième vague a rendu nécessaire une nouvelle participation des assureurs pour répondre aux besoins des entreprises les plus touchées. Cette demande a été entendue. Nous avons travaillé, sous l’impulsion de Bruno Le Maire, mais aussi de nombreux parlementaires, à un nouvel accord. Je veux profiter de cette tribune pour remercier la Fédération française de l’assurance pour son implication ; son esprit de solidarité nous a permis, ce lundi – vous le savez –, de conclure ce nouvel accord que je souhaiterais détailler.

Quatre mesures de soutien d’urgence ont été prises. Premièrement, un gel des primes pour l’année 2021 a été décidé à destination de secteurs identifiés et profondément sinistrés par les restrictions économiques. Cette mesure vise les TPE et PME des secteurs de l’hôtellerie, des cafés, de la restauration, du tourisme, de la culture, du sport et de l’événementiel. L’impact de cette mesure destinée aux professionnels est réel sur leur trésorerie, l’objectif étant de soutenir la relance de leur activité.

Deuxièmement, une couverture d’assistance gratuite a été mise en place pour les chefs d’entreprise et salariés hospitalisés à cause de la covid-19 ; cette couverture santé proposera des indemnités de convalescence de 3 000 euros et d’autres indemnisations annexes couvrant notamment la garde d’enfants ou la livraison de repas à domicile.

Troisièmement, les contrats seront conservés en garantie jusqu’à la fin du premier trimestre 2021 pour les entreprises qui connaîtraient des retards de paiement des cotisations.

Quatrièmement, la médiation de l’assurance sera ouverte aux professionnels, qui pourront saisir le médiateur pour tout litige sur leur contrat d’assurance professionnelle. Avec son concours, un accord à l’amiable pourra être proposé pour des litiges portant par exemple sur l’évolution des garanties contractuelles, un refus de renouvellement des couvertures ou la résiliation d’un contrat.

Cette mesure répond directement aux difficultés rencontrées par les entreprises en matière d’indemnisation des pertes d’exploitation liées notamment à la crise sanitaire.

Le Gouvernement croit à la logique du dialogue, qui doit l’emporter sur la logique du conflit, qui plus est en temps de crise. Les assurés et les assureurs ont besoin d’un tel espace de communication pour trouver ensemble des solutions individualisées et pertinentes.

De cette crise, nous avons appris que l’anticipation du risque pandémique devait intégrer notre politique assurantielle. Plusieurs voix se sont élevées pour demander la création d’une assurance pandémique obligatoire. Il ressort aujourd’hui des travaux et des longues concertations organisées depuis le printemps dernier que les entreprises ne sont pas encore prêtes à suivre cette voie, qui impliquerait forcément – vous le savez – de nouvelles cotisations obligatoires.

En revanche, nous continuons de travailler à la mise en œuvre de solutions individuelles et facultatives de gestion du risque, permettant de renforcer la résilience des entreprises, mais aussi leur capacité à affronter des crises de grande ampleur, sans rigidifier leurs charges.

Concrètement, nous donnerons la faculté aux entrepreneurs de se constituer des provisions dans des conditions fiscales avantageuses qui permettront de mettre de l’argent de côté si jamais une nouvelle pandémie devait survenir.

En attendant, je juge plus utile que nous nous en tenions à l’accord obtenu : il s’agit de mesures concrètes, effectives, coconstruites et plutôt constructives, aux effets directs sur le quotidien des entreprises. C’est par l’apaisement que nous trouverons des solutions, là où la confrontation n’a plutôt tendance qu’à créer des problèmes.

Un examen du fond de la présente proposition de loi conforte la position du Gouvernement.

Malgré un niveau de taxation du sur-profit très élevé, il y a en effet de fortes chances que le rendement final de la taxe soit faible, voire nul. Même en retenant les hypothèses les plus optimistes, nous estimons que le rendement de la mesure proposée ne dépasserait pas les 400 millions d’euros ; en outre, plusieurs techniques assurantielles de mise en provision pourraient trop facilement annuler les sur-profits éventuels, et donc anéantir une bonne partie de l’assiette de la taxe. Bref, ce dispositif serait assez facilement contournable ; il ne saurait donc être un bon substitut à des engagements fermes et d’ores et déjà négociés.

C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n’est pas favorable à ce texte. Nous croyons en l’esprit de solidarité existant dans notre pays. L’accord que nous avons trouvé avec les assureurs en témoigne, de même que les efforts redoublés du Gouvernement et des parlementaires pour adapter en permanence nos dispositifs de soutien aux nouvelles situations créées par les pandémies.

Nous sortirons de cette crise ! Mais nous en sortirons en aidant nos victimes, et pas forcément en cherchant des coupables !

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