Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un bon accord vaut mieux qu’une loi hâtive !
Le ministre Bruno Le Maire nous l’a encore démontré lundi, au travers d’une négociation rondement menée. Le Sénat y a certes un peu contribué, puisque l’amendement, qualifié de « brutal », mais bel et bien voté par notre chambre sur l’initiative du rapporteur général de la commission des finances, fut un argument de poids brandi par le ministre et relayé par les médias. Le Sénat a donc, bon gré, mal gré, participé à la réussite de l’accord obtenu par le ministre. Dont acte !
Ainsi, à sa demande, les assureurs ont consenti un gel des primes de l’assurance multirisque professionnelle non seulement pour les cafés, les hôtels et les restaurants, mais également pour les secteurs de l’événementiel, du tourisme, du sport et de la culture.
Nous en conviendrons tous, cet accord est plus approprié, au final, qu’une taxe brouillonne et tardive. Brouillonne, car elle frapperait indifféremment tous les secteurs de l’assurance – hors assurance vie – de manière récurrente et récursive. Tardive, car la navette législative pourrait encore mettre des mois avant d’aboutir.
L’accord obtenu par le ministre permettra concrètement de venir en aide immédiatement aux secteurs les plus touchés par la crise sanitaire et par les mesures de fermeture administrative. C’est au final l’objectif principal recherché et partagé, j’en suis certain, au-delà de nos clivages, par les auteurs du texte soumis à notre approbation.
L’accord trouvé avec les assureurs va encore plus loin pour soutenir les entreprises en difficulté. Ces derniers se sont engagés à maintenir les garanties pour les assurés en cas de retard de paiement au premier trimestre 2021, mais également à offrir gratuitement une couverture supplémentaire d’assistance pour les chefs d’entreprise et leurs salariés touchés par la covid.
Rappelons que les assureurs se sont engagés en mars dernier, à la demande du Gouvernement, à verser 400 millions d’euros au Fonds de solidarité et à faire un geste commercial de 1, 35 milliard d’euros pour leurs assurés les plus touchés par la crise, dont 450 millions d’euros pour les petites entreprises et les indépendants, 550 millions d’euros pour les personnes les plus exposées au covid-19, 150 millions d’euros pour le personnel soignant et 200 millions d’euros pour l’ensemble des ménages. Bien sûr, nous ferons ensemble le bilan de toutes ces mesures.
Nous pouvons certes toujours discuter et débattre de la juste contribution du secteur des assurances en ces temps de crise, une interrogation qui vaut d’ailleurs pour d’autres secteurs, eu égard aux effets de la crise sanitaire sur nos modes de consommation. Bref, il s’agit d’un vaste débat.
Mais où placer le curseur ? Et avec quel recul devons-nous agir ? Dans la gestion de l’urgence, il ne s’agirait pas de céder à la tentation de la facilité punitive et englobante, ni à celle de l’approximation contre-productive ! Un bon accord nous semble donc encore une fois constituer la voie à suivre. C’est la méthode la plus efficace pour apporter une réponse rapide et adaptée à l’urgence du moment.
Revenons à la proposition de loi qui nous est soumise cet après-midi et qui a été rejetée la semaine dernière par la commission des finances. Ce texte vise à taxer la hausse du résultat d’exploitation de toutes les entreprises d’assurance, hors assurance vie. La taxation devrait s’appliquer chaque fois que l’état d’urgence sanitaire serait établi, quelles que soient sa durée et l’étendue des mesures décidées. Ce dispositif nous paraît trop vague et trop large pour être pertinent et applicable, comme cela a été rappelé lors de nos débats en commission.
Certes, nous avons pu constater pour les mois d’avril et de mai 2020 une diminution des sinistres payés de 25 %, avec une baisse de 1, 9 milliard des prestations sur la période, comme l’a souligné en commission notre rapporteur. Mais ce constat est bien plus nuancé sur l’ensemble de l’année.
Les responsables de la Fédération française de l’assurance, la FFA, ont reconnu lors de leur audition une baisse de la sinistralité de 1, 4 milliard d’euros sur l’année pour l’assurance dommages, mais, pour le reste des secteurs, la tendance s’est inversée. Cette baisse est largement compensée par la hausse de 2, 6 milliards d’euros des sinistres de la branche « professionnels » et de 820 millions d’euros pour les autres branches. Je note même, à la lecture du rapport de notre collègue Claude Nougein, qu’en avril et mai 2020 les sinistres payés en raison des catastrophes naturelles auraient augmenté de 43 % si on les compare à 2019.
Chers collègues, la taxe qui nous est proposée dans ce texte ne fait pas de détail. Tous les assureurs y sont soumis, pour toute l’année, quels que soient l’état du marché et les sinistres déclarés.