Intervention de Pascale Gruny

Réunion du 10 décembre 2020 à 14h30
Contribution exceptionnelle sur les assurances — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise sanitaire a frappé notre économie de plein fouet. Malgré les mesures de soutien massives de l’État, nombre de nos concitoyens sont aujourd’hui en réelle difficulté et nombre d’entreprises jouent, ou joueront dans les mois à venir, leur survie.

Dès le début de la crise, la question de la participation des assureurs au soutien de l’économie s’est posée dans le débat public. Ce débat est légitime. De fait, il est normal qu’on attende de ce secteur qu’il prenne sa part de l’effort national et se mobilise en cas de survenance d’une telle crise sanitaire.

Tel est l’objectif affiché par les auteurs de cette proposition de loi, qui vise à créer une contribution exceptionnelle sur le résultat d’exploitation des entreprises d’assurance non-vie, dès lors que l’état d’urgence sanitaire a été appliqué au cours d’un exercice comptable. Concrètement, il s’agit de cibler les sur-bénéfices engrangés par les compagnies d’assurances du fait de la crise sanitaire, qui a entraîné une baisse significative de l’accidentologie et de la sinistralité.

Si cet objectif est louable, la réponse proposée par nos collègues risque de se heurter à de nombreux écueils.

D’abord, en visant une disposition fiscale liée à l’état d’urgence sanitaire, les auteurs de la proposition de loi supposent que ce régime entraîne automatiquement une hausse du résultat d’exploitation, ce qui est loin d’être évident pour le secteur des assurances non-vie. Cela constitue aussi une immixtion excessive dans la gestion de l’entreprise.

Ensuite, la proposition de loi crée une disposition fiscale pérenne, risquant ainsi de faire naître des réclamations sectorielles chaque fois qu’un secteur produira des bénéfices lors d’une période économique dégradée.

Plutôt qu’un système de taxation pérenne, il conviendrait d’envisager un dispositif fiscal ponctuel, à l’image de ceux adoptés par notre assemblée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances pour 2021. Ces dispositifs fiscaux exceptionnels n’ont vocation à s’appliquer qu’au cours d’un ou de deux exercices budgétaires.

En outre, toute initiative doit tenir compte des perspectives mitigées de rentabilité du secteur à moyen et long termes.

Le secteur assurantiel français compte plusieurs leaders mondiaux et fait face aujourd’hui à une concurrence européenne et mondiale. Il ne faudrait pas que des décisions trop brutales fragilisent nos compagnies à moyen terme. Or le dispositif de la proposition de loi est trop large et le taux de contribution proposé, prohibitif – 80 %.

Il faut ajouter que les acteurs de l’assurance n’ont pas tous été touchés de la même manière par la crise : en fonction du domaine d’activité, celle-ci a eu des conséquences plus ou moins graves.

N’oublions pas non plus que, à la suite des demandes répétées du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Gouvernement, le secteur assurantiel a déjà contribué au soutien du tissu économique en réponse à la crise sanitaire. Pour les seuls adhérents à la Fédération française de l’assurance, les gestes commerciaux consentis se seraient élevés à 2, 6 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter un abondement du Fonds de solidarité à hauteur de 400 millions d’euros.

Si la mobilisation des assureurs en réponse à une crise sanitaire est tout à fait justifiée, elle doit reposer sur le cœur de métiers des assureurs : l’indemnisation d’un risque prévu contractuellement, via l’instauration d’une couverture assurantielle applicable au risque sanitaire pour les entreprises.

Telle est l’orientation pragmatique choisie par le Sénat à travers plusieurs initiatives récentes, dont celle de notre collègue Jean-François Husson. Sa proposition de loi, adoptée en juin dernier par le Sénat, constitue une première réponse adéquate, en prévoyant l’instauration d’une garantie obligatoire pour indemniser les entreprises en cas de crise sanitaire.

Lors de l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative, le Sénat avait également adopté deux dispositifs fiscaux motivés par le souci d’instaurer une contribution exceptionnelle du secteur assurantiel en réponse aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Ils n’ont toutefois pas été retenus lors de la commission mixte paritaire.

Je déplore les lenteurs du Gouvernement pour trancher la question de la participation des assurances à l’effort national : il ne s’est pas saisi de la proposition de loi Husson, a mis en place un groupe de travail dont le devenir des propositions est inconnu et n’a pas repris non plus les propositions de nouveau mécanisme avancées par la Fédération française de l’assurance.

Mes chers collègues, la covid-19 nous a fait prendre conscience qu’il n’était plus possible de s’exonérer du risque sanitaire. Mais parce que cette proposition de loi ne prévoit pas le dispositif le plus adapté pour anticiper ce nouveau risque, ni même pour faire participer les assurances à la solidarité nationale, nous ne pouvons pas la voter.

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