Intervention de Claudine Lepage

Réunion du 15 décembre 2020 à 14h30
Restitution de biens culturels au bénin et au sénégal — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est très difficile, vous en conviendrez, de s’exprimer après Pierre Ouzoulias.

Nous examinons donc en nouvelle lecture et après l’échec de la commission mixte paritaire le projet de loi relatif au retour de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se félicite tout d’abord de ce que les articles 1er et 2 du projet de loi, qui prévoient la restitution des vingt-six pièces du trésor de Béhanzin, provenant du pillage du palais d’Abomey en 1892, et du sabre d’El Hadj Omar Tall, aient été adoptés conformes. En effet, cette demande répond aux attentes de la société civile africaine, qui agit depuis de nombreuses années pour que reviennent sur son sol les biens culturels dont elle a été privée pendant la colonisation.

Nous sommes aussi convaincus que ces restitutions sont un signal important transmis à l’Afrique et notamment à sa jeunesse, qui souhaite pouvoir accéder à son histoire ; elles joueront un rôle majeur pour permettre à cette jeunesse de retisser le lien avec son histoire et renforcer son identité.

Nous aurions pu, mes chers collègues, décider d’en rester là, mais c’eut été une erreur, car nous sommes tous conscients qu’à l’avenir d’autres pays africains souhaiteront que leur soient restitués des biens culturels dont ils ont été dépossédés durant leur histoire.

Pour éclairer les pouvoirs publics, nourrir le débat et assurer une totale transparence sur le retour des biens culturels, nous avons donc voté en faveur d’un amendement proposé par notre collègue rapporteure Mme Morin-Desailly, visant à la création d’un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels. Malheureusement, les députés de la majorité s’y sont opposés au cours de la commission mixte paritaire et lors de l’examen en nouvelle lecture. Nous le regrettons, car nous estimons que ce conseil est indispensable pour empêcher des dérives et éviter que la décision du retour de biens culturels soit prise en catimini, comme cela fut le cas lors du prêt à Madagascar de la couronne du dais de Ranavalona III, conservée depuis 1910 au musée de l’Armée. La décision du Gouvernement de remettre cette partie de couronne aux autorités malgaches sans en informer le Parlement, et ce alors même que nous examinions ce projet de loi en première lecture, démontre bien toute l’utilité que pourrait avoir ce conseil.

De plus, alors que nous pouvons compter dans notre pays sur la compétence scientifique de conservateurs, d’historiens et d’historiens de l’art, il serait plus que dommageable de nous priver de leur expertise et de leurs travaux, lesquels permettraient au retour des biens culturels de bénéficier d’un plus large consensus national. Pourquoi en effet nous priver de leur expertise, si ce n’est pour souhaiter que le retour des biens culturels se fasse à l’abri des regards, sans concertation ni consultation du Parlement ?

C’est donc pour qu’à l’avenir la restitution des biens culturels ait lieu dans la plus grande transparence et pour éviter qu’elle ne repose uniquement sur des enjeux diplomatiques et n’aboutisse à des décisions solitaires que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain juge indispensable la création d’un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels.

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