Intervention de Abdallah Hassani

Réunion du 15 décembre 2020 à 14h30
Restitution de biens culturels au bénin et au sénégal — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Abdallah HassaniAbdallah Hassani :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat et l’Assemblée nationale se sont accordés, à l’unanimité des suffrages exprimés, sur l’objectif premier du projet de loi examiné aujourd’hui en nouvelle lecture : les transferts de propriété au Bénin de vingt-six objets du palais de Béhanzin et au Sénégal du sabre avec son fourreau d’El Hadj Omar Tall, chef toucouleur.

Il s’agit non pas de repentance, mais d’une volonté d’apaiser les conflits de mémoire. Ces gestes participent en effet d’une nouvelle approche de nos relations avec les États africains, sur la base d’un partenariat plus équilibré qui respecte leur volonté de s’approprier pleinement leur histoire. Possibilité est ainsi donnée à leurs populations d’accéder, chez elles, à des œuvres de leur culture et de leur civilisation. D’une forte portée symbolique et parfois spirituelle, ces œuvres contribuent à un sentiment de fierté, de confiance en soi et d’espoir, nécessaire à l’édification d’une société prospère.

Toutefois, la commission mixte paritaire n’a pas été conclusive.

Pour une raison de sémantique d’abord. La majorité sénatoriale a préféré le mot « retour » au mot « restitution », qui sous-entendrait une mainmise illégitime. Restitution est un terme pourtant plus précis qui contribue à une exigence de vérité sereinement assumée.

Le désaccord des deux assemblées porte ensuite, et surtout, sur la création par le Sénat d’une instance supplémentaire : le conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extraeuropéens. Voilà un ajout qui ouvre grand la voie à d’autres transferts. Il semblait pourtant convenu par tous qu’on resterait, avec ce projet de loi, dans le domaine de l’exception et que le caractère inaliénable de nos collections publiques demeurerait la règle. Les membres de ce conseil restreint nommés par les ministres de la culture et des affaires étrangères donneraient, ou non, leur quitus à de futures aliénabilités de biens culturels et émettraient, de façon plus générale, une ligne de conduite en la matière.

Les demandes béninoise et sénégalaise ont fait l’objet d’une démarche diplomatique, historique et scientifique, menée conjointement par les ministères des affaires étrangères et de la culture. C’est aux parlementaires, représentants du peuple, qu’il revient ensuite d’auditionner les experts, les professionnels de nos musées, les historiens, les ethnologues et toute personne susceptible de les éclairer, puis de se prononcer sur l’opportunité, ou non, du transfert de propriété d’œuvres d’art acquises par la France tout au long de son histoire. Garantir un traitement rationnel et contradictoire, n’est-ce pas l’essence du débat parlementaire ? Créer un tel conseil pourrait laisser penser que le Parlement dans son ensemble ne peut exercer sa tâche avec discernement. Il introduit en outre une dimension générale dans un texte qui ne devait à l’origine traiter que de la cessation d’appartenance aux collections publiques françaises de quelques objets déterminés.

Actant une divergence résolue de points de vue entre l’Assemblée nationale et le Sénat et l’impossibilité d’un rapprochement, la rapporteure a déposé, au nom de la commission de la culture, une motion tendant à opposer la question préalable. Le groupe RDPI regrette vivement qu’un consensus n’ait pas pu être trouvé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion