Intervention de Laurent Duplomb

Réunion du 15 décembre 2020 à 14h30
Débat à la suite de la réunion du conseil européen des 10 et 11 décembre 2020

Photo de Laurent DuplombLaurent Duplomb :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen des 10 et 11 décembre dernier a permis la signature d’un accord fixant, pour 2030, un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1990.

Je ne me prononcerai pas sur cet objectif. Je souhaite simplement alerter sur la nécessité d’un partage collectif de l’effort à fournir, aux niveaux européen et, surtout, mondial.

D’après les conclusions du Conseil, cette ambition écologique « stimulera une croissance économique durable, créera des emplois, sera bénéfique aux citoyens de l’Union européenne sur le plan de la santé et de l’environnement et contribuera à la compétitivité mondiale à long terme de l’Union européenne ».

Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, le diable se cache souvent dans les détails. Je me suis donc demandé comment mettre en musique ces objectifs. J’ai pensé que le plus simple serait de prendre l’exemple de la prochaine politique agricole commune. Rien de tel pour vérifier que les propos sont en adéquation avec les actes !

La feuille de route du Green Deal de la Commission européenne a été publiée voilà quelques mois. Permettez-moi de vous la résumer en quelques chiffres : réduction des engrais de 20 % et des antibiotiques vétérinaires et des pesticides de 50 %. Les objectifs sont louables, chacun peut y être favorable, le citoyen comme l’agriculteur, dans la mesure où cela représentera moins de charges et moins de risques pour ce dernier.

Mais ces chiffres sont-ils réalistes sans réduction massive de la production agricole ? Aucun producteur n’utilise ces produits de gaieté de cœur. S’ils le font, c’est qu’ils n’ont pas toujours le choix. Les réduire dans une telle proportion, sans rien prévoir pour trouver rapidement des alternatives crédibles, notamment en matière de biocontrôle, est une condamnation à mort.

Condamnation à mort que l’on retrouve finalement dans d’autres chiffres de ce même Green Deal, qui prévoit une réduction de 10 % de la surface productive pour la remettre en biodiversité. L’augmentation de la surface agricole en production bio, qui devrait passer de 7 % à 25 % en si peu de temps, se traduira également, on le sait, par une réduction de la production européenne.

On nous propose finalement une décroissance totale, que la Commission européenne n’assume pas, en évitant de fournir une étude d’impact de cette stratégie. Mais, si la Commission rechigne à publier les études d’impact correspondantes, les Américains, eux, le font. Leurs estimations tablent sur une réduction de 12 % de la production agricole de l’Union à l’horizon 2030.

Nous sommes loin de la création d’emploi et de la croissance économique durable. Nous sommes loin également de la santé et de l’environnement, car, en réduisant notre production, nous serons condamnés à importer davantage de biens alimentaires, qui seront produits sans respect des normes que nous fixons à nos agriculteurs et que nous ne pourrons pas contrôler.

Par ailleurs, la Commission accélère la signature de traités de libre-échange, aux termes desquels les agriculteurs européens sont toujours les grands perdants.

Notre souveraineté alimentaire est clairement en danger face à des concurrences déloyales extracommunautaires. Mais notre souveraineté alimentaire française est plus globalement en danger face aux concurrences intraeuropéennes.

C’est tout le problème dans ces objectifs européens : il y aura, comme toujours, de bons élèves et de mauvais élèves. La France se veut à la pointe de ce combat. Mais, en l’état, le dispositif retenu aboutira à ce que notre pays perde ses parts de marché au profit de nos concurrents polonais, allemands ou néerlandais. Rien n’empêchera ce mécanisme !

La nouvelle politique agricole commune prévoit, par exemple, d’augmenter considérablement les obligations environnementales par les « eco-schemes » et un deuxième pilier dédié aux mesures environnementales renforcé. Mais elle prévoit aussi une subsidiarité jamais égalée et permet à chaque pays de ne pas respecter ses obligations environnementales, tout en accordant davantage d’aides au revenu à leurs agriculteurs.

On le voit, derrière les grands objectifs et les grands discours, le diable se cache dans le détail. Nous devons fixer un cap clair – le Conseil vient de le faire –, mais aussi veiller à ce que ce cadre ne se transforme pas, en pratique, en un monstre décroissant qui saperait les fondements de l’Europe !

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