Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du 14 décembre 2020 à 15h00
Conseil économique social et environnemental — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi organique

Éric Dupond-Moretti :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici de nouveau réunis pour discuter devant votre assemblée du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Sur les quinze articles de ce texte, sept ont été définitivement adoptés. En effet, plusieurs modifications d’importance proposées par le Sénat ont été entérinées en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale avec le soutien du Gouvernement, notamment en matière de déontologie.

Après des débats si complets en première lecture, il n’est plus nécessaire, je le crois, d’exposer de nouveau le détail de ce projet de loi organique qui a pour ambition de réformer le CESE, réforme que nous nous accordons tous à considérer comme nécessaire.

Je parle d’ambition, car ce projet de loi organique propose effectivement une réforme ambitieuse pour le CESE. Je pense par exemple à la possibilité qui sera offerte à de jeunes citoyens en devenir de prendre part à la réflexion et au débat publics, avec l’ouverture du droit de pétition à partir de l’âge de 16 ans.

Mais je voudrais aujourd’hui revenir plus précisément sur les points qui restent en débat et qui ont conduit votre commission à déposer une motion tendant à opposer la question préalable.

En premier lieu, ce projet de loi organique, en prévoyant la possibilité pour le CESE de recourir au tirage au sort, ne menace en rien la démocratie représentative.

Je l’ai déjà dit, il n’y a ni confusion ni encore moins concurrence entre, d’une part, l’intérêt de recueillir l’avis de citoyens tirés au sort et, d’autre part, l’exercice de la souveraineté nationale par les représentants de la Nation élus au suffrage universel et qui, seuls, ont la légitimité démocratique.

Renforcer la démocratie participative, ce n’est pas affaiblir la démocratie. Je crois au contraire que, plus nos concitoyens seront associés au débat public, plus la légitimité de ceux qu’ils éliront sera renforcée. C’est le vœu des Français, exprimé à maintes reprises ces dernières années. Nous devons les entendre.

Par ailleurs, et la commission l’a elle-même mentionné, le CESE a déjà eu l’occasion par le passé de procéder à des consultations, en recourant au tirage au sort. Pour autant, et que je sache, cela n’a pas suscité chez nos concitoyens de remise en cause de l’exercice du droit de vote pour élire leurs représentants.

En second lieu, l’article 6 du projet de loi organique, qui donne un effet substitutif à la consultation du CESE, ne va affaiblir en rien les études d’impact.

Nous sommes tous d’accord pour dire que le CESE n’est pas assez consulté, que ce soit par le Gouvernement ou d’ailleurs par le Parlement. Il nous semble que l’une des raisons qui expliquent ce délaissement est la multitude d’organismes consultatifs, qui sont autant de concurrents pour le CESE.

En accordant une place prépondérante au CESE, en cohérence avec celle qu’il tient dans nos institutions républicaines, nous allons lui redonner de l’attractivité. Et cela ne va en rien nuire à la richesse des consultations ou à la clarté de la répartition des compétences entre les différents organismes consultatifs.

Tout d’abord, nous avons la chance, avec le CESE, de regrouper, au sein d’une même institution, des profils et des compétences extrêmement variés qui seront pleinement de nature à assurer un avis d’une grande richesse, comme c’est d’ailleurs déjà le cas.

Ensuite, les discussions que nous avons eues en première lecture ont permis d’affiner le périmètre de l’effet substitutif de la consultation du CESE, tout en préservant la consultation d’instances éminentes comme le Comité des finances locales.

Enfin, la commission des lois de l’Assemblée nationale a apporté en nouvelle lecture une autre garantie qui me paraît essentielle : le CESE pourra toujours consulter, dans le cadre de l’élaboration de ses avis, les instances consultatives compétentes. L’expertise de ces divers organismes pourra donc nourrir les avis du CESE et enrichir nos réflexions sur les projets de loi concernés.

Pour toutes ces raisons, je crois que cette nouvelle rédaction de l’article 6 est de nature à atteindre nos objectifs, tout en répondant à vos craintes.

L’autre grand sujet de discussion que nous rencontrons concerne la composition du CESE.

D’abord, je m’inscris en faux avec l’analyse qui consiste à dire qu’en diminuant le nombre de membres du CESE, on l’affaiblirait. Ce nombre a augmenté depuis l’adoption de l’ordonnance de 1958 ; est-ce que le Conseil en a été renforcé ? Je ne le crois pas. Ce sont deux termes distincts de l’équation.

Le Gouvernement tient donc à la réduction de 25 % du nombre de membres du CESE, pour l’établir à cent soixante-quinze, et à la refonte de sa composition en quatre grandes catégories, dont le détail sera fixé par voie réglementaire après avis d’un comité consultatif. Ces modifications permettent d’atteindre un équilibre entre tous les intérêts représentés.

La représentation de nos outre-mer au sein du CESE suscite par ailleurs, je le sais, une attention toute particulière et bien légitime de la part de votre assemblée. Je voudrais ici essayer de vous rassurer quant aux garanties qui ont été apportées.

Si le CESE ne représente pas les outre-mer, en revanche, la représentativité équilibrée de l’ensemble des composantes économiques et sociales de notre pays implique que les outre-mer y soient suffisamment représentés.

C’est dans cet esprit que le Gouvernement a déposé, en nouvelle lecture, un amendement à l’Assemblée nationale pour conforter la place donnée aux outre-mer, en les mentionnant expressément dans la troisième catégorie de membres du CESE relative notamment à la cohésion territoriale et en proposant une représentation des outre-mer à huit membres compte tenu des différents équilibres en cause. Cette nouvelle rédaction nous semble parvenir à un compromis équilibré.

Si j’ai bien conscience que nous n’aurons vraisemblablement pas l’opportunité de discuter de nouveau du fond de cette réforme, voilà les points que je tenais à souligner devant vous aujourd’hui. Et si vous me permettez de regretter l’absence d’accord sur la réforme d’une institution constitutionnelle, permettez-moi également, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, tout en prenant acte de nos désaccords, de vous remercier pour la richesse de nos débats ; ils auront permis à n’en point douter de parfaire le texte, dont nous discutons une dernière fois ensemble.

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