Intervention de Catherine Belrhiti

Réunion du 14 décembre 2020 à 15h00
Répartition des sièges de conseiller à l'assemblée de guyane entre les sections électorales — Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine BelrhitiCatherine Belrhiti :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est, vous le savez, un texte d’ajustement. Il l’est tout d’abord par son objectif : adapter le mode de scrutin de l’assemblée de Guyane à la réalité démographique que connaît le pays. Il l’est ensuite par sa portée, limitée : le texte que nous examinons se contente pour l’essentiel de formaliser et de pérenniser les règles ayant présidé à la répartition actuelle des sièges entre sections.

Permettez-moi d’évoquer le contexte démographique, qui fait, entre autres éléments, la spécificité du territoire guyanais. Après Mayotte, la Guyane est le territoire français qui connaît la plus forte croissance démographique. Alors que sa population comptait 259 965 habitants en 2015, elle atteignait 290 691 habitants au 1er janvier 2020. Cette évolution du nombre des habitants sur le territoire se double d’une modification de leur répartition. En effet, l’augmentation démographique n’est pas uniforme ; elle est différenciée selon les territoires, donc selon les sections électorales. La dynamique démographique est ainsi concentrée sur l’ouest guyanais, sur Saint-Laurent-du-Maroni et, dans une moindre mesure, sur l’agglomération de Cayenne.

Il est du rôle du législateur de tirer les conséquences de cette double évolution démographique. Lorsqu’il a déterminé le mode de scrutin pour les sièges de conseiller à l’assemblée de Guyane, le législateur a en effet prévu une clause de réévaluation de leur nombre lorsque la population guyanaise atteignait deux paliers, fixés à 250 000 et 300 000 habitants. Alors que le premier de ces deux paliers a été franchi et que le second devrait l’être très prochainement, la proposition de loi entend prévoir une solution pérenne et souple pour la répartition des sièges de conseiller à l’assemblée de Guyane.

En l’état actuel du droit, la répartition des sièges entre sections est déterminée directement par la loi, qui prévoit une attribution minimale de trois sièges par section. Le mode de scrutin prévoit également une prime majoritaire de onze sièges à la liste arrivée en tête des suffrages, elle-même répartie entre les différentes sections par le législateur, qui a prévu l’octroi d’au moins un siège par section.

La présente proposition de loi n’a pas pour objet une nouvelle répartition temporaire des sièges, vouée à l’obsolescence après quelques années en raison des évolutions démographiques rapides que connaît la Guyane ; elle vise à instituer un mode pérenne de répartition des sièges. Il s’agit donc non pas de modifier le nombre de sièges par section, mais d’inscrire de manière pérenne dans la loi les règles de répartition des sièges entre les sections, en renvoyant la mise en œuvre de celles-ci à un arrêté du préfet de Guyane avant chaque scrutin.

Dans le détail, la répartition s’effectuerait proportionnellement à la population de chaque section selon la règle de la plus forte moyenne. Chaque section se verrait attribuer, comme aujourd’hui, au moins trois sièges, afin d’assurer la représentation équitable et pluraliste des territoires. La prime majoritaire actuelle serait maintenue et répartie proportionnellement à la population de chaque section, selon la règle de la plus forte moyenne, avec un minimum d’un siège par section, conformément à la pratique actuelle. Elle serait au surplus fixée à 20 % du total des sièges. Cela correspond, pour une assemblée de cinquante et un ou cinquante-cinq membres, au total actuel de onze sièges.

Mes chers collègues, vous en conviendrez avec moi à la lumière de cette rapide présentation, le choix réalisé dans la proposition de loi est celui de la continuité. Il s’agit moins d’une réforme profonde du mode de répartition des sièges que de la formalisation et de la pérennisation de la répartition actuelle, tout en renvoyant à un acte réglementaire la mise en œuvre effective de ces règles. La proposition de loi, qui s’inscrit dans la continuité du dispositif existant et introduit une souplesse procédurale bienvenue, ne semble poser aucune difficulté de fond.

Mes travaux ont donc consisté à m’assurer, d’une part, de l’accord politique sur le texte de l’ensemble des élus concernés et, d’autre part, de sa solidité juridique.

J’ai ainsi consulté autant que faire se peut dans le calendrier contraint qui m’était imposé les élus concernés par la présente proposition de loi. Après avoir entendu Rodolphe Alexandre, président de la collectivité territoriale de Guyane, Lénaïck Adam, député de Guyane et auteur de la proposition de loi, ainsi que mes collègues Georges Patient et Marie-Laure Phinera-Horth, j’ai acquis la certitude que le travail de concertation mené sur cette proposition de loi avait permis de faire émerger un consensus sur sa rédaction.

Cela n’exclut aucunement les débats dont peut faire l’objet le mode de scrutin retenu par le législateur. Je pense en particulier à la question de la prime majoritaire, qui a été évoquée en commission. Néanmoins, pour légitimes qu’ils soient, de tels débats excèdent par leur portée le champ de la présente proposition de loi. Je note surtout qu’aucun des élus de terrain auditionnés lors de mes travaux préparatoires n’a évoqué de difficulté de fond sur le dispositif de la proposition de loi, préférant au contraire – j’y reviendrai – mettre l’accent sur la nécessité de son adoption rapide pour garantir la bonne tenue des élections.

Mes travaux m’ont aussi permis de m’assurer de la solidité juridique du texte. Constatant que certaines harmonisations rédactionnelles devaient lui être apportées, j’ai ainsi proposé à mon homologue à l’Assemblée nationale, Lénaïck Adam, certains amendements, dont l’adoption par les députés a permis d’apporter des clarifications bienvenues dans la rédaction de la proposition de loi.

Je saisis ainsi l’occasion qui m’est offerte pour remercier chaleureusement Lénaïck Adam de sa disponibilité, de la richesse de nos échanges et de la qualité de nos travaux communs. Ceux-ci se sont néanmoins inscrits dans un contexte particulièrement contraint. Comme vous le savez certainement, conformément au rapport de Jean-Louis Debré relatif à l’organisation des élections départementales et régionales, les élections pour l’assemblée de Guyane pourraient être maintenues au mois de mars 2021 si des différences objectives dans la situation épidémiologique le justifiaient. Dans ces conditions, et alors que le dispositif de la proposition de loi prévoit que le préfet de Guyane arrête la répartition des sièges avant le 15 janvier, le Parlement se voit contraint d’adopter la proposition de loi avant le 31 décembre. Cela implique, comme vous le savez, l’adoption du texte par un vote conforme du Sénat.

Bien que je regrette ce calendrier contraint, j’en ai pris acte et j’ai engagé mes travaux en amont de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. En collaboration étroite avec M. Adam, nous avons mené un travail de fond permettant d’identifier et de corriger dès son examen à l’Assemblée nationale les quelques difficultés rédactionnelles que posait le texte, créant les conditions d’une adoption sans modification de la proposition de loi.

Tel qu’issu des délibérations de l’Assemblée nationale, le texte me semble donc équilibré politiquement et solide juridiquement. Dans ces conditions, chers collègues, je vous propose de l’adopter sans modification.

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