Le sujet abordé par cet article est particulièrement délicat. Il s’agit de modifier les critères permettant de déterminer la viabilité d’un enfant.
La suppression de cet article, que sollicite le Gouvernement, ne signifie pas que celui-ci soit indifférent à la situation très douloureuse que vivent les parents concernés. Bien au contraire, depuis plusieurs années, suivant en cela les recommandations du Médiateur de la République, le Gouvernement a mis en œuvre de nombreuses dispositions pour adapter notre législation à la prise en compte de la perte d’un enfant sans vie, c’est-à-dire d’un enfant qui n’est pas né vivant et viable.
Ainsi, dès 2008, des dispositions réglementaires ont été adoptées afin de clarifier les conditions permettant l’établissement d’un acte d’enfant sans vie, de consacrer l’existence de cet enfant par la mention de son prénom sur le livret de famille, ou encore de permettre l’organisation de ses funérailles.
En outre, très récemment, à la fin du mois de mars, le directeur de la sécurité sociale a apporté des éclaircissements aux directeurs des caisses pour que les familles qui ont eu à vivre cette situation dramatique ne soient pas exclues du bénéfice des prestations sociales allouées à toute femme ayant vécu une grossesse.
Le Gouvernement s’attache donc, depuis de nombreuses années, à prendre en compte la douleur des familles en adaptant au mieux les différentes dispositions applicables.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je me dois maintenant de vous expliquer les raisons pour lesquelles nous ne pouvons soutenir l’article 12 ter, qui a été inséré par votre commission des affaires sociales.
La personnalité juridique apparaît dès lors qu’un enfant naît vivant et viable. La viabilité se définit comme la capacité, pour un nouveau-né, de s’adapter à l’environnement extra-utérin et de pouvoir y vivre. Le critère de viabilité doit donc s’apprécier, à travers un examen médical, pour chaque enfant, en vue d’établir éventuellement la personnalité juridique et donc les éventuels droits qui s’y attachent. Le droit actuel prévoit cet examen médical au cas par cas. Or l’article 12 ter vient substituer à cette appréciation individualisée deux critères alternatifs purement anatomiques, constitués, l’un, par une durée de la grossesse d’au moins vingt-deux semaines d’aménorrhée, l’autre, par un poids fœtal d’au moins 500 grammes.
Cela revient à reconnaître automatiquement la personnalité juridique à un enfant dès lors qu’un seul de ces critères est rempli. La question de savoir si l’enfant est en mesure de s’adapter à son environnement extra-utérin est écartée. Ce n’est pas raisonnable.
De plus, l’introduction d’un « effet de seuil » pour caractériser automatiquement l’existence de la personnalité juridique va créer de nombreuses contradictions avec d’autres règles importantes de notre législation.
Comment articulerons-nous cette automaticité avec les situations dramatiques d’interruption médicale de grossesse, qui peuvent intervenir jusqu’à un stade très avancé de celle-ci ?
Les personnels de santé ne se verront-ils pas reconnaître une responsabilité médicale accrue une fois l’un ou l’autre des seuils atteint ?
On le voit, cet article n’atteint pas son objectif et sa mise en œuvre serait au contraire source d’une très grande complexité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’ensemble de ces raisons, que je crois partagées par la commission des lois, justifie l’amendement présenté par le Gouvernement.