Mesdames, messieurs les ministres, je voudrais tout d’abord que vous vous fassiez notre interprète auprès de M. le Premier ministre pour lui souhaiter de ne pas avoir été contaminé, et auprès du chef de l’État, à qui nous souhaitons de franchir cette épreuve sans dommage pour lui-même et ses proches.
Faites-vous aussi notre messager, s’il vous plaît, auprès du préfet de police de Paris : qu’il ait pour le chef de l’État l’indulgence qu’il n’a pas eue envers les Parisiens au printemps dernier, quand il a accusé ceux qui avaient été contaminés d’en être responsables en ayant enfreint les gestes barrières et le confinement, ce qui était très injuste.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ne vous inquiétez pas : à ce stade du débat, je n’entends pas répéter ce que nombre de nos collègues ont déjà très justement exprimé quant aux conditions de réussite de cette stratégie. Je voudrais plutôt me livrer à un exercice de mémoire. En effet, si le passé ne dicte pas l’avenir, du moins il l’éclaire.
Rappelons-nous que notre pays, grâce à la vaccination, a éliminé des maladies violentes : la poliomyélite, la variole, qui a d’ailleurs disparu de la surface de la planète, ou encore la diphtérie. Rappelons-nous d’ailleurs que le vaccin qui a permis l’éradication de la poliomyélite connaissait à l’origine une balance bénéfices-risques assez rude : des enfants ont contracté cette maladie du fait de la vaccination !
Notre époque n’accepte plus un tel rapport bénéfices-risques ; elle en demande un qui soit beaucoup plus net. C’est heureux, c’est le progrès, mais cela nous éclaire sur un point : ce n’est pas parce que de nouveaux outils comportent des risques qu’il faut les écarter.
Or la vaccination est avant tout un outil de santé publique inestimable, parce qu’elle porte une protection individuelle, mais aussi parce que, le plus souvent – nous espérons que ce soit le cas cette fois-ci ! –, elle porte une protection collective. La vaccination est donc un acte de santé publique qui permet aussi de lutter contre l’égoïsme et l’individualisme ; c’est un acte qui nous engage collectivement. Monsieur le ministre, vous pouvez être assuré de notre soutien dans la mise en œuvre de cette stratégie de vaccination de notre population.
Je me souviens aussi d’événements qui sont plus proches de nous et qui éclairent tout autant nos décisions.
Jusqu’en 1995, nos patients mouraient d’un nouveau virus, le VIH ; nos amis en mouraient aussi. Quand sont apparus, cette année-là, de nouveaux traitements antirétroviraux, un débat s’est ouvert sur leurs effets secondaires, qui étaient très importants à l’époque.
Les malades réclamaient que l’on aille vite et que ces traitements soient accessibles à tous. Vous êtes sans doute nombreux à vous rappeler ces débats surréalistes sur le tirage au sort de ceux qui pourraient avoir accès à ces traitements… Heureusement, nous n’en sommes pas là ; il ne faut pas que nous en arrivions là !
Pour cela, nous devons être en mesure, au plus vite, de protéger l’ensemble de ceux qui sont vulnérables, toutes les populations – vous les avez détaillées, monsieur le ministre – qui devront bénéficier au plus vite du vaccin, parce qu’elles développent les formes graves de cette maladie et en meurent davantage.
Vous avez fait le choix, monsieur le ministre, après une hésitation que nous allons tous ici oublier, de nommer Alain Fischer comme responsable du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale.
Or, en 2016, le professeur Fischer avait animé un travail important : une concertation citoyenne sur la vaccination avait été lancée, à la demande de la ministre de la santé de l’époque, parce que, déjà, une grande proportion de nos concitoyens s’interrogeait sur l’intérêt de la vaccination ; il fallait donc agir.
Le rapport qui en est issu était très intéressant. Nous en avions débattu il y a deux ans dans cet hémicycle, lorsqu’Agnès Buzyn, en application de ce travail, est venue nous demander la mise en œuvre de l’une des recommandations de ce rapport, à savoir l’extension de trois à onze du nombre de vaccins obligatoires. Cette recommandation était présentée comme une nécessité provisoire visant à rehausser rapidement les taux de vaccination, notamment contre la rougeole, les oreillons et la rubéole, qui stagnaient alors autour de 80 % chez les enfants.
Néanmoins, ce rapport contenait bien d’autres dispositions. Vous vous en souvenez, car lors des débats dans cet hémicycle, nous avions affirmé que nous voterions en faveur de l’extension de l’obligation vaccinale, tout en soutenant qu’il était absolument nécessaire de mettre en œuvre les autres recommandations, qui, déjà, portaient sur la transparence, le partage de l’information, l’association de nos concitoyens à la politique vaccinale et la communication sur l’intérêt de la vaccination.
Je regrette que ces dispositions-là, pourtant nombreuses, n’aient pas été mises en œuvre. Elles concernaient aussi la nécessité d’expliquer aux enfants en quoi consiste la vaccination, sur la position de l’Opecst à l’égard de la mise en place d’un site numérique unique regroupant l’ensemble des informations sur le vaccin – notre collègue Sonia de la Provôté vient de le rappeler –, ainsi que sur l’association des territoires de santé et des acteurs locaux à la mise en œuvre des politiques de vaccination.
Sans énumérer toutes ces propositions, je rappellerai que leur défaut d’application, depuis plusieurs années, n’a malheureusement pas amélioré l’adhésion de nos concitoyens. Nous arrivons désormais au début de la vaccination, et un grand doute existe dans l’opinion publique.
En responsabilité, monsieur le ministre, nous serons à vos côtés afin de lever ces doutes. Pour ce faire, nous vous appelons, de façon extrêmement forte, à permettre au professeur Alain Fischer de mettre en application, à l’occasion de cette stratégie vaccinale, les dispositions qui étaient contenues dans le rapport de 2016.
Il ne sert à rien de réinventer l’eau tiède tous les quatre matins ; nous ferions bien mieux d’appliquer les bonnes dispositions qui ont déjà été pensées et mûries.