Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis a été adopté en commission des lois, en février dernier, puis en séance, au mois de mars dernier. Le travail du Sénat, sérieux comme de coutume, a été pris en compte par l’Assemblée nationale, de sorte que nos collègues députés ont conservé la quasi-totalité des dispositions sur lesquelles nous avions émis un avis favorable ou que nous avions améliorées.
Vous ne serez donc pas surpris d’apprendre que la commission mixte paritaire est parvenue à un accord, et j’espère que vous confirmerez l’avis favorable que les différents groupes de notre assemblée ont exprimé à cette occasion.
Sans reprendre l’ensemble des dispositifs techniques qui figurent dans le texte, je souhaiterais insister sur quelques points saillants.
Tout d’abord, le Parquet européen est un sujet ancien que nous connaissons bien, puisque notre Parlement a été le premier de l’Union européenne à émettre un « carton jaune », au titre du contrôle de subsidiarité, sur ce qui n’était à l’époque que les prémices du Parquet européen, et dont nous avons ensuite suivi attentivement l’évolution. Ce parquet a fait l’objet d’un règlement en 2017 et nous nous apprêtons désormais à le transcrire dans notre système judiciaire.
L’une des raisons qui nous fait apprécier cette instance tient à ce qu’elle est issue d’une coopération renforcée entre vingt-deux pays. Le Sénat a toujours été très attaché à trouver des chemins intermédiaires entre les décisions européennes prises à l’unanimité et le repli plus dangereux sur les six pays d’origine, ou sur des systèmes à géométrie variable.
Un autre avantage qu’offre le Parquet européen, c’est qu’il témoigne de la volonté commune de vingt-deux États membres de réprimer les atteintes aux intérêts financiers de l’Union européenne. Concrètement, cela signifie que l’Europe ne se perçoit pas simplement comme un marché ou une monnaie, mais qu’elle est aussi un État de droit.
Enfin, le Parquet européen présente une organisation équilibrée entre une partie collégiale et centralisée, et une autre, décentralisée dans les États. Ce système, que nous avons à plusieurs reprises qualifié d’« hybride », est à mon sens tout à fait remarquable, dans la mesure où il parvient à allier deux éléments dont la conciliation nous a longtemps paru inatteignable, tant il est important pour une partie de l’opinion publique et des représentations nationales de maintenir une logique de souveraineté, alors qu’une autre partie reste très attentive à la construction européenne.
Or le texte qui vous est présenté suit non seulement un modèle européen, car il constitue un outil d’intégration supplémentaire, mais il respecte aussi la souveraineté des États, puisque toutes les mesures qui relèvent d’un contrôle des libertés ou de l’appréciation des juridictions de fond resteront examinées par le juge des libertés et de la détention (JLD) français. Le dispositif est donc particulièrement équilibré et opportun.
Il répond également aux recommandations qui figurent dans le rapport de M. Molins, en prenant en compte les subtilités des relations entre le parquet de Paris, le parquet national antiterroriste (PNAT), le parquet national financier (PNF), et les procureurs généraux. Sur ce point, le texte issu du Sénat a été voté conforme par l’Assemblée nationale.
Quant à nos apports sur le deuxième volet consacré à la spécialisation des juridictions en matière d’environnement – et je précise qu’il ne s’agit pas de créer une nouvelle juridiction, mais de procéder à la spécialisation d’une juridiction par cour d’appel – l’Assemblée nationale les a maintenus et complétés. En effet, alors que la spécialisation n’était prévue, comme l’envisageait la chancellerie, que pour la matière pénale environnementale, nos collègues députés l’ont étendue à juste titre aux modalités de réparation, et donc à l’ensemble du contentieux civil.
Le Sénat a également intégré dans le droit de l’environnement la possibilité de recourir à des conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP). Vous connaissez tous la puissance de ces instruments issus de la loi Sapin II, qui ont connu un assez grand succès en matière fiscale. Le texte prévoit de les utiliser en matière environnementale, ce qui permettra, à mon sens, de reproduire une logique pratique qui a fait ses preuves, sans obstacle de transparence démocratique, puisque les conventions, homologuées par le juge, seront rendues publiques selon des modalités spécifiques.
En plus des peines d’amende et des réparations, elles permettront de mettre en place des mesures de monitoring, qui vont au-delà de ce que pourrait faire une juridiction.
Enfin, ce texte résout toute une série d’imperfections législatives et – pour le dire de manière à lui faire davantage honneur – tire les conséquences d’un certain nombre de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), dont quelques-unes ont été traitées au cours de la procédure parlementaire.
Les amoureux de l’histoire du droit, dont M. le garde des sceaux fait partie, car je sais qu’il est très attaché à cette matière, seront satisfaits de constater que, à l’issue d’une de ces QPC, le texte a intégré dans le droit la possibilité d’une réhabilitation des condamnés à mort.