Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le principal objet de ce texte est d’adapter le code de procédure pénale à la spécificité du travail des procureurs européens, délégués français nommés auprès du Parquet européen. De plus, ce projet de loi organise la spécialisation des juridictions en matière environnementale.
Je salue tout d’abord le travail exemplaire de nos deux rapporteurs, Philippe Bonnecarrère au Sénat et Naïma Moutchou à l’Assemblée nationale, et je me félicite de la parfaite ambiance qui a conduit à un accord unanime en commission mixte paritaire.
Il convient ensuite de saluer la mise en place du Parquet européen. Celui-ci sera compétent pour poursuivre les auteurs des fraudes au budget européen, notamment les fraudes transnationales à la TVA, le détournement des subventions européennes et la corruption des fonctionnaires européens.
Jusqu’à présent l’Office européen de lutte contre la fraude (OLAF) identifiait les problèmes, mais ne pouvait pas prendre de sanction directe, de sorte que dans les pays où les juridictions nationales ne fonctionnent pas correctement, les fraudes perdurent en toute impunité.
On ne peut pas, à la fois, critiquer l’Europe et refuser de lui donner les moyens de défendre ses intérêts. La création du Parquet européen en est un, dont le projet a été présenté par la Commission européenne en janvier 2017, puis adopté par règlement, en octobre 2017, en Conseil « Justice et affaires intérieures ».
En raison de l’opposition de plusieurs États membres, le Parquet européen a été mis en place sous forme de coopération renforcée entre vingt-deux d’entre eux. Il constitue un outil de défense majeur des intérêts financiers de l’Union européenne.
La Hongrie et la Pologne font malheureusement partie des pays qui ne sont pas dans cette coopération. Cette absence a justifié de poser une conditionnalité liée au respect de l’État de droit, lors de la discussion du budget et du plan de relance européens. L’accord obtenu grâce à la présidence allemande a permis d’avancer sur ce point, mais l’idéal aurait été que ces deux pays intègrent cette coopération pour lever toute ambiguïté sur la manière dont ils utilisent les fonds européens.
L’historique de Mme Laura Kövesi, en Roumanie, nous incite à la prudence, même si le fonctionnement du Parquet européen, avec deux procureurs délégués par pays membre de la coopération renforcée, est une garantie contre les dérives. On ne peut pas lutter contre la corruption sans respecter l’État de droit. C’est un principe qu’il faut clairement établir, car on a parfois pu avoir l’impression que, en Roumanie, on pratiquait la loi des suspects.
Le Parquet européen constitue néanmoins un progrès majeur dans la construction européenne et pour la défense des intérêts de l’Union. Chaque État membre nommera deux procureurs européens délégués qui travailleront sur les sujets qui le concernent.
En raison des spécificités du fonctionnement de notre justice, nous avons dû adapter le code de procédure pénale : les procureurs délégués pourront prendre des mesures qui relèvent normalement du juge d’instruction, comme les mises en examen. En revanche, le contrôle des mesures attentatoires aux libertés sera confié au juge des libertés et de la détention.
Le groupe socialiste salue la mise en place du Parquet européen qui sera un outil utile pour la progression de l’État de droit et le bon contrôle des fonds européens.
En complément, le texte prévoit une spécialisation de la justice en matière d’environnement, afin d’améliorer le dispositif et de prendre en compte sa technicité. C’est une bonne initiative pour garantir une action efficace sur un sujet d’actualité majeur.
En conclusion, monsieur le garde des sceaux, permettez-moi de vous poser trois questions.
Premièrement, il est heureux que vous n’ayez pas persisté à vouloir traiter par voie d’amendement la question des conditions de détention indignes, qui ont fait l’objet d’une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le 30 janvier dernier. Cependant, la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel ont tiré les conséquences de cette condamnation, de sorte qu’il faut désormais une intervention du législateur. Comment envisagez-vous de traiter le sujet ?
Deuxièmement, pouvez-vous nous dire comment vous aborderez, au niveau français ou européen, la question des données de connexion, à la suite de la décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne en octobre 2020 ?
Troisièmement, enfin, puisqu’il s’agit de justice environnementale, pourriez-vous nous donner quelques éléments de calendrier sur la mise en place d’un délit d’écocide et sur le référendum constitutionnel qui vise à mieux intégrer la défense de la planète dans les missions de notre pays ?
Ces questions n’empêchent pas le groupe socialiste d’être favorable aux conclusions de la commission mixte paritaire. Nous saluons la mise en place du Parquet européen, initiative nouvelle et majeure pour la défense des intérêts de l’Union et pour la construction européenne.