Intervention de Dominique Vérien

Réunion du 16 décembre 2020 à 15h00
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Photo de Dominique VérienDominique Vérien :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme plusieurs orateurs l’ont déjà signalé, des milliards d’euros échappent chaque année à l’Union européenne et à ses États membres.

Détournement de fonds européens, escroqueries aux subventions, corruption, blanchiment d’argent, abus de confiance, les causes sont multiples, mais la conséquence, elle, reste la même : une baisse des moyens alloués à la construction du projet européen.

La fraude à la TVA intracommunautaire, cela a été dit, coûte à elle seule 50 milliards d’euros par an, pour un budget de l’Union européenne de 148, 2 milliards d’euros.

La facilité avec laquelle on peut déplacer les capitaux dans le monde entier et la lenteur des enquêtes transnationales, qui se heurtent elles-mêmes à l’opacité de certains systèmes bancaires, tout cela ne pouvait, jusqu’à présent, que favoriser des vocations criminelles et force est de reconnaître qu’Europol, Eurojust ou l’Office européen de lutte contre la fraude n’ont pas su endiguer le phénomène.

La création d’un parquet européen, chargé d’enquêter et de poursuivre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, sera, je l’espère, une réponse efficace.

Cette réponse, nous la souhaitons, ici, au Sénat, depuis vingt ans bientôt… En effet, dès 2002, notre assemblée adoptait une résolution appelant à la création d’un parquet européen.

Ce texte est donc un aboutissement pour nous, mais aussi un grand pas pour l’Union européenne.

Bien plus qu’un agrégat économique, l’Europe se doit effectivement d’être porteuse de valeurs communes. Elle ne doit pas seulement être un marché intérieur ; elle doit être, aussi, une puissance qui nous protège et qui se protège.

La formule retenue permet de garantir l’efficacité de la répression contre une délinquance astucieuse, largement internationale et dont les profits se chiffrent souvent en millions d’euros.

Le texte qui revient devant notre assemblée aujourd’hui entend adapter la procédure pénale française aux règles de fonctionnements de ce nouveau parquet européen. C’est un travail bienvenu, qui permet de clarifier notre code tout en préservant ses spécificités, par exemple l’existence du juge d’instruction.

En outre, et c’est aussi un point à saluer, ce projet de loi s’attache à muscler notre dispositif judiciaire face aux atteintes environnementales.

L’attachement des Français à la biodiversité et au patrimoine écologique est sincère, le traitement des délits et crimes environnementaux est attendu et, d’ailleurs, si j’ai bien entendu les dernières déclarations du Président de la République, il est probable que nous débattions de nouveau de protection de l’environnement et de biodiversité dans les mois à venir.

Le traitement des délits et crimes environnementaux, disais-je, est très attendu, car il n’est pas acceptable qu’il soit économiquement rentable pour une entreprise de causer un préjudice écologique ou de s’affranchir des règles permettant de préserver notre santé et notre cadre de vie.

La création d’une sanction pouvant aller jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires de l’entreprise coupable devrait être, enfin, dissuasive.

Je pense aussi à nos élus locaux, trop souvent confrontés à des décharges sauvages, des permis de construire illégaux ou des infractions à la réglementation sur la pêche ou la chasse. L’État doit se tenir à leurs côtés, et c’est aussi le sens de ce texte.

Mais, monsieur le ministre, comme je ne voudrais pas ne vous tresser que des couronnes – vous vous ennuieriez –, j’aurais apprécié un texte encore plus ambitieux, par exemple un champ de compétence plus large, ne se limitant pas aux infractions financières, ou encore la création d’une force de police, une sorte de FBI « à l’européenne », avec des pouvoirs d’enquête propre.

Je soulignerai également le faible nombre de procureurs français délégués à ce parquet européen, par comparaison avec les autres pays, mais cela ne fait que confirmer une spécificité française quant au faible nombre de magistrats.

Malgré tout, mes chers collègues, – et je conclurai là – ne boudons pas notre plaisir ! Grâce à l’important travail réalisé par notre rapporteur Philippe Bonnecarrère, la commission mixte paritaire est parvenue à adopter un texte commun aux deux chambres.

La création du Parquet européen est une bonne nouvelle.

Alors que le Brexit évolue vers un épilogue douloureux, l’Europe réaffirme ici son souhait d’avancer dans sa construction, dans sa souveraineté et dans son identité. C’est donc une étape importante, historique même, en accord avec la conception que nous nous en faisons, entre respect de la souveraineté des États membres et coopération renforcée.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera ce texte.

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