Intervention de André Reichardt

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 décembre 2020 à 8h15
Justice et affaires intérieures — Stratégie de l'union européenne pour l'union de la sécurité 2020-2025 : communication et avis politique de mm. andré reichardt et ludovic haye

Photo de André ReichardtAndré Reichardt, rapporteur :

Monsieur le Président, mes chers collègues, le 24 juillet dernier, la Commission européenne a présenté une communication relative à la stratégie de l'Union européenne pour l'union de la sécurité. Cette communication est accompagnée de trois autres textes : une stratégie en faveur de la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants, et deux plans d'action, l'un contre la drogue et l'autre contre le trafic d'armes à feu.

Ce texte succède à la stratégie 2015-2020, qui avait été présentée le 28 avril 2015. La précédente stratégie n'a pas fait l'objet d'un bilan véritable, ce que nous regrettons, mais l'acquis en matière de politique européenne de sécurité est indubitablement substantiel. Pourtant, l'article 4.2 du traité sur l'Union européenne dispose que « la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre ». De fait, comme l'a indiqué le coordonnateur de l'Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, devant notre commission, le 12 novembre dernier, « l'Union européenne [...] est devenue un acteur sérieux en matière de sécurité ». Il ajoutait : « Je suis impressionné par les progrès accomplis depuis 2015 par l'Europe ».

Parmi cet acquis, je peux citer : la directive sur l'utilisation des données des dossiers passagers (PNR) de 2016, votée, vous vous en souvenez, après des années de négociations avec le Parlement européen ; la directive « terrorisme » de 2017, qui établit des règles minimales concernant la définition des infractions et sanctions pénales dans le domaine des infractions terroristes ; le règlement de 2018 sur la saisie et la confiscation des avoirs criminels ; la directive de 2019 sur l'accès aux informations financières, qui permet de lutter contre le financement du terrorisme ; la réforme du système d'information Schengen (SIS) et la mise en place de nouveaux systèmes d'information européens, sur les casiers judiciaires (ECRIS), les ressortissants de pays tiers (SES) et les ressortissants de pays tiers dispensés de visa pour entrer dans l'espace Schengen (ETIAS), l'ensemble de ces systèmes d'information devant devenir interopérables en 2023, ce qui représente un chantier techniquement très complexe et coûteux ; la création du forum Internet de l'Union européenne, au sein duquel la Commission, les États membres et les GAFA discutent de règles et bonnes pratiques sur une base consensuelle ; etc.

Alors que la précédente stratégie était axée sur la lutte contre le terrorisme et les combattants terroristes étrangers, la Commission insiste sur le caractère évolutif des menaces : la pandémie de Covid-19 en a apporté une illustration. La nouvelle stratégie met plus particulièrement l'accent sur la cybersécurité et la cybercriminalité, les attaques hybrides - conduites par des acteurs étatiques et non étatiques -, l'extrémisme politique, le racisme, la propagande terroriste en ligne, la criminalité organisée, etc.

Sur la base de l'analyse de ces menaces, la Commission affiche quatre priorités stratégiques pour la période couverte jusqu'en 2025, qui devront être mises en oeuvre grâce à 33 actions-clefs. À cet égard, nous considérons que la nouvelle stratégie souffre d'un défaut de priorisation qui ne la rend pas toujours très lisible.

La première priorité stratégique vise « un environnement de sécurité à l'épreuve du temps », ce qui comprend : la protection et la résilience des infrastructures critiques, dont la sécurité d'Internet et des systèmes d'information ; la cybersécurité, y compris celle des réseaux 5G ; et la protection des espaces publics, qui passe par la lutte contre l'utilisation abusive des drones.

Faire face à l'évolution des menaces constitue la deuxième priorité stratégique. Elle concerne :

- la cybercriminalité, via un système d'alerte rapide ;

- des services répressifs modernes, notamment l'utilisation de l'intelligence artificielle et des mégadonnées, la participation du secteur privé et des milieux universitaires, l'accès transfrontière aux preuves électroniques dans le cadre des enquêtes pénales et le cryptage ;

- la lutte contre les contenus illicites en ligne, qui implique la mobilisation du forum de l'Union européenne sur l'Internet et de l'unité de référencement des contenus Internet d'Europol, ainsi que la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants ;

- et, enfin, les menaces hybrides.

La troisième priorité stratégique vise à protéger les Européens contre le terrorisme et la criminalité organisée. Elle concerne d'abord le terrorisme et la radicalisation, qui font l'objet d'un plan d'action présenté la semaine dernière, incluant : l'objectif réaffirmé d'étendre le mandat du Parquet européen ; la prévention de la radicalisation ; la législation relative à la sécurité des frontières ; le recours accru aux bases de données européennes ; et la lutte contre le financement du terrorisme. Elle vise aussi la criminalité organisée, dont : le programme antidrogue et la lutte contre les armes à feu ; le trafic de migrants et la traite des êtres humains ; la criminalité environnementale ; le trafic de biens culturels ; les délits économiques et financiers et le blanchiment de capitaux ; et la corruption.

Enfin, la quatrième priorité stratégique est relative à la solidité de l'écosystème européen de la sécurité. Elle intègre :

- l'échange d'informations, dont la réforme du mandat d'Europol, également présentée la semaine dernière, en particulier pour sécuriser l'échange direct de données à caractère personnel avec des parties privées, le réexamen des modalités de transfert de données PNR vers des pays tiers et la poursuite du développement d'Eurojust et de la coopération judiciaire ;

- la contribution de frontières extérieures solides, qui comprend la poursuite de la montée en charge de Frontex et la finalisation de l'interopérabilité des systèmes d'information européens d'ici à 2023 ;

- le renforcement de la recherche et de l'innovation en matière de sécurité, y compris le recours à l'intelligence artificielle et aux mégadonnées, et la création d'un pôle d'innovation européen pour la sécurité intérieure ;

- les compétences et la sensibilisation, dont l'éducation numérique et la formation.

Pour chacune de ces quatre priorités, la Commission insiste sur la dimension extérieure de sa stratégie, en particulier les relations avec le voisinage européen, c'est-à-dire les Balkans occidentaux, ainsi que la rive sud de la Méditerranée.

À ce stade, vous le voyez, ces différentes communications de la Commission présentent avant tout un caractère prospectif. Elles devraient être déclinées tout au long des années 2020 à 2025, en lien avec les priorités politiques de la Présidente von der Leyen et dans le cadre des programmes de travail annuels successifs de la Commission. Elles donneront lieu à des initiatives législatives et non législatives.

Je laisse maintenant Ludovic Haye vous donner plus d'informations de calendrier et vous exposer les priorités retenues pour l'avis politique que nous vous proposons d'adresser à la Commission sur sa stratégie pour l'union de la sécurité.

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