Oui, nous avons pris du retard pour le centre de conservation. Nous aurions dû lancer la procédure en mars, mais n'avons pu le faire qu'en juin. Le retard est moins lié au covid qu'au succès de notre appel à manifestation d'intérêt, puisque plus de 50 collectivités ont répondu. Il a fallu étudier sérieusement leurs dossiers, ce qui n'était pas toujours évident car certains n'étaient pas très précis.
Notre premier critère est la qualité du foncier. Parfois, les sites proposés sont inondables, voisins de sites Seveso, ou tout simplement trop petits. Or nous avons besoin au minimum de 15 000 mètres carrés. Les autres critères principaux étaient la distance à Paris, la qualité de vie pour les agents et le financement. Nous nous sommes aussi préoccupés des possibilités de coopération culturelle.
Nous ne pouvons pas nous déplacer dans les 54 lieux proposés. Nous avons été très heureux de voir que la BNF suscitait un tel engouement, d'autant plus qu'il s'agit d'un projet technique : nous ne proposons pas d'ouvrir un musée. La BNF est une institution qui a beaucoup de projets d'investissement, comme la rénovation du site de Tolbiac. Quand elle vient dire qu'il manque encore un peu de place, et qu'il faut une réserve pour le dépôt légal, elle s'attend plutôt à un succès d'estime... Mais quand on dépasse la question budgétaire, on constate que les Français, à travers leurs collectivités, considèrent le dépôt légal, la mémoire, comme des éléments très importants.
Nous allons malheureusement décevoir des collectivités qui remplissaient tous les critères. Ce témoignage d'intérêt doit nous conduire à resserrer les liens avec elles. Nous établirons sous peu notre sélection et organiserons les visites dès février.
J'en profite pour rappeller le prix de la carte de lecteur : 15 euros par an pour le haut-de-jardin et 50 euros pour le rez-de-jardin, Richelieu ou l'Arsenal - un peu moins pour les étudiants.
Laure Darcos a insisté sur la décision de souveraineté prise il y a vingt ans grâce à Jean-Noël Jeanneney, qui a lancé la bataille contre Google qui s'est déroulée pendant le mandat de Bruno Racine. Nous avons mis l'accent sur la numérisation de masse. Mais vingt ans après, je constate que ce qui était dangereux dans la proposition de Google était moins le risque d'une perte de patrimoine - nous aurions malgré tout conservé nos documents, y compris en version numérique - que d'oublier le reste, car numériser ne suffit pas, il faut aussi investir dans la conservation pérenne. La BNF est parvenue à convaincre ses tutelles que Google, à long terme, ne nous ferait pas faire des économies, ce qui n'était pas évident.
Nous avons ainsi investi dans toute la chaîne y compris pour la conservation pérenne du numérique natif. La BNF est capable de transformer régulièrement les supports de conservation. Effectivement, conserver du papier est plus simple ; on peut toujours le lire 20, 30 ou 150 ans après. Pour le numérique, il faut disposer de la machine qui sait le lire. Il faut donc un réinvestissement permanent. La BNF s'organise pour s'en assurer dans la durée. Aujourd'hui, nous disposons de plusieurs versions, mais localisées au même endroit, ce qui n'est pas optimal. Nous proposons la fonction de tiers archivage à nos partenaires, y compris nationaux, comme Beaubourg.
La question des indisponibles n'est pas propre à la France. Nous n'avons pas terminé la numérisation des objets physiques. Après les grands efforts des quinze dernières années consacrées aux livres, nous devons nous concentrer sur les objets tels que les estampes, ainsi que sur la presse ; nous accueillons enfin des objets numériques.
Nous sommes en relation avec les équipes de Villers-Cotterêts et cherchons à développer nos liens. Philippe Bélaval, qui connaît bien la BNF, est bien placé pour savoir qu'ils sont naturels. François 1er, ce n'est pas seulement l'édit de Villers-Cotterêts, c'est aussi le début du dépôt légal ; nous avons donc une histoire en partage.
Nous avons bien conscience de notre responsabilité, et pas seulement du point de vue de la conservation, et concernant d'autres supports que le livre. C'est pourquoi nous nous battons pour que notre périmètre ne soit pas réduit et obtenir des aménagements législatifs sur le dépôt légal. Même si cela peut paraître fou de vouloir conserver le net, il faut le faire pour les générations futures. Cette fonction d'institution culturelle participant à la diffusion de la culture française à l'international, notamment sur le net, est assumée par la BNF, même si elle n'est pas suffisamment connue. Gagner la bataille du référencement, c'est produire des métadonnées sur ce qui est produit sur le net : c'est ce que fait la BNF par le catalogage. Elle est très présente dans les instances internationales qui régissent cette activité. Si la BNF, si les bibliothèques nationales en général n'existaient pas, les productions de l'esprit sur le net disparaîtraient rapidement. Nous avons la base qui permet aux industries culturelles, comme YouTube, d'être présente dans les instances de coopération internationale.
Les bibliothèques travaillent entre elles dans une mécanique très normalisée et internationalisée à travers ce qu'on appelle la réunification numérique. C'est un travail entre pays, entre cultures, entre collections, dans une dynamique pouvant aller jusqu'à la restitution. La BNF y est très investie : nous avons ainsi constitué une collection numérique appelée « patrimoine partagé » pour raconter des histoires communes. Notre dernier opus concerne le Vietnam, dont nous conservons le dépôt légal pour sa période coloniale.
Nous avons publié un document qui fera écho au travail de cette année sur nos collections étrangères, afin de bien les identifier, grâce à une numérisation des inventaires. Nous avons aussi créé avec le musée du Quai Branly une bourse de recherche afin de créer une communauté avec les chercheurs. Les manuscrits coréens se trouvent toujours en Corée, sous la forme d'un dépôt renouvelé tous les cinq ans.
Notre public est jeune, car une bibliothèque, par construction, accueille les étudiants. Nous travaillons à être mieux connu, à faire savoir que cette bibliothèque est ouverte à tous. Nos salles sont de nouveau souvent saturées. Nous avons créé cette année BDnF, une application permettant de créer sa propre BD à partir des images de la BNF, et qui rencontre un très grand succès.
Nous travaillons avec l'IMEC - mais uniquement sur les manuscrits. Les relations ont pu être tendues, mais elles ne le sont plus du tout ; Nathalie Léger fait ainsi partie de notre conseil scientifique.
Nous sommes très fiers de ce que nous faisons pour l'éducation culturelle et artistique, notamment avec les expositions itinérantes à la disposition des établissements scolaires, comme celle sur la laïcité créée après les attentats de 2015, ou plus récemment sur les fake news, qui circulent toujours dans les classes.
Nous participons au Pass culture, mais je ne saurais trop vous dire comment dans l'immédiat car le dispositif évolue. L'enjeu est de toucher des jeunes publics. Par le passé, je sais que nous avions développé des manifestations autour des jeux vidéo, qui font partie des objets que nous conservons.