Intervention de Olivier Paccaud

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 13 janvier 2021 à 9h35
Proposition de loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises — Examen du rapport et élaboration du texte de la commission

Photo de Olivier PaccaudOlivier Paccaud :

Merci pour cette présentation particulièrement précise. L'intitulé de cette proposition de loi inattendue et originale a pu étonner ou faire sourire. Mais elle n'est pas anecdotique et encore moins comique. Certains parleront d'un texte symbolique, car elle nous parle du sens que nous voulons donner au vivre-ensemble, en particulier dans la ruralité. Nous aurions sans doute préféré l'éviter : le bon sens, la tolérance, la courtoisie et la discussion valent toujours mieux qu'une loi !

Cette proposition de loi de Pierre Morel-À-L'Huissier, notre collègue député de Lozère, part d'un triste constat : notre société est de plus en plus conflictuelle, de plus en plus judiciarisée, avec des issues parfois ubuesques, kafkaïennes. Le ridicule ne tue pas, mais il peut alimenter les prétoires et les tribunes médiatiques.

Difficile d'avoir des statistiques infaillibles, mais le ministère de la justice a recensé ces dernières années plus de 1 800 dépôts de plainte pour dommages liés à l'environnement et 490 recours pour troubles anormaux de voisinage - pas tous liés à la ruralité - ont été examinés. Parmi eux, quelques affaires clochemerlesques, comme aurait dit Gabriel Chevallier, ou abracadabrantesques, comme aurait dit Arthur Rimbaud, ayant pour héros malheureux des animaux qui chantaient trop : des coqs, des grenouilles qui croassent, des cigales qui craquettent, des canards qui cancanent, sans compter des chiens, des ânes, et même des goélands. Je n'oublie pas les cloches trop sonores, ainsi que des moteurs de tracteurs ou de trayeuses dont la mélodie mécanique n'est pas du goût de tous. Seul le pivert semble s'être faufilé entre les mailles du filet des grincheux ! Mais pas les déjections d'abeilles, qui ont fait l'objet d'un recours à Pignols, dans le Puy-de-Dôme.

Toujours est-il que l'identité et l'authenticité de la vie rurale peuvent s'avérer menacées si nous n'y prêtons pas garde, de même que cette évidence : on ne vit pas à la ville comme on vit à la campagne. Apporter un bouclier juridique solide pour soutenir les maires ruraux et les magistrats confrontés à des plaintes farfelues n'est donc pas inutile. L'outil législatif proposé par Pierre Morel-À-L'Huissier a ainsi un double objectif : protéger ce patrimoine sensoriel de nos campagnes, qui constitue une partie de l'ADN de notre pays, mais aussi instaurer les bases d'un dialogue constructif entre deux voisinages qui peuvent avoir du mal à se comprendre. Le texte permet également de préciser deux définitions : le patrimoine sensoriel à inventorier selon les territoires et le trouble anormal du voisinage, une notion floue et jusqu'à présent jurisprudentielle en l'état actuel du droit.

Il faut rendre hommage à Pierre Morel-À-L'Huissier et à sa méthode. Cosigné par 71 députés de tous bords, le texte a été soumis à la sagacité du Conseil d'État, autopsié par les conseillers ministériels concernés, avant d'être ciselé, magnifié, perfectionné par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, et qui a su faire consensus. Il mérite d'être voté conforme : c'est ce que fera le groupe Les Républicains.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion