M. Daubresse évoque la question des polices municipales, d'abord en me demandant comment garantir la solidité juridique de l'expérimentation. L'article 1er prévoit une expérimentation quand même large de trois ans, avec très peu de conditions pour y participer : 20 policiers municipaux et un chef de service, ce qui répond à votre question des procès-verbaux, mais nous y reviendrons.
La participation à l'expérimentation repose bien évidemment sur la volonté des élus de recourir à cette expérimentation. Le temps que la loi soit votée et que les décrets soient pris, deux années de mandat seront passées, donc cette expérimentation de trois ans correspondra à la fin du mandat des maires actuels. Cela permettra aux électeurs de trancher démocratiquement.
Nous souhaitons faire confiance aux élus locaux, sans aucune obligation, contrairement à ce que souhaitaient certains députés, tant en ce qui concerne la création que l'armement. C'est à la carte. Il s'agit de choix locaux, l'État gardant le monopole de la sécurité intérieure.
Les délits concernés par cette expérimentation ne nécessitent pas d'enquêtes judiciaires ; il s'agira pour les policiers municipaux de résoudre des problèmes de bon sens. Par exemple, nous avons mis en place l'amende forfaitaire délictuelle pour les consommateurs de stupéfiants dans les cas où les personnes ne détiennent pas une grosse quantité de stupéfiants. Actuellement, un policier municipal ne peut pas verbaliser quelqu'un qui fume un joint dans la rue. Soit il détourne les yeux, soit il essaie de retenir cette personne le temps que la police nationale arrive, mais ce n'est pas si simple. Cette situation est un peu absurde. Il y a un certain nombre de faits bêtes comme chou qui doivent pouvoir relever de la police municipale car ils ne nécessitent pas d'actes d'enquête.
Sur la capacité des policiers municipaux à rédiger de bons procès-verbaux à transmettre au procureur de la République, c'est aussi un problème qui concerne les policiers nationaux et les gendarmes, et qui tient plus à notre mauvaise organisation. Dans le Beauvau de la sécurité, nous aborderons ainsi le sujet de l'encadrement, qui est essentiel. Un chef est là pour relire et corriger les procès-verbaux de ses collaborateurs. Il n'est pas simplement là pour transmettre au procureur de la République ou à son substitut. Dans les mauvaises réponses pénales, vues du côté de la police, il n'y a pas que les difficultés de la justice ; il y a aussi des policiers ou des gendarmes qui rédigent mal les procès-verbaux, ce qui entraîne des vices de forme. C'est d'abord une question d'effectifs en officiers de police judiciaire (OPJ). En ce qui concerne le texte qui nous est soumis, il n'est pas prévu que le policier municipal transmette directement au procureur de la République. C'est pour cela qu'il faut un directeur ou un chef de service. Vous le savez, à plus de 20 policiers municipaux, les directeurs ou chefs de service sont souvent des anciens officiers de gendarmerie, des anciens gradés de la police nationale ou des personnes qui passent des concours spécifiques extrêmement difficiles qui ont les compétences juridiques pour relire et corriger les procès-verbaux avant de les transmettre au procureur. Il y a enfin les formations que nous devons à chaque agent public.
Sur la Ville de Paris, permettez-moi, monsieur le rapporteur, d'avoir une légère différence d'appréciation. Il me semble que la création de la police municipale devra effectivement relever d'une délibération du Conseil de Paris, comme pour toute police municipale.
En revanche, les statuts de la police municipale relèveront du décret en Conseil d'État, comme, là encore, pour toute police municipale. Il n'y a donc pas d'iniquité avec les autres territoires. J'ajouterai que Paris est, par nature, un endroit où la sécurité publique est particulière. C'est d'ailleurs pour cela qu'il y a une préfecture de police. L'État doit y garder un oeil particulier, et la maire de Paris en convient. Ce n'est pas une question de confiance avec ses élus. J'ai cru comprendre, par ailleurs, que la maire de Paris ne souhaitait pas que la police municipale de Paris soit armée, ce que je respecte. Si, demain, une autre majorité veut qu'il en soit autrement, elle prendra une délibération en ce sens.
Sur l'article 23 de la proposition de loi, nous n'avons pas fait le choix des aggravations, qui existent déjà, pour les personnes dépositaires de l'autorité publique. Nous avons préféré supprimer la possibilité de remises de peine pour les personnes ayant porté atteinte à des fonctionnaires dépositaires de l'autorité publique. Ce n'est pas très différent de ce qui existe : c'est déjà une circonstance aggravante que d'agresser un policier, un gendarme ou toute autre autorité publique. Je tiens à préciser que nous avons rédigé ce dispositif avec le garde des sceaux, alors que certains députés souhaitaient une aggravation des peines ou des peines planchers.
Sur l'article 24, je n'ai pas de fétichisme particulier. Je voudrais cependant exposer quelques idées simples en préambule d'un débat compliqué.
Comme vous l'avez fait, je tiens à souligner la grande importance de protéger nos forces de l'ordre. Je rappelle le drame de Magnanville, qui ne concernait pas simplement les forces de l'ordre, puisque Mme Schneider, qui a été égorgée devant son enfant, était agent technique, administratif et scientifique.
Je vous renvoie sur le site Copwatch, notamment dans notre région, où sont listés les policiers, avec leur photo, leur nom, leur prénom, et dans des conditions qui ne laissent planer aucun doute : ce n'est pas pour leur envoyer des chocolats à Noël !
Je ne peux pas dire que l'article 24 a été bien rédigé. Nous n'en serions pas là si tel avait été le cas. Cependant, si je comprends l'idée du Sénat et d'autres parlementaires de passer par le code pénal, je m'en étonne, ce qui ne veut pas dire que je ne souscrirai pas éventuellement à la rédaction proposée par l'Assemblée nationale et le Sénat. En effet, le code pénal présente l'avantage, c'est vrai, de sortir de la loi sur la presse, et donc de sortir de l'idée, fausse à mon sens, mais répandue chez les journalistes, que ces derniers seraient concernés. Toutefois, je rappelle que le code pénal permet la garde à vue et la comparution immédiate, ce que ne permet pas la loi sur la presse. Le code pénal est donc plus dur. Je soumets cela à la sagacité des législateurs.
Par ailleurs, le choix de la loi sur la presse s'est fait en cohérence avec ce qui existe déjà en matière de protection des identités de certains policiers et gendarmes. Vous avez tous vu des policiers de l'antiterrorisme ou de la grande criminalité portant des cagoules lors d'opérations.
Pour l'instant, vous constaterez que j'ai fait plus de droit que de politique, mais il était important de souligner ces points pour expliquer la position que nous avons retenue.
Monsieur Daubresse, vous évoquez la fusion de l'article 24 et de l'article 25 devenu article 18 de la loi sur les valeurs de la République. J'y suis pour ma part très défavorable, car ils ne poursuivent pas les mêmes buts.
L'article 24 prévoit la protection des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie lors des opérations de police. L'Assemblée nationale a d'ailleurs ajouté les policiers municipaux, et on pourrait même imaginer les douaniers ou les agents de l'administration pénitentiaire. Il s'agit de les protéger non pas en tant que tels, mais dans le cadre des opérations de police.
L'article 25, devenu 18, s'adresse, lui, à toute personne dépositaire de l'autorité publique. Malgré mon estime pour les magistrats ou les élus, la protection qu'ils méritent n'est pas de même nature que celle que nous devons aux forces de l'ordre qui risquent leur vie dans des opérations sur le terrain. Ensuite, il prévoit de protéger l'individu et sa famille, ce que ne retient pas l'article 24. Enfin, l'adverbe « immédiatement » est important. Il répond à l'affaire « Samuel Paty ». La fatwa numérique lancée évoquait l'identité de l'enseignant - qui n'est pas une personne dépositaire de l'autorité publique en l'occurrence -, créant les conditions du drame.
Il me semble donc que ces deux articles sont différents. J'entends les préférences du Sénat et nous regarderons évidemment cela. Je ne connais pas la position finale du Gouvernement, puisque je ne connais pas votre rédaction, mais nous souhaitons en tout cas différencier les deux textes.
Monsieur Hervé, s'agissant du CNAPS, j'entends bien que les ordonnances ne réjouissent pas les parlementaires. Cependant, nous devons saisir ce moment pour légiférer dans ce domaine, et l'habilitation que nous vous demandons est, à mes yeux, très importante pour structurer ce domaine d'activités. Il faut beaucoup discuter avec cette filière professionnelle un peu éparpillée sur les questions de sanctions, de formation, avant d'aboutir à une rédaction. Ce que je peux vous proposer, monsieur le rapporteur, c'est non seulement d'éclairer très largement les débats, mais aussi de vous associer le plus étroitement possible à la rédaction de l'ordonnance afin de structurer une filière qui en a besoin.
Vous souhaitez connaître les limites de la sécurité privée. C'est assez clair. Nous excluons tout pouvoir de contrainte, la possibilité de constater des délits, de faire des enquêtes. Il s'agit de s'en tenir strictement aux compétences de surveillance, qui sont essentielles. Imaginez qu'il faille mettre des policiers municipaux et nationaux, des gendarmes dans chaque grand magasin dans chaque festival. Les agents de sécurité privée concourent à la sécurité de nos concitoyens, mais leurs compétences s'arrêtent à celles de l'État régalien et des collectivités locales.
Sur les drones, je souhaite que l'on mette en place un cadre juridique qui nous permette de fonctionner comme avec les caméras de vidéoprotection, qui reposent sur le même principe, et dont plus personne ne conteste l'utilité. Vous avez parlé de liste à la Prévert. Nous sommes prêts à mettre davantage de garanties. Peut-être que le texte de l'Assemblée nationale n'est pas assez propre, en ce qui concerne notamment la protection des domiciles privés. Les travaux du Sénat pourront contribuer à l'éclairer.
Nous avons listé les cas d'usage, et si je devais comparer avec ce que font nos voisins, qui ne sont pourtant pas d'affreuses dictatures numériques, nous n'avons pas à rougir. Ainsi, les Danois et les Suédois les utilisent pour des finalités judiciaires et pour le maintien de l'ordre, tandis que les Espagnols retiennent exactement les mêmes usages que ceux prévus dans le texte.
Nous sommes l'un des derniers pays à légiférer sur les drones, ce que nous a d'ailleurs reproché la CNIL. Et j'insiste, il n'est nullement question de reconnaissance faciale dans ce texte.
J'en termine sur le bilan des caméras-piétons. La généralisation de l'équipement interviendra au 1er juillet 2021. Il suffit d'aller voir les policiers et les gendarmes pour comprendre que cet équipement apaise tant le fonctionnaire que la personne qui est en face, car les enregistrements sont des éléments probants pour l'autorité judiciaire. Chacun sait que la réponse judiciaire est différente selon qu'un même fait a été filmé ou pas. La parole du policier ou du gendarme n'est jamais aussi forte que la caméra qui montre.
Vous avez raison, le matériel n'est aujourd'hui techniquement pas à la hauteur. Ainsi, il faut entrer son numéro d'identification, ce qui n'est pas évident dans le feu de l'action. Par ailleurs, la batterie se décharge très rapidement. J'ai donc lancé un nouvel appel d'offres pour renouveler l'intégralité de ces caméras. Évidemment, je ne peux pas savoir à ce stade si elles seront françaises ou européennes. Nous souhaitons la solution la plus efficace possible pour que le temps d'utilisation soit plus important et pour que les images puissent être utilisées différemment. D'abord, le fonctionnaire, s'il doit pouvoir les visualiser, ne doit en aucun cas pouvoir les modifier. Cette visualisation est utile pour vérifier quelque chose qui aurait pu leur échapper dans le feu de l'action et ainsi éviter des crimes ou des délits. Il m'apparaît également normal que le fonctionnaire puisse rédiger son rapport en regardant les images, ce qui n'empêche pas l'autorité judiciaire de se faire ensuite son propre avis. Enfin, les images doivent pouvoir être transmises à l'autorité judiciaire ou à l'autorité administrative lorsqu'il y a une difficulté.