Intervention de Hussein Bourgi

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 13 janvier 2021 à 8h30
Proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Hussein BourgiHussein Bourgi :

Cette proposition de loi est intéressante parce qu'elle répond à des situations que nous connaissons tous et toutes dans nos circonscriptions respectives. Je lui vois une vertu, mais elle pose trois problèmes. Sa vertu est de protéger, de préserver tous les types de biens immobiliers. À cet égard, l'extension de la protection est bienvenue : des terrains, des biens secondaires peuvent aussi être occupés, et ils n'étaient pas suffisamment protégés.

Mais ce texte soulève trois questions. Il double systématiquement les sanctions. Quiconque a assisté à un procès dans lequel des squatteurs sont poursuivis se rend compte que ceux-ci se répartissent en trois catégories. Il y a d'abord une petite minorité de jeunes qui ont fait le choix de vivre en communauté. Une deuxième minorité est constituée d'étrangers qui arrivent en France illégalement et sont souvent orientés par des filières. Mais l'écrasante majorité des squatteurs sont des miséreux : ce sont de petites gens, qui ont galéré pour trouver un logement auprès d'un bailleur privé ou d'un bailleur social. Lorsqu'ils arrivent devant le tribunal, on apprécie le niveau de leurs biens, de leurs moyens, avant de leur infliger une sanction. Autrement dit, nous pouvons doubler, tripler, quadrupler, quintupler même les sanctions : lorsqu'ils arriveront devant les tribunaux, on se rendra compte qu'ils vivent des minima sociaux, qu'ils ne demandent parfois même pas tant ils sont marginalisés. L'accroissement des sanctions peut bien satisfaire le législateur, il sera complètement inefficient, et quasiment jamais appliqué sur le terrain.

La création d'une peine complémentaire, consistant à interdire pendant trois ans à toute personne reconnue coupable d'avoir squatté d'exciper du Dalo, fabriquera des squatteurs en puissance. À qui ces personnes vont-elles s'adresser ? Aux bailleurs privés ? Mais elles ne rempliront pas les garanties pécuniaires nécessaires. Ne donnons pas le sentiment de nous acharner sur ces personnes, en ne leur laissant d'autre issue que d'aller squatter ailleurs.

Enfin, la lutte contre la publicité et la propagande risque d'entraver l'action de certaines associations, qui dénoncent la situation du mal-logement dans certaines villes, et interpellent les pouvoirs publics et l'État, sans pour autant cibler les biens des particuliers. Lorsque des biens appartenant à des particuliers sont listés, c'est souvent à travers la presse, pour pointer du doigt des milliers ou des centaines de mètres carrés qui sont inoccupés dans nos villes. Imaginerait-on engager des poursuites contre l'abbé Pierre parce qu'il dirait qu'il faut réquisitionner les logements vacants ?

Je comprends qu'on veuille protéger la propriété individuelle, mais attention à ne pas aller trop loin : il faut trouver un juste équilibre pour protéger deux droits à valeur constitutionnelle, qui sont consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

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