Nous ne contestons pas la nécessité de mettre en oeuvre cette réforme, attendue, puisque l'ordonnance de 1945 a été réformée plus de quarante fois, donnant lieu à un certain nombre d'incohérences. Nous avons besoin d'une justice plus adaptée à l'évolution et aux besoins des mineurs.
Néanmoins, le délai prévu pour l'entrée en vigueur de cette réforme pose question. Les juridictions doivent faire face, comme nous tous, aux effets de la crise sanitaire. La récente grève des avocats a ralenti les procédures et augmenté les stocks - le mot n'est pas beau, mais il est concret pour décrire les dossiers qui s'empilent dans les tribunaux. Une mise en oeuvre dans un délai très rapproché, au 31 mars, soit un mois après la fin du processus législatif, risque d'être compliquée, même si vous l'avez anticipée. Quand bien même la « technique du sparadrap » serait efficace, et malgré des moyens supplémentaires, un certain nombre de juridictions, fragilisées, ne seront pas prêtes à assimiler cette réforme.
Nous avions eu ce débat au moment de l'examen du dernier projet de loi de finances. Comment tenir un délai aussi raccourci, alors que tous les stocks ne seront pas apurés, et que la période de transition entre l'ancienne et la nouvelle procédure n'aura pas toujours été solidement préparée techniquement, voire juridiquement ? La formation - si ce n'est l'information - de certains acteurs de cette justice des mineurs n'a pas été suffisamment affinée. Les moyens informatiques, dont le logiciel Cassiopée, sont loin d'être au point. Or d'autres réformes, comme celle du divorce ou celle du « bloc peine », ont montré que le manque de moyens informatiques nuisait à leur réalisation.
Comment entendez-vous tenir ce délai ? Quels moyens humains seront déployés ? Ce dernier problème n'est pas uniquement quantitatif : il faut certes des personnels en nombre - greffiers, magistrats, acteurs de la PJJ, etc. -, mais il faut aussi des personnels qui soient capables d'assimiler cette réforme d'ampleur. Les pratiques de la justice pénale des mineurs se trouvent totalement changées, notamment par le biais du mécanisme innovant de la césure. Nous sommes très inquiets aujourd'hui quant à une mise en oeuvre à délai rapproché, qui, selon nous, fragilisera les fondations d'une réforme essentielle, a fortiori dans le contexte actuel. Nous avons donc besoin de temps supplémentaire.
Ma deuxième question concerne le périmètre de la réforme. Seule une partie de la justice des mineurs - le volet pénal, c'est-à-dire répressif - est concernée. Qu'en est-il du principe éducatif, qui doit primer l'aspect répressif ? Comment entendez-vous articuler ces deux éléments indissociables de la justice des mineurs ?
Ma troisième question porte sur les mineurs non accompagnés (MNA) lesquels, se trouvant souvent happés par des réseaux, sont soustraits à la justice. Pensez-vous que la procédure de l'audience unique leur est adaptée ?
Comment envisagez-vous l'articulation du juge des libertés et de la détention (JLD), mesure ajoutée par l'Assemblée nationale pour répondre au principe d'impartialité du juge, tel que posé par le Conseil constitutionnel en application de la Convention européenne des droits de l'homme, avec le principe de continuité du suivi par le juge des enfants qui n'interviendra plus dans ce cadre ?
Vous avez maintenu au sein du code de la justice pénale des mineurs la compétence du tribunal de police pour les contraventions des quatre premières classes. Cela nous paraît un peu anachronique avec la volonté de spécialisation des juridictions.
Enfin, bien que consciente de la volonté d'une justice plus rapide, dans l'intérêt d'un meilleur développement de l'enfant, je m'interroge tout de même sur la façon dont vous entendez faire respecter les délais fixés pour cette procédure, alors qu'ils ne sont qu'indicatifs.