Dérogeant peut-être à l'ordre des questions qui m'ont été posées, je vais d'abord répondre à l'aimable interpellation de Mme la sénatrice de La Gontrie. Mon crime, madame la sénatrice, est d'avoir exercé mes fonctions exactement comme l'auraient fait tous mes prédécesseurs, dans des circonstances analogues. J'ai suivi, en effet, les recommandations de mon administration.
Vous ne pouvez pas dire que c'est faux, vous n'en savez rien. Je le démontrerai !
Mon administration est composée de magistrats, et j'ai saisi pour une simple enquête - rien de plus, rien de moins - une autorité indépendante, elle aussi composée de magistrats, pour faire la lumière sur d'éventuelles fautes déontologiques pouvant avoir été commises par des magistrats qui, pour certains d'entre eux, n'ont pas déféré aux convocations qui leur avaient été adressées. Je veux vous dire très calmement, très aimablement et très respectueusement que, si l'objectif - comme cela a été déjà exprimé par certains - est de m'interdire de travailler, ceux-là en seront pour leurs frais. D'ailleurs, je travaille aujourd'hui, avec vous, sur le code de la justice pénale des mineurs. Ma réponse sera sans doute ultérieurement plus complète, très complète, mais je n'ai rien à craindre et je suis totalement serein.
Vous suggérez, madame la rapporteur, un report de la date d'entrée en vigueur de la réforme. Vous faites remarquer, à juste titre, qu'il y a un problème à superposer les anciens dossiers avec ceux qui feront l'objet de la nouvelle procédure. Mais si nous retardons la mise en oeuvre de cette loi, cela aggravera davantage ce problème de superposition.
Pourquoi, monsieur Bas, pensez-vous que la publication d'une circulaire vous interdirait de modifier le texte ? Cet argument est assez spécieux ! Pour ma part, je me suis en réalité contenté d'envoyer aux magistrats les très grandes lignes, et de votre côté, je ne pense pas que vous hésiterez à exercer vos droits de parlementaire : quelque quatre cents amendements ont été déposés à l'Assemblée nationale, et je ne crois pas un seul instant que vous vous priverez de déposer, vous aussi, les amendements que vous jugerez utiles.
Nous avons joint à la circulaire Canada Dry le guide de l'inspection générale de la justice (IGJ) pour l'entrée en vigueur de la réforme. Un tableau de simulation des orientations pénales règle la question du stock, tandis qu'un tableau de simulation règle celle du besoin d'audience. Dans le même esprit que la réponse que j'ai adressée à Mme de La Gontrie, je fais confiance en l'analyse de mes services : l'IGJ est faite des magistrats indépendants, qui ont expertisé et fait les analyses nécessaires.
Je prends acte des réticences à envisager une nouvelle procédure, mais cette loi est attendue depuis 2007. Trois jours de débats sont prévus, monsieur Bas, vous aurez donc toute latitude pour m'interroger avec la minutie et le pragmatisme qui sont les vôtres. Vous faites celui qui n'osera pas, mais, naturellement, vous oserez tout ce que vous estimerez utile à l'amélioration de ce texte ! D'ailleurs, j'ai retenu quelques amendements de l'Assemblée nationale.
Partout on me fait remarquer l'impréparation des juridictions à cette réforme, en dépit des moyens que nous avons déployés et de la volonté des services de rendre la réforme applicable : personne n'a le goût de l'effort inutile. Je rappelle que 72 magistrats ont été affectés le 1er septembre 2020, ainsi que 100 greffiers. Quelque 252 emplois nouveaux seront créés en 2022 et 86 éducateurs viennent d'être recrutés. Nous avons fait cela à la suite e l'analyse des services de la Chancellerie, qui n'ont aucun intérêt à nous dire que les juridictions sont prêtes alors qu'elles ne le sont pas ! Ce serait une catastrophe que d'envisager un texte inapplicable !
Vous êtes inquiet, monsieur Sueur, de ce que nous devons faire en réaction à la décision du Conseil constitutionnel en date du 2 octobre 2020 : je travaille activement pour que nous puissions être en conformité avec celle-ci.