Intervention de Éric Dupond-Moretti

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 13 janvier 2021 à 8h30
Audition de M. éric duPond-moretti garde des sceaux ministre de la justice

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux :

On essaye de trouver le vecteur législatif pour introduire urgemment ce recours effectif dans notre droit. Je vous en dirai davantage demain, lorsque je vous recevrai.

Sur l'irresponsabilité, les magistrats devront systématiquement motiver le discernement des mineurs de moins de treize ans pour engager des poursuites. C'est un vrai débat. D'un point de vue international, toutes les législations diffèrent. Le discernement, au fond, c'est l'analyse du juge. Je ne crains pas la décision du juge, qui est prise sous l'égide de la philosophie de l'ordonnance relative à l'enfance délinquante de 1945, qui a été faite, non pas contre les enfants, mais pour les enfants.

J'ai entendu certains dire qu'il n'y avait plus d'enfants quand le crime était grave, comme si c'était à l'aune de la gravité d'un crime que l'on mesurait le discernement ! Un âge doit être évidemment fixé, mais il y aura toujours des débats en la matière... Il faut en réalité laisser au juge, qui est un professionnel de l'enfance, le soin d'analyser le discernement avec beaucoup de souplesse.

L'audience unique, quant à elle, est une procédure exceptionnelle enserrée dans des conditions très strictes, et réversible : à tout moment, le juge garde la main pour décider de revenir dans la procédure classique. Ce sont là de véritables garanties pour l'enfant.

Je ne peux pas tout de suite répondre à votre question, monsieur Leconte, la bioéthique n'étant pas à l'ordre du jour de cette réunion ; nous aurons certainement l'occasion d'en rediscuter.

Monsieur Bas, je vous ai déjà répondu. Je veux encore une fois vous rassurer sur votre pleine et entière capacité à amender ce texte.

Je suis d'accord, madame Lherbier, avec le fait qu'il faille s'efforcer de détecter plus vite, et en amont, la dérive des mineurs vers la délinquance. Je rappelle qu'il existe déjà des textes relatifs à la protection de l'enfant, adoptés en 2007 et en 2016, qui ne seront en aucune façon abrogés par le texte que nous examinerons.

S'agissant des mineurs qui sont déjà confiés à l'ASE, madame Vérien, la combinaison des dispositions civiles et pénales a vocation à se poursuivre. Cela n'aurait pas de sens d'affirmer que cette réforme balaye la protection et l'éducatif au profit de la répression !

Nombre d'amendements ont été déposés par la France Insoumise à l'Assemblée nationale, pour transférer le contentieux du tribunal de police vers le juge des enfants, dont on nous dit qu'il serait déjà surchargé. Nous nous sommes expliqués devant la représentation nationale et certaines précautions ont été prises, notamment en matière de droits de la défense.

Madame Cécile Cukierman, la procédure de saisine du tribunal pour enfants (TPE) aux fins d'audience unique est dérogatoire à la procédure de mise à l'épreuve éducative décidée par le parquet. La seule hypothèse qui permette le placement en détention provisoire dès le déferrement, hors cas d'ouverture d'information, correspond à la situation dans laquelle le mineur est jugé dans un délai de dix jours à trois mois sur la culpabilité et la sanction. Le TPE peut prononcer toute mesure éducative ou peine, et assortir une peine ferme d'emprisonnement d'un mandat de dépôt, sans condition de quantum ou de récidive. Une fois encore, la procédure est réversible.

J'entends bien ce que vous dites, madame Boyer, mais vous aurez trois jours de débat en séance publique le 26 janvier prochain. L'urgence, c'est aussi celle des justiciables, or la justice des mineurs n'est aujourd'hui plus adaptée. Il n'est pas cohérent qu'un enfant soit jugé trop tardivement ! Les professionnels, dans leur ensemble, réclament cette réforme, et les points névralgiques ont été pris en considération.

Les MNA sont justiciables du code de la justice pénale des mineurs. Le véritable problème avec les MNA réside dans leur identification. Beaucoup de ces identifications ont été réalisées grâce aux services des structures d'accueil et de protection judiciaire de la jeunesse au Maroc. Nous voulons régler cette question.

Enfin, le JLD doit être spécialisé, pour éviter le procès inéquitable, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

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