Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 13 janvier 2021 à 8h30
Audition de M. Jean-Louis deBré à la suite de son rapport sur les élections départementales et régionales

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

Je vous remercie d'avoir « décrypté » les conditions dans lesquelles vous avez exécuté la mission que le Gouvernement vous avait confiée. Votre rapport a été très éclairant pour nous. Nous l'avons lu la plume à la main !

Dans le même temps, sur l'initiative du président François-Noël Buffet, notre commission a constitué une mission d'information pour examiner d'éventuelles facilitations du vote à distance. Nos conclusions sont proches des vôtres.

Malgré l'intérêt que plusieurs d'entre nous, dont je fais partie, ont manifesté pour le vote par correspondance, nous avons considéré que le sujet ne pouvait pas mûrir d'ici les prochaines élections départementales et régionales, même reportées.

En tout état de cause, nous estimons qu'il serait dangereux d'envisager ces modes de votation comme des substituts au vote à l'urne, qui doit rester la modalité de droit commun pour l'exercice du droit de suffrage. Le vote par correspondance « papier » et le vote électronique doivent être appréhendés comme les procurations : il s'agit de permettre à un électeur qui ne peut pas se déplacer pour une raison valable, notamment de santé, d'exprimer son vote.

En effet, même si nous avions réglé toutes les questions que vous avez soulevées sur le vote à distance, la question de principe demeurerait : celle de la participation au scrutin dans les conditions les meilleures possible pour prévenir toute pression sur l'exercice du droit de suffrage. Avant l'instauration de l'isoloir - en 1913 seulement -, le patron de l'usine attendait parfois les ouvriers à la porte de la mairie pour leur remettre le bulletin de vote... L'isoloir est, de ce point de vue, le moins mauvais des systèmes !

Je considère que vous apportez des solutions pragmatiques pour l'organisation des prochaines élections départementales et régionales.

S'agissant du choix de la date, il faut dire que, au moment même où la mission vous était confiée, il n'était peut-être plus temps d'organiser dans de bonnes conditions des élections en mars 2021... Même si je n'étais initialement pas favorable à leur report, je crois qu'on ne pouvait plus faire autrement. C'est d'ailleurs ainsi que vous l'avez présenté !

Néanmoins, que ferons-nous si l'arrivée du vaccin ne permet pas, comme nous l'espérons, de sortir de l'impasse actuelle ? Vous avez examiné le problème dans toutes ses dimensions, y compris la dimension constitutionnelle. Un report des élections départementales et régionales au-delà de juin 2021 supposerait, naturellement, une nouvelle intervention du législateur. Mais dans quelle mesure serait-il autorisé par le Conseil constitutionnel ? Vous ne pouvez en préjuger, mais vous pouvez nous rappeler les règles applicables.

Vous avez évoqué des raisons pratiques pour ne pas retenir la date de septembre 2021. Mais il n'est pas interdit de tenir des élections en septembre : songeons aux élections sénatoriales, même si leur nature est différente.

Au-delà du mois de septembre, il faudra voter le budget de l'État et de la sécurité sociale, après quoi on entrera dans la période de l'élection présidentielle.

Ce qui n'aurait sans doute pas été constitutionnel maintenant - à savoir reporter les élections départementales et régionales à l'automne 2022 - pourrait-il l'être dans les prochains mois, si la situation sanitaire paraissait le justifier ?

Indépendamment de la dimension constitutionnelle, la question de l'opportunité politique et civique d'un tel report se poserait avec force. Vous l'avez d'ailleurs vous-même souligné.

À un moment donné, ne faudrait-il pas considérer que le report d'une élection est une solution de facilité ? La vraie réponse n'est-elle pas d'assurer la sécurité sanitaire du scrutin ? Quelles recommandations feriez-vous à cet égard, pour qu'une élection se déroule en période d'épidémie sans aggravation du risque sanitaire ? Un scrutin pourrait sans doute être organisé dans de bien meilleures conditions que ce qui se passe à la table de famille pendant les fêtes...

La démocratie doit pouvoir vivre normalement. Si une élection présidentielle avait été prévue en 2021, vous n'auriez certainement pas proposé son report, parce qu'il aurait fallu réviser les articles 6 et 7 de la Constitution. Bref, il faut s'habituer à organiser des scrutins dans un contexte d'épidémie, parce qu'on ne pourra pas toujours les reporter.

Reste une question accessoire, mais qui a son importance : certaines collectivités territoriales présentent un bilan de leur action face à la crise sanitaire, qui n'est pas forcément lié à la campagne électorale. En raison du report des élections départementales et régionales, ne faudrait-il pas assouplir les règles pour les dépenses engagées entre octobre et décembre derniers ?

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