Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 13 janvier 2021 à 15h00
Avenir de l'entreprise edf avec le projet hercule — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a soixante-quinze ans, le général de Gaulle affirmait en ces lieux, devant l’Assemblée consultative provisoire : « C’est le rôle de l’État d’assurer lui-même la mise en valeur des grandes sources de l’énergie. »

Dans l’immédiat après-guerre, « le retour à la Nation des sources d’énergie », adopté par le Conseil national de la Résistance, conduisait à la création d’EDF.

Depuis lors, si l’organisation et les activités du groupe ont évolué, celui-ci continue d’occuper une place éminente dans notre politique énergétique et notre activité économique : il constitue un pan incommensurable de notre héritage collectif, auquel les Français sont très attachés.

Avec 165 000 salariés et 49 milliards d’euros de chiffre d’affaires, EDF est un fleuron français et européen dont la construction a pris du temps. Face à l’urgence climatique, le groupe est plus que jamais le garant de notre souveraineté énergétique et le fer de lance de notre transition énergétique.

Dans ce contexte, les réformes du marché de l’électricité engagées par le Gouvernement nous inquiètent tous au plus haut point, sur toutes les travées de l’hémicycle.

Le Gouvernement mène en effet trois négociations auprès de la Commission européenne sur le dispositif de l’Arenh, le groupe EDF et les concessions hydrauliques. Le projet Hercule pourrait conduire à un partage des activités du groupe, que les salariés n’hésitent pas à qualifier de démantèlement en plusieurs filiales : mes collègues ont déjà mentionné EDF Bleu, EDF Vert et EDF Azur.

Ces réformes posent de lourdes difficultés tant dans la méthode adoptée que dans le contenu.

S’agissant de la méthode, tout d’abord, les négociations sont conduites dans la plus grande opacité, excluant tout à la fois parlementaires et élus locaux. Pourtant, dès le mois de juin dernier, la commission des affaires économiques du Sénat avait appelé le Gouvernement à associer le Parlement aux réflexions de l’exécutif.

Au mois de novembre suivant, madame la ministre, vous aviez déclaré devant la même commission : « Si le projet Hercule aboutit, il nécessitera une loi et donnera donc lieu à un débat au Parlement. »

Où en sont donc les négociations avec la Commission européenne ? Quand associerez-vous enfin les parlementaires et les élus locaux à ces négociations ? Quels sont le véhicule juridique et le calendrier envisagés ? Pouvez-vous nous confirmer que ces réformes ne seront pas présentées, au détour d’une lettre rectificative ou d’un amendement, dans les projets de loi Climat ou 4D ?

Madame la ministre, il faut respecter la place du Parlement. Le sujet est important pour l’avenir de l’économie de notre pays et pour notre indépendance énergétique, au service de nos concitoyens.

En ce qui concerne leur contenu, ces réformes soulèvent trois craintes légitimes.

Le premier motif de préoccupation tient au caractère public et intégré du nouveau groupe. Interrogé par la commission des affaires économiques, M. Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d’EDF, avait indiqué que la réorganisation devrait respecter « le caractère intégré du groupe ».

Nous attendons du Gouvernement qu’il indique comment il entend garantir l’unicité du groupe. Il doit surtout préciser les activités qu’il souhaite ouvrir aux capitaux privés. Nos élus locaux sont très inquiets face à la perspective d’une éventuelle ouverture à la concurrence du réseau public de distribution d’électricité ou des concessions hydroélectriques.

Le deuxième motif de préoccupation a trait à l’intérêt de ces réformes. Sollicité par la même commission, M. Jean-Bernard Lévy avait affirmé que le but de la réorganisation était « de dégager 2 milliards d’euros supplémentaires chaque année ».

Nous attendons du Gouvernement qu’il précise l’impact financier de ces réformes. Est-ce seulement à la hauteur du « mur de l’investissement » auquel EDF est confrontée ? Avec une dette de 40 milliards d’euros, le groupe doit en effet parvenir à financer, tout à la fois, le grand carénage, les chantiers des EPR ou encore les énergies renouvelables, sans compter la construction des trois nouvelles paires d’EPR à l’étude.

Le dernier motif de préoccupation concerne les répercussions de ces réformes, car elles auront un impact sur les salariés du groupe, sur les concessions des collectivités et sur le prix de l’électricité.

Le Gouvernement doit apporter des réponses claires à la représentation nationale dans tous ces domaines. Il est dangereux de réformer dans le brouillard, sur un sujet aussi sensible, alors que la crise sanitaire est toujours devant nous.

Je tiens à remercier le groupe CRCE, à l’initiative de ce débat sur un sujet stratégique pour nos concitoyens et pour l’avenir de notre économie.

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