Intervention de Cyril Pellevat

Réunion du 12 janvier 2021 à 14h30
Montagne — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Photo de Cyril PellevatCyril Pellevat :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 4 décembre dernier – première date à retenir –, le Premier ministre prenait un décret interdisant l’accès du public aux remontées mécaniques. Cette décision n’est pas apparue comme une surprise aux acteurs de la montagne, compte tenu des propos du Président de la République à la fin du mois de novembre 2020. Cependant, ses conséquences sont désastreuses pour le secteur, qui représente environ 18 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects. Déjà fragilisée par la fin brutale de la saison 2019-2020, du fait du premier confinement et d’un été en demi-teinte, la filière de la montagne va subir de nouvelles pertes économiques sèches, ce que reconnaît d’ailleurs le juge des référés du Conseil d’État dans son ordonnance du 11 décembre 2020.

La deuxième date à retenir est celle du 7 janvier, qui avait été fixée pour une éventuelle réouverture. En dépit des données épidémiologiques encourageantes d’autres pays voisins du nôtre qui n’ont pas fait le choix de fermer leurs remontées mécaniques, cette réouverture a été repoussée. Il est maintenant temps d’écouter la demande formulée dès le début par les acteurs de la montagne : qu’une date de reprise d’activité soit fermement fixée et que l’on s’y tienne, ou bien que l’on nous dise si nous allons vers une saison blanche. Il n’est plus possible de continuer à tenir l’ensemble des acteurs économiques de la montagne dans l’obscurité.

Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous êtes en lien direct avec les professionnels, vous savez quel coup de massue cette décision représente pour les territoires de montagne, qui comptaient énormément sur cette saison hivernale pour tenter de rattraper le retard économique accusé. Opérateurs de remontées mécaniques, commerçants, professionnels de l’immobilier, collectivités territoriales ou travailleurs indépendants comme les médecins ou les pharmaciens, tous sont concernés.

Sans la fréquentation touristique française et étrangère, l’économie de montagne est à l’arrêt. Les taux d’occupation des stations atteignent à peine les 10 % pour les plus touchées, et les domaines skiables ont déjà perdu entre 20 % et 30 % de leur chiffre d’affaires annuel durant la seule période des vacances de fin d’année.

La décision du Gouvernement va donc compromettre durablement les capacités d’investissement de l’ensemble des acteurs de la montagne. La filière d’excellence des sports d’hiver anticipe une baisse des investissements de 50 %. En outre, les aides mises en place par le Gouvernement ne suffiront pas à pallier les difficultés liées à la fermeture des remontées mécaniques si celle-ci continue de s’éterniser.

Pour éviter une catastrophe, il faut à tout prix que le Gouvernement mette en œuvre les propositions pleines de bon sens et de raison au sujet desquelles les acteurs de la montagne et les élus vous sollicitent inlassablement. Rien ne vous empêche d’utiliser les moyens existants pour limiter la propagation du virus et les accidents, mais ne laissez pas à l’abandon cette économie, qui, en raison de ses spécificités, ne pourra pas reprendre une activité normale au printemps ! J’ai transmis dans un courrier au Premier ministre les principales propositions que nous avions formulées. Il est resté sans réponse à ce jour ; je le tiens à votre disposition.

Au nom de l’ensemble des acteurs de la montagne, je vous prie de faire le bon choix et de permettre une reprise d’activité le plus rapidement possible. Deux mesures me paraissent particulièrement intéressantes à mettre en œuvre, sans débourser 1 euro : d’une part, étaler les vacances d’hiver sur six semaines au lieu de quatre, afin de soutenir l’activité des stations sur les « ailes de saison » ; d’autre part, envisager de différencier les restrictions selon les départements, comme c’est le cas actuellement pour le couvre-feu, en observant le taux moyen d’occupation des lits d’hôpitaux. Les stations des départements situés au-dessous d’un certain seuil pourraient alors être autorisées à rouvrir leurs remontées mécaniques. J’espère que vous envisagerez sérieusement ces propositions.

La possibilité de cette différenciation me conduit au second point de mon propos : il faut continuer d’avancer sur le chemin d’une meilleure adaptation des normes législatives et réglementaires aux spécificités des territoires de montagne et des massifs. Ce travail doit commencer dès la conception de ces normes.

On gagnerait aussi à développer une démarche comparable pour améliorer le maillage des services publics. Plusieurs propositions figurent dans le rapport que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté, le 15 juillet dernier. Mes collègues y reviendront, notamment Dominique Estrosi Sassone.

Un premier pas pourrait consister à renforcer les liens avec le Conseil national d’évaluation des normes et le Conseil national de la montagne, ou bien encore à prévoir des expérimentations spécifiques.

Pour répondre à la désertification médicale, il me semble nécessaire de modifier le fonctionnement et la gouvernance des agences régionales de santé, de favoriser le développement de l’offre de stages en ambulatoire dans les zones de montagne, de développer la création de maisons de santé pluriprofessionnelles et de garantir le maintien d’une offre hospitalière de qualité, en proximité.

L’accès territorial au numérique et la lutte contre l’illectronisme sont d’autres sujets prioritaires. Le Gouvernement s’est fixé des objectifs ambitieux, qu’il est plus que jamais nécessaire d’atteindre.

Enfin, des questions d’attribution de compétences se posent, en particulier pour l’eau et l’assainissement. Une proposition de loi a été récemment déposée à ce sujet.

L’adaptation des territoires de montagne au réchauffement climatique remet durablement en cause leur modèle économique. Cette problématique a été peu abordée par les précédentes lois Montagne, alors qu’elle est vitale pour nos territoires, surtout pour les stations de basse et moyenne altitudes. Pour rappel, depuis les années cinquante, les températures annuelles moyennes dans les Alpes ont augmenté de deux degrés.

Si le risque de disparition des sports d’hiver est limité à l’horizon de 2040-2050 pour les stations situées au-dessus de 1 800 mètres d’altitude, elles seront confrontées comme les autres au manque d’enneigement, en particulier sur les « ailes » de la saison hivernale. Cette situation est très préoccupante, car la viabilité d’un domaine skiable suppose une durée minimale d’ouverture de cent jours par an. Certes, des outils existent pour sécuriser l’enneigement, comme la neige de culture. Nous devons cependant trouver des solutions pérennes, écologiques et moins coûteuses pour les stations, notamment les plus petites. Même sans neige, la montagne est et doit rester un espace attractif pour les Français et les touristes étrangers.

Deux pistes principales se dégagent des propositions qui figurent dans le rapport adopté le 15 juillet dernier.

Tout d’abord, il faut accompagner les territoires de montagne dans le développement d’un tourisme « 4 saisons » ou « 2 saisons plus », ainsi que dans la diversification des activités touristiques, qu’il s’agisse du VTT, de la randonnée, de l’escalade, du parapente, des loisirs en eau vive, ou bien d’autres activités qu’il reste à imaginer et à développer. À cet effet, les comités de massif pourront élaborer des plans stratégiques d’adaptation au changement climatique. Il faudra également travailler sur le développement des servitudes estivales. Le concours de l’État et de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, qui dispose depuis peu d’un programme spécifique pour la montagne, sera déterminant pour aider les collectivités à construire et à faire aboutir leurs projets.

Ensuite, cette transition doit être soutenue et accompagnée sur le plan financier. Il est donc nécessaire de créer un fonds spécifique d’adaptation au changement climatique en zone de montagne, pour restructurer les activités économiques face au recul de l’enneigement et financer la réhabilitation énergétique de bâtiments touristiques. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, j’avais proposé un amendement visant à mettre en place ce fonds à hauteur de 15 millions d’euros par an pendant deux ans. Nous pourrions aussi envisager un gel du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales pendant un ou deux ans.

Il serait également bon de prolonger la possibilité de recourir à l’activité partielle pour les remontées mécaniques qui relèvent des régies dotées de la seule autonomie financière. Une expérimentation était prévue dans la loi Montagne II, mais elle a pris fin. Les textes adoptés pendant la crise sanitaire ont apporté une réponse immédiate à cette problématique. Je souhaite qu’elle soit désormais traitée de manière durable.

Monsieur le secrétaire d’État, avant de conclure, je souhaiterais vous poser deux questions : s’agissant de la réouverture des remontées mécaniques, quel horizon pouvons-nous donner à la filière et comment l’État compte-t-il compenser les pertes subies par les professionnels ? Le Gouvernement prévoit-il d’inscrire dans le projet de loi 4D des mesures spécifiques pour le développement des territoires de montagne ?

Nous avons siégé ensemble au Conseil national de la montagne. Je connais donc votre engagement en faveur des territoires de montagne et le soutien que vous leur apportez. Sachez que nous serons à vos côtés quand viendra le jour de plaider de nouveau notre cause auprès des membres du Gouvernement et du Président de la République.

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