Séance en hémicycle du 12 janvier 2021 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • RTE
  • consommation
  • environnementale
  • impact
  • montagne
  • réseau
  • écologique
  • électrique
  • énergétique

La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 17 décembre 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

J’ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Paul Loridant, qui fut sénateur de l’Essonne de 1986 à 2004, et James Bordas, qui fut sénateur d’Indre-et-Loire de 1992 à 2001.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le risque de blackout énergétique.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe auteur de la demande.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous présenter mes meilleurs vœux pour 2021.

Vendredi dernier, le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, dont l’une des missions est d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité, a activé « le signal rouge » au niveau national. RTE a incité les Français « à réduire leur consommation d’électricité en appliquant des éco-gestes ».

Cet épisode témoigne de la grande vulnérabilité dans laquelle nous nous trouvons cet hiver. En réalité, il n’a rien d’étonnant ! Il est d’ailleurs probable qu’il se réitère, avec des conséquences peut-être plus graves, d’ici à la fin mars. Pourtant, si le Sénat avait été entendu plus tôt, cet épisode aurait sans doute pu être évité.

Depuis bientôt un an, le secteur de l’énergie, et singulièrement le marché de l’électricité, est entré dans une véritable zone de turbulences. Au-delà de son impact sanitaire, la crise de la covid-19 a de graves répercussions sur notre système énergétique. Cette crise affecte lourdement nos énergéticiens, en particulier EDF, car elle réduit le niveau de la demande et des prix des énergies ainsi que la disponibilité des moyens de production. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), « la crise de la covid-19 et les mesures de confinement qui en ont résulté ont un impact hors du commun sur le système énergétique ».

Dans ce contexte, dès le 11 juin dernier, RTE a anticipé « une situation de vigilance particulière » pour l’hiver 2020-2021. Cette situation sera d’autant plus critique que les conditions météorologiques seront rigoureuses. Elle s’explique essentiellement par « une disponibilité historiquement basse du parc nucléaire ».

Sur les cinquante-huit réacteurs de ce parc, neuf seront arrêtés en février et cinq le seront en mars prochain. En effet, la crise de la covid a entraîné des reports dans le programme d’arrêts de tranche d’EDF, c’est-à-dire des opérations de maintenance des centrales. Par ailleurs, certains réacteurs sont indisponibles pour des raisons liées à leur sûreté : Flamanville, Paluel et le Bugey. Pis, d’autres réacteurs ont été arrêtés pour des considérations politiques : avec la fermeture des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim, en mars et en juin derniers, le Gouvernement a privé la France d’une puissance de production de 1, 8 gigawatt, ce qui représente 1 800 éoliennes de 1 mégawatt ou 15 centrales thermiques de 150 mégawatts. Nous n’avons pas fini d’en payer les conséquences !

Cette situation de « vigilance particulière » sera très sensible aux mois de février et de mars prochains, de même que dans le Grand Ouest. Je pense en particulier à la région Bretagne, véritable « péninsule électrique » : le déploiement de la centrale nucléaire de Flamanville n’a pas succédé à l’extinction de la centrale à charbon de Cordemais.

Cette situation perdurera au moins jusqu’en 2023. Notre parc de production d’électricité est désormais « sans aucune capacité supplémentaire ». En effet, avec les fermetures de centrales nucléaires et thermiques, nos moyens de production se sont réduits, sans être compensés par l’essor des énergies renouvelables (EnR) ou des effacements de consommation.

Cette situation se traduira par un recours accru aux centrales thermiques en France, mais aussi à l’étranger. Nous allons dépendre des imports d’énergie de nos voisins européens, à commencer par l’Allemagne, dont – je le rappelle – 40 % de la production d’électricité est de source fossile. C’est regrettable pour notre indépendance énergétique, lorsqu’on sait que la France fut traditionnellement exportatrice d’électricité. C’est regrettable pour nos engagements climatiques, lorsqu’on sait que les trois quarts de notre production d’électricité sont entièrement décarbonés.

Cette situation ne conduira pas à un complet blackout, c’est-à-dire à une coupure d’électricité à l’échelle nationale, mais elle nécessitera l’activation de mécanismes dits « post-marché », comme l’interruption des consommateurs industriels, la baisse de tension sur le réseau et l’appel aux gestes citoyens. Surtout, RTE n’exclut pas des coupures d’électricité « séquencées et contrôlées ». Les Français n’ont donc pas fini d’être sollicités par des appels aux gestes citoyens.

Madame la secrétaire d’État, ces gestes sont sans doute appréciables, mais ils ne font pas une politique énergétique. Les Français sont en droit d’attendre, de la part de leur gouvernement, un diagnostic lucide, des objectifs réalistes et des mesures fortes.

Tout d’abord, le Gouvernement doit poser un diagnostic lucide sur la situation que nous traversons.

Lors de son audition devant la commission des affaires économiques, en novembre dernier, Mme la ministre Barbara Pompili avait indiqué que notre vulnérabilité en matière de sécurité d’approvisionnement était liée à la prépondérance de l’énergie nucléaire dans notre mix électrique. Elle avait affirmé que « 75 % de notre électricité est produite à partir du nucléaire », avant d’ajouter : « Quand il y a un raté sur le nucléaire, on en subit les conséquences. C’est la raison pour laquelle il faut diversifier notre mix électrique, afin d’être moins à la merci de ce genre d’aléas en pouvant faire appel à d’autres types de production d’énergie. »

Pour ma part, je fais le constat exactement inverse : c’est bien plutôt parce que nous n’avons pas suffisamment investi dans l’énergie nucléaire que nous en sommes arrivés à cette situation.

Si les énergies renouvelables doivent être promues – j’en suis le premier convaincu –, elles ne sont pas d’un grand secours pour faire face à la pointe de consommation hivernale, compte tenu de leur intermittence.

Faute d’un soutien suffisant à la filière nucléaire, ce sont aujourd’hui des centrales thermiques, de surcroît étrangères, qui tournent à plein régime, non des panneaux solaires ou des éoliennes, soumis aux aléas climatiques.

Ensuite, le Gouvernement doit fixer des objectifs réalistes pour sécuriser notre approvisionnement.

Dès l’examen du projet de loi Énergie-climat, dont je fus le rapporteur, j’avais regretté le manque d’« anticipation des conséquences de la politique énergétique menée ». Je continue de penser que la fermeture de quatre centrales à charbon, d’ici à 2022, et de quatorze réacteurs nucléaires, d’ici à 2035, aurait dû être davantage évaluée par le Gouvernement, au regard notamment de son impact sur la sécurité d’approvisionnement. En outre, sur l’initiative de la commission des affaires économiques du Sénat, le législateur a adopté un objectif d’au moins 6, 8 gigawatts de capacité d’effacement d’ici à 2028, mais le compte n’y est pas : aujourd’hui, cet objectif n’est atteint qu’à un tiers et les capacités ouvertes par les derniers appels d’offres n’ont été remplies qu’au quart.

Ce même souci d’anticipation, pour lequel je plaide, devra présider à l’examen du projet de loi issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat : il faut se défier des mesures n’ayant pas fait l’objet d’une complète étude d’impact. Ce sujet nous en donne la preuve, et il est essentiel de garder cette réalité à l’esprit. À cet égard, l’interdiction de facto des chaudières à gaz dans les logements neufs, à compter du 1er juillet prochain, issue de la réglementation environnementale 2020, me semble tout à fait prématurée, car insuffisamment évaluée.

Enfin, le Gouvernement doit prendre des mesures fortes en faveur de la sécurité d’approvisionnement.

La commission des affaires économiques n’a cessé d’avancer des solutions, afin que nous puissions maîtriser la consommation d’énergie : l’intensification des appels d’offres en matière d’effacement, le rehaussement du chèque énergie pour les ménages en situation de précarité énergétique, ou encore le renforcement des dispositifs de soutien à la rénovation énergétique, notamment en matière de régulation et de programmation.

Nous avons fait adopter des amendements en ce sens dès le premier collectif budgétaire en mars 2020, mais le Gouvernement n’a conservé aucune de ces solutions de bon sens. Nous avons aussi demandé que le Parlement soit associé aux travaux stratégiques de l’exécutif s’agissant des réformes du marché de l’électricité – je pense en particulier à celles de l’Arenh et du groupe EDF –, mais le Gouvernement nous a opposé une fin de non-recevoir.

Au total, je suis convaincu que l’énergie est un domaine trop important pour être laissé à des décisions hasardeuses et mal calibrées, car mal évaluées : le risque de blackout que nous subissons nous le rappelle aujourd’hui cruellement.

La production d’énergie nucléaire est, en France, un service public, une mission régalienne. En dépendent tout à la fois notre vie sociale, notre vie économique et notre transition écologique. Sans elle, il est illusoire d’espérer atteindre la neutralité carbone à l’horizon de 2050.

Madame la secrétaire d’État, que compte faire le Gouvernement pour garantir la sécurité d’approvisionnement cet hiver et, au-delà, l’avenir d’EDF et du nucléaire dans notre pays ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous présenter à mon tour mes meilleurs vœux pour 2021 : nous souhaitons tous que cette année soit celle de la résilience et de l’apaisement pour tous les Français.

Notre pays risque-t-il le blackout électrique ? Notre système de production et d’acheminement d’électricité est-il en mesure de répondre aux pointes de consommation hivernales ? La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim met-elle en danger notre capacité à fournir de l’énergie à toute heure et en tout lieu ? Allons-nous avoir recours aux centrales à charbon pour passer le cap hivernal ? Ce sont autant de questions que les élus du groupe Les Républicains nous invitent à examiner aujourd’hui. Il s’agit là d’un débat légitime ; nous ne faisons pas forcément nôtre leur inquiétude, mais, en tout cas, cette dernière appelle notre attention.

Tout en saluant la tenue d’un tel débat dans cet hémicycle, je ne crois pas – et je vais vous préciser pourquoi – que nous risquions un blackout. Je ne crois pas non plus que la fermeture de Fessenheim menace la stabilité de notre système électrique. Au contraire, je crois que l’accroissement des énergies renouvelables contribue à sécuriser notre approvisionnement électrique et que nous utiliserons de moins en moins nos centrales à charbon. Certes, la situation actuelle exige une vigilance particulière, mais nous sommes prêts à faire face au pic de consommation que nous connaissons.

La vigilance dont il s’agit s’explique, avant tout, par l’impact de la pandémie. Vous le savez, en temps normal, le calendrier de maintenance du parc nucléaire, qui fournit 70 % de notre électricité, est organisé pour maximiser la disponibilité des réacteurs en hiver. Or la crise sanitaire a contraint EDF à revoir le calendrier de certaines opérations de maintenance.

À notre demande, EDF a révisé la planification des arrêts de réacteurs, afin d’améliorer autant que possible la disponibilité du parc en hiver, malgré ces décalages.

En outre, nous avons demandé à RTE de mener des analyses prévisionnelles pour évaluer la sécurité de l’approvisionnement électrique au cours des prochains mois. Les conclusions de ces analyses ont été rendues publiques – vous en avez pris connaissance, j’en suis persuadée – et elles sont rassurantes.

Cet hiver, la situation est plus favorable que nous ne l’escomptions au printemps, du fait de l’optimisation du planning d’arrêt des réacteurs, de la gestion prudente de la production hydroélectrique au cours des derniers mois, qui a permis de constituer un stock supérieur à celui des dernières années, et d’une consommation électrique largement en deçà du niveau habituel à la même époque, en répercussion, malheureusement, des difficultés économiques que traverse notre pays. Je peux donc vous l’assurer : les Français et les Françaises seront approvisionnés sans difficulté. Nous ne risquons aucun blackout. C’est sur le fondement des prévisions de RTE que nous pouvons l’affirmer.

À ce titre, je tiens à saluer l’implication des agents d’EDF et de RTE, qui sont à pied d’œuvre pour que nous soyons correctement approvisionnés. §Monsieur le sénateur, je vous certifie que tel est le cas ! C’est seulement dans l’hypothèse d’une vague de froid particulièrement rigoureuse, si les températures devenaient sensiblement inférieures aux normales de saison, de plusieurs degrés en moyenne et pendant plusieurs jours consécutifs, qu’un point de vigilance subsisterait. Même dans ce cas, plusieurs leviers peuvent être actionnés pour assurer la continuité de l’approvisionnement.

Tout d’abord, en collaboration avec certaines entreprises, la consommation peut être réduite : il s’agit de la méthode dite « de l’effacement », utilisée jeudi dernier. À ce titre, le volume disponible est doublé grâce aux mesures mises en œuvre cette année.

Ensuite, la consommation de certains industriels peut être momentanément arrêtée : c’est l’interruptibilité, un dispositif auquel les intéressés souscrivent et pour lequel ils sont rémunérés.

Si cela ne suffit pas, RTE peut diminuer de 5 % sur de courtes périodes la tension sur les réseaux : les effets d’une telle mesure sont quasiment imperceptibles pour les consommateurs.

Enfin – un tel cas de figure reste tout à fait improbable –, en dernier recours, parce que nous sommes aussi préparés aux situations exceptionnelles, nous pourrions tout à fait procéder à des opérations de délestage temporaire du réseau. Il s’agirait alors, en prévenant en amont les personnes concernées, de couper l’alimentation électrique d’un nombre limité de foyers, pour une durée maximale de deux heures, pour protéger l’ensemble du réseau.

Nous ne serons donc en aucun cas confrontés à des situations de blackout, c’est-à-dire à des coupures massives et non contrôlées sur le réseau. La sécurité de notre approvisionnement électrique est tout à fait garantie.

M. Fabien Gay proteste.

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

J’en viens à la part du nucléaire dans notre mix électrique.

Monsieur Gremillet, je ne crois pas non plus que la fermeture de Fessenheim augmente le risque pesant sur le réseau électrique.

À cet égard, vous avez évoqué les études d’impact.

Il s’agit bien d’une décision pour partie politique. J’ajoute que le but est d’accroître la résilience de notre mix en garantissant un meilleur équilibre. D’ailleurs, ce sont bien les perturbations du programme de maintenance nucléaire, résultant, soit de la crise sanitaire actuelle, soit des périodes de canicule qui sont la conséquence du réchauffement climatique, qui expliquent le surcroît de vigilance dont nous faisons preuve. À certaines périodes de l’automne, entre cinq et dix réacteurs supplémentaires étaient à l’arrêt par rapport à l’année dernière. Il en sera de même pendant certaines périodes cet hiver.

Les deux réacteurs de Fessenheim n’auraient pas suffi, à eux seuls, à changer la donne. En outre, vous le savez, pour continuer à fonctionner de manière sûre au-delà de cette année, cette centrale aurait exigé des investissements massifs. De lourdes dépenses, pour une contribution faible à l’approvisionnement, auraient donc été engagées au détriment du déploiement d’autres capacités de production et de puissance bien plus importantes.

Le nucléaire demande de la planification – c’est ce qui a présidé à l’arrêt de cette centrale –, et nous poursuivrons en ce sens.

En parallèle, nous utilisons de moins en moins nos centrales à charbon. Les dernières d’entre elles seront arrêtées à l’horizon de 2022, conformément à nos engagements. Nous les employons encore à la marge, comme source d’appoint, pour faire face à des pics de consommation.

Pour la période 2019-2020, l’utilisation de ce moyen de production a été sensiblement plus basse que lors de la période 2015-2018. Ainsi, pendant les mois de septembre et d’octobre 2020, cette production a été deux fois plus faible que pendant les années passées. De plus, pendant la période 2012-2018, nous avons fermé 10 gigawatts de capacités de production à base de charbon et de fioul.

En aucun cas, la fermeture de Fessenheim ne nous conduit à augmenter notre utilisation du charbon. Notre électricité reste, de fait, la plus décarbonée d’Europe, grâce à notre parc nucléaire, grâce au parc hydraulique et au développement des autres énergies renouvelables.

L’épisode actuel nous montre, plus que jamais, la nécessité de diversifier notre mix électrique pour ne pas dépendre d’une seule source d’énergie et pour renforcer la résilience du réseau : tel est notre objectif au travers du développement des énergies renouvelables. C’est tout le sens de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), en vertu de laquelle la part du nucléaire dans notre mix électrique doit être abaissée à 50 % d’ici à 2035.

J’y insiste, les énergies renouvelables contribuent à la sécurité de notre système électrique – les bilans prévisionnels de RTE le confirment – et elles doivent constituer une part croissante de notre mix électrique. L’énergie éolienne a ainsi pu représenter jusqu’au tiers de la production électrique – ce fut le cas le 27 septembre dernier. J’ajoute que cette production est en moyenne plus élevée en hiver, puisque les conditions climatiques s’y prêtent, alors même que la consommation est plus importante.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, nous sommes prêts, et sans crainte, à faire face à cette période hivernale.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, suivie d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Pierre Médevielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

En vertu du cap fixé, la part du nucléaire dans notre mix électrique doit être portée à 50 % en 2035. Qu’il s’agisse d’un véritable changement de stratégie ou d’un simple effet de communication, cette décision ne doit pas nous mener à rouvrir des sites de production d’énergies polluantes ou à importer une énergie carbonée de pays voisins en cas de manque sur notre propre réseau. Le nucléaire fait partie des énergies les moins carbonées et reste la plus stable à notre disposition, même si je crois beaucoup aux possibilités qu’offrent les énergies renouvelables, notamment quand elles sont couplées à un stockage par batterie, comme le solaire le prouve.

Cette décision ne doit pas non plus fragiliser notre réseau face aux nouvelles consommations électriques. À titre d’exemple, en 2035, plus de 15 millions de véhicules électriques pourraient circuler dans l’Hexagone. J’espère que les véhicules à hydrogène bénéficieront alors, eux aussi, d’un maillage suffisant. D’après les chiffres de la Commission de régulation de l’énergie et de RTE, ces millions de véhicules électriques représenteront une consommation annuelle estimée autour de 35 tonnes wattheures, soit environ 7 % de la consommation française globale.

Fort heureusement, ces besoins nouveaux sont compensés par des innovations permettant de réduire la consommation électrique. Néanmoins, il faut aller plus loin : qu’en sera-t-il en cas de pic de consommation et donc de risques de tensions importantes sur le réseau pouvant entraîner un blackout ?

Les véhicules électriques doivent être la solution d’une gestion intelligente du réseau. Ce qu’on appelle le procédé vehicle to grid, autrement dit « de la voiture au réseau », est en train d’émerger. La perspective de piloter la recharge des véhicules électriques est source d’espoir et d’efficacité du réseau.

Madame la secrétaire d’État, comment envisagez-vous de faciliter l’expérimentation et le développement du pilotage de la recharge des véhicules électriques, dont le potentiel d’innovation pourrait rendre notre réseau plus flexible et prévenir d’éventuels blackouts sur le long terme ?

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Monsieur le sénateur Médevielle, pour ce qui concerne le mix électrique à l’horizon de 2035 et au-delà, notre politique tiendra compte des besoins nouveaux, qu’il faudra bel et bien gérer intelligemment. D’ailleurs, les véhicules électriques font déjà l’objet d’expérimentations : certaines d’entre elles m’ont été présentées, en tant que Haut-Marnaise.

Il s’agit là de perspectives extrêmement intéressantes, car – j’insiste sur ce point –, face aux variations que connaît notre production d’électricité, notre mix énergétique doit absolument être diversifié. À cet égard, toute mesure susceptible de favoriser de nouveaux process de stockage de l’énergie, notamment au titre des mobilités, mérite d’être étudiée. Nous accorderons donc une attention toute particulière au système que vous évoquez.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

Madame la secrétaire d’État, je partage votre optimisme quant à ces nouvelles solutions, qui permettront d’accroître l’intelligence du réseau.

Certes, le stockage de l’énergie est un problème persistant, mais, sur ce sujet, nous avançons : dans certains territoires où la demande n’est pas trop forte, comme la Nouvelle-Calédonie, on parvient presque à l’autonomie, grâce à des unités de cellules photovoltaïques couplées à des batteries. Ainsi, l’électricité est délivrée à certains horaires : qu’il s’agisse des véhicules ou d’autres appareils, ce système ouvre de nouvelles perspectives. Nous faisons confiance au génie français pour développer ces solutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

RTE a activé son dispositif d’alerte rouge Ecowatt vendredi dernier. La tension dans l’approvisionnement électrique provient certes de l’augmentation de la consommation liée à la vague de froid, mais elle questionne évidemment le choix du tout-nucléaire dont, encore à l’instant, on nous a vanté la prétendue robustesse. Or la crise du covid a révélé, une nouvelle fois, nos vulnérabilités, cette fois-ci en matière énergétique : elle a décalé la tenue de plusieurs travaux, et quatre réacteurs sur dix se sont ainsi retrouvés à l’arrêt.

Notre parc nucléaire, qui va bientôt fêter ses quarante ans, représente 77 % du mix électrique français. La voilà, la fragilité de notre modèle, loin des discours rassurants et optimistes : c’est celle d’une énergie coûteuse, fragile, dangereuse et dépassée, qui n’est pas à la hauteur des enjeux de notre siècle !

Néanmoins, le génie français ne serait rien sans son entêtement. Alors que de nombreux pays ont fait le choix de la diversification, nous avons décidé d’investir dans des EPR, comme celui de Flamanville, qui affiche déjà dix ans de retard et dont les coûts sont passés de 3 milliards à 19 milliards d’euros. Quand j’entends que l’on n’a pas encore assez investi dans le nucléaire, j’éprouve quelques doutes…

La peur du blackout doit permettre à certains d’ouvrir les yeux sur notre mix énergétique : il est urgent de le diversifier pour le rendre plus résilient. Mais la production n’est que la moitié du problème : il faut aussi se pencher sur la consommation et donc sur notre sobriété.

Le secteur du bâtiment, résidentiel et tertiaire, représente aujourd’hui 45 % de la consommation finale d’énergie en France. La part immense du chauffage électrique, couplée à une grande quantité de passoires thermiques, représente une immense marge de manœuvre pour faire baisser notre consommation électrique.

Au-delà de ces réserves d’énergie, il est indispensable de débattre des nouveaux usages. À ce titre, le rapport que le Haut Conseil pour le climat a consacré à la 5G est édifiant : il prévoit ni plus ni moins qu’une explosion de la consommation.

Madame la secrétaire d’État, ma question est la suivante : quel est votre scénario concret de réduction de la consommation électrique française et quelle est votre stratégie en matière de sobriété ?

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Monsieur le sénateur Dossus, les clés sont effectivement dans l’efficacité énergétique et dans la maîtrise de la demande.

La loi prévoit une diminution de la consommation d’énergie finale de 20 % à l’horizon de 2030 par rapport à 2012 et une consommation d’électricité stable à cet horizon par rapport à aujourd’hui. En effet, l’électrification croissante des usages doit être compensée par une plus grande efficacité énergétique.

À cette fin, nous mettons en œuvre un certain nombre de dispositifs, à commencer, bien sûr, par la rénovation thermique des bâtiments. Il s’agit là d’un élément essentiel, comme le renouvellement des modes de chauffage, qui sont aujourd’hui moins carbonés et plus efficaces. Ainsi, nous disposons des certificats d’économies d’énergie (CEE), du dispositif MaPrimeRénov’, qui monte en puissance – vous l’avez vu –, et des aides de l’ANAH, qui constituent le cœur des aides à la rénovation.

Les certificats d’économies d’énergie ont été renforcés au printemps 2020 pour la rénovation des logements et locaux tertiaires chauffés au fioul et au gaz notamment, et l’ambition de la cinquième période d’obligation, qui s’ouvrira le 1er janvier 2022, est en cours de définition.

Par ailleurs, les études montrent que, en renforçant l’isolation des bâtiments, le remplacement à grande échelle du chauffage au fioul par des pompes à chaleur n’entraîne pas d’augmentation de la consommation.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Madame la secrétaire d’État, la sobriété énergétique est un impératif : pourquoi, d’un côté, préconiser de fortes économies d’énergie et, de l’autre, laisser se développer de nouveaux usages entraînant une forte consommation d’électricité ?

La 5G représente une augmentation de 5 % à 13 % de la consommation finale d’électricité du résidentiel et du tertiaire actuels. Si, tout en isolant les bâtiments pour faire des économies, on laisse la consommation énergétique exploser, on n’y gagne rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Nadège Havet

Aussi, je rappelle que, en français, il s’agit d’une coupure généralisée de l’approvisionnement en électricité sur tout ou partie d’un territoire. Cette crainte a été largement relayée par les médias en raison des effets de la crise sanitaire et du confinement du printemps dernier, le calendrier de maintenance du parc nucléaire ayant été retardé avec un nombre anormalement haut de réacteurs à l’arrêt.

Le débat de cet après-midi porte donc, d’une part, sur le risque de sous-production par rapport à une demande en forte hausse liée à la chute actuelle des températures et, d’autre part, sur les mesures que prend ou pourrait prendre le Gouvernement pour prévenir un tel phénomène, dans cette période hivernale et de couvre-feu. En France, il est vrai, nous sommes particulièrement consommateurs de chauffage électrique, ce qui peut provoquer une croissance rapide de la demande en énergie au cœur de l’hiver, notamment en début de soirée.

Nos voisins connaissent actuellement des froids glaciaux qui pourraient, selon certains scénarios, atteindre notre pays. En tant que membre du groupe d’amitié France-Espagne, j’ai une pensée particulière pour nos amis espagnols : la tempête Filomena a déjà causé plusieurs décès dans leur pays, où s’abat une vague de froid sans précédent depuis 1956.

Dans ce contexte, pour répondre à une éventuelle surconsommation, des campagnes de sensibilisation sont lancées et des mesures existent en France pour compenser le manque de ressources. La plus connue est l’importation d’électricité auprès des pays frontaliers. Toutefois, la situation risque d’être tendue : l’Allemagne est elle aussi concernée par cette vague de froid et sera également soumise à une forte demande sur son réseau intérieur.

Dans certains cas extrêmes, RTE peut également demander aux différents gestionnaires du réseau de distribution de réaliser des coupures localisées tournantes de deux heures au maximum. La Bretagne et le sud-est de la France seraient particulièrement touchés par le délestage du fait d’un faible niveau de production d’électricité dans ces zones. Cette possibilité est-elle envisageable ?

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Madame la sénatrice Havet, dans certaines situations exceptionnelles, si la capacité de production est insuffisante au regard de la consommation, des mesures post-marché peuvent en effet être mobilisées afin d’éviter d’avoir recours à des délestages, en particulier l’activation des contrats d’interruptibilité des grands consommateurs industriels, permettant à RTE de couper l’approvisionnement avec un très faible préavis, un service pour lequel ces industriels sont rémunérés.

La baisse de tension sur les réseaux est également possible : une diminution temporaire de 5 % n’emporte que des conséquences quasiment imperceptibles sur la qualité du service.

D’autres réponses existent, comme l’augmentation ponctuelle de nos importations, au-delà du signal donné par le marché, ou l’appel aux gestes citoyens. Ce dernier point fait l’objet du site Ecowatt, développé avec RTE et l’Ademe ; ses alertes permettent une mobilisation dans laquelle tous les Français peuvent trouver du sens afin d’adapter certaines habitudes du quotidien. Le résultat a d’ailleurs été très bénéfique jeudi dernier, et nous pouvons les en remercier.

En dernier recours, et seulement si les leviers que je viens d’évoquer ne sont pas efficaces, RTE prévoit de pouvoir faire appel aux délestages tournants, c’est-à-dire à la coupure temporaire de deux heures de certains clients en variant les zones concernées afin d’anticiper et de maîtriser la situation. Ces coupures épargnent, évidemment, les infrastructures prioritaires, comme les établissements de santé ou les installations indispensables à la sécurité.

Il ne s’agit surtout pas de mettre la France dans le noir, mais bien de maîtriser le délestage ciblé d’une partie des consommateurs afin d’éviter des coupures beaucoup plus importantes. Ces opérations font l’objet d’une annonce la veille du délestage.

C’est donc sur la base de cet effort volontaire de réduction, des éco-gestes et de ces différentes mesures que nous nous garantissons une absence de blackout.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation de parlementaires libyens conduite par M. Aguila Saleh, président de la Chambre des représentants de Libye.

Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la secrétaire d ’ État se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La délégation effectue une visite au Sénat à l’invitation du président Gérard Larcher ; elle sera reçue en audience par le président du Sénat aujourd’hui. Le président Aguila Saleh s’exprimera également devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

La Libye connaît, depuis 2011, une situation politique, économique et sécuritaire complexe, laquelle affecte au premier chef le peuple libyen, mais aussi l’équilibre de la région et, au-delà, celui du continent européen. Pour y faire face et trouver une issue favorable, la France ne ménage pas ses efforts.

La Libye et les Libyens savent qu’ils peuvent compter sur notre appui pour soutenir les efforts de la médiation menée sous l’égide des Nations unies en vue de l’instauration d’un État réunifié, solide, pleinement souverain et de la tenue des élections le 24 décembre 2021. Nous formons le vœu que cette visite conforte les relations entre nos deux pays et contribue à cette sortie de crise en Libye.

Nous souhaitons au président de la Chambre des représentants, M. Aguila Saleh, aux parlementaires et à la délégation qui l’accompagnent la bienvenue au Sénat de la République française, ainsi qu’une agréable et fructueuse visite.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Dans la suite du débat interactif, la parole est à M. Jean-Claude Requier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

La crise sanitaire a entraîné des retards dans la maintenance des réacteurs nucléaires et donc une moindre disponibilité du parc. Bien que planifiés, la fermeture de Fessenheim en 2020 – qui produisait 1 800 mégawatts – et les arrêts de centrales au fioul et au charbon participeront aux tensions de l’offre. En vérité, la centrale de Fessenheim nous manque !

Si le risque de blackout est maîtrisé cet hiver, il ne peut être écarté à l’avenir, et je remercie les initiateurs de ce débat d’avoir inscrit ce sujet à l’ordre du jour.

Il est impératif d’anticiper et d’accroître les marges de manœuvre, car il n’est pas acceptable de se satisfaire des capacités d’effacement et de coupures d’électricité, aussi courtes soient-elles, comme cela pourrait être le cas au cours du prochain mois.

Au-delà de la nécessaire maîtrise de la demande par des gains d’efficacité énergétique, il convient de garantir la stabilité du système électrique.

Le développement des capacités de stockage doit s’accélérer, afin d’accompagner les efforts de stabilisation des réseaux. À ce titre, le recours à l’hydrogène constitue un levier de flexibilité pour assurer la sécurité de l’approvisionnement en énergie, ainsi qu’une meilleure intégration des énergies renouvelables. Pour rappel, ces dernières devraient représenter 40 % du mix électrique français en 2030.

La stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène, ambitieuse sur le plan financier, avec les 7 milliards d’euros qui lui seront consacrés, évoque timidement le stockage de l’énergie. Plus que celle de la France, les stratégies américaine et britannique accordent une importance particulière à la résilience des réseaux énergétiques au travers du stockage souterrain de l’hydrogène. Dès lors, comment le Gouvernement entend-il accélérer le développement du stockage massif de l’hydrogène afin d’accompagner la transition énergétique et de préserver la sécurité d’approvisionnement de notre pays ?

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Monsieur le sénateur Requier, à court terme, les analyses de RTE n’indiquent pas un besoin de recours à l’hydrogène pour faire face aux pointes de consommation : les sources actuelles de flexibilité sont suffisantes à l’horizon de 2030-2035. Pour autant, l’objectif prioritaire du développement de l’hydrogène est la décarbonation des usages afin de pouvoir l’utiliser directement, notamment dans l’industrie et la mobilité lourde, de manière complémentaire aux solutions entièrement électriques.

À ce titre, la stratégie française pour le développement de l’hydrogène, annoncée en septembre dernier par le Gouvernement, fixe un objectif de 6, 5 gigawatts d’électrolyse à l’horizon de 2030. Nous nous donnons ainsi la possibilité de massifier la production et l’utilisation d’hydrogène, avec une enveloppe de 7 milliards d’euros jusqu’à 2030, dont 2 milliards d’euros ont été inscrits dans le plan de relance. Nous consacrons donc des moyens importants au développement de l’hydrogène.

Au-delà de 2035, indépendamment du mix électrique choisi, les études montrent un besoin de stockage accru. L’hydrogène pourra alors offrir une solution des plus intéressantes. Plusieurs études prospectives de long terme sont en cours et permettront de quantifier ce besoin et, plus largement, de documenter les enjeux et les leviers de notre futur système électrique, notamment le bilan prévisionnel 2050 de RTE, lequel doit être publié à la mi-2021.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Depuis deux ans, RTE alerte sur le risque de tension du système électrique durant les hivers à venir et sur les risques de coupure généralisée.

En novembre dernier, Mme la ministre Pompili nous confirmait la possibilité de coupures très courtes en cas de grosses vagues de froid. Pour y remédier, il suffirait, selon elle, d’avoir recours à l’effacement, c’est-à-dire de demander aux industries d’arrêter leur production à certains moments, contre rémunération. Or, demain, ce n’est plus seulement aux entreprises électro-intensives que l’on demandera de s’effacer, mais aussi aux particuliers, grâce aux boîtiers Linky. C’est dans cette logique, semble-t-il, qu’EDF a lancé sa scandaleuse campagne #MetsTonPull, alors que 12 millions de personnes sont déjà en situation de précarité énergétique. Tous ne devront pourtant pas se couvrir et l’hiver ne sera pas rigoureux pour tout le monde, comme pour la famille Mulliez, grâce au développement, via des fonds publics, du boîtier d’effacement Voltalis.

Cette injonction à « mettre son pull », discours paternaliste et infantilisant, présupposant que les Français gaspillent, ne saurait en aucun cas masquer votre inertie à développer une politique industrielle ambitieuse pour répondre aux besoins de la Nation.

Si la crise épidémique a accentué les menaces sur l’approvisionnement, c’est bien la libéralisation du secteur de l’énergie qui en est à l’origine, et cette situation risque fort de devenir structurelle avec le projet Hercule.

Aujourd’hui, des centrales nucléaires et à charbon sont fermées sans que leur apport soit compensé, et les barrages hydroélectriques – les sources d’énergie les plus pilotables et qui permettent d’assurer l’approvisionnement de façon continue, avec le nucléaire – pourraient être confiés, demain, au privé. Nous serions alors pleinement à la merci des actionnaires, qui pourraient bien décider, comme ce fut le cas en Californie dans les années 2000, de couper l’alimentation.

Ma question est simple, madame la secrétaire d’État : quand allez-vous mettre un terme à cette politique mortifère de libéralisation du secteur et enfin créer un véritable service public de l’énergie dont la Nation a besoin ? Et puisque vous avez parlé des salariés : cessez de casser leur statut ! Plus que de longs discours, c’est cela qu’ils attendent de vous !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Monsieur le sénateur Gay, les producteurs d’énergie adaptent leur production en fonction des signaux économiques, c’est indéniable. Dans le cas d’un barrage hydroélectrique à réservoir, ils ont une incitation économique à produire lorsque le prix est plus élevé, c’est-à-dire lorsque s’annoncent des pointes de consommation. Ce système contribue donc à la sécurité d’approvisionnement. Quelle que soit l’option retenue pour le renouvellement des concessions hydroélectriques, ce comportement, dicté par une rationalité économique, ne changera pas.

La Commission de régulation de l’énergie, une autorité administrative indépendante, s’assure, par ailleurs, que les acteurs n’abusent pas de leur éventuel pouvoir de marché, et le gestionnaire de réseau de transport d’électricité, RTE, a la responsabilité d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande sur ce réseau et peut faire appel aux moyens de production en cas de risque pour la sécurité d’approvisionnement.

Un scénario à la Enron, dans lequel un acteur avait pu manipuler le système électrique grâce à la possession de lignes à haute tension cruciales pour la Californie et de nombreux moyens de production, n’est donc pas à craindre en France, et nous y veillerons.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Si on vous laisse faire, c’est ce qui nous arrivera !

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Plus largement, ainsi que cela sera évoqué lors du débat dont vous avez demandé l’organisation demain, concernant l’évolution d’EDF, le Gouvernement est très attentif à mettre en place un dispositif dans lequel les concessions hydroélectriques pourront jouer tout leur rôle dans la transition énergétique comme dans la gestion de l’eau – la question des étiages en est un exemple parfait – en développant des approches cohérentes par vallée et en créant des conditions d’investissement nouvelles pour les concessions existantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Un blackout énergétique traduirait un déséquilibre sur le réseau avec une demande d’électricité supérieure à la capacité de production. À ce jour, un tel déséquilibre ne s’est jamais produit en France. Malheureusement, ce risque ne doit pas être écarté, tant à court terme, avec l’indisponibilité, cet hiver, de centrales nucléaires, qu’à long terme, avec le rééquilibrage progressif du mix énergétique de la France en faveur des énergies renouvelables. Le niveau de ces dernières dans le mix est encore trop faible pour que leur intermittence ait un impact structurel sur le réseau, mais cette problématique devrait se présenter de plus en plus régulièrement à la faveur de leur développement.

Quelles solutions peuvent être alors envisagées ? Deux leviers principaux sont à disposition des pouvoirs publics : le dimensionnement des moyens de production pour faire face à des pics de consommation, d’une part, et la flexibilité du système électrique, d’autre part.

En ce qui concerne ce second point, il nous faudra, bien entendu, améliorer les technologies de stockage de l’électricité renouvelable intermittente. En la matière, madame la secrétaire d’État, quelles solutions vous semblent aujourd’hui les plus avancées ?

Nous considérons que, à long terme, le développement d’une filière d’hydrogène bas-carbone pourrait contribuer à remédier à l’intermittence saisonnière des énergies renouvelables. L’hydrogène produit en période de surplus d’électricité renouvelable, par exemple en été, pourrait être stocké et retransformé en électricité par le biais de piles à combustible ou de turbines à combustion pendant les périodes de faible production éolienne ou solaire.

Le recours au stockage par hydrogène devrait cependant demeurer marginal en France métropolitaine dans les années à venir, en raison du niveau encore modéré des énergies renouvelables dans le mix énergétique. À long terme, quand celles-ci occuperont une part plus ambitieuse de notre mix, ne faudra-t-il pas faire de l’hydrogène un outil de flexibilité ?

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Monsieur le sénateur Longeot, à court terme, les analyses de RTE n’indiquent pas de besoin supplémentaire de stockage pour faire face aux pointes de consommation : les sources actuelles de flexibilité sont suffisantes à l’horizon de 2030-2035.

Au-delà de 2035, indépendamment du mix électrique choisi, les études montrent un besoin de flexibilité accru. Plusieurs leviers sont envisageables à cette fin : le développement du stockage, l’amélioration de l’efficacité énergétique ainsi qu’un meilleur pilotage de la demande pour baisser et mieux répartir les pointes de consommation.

En ce qui concerne le stockage, l’hydrogène est une option intéressante. Le Gouvernement a mis en place un plan Hydrogène doté de 7 milliards d’euros à l’horizon de 2030 pour massifier la production et l’utilisation de l’hydrogène.

À court terme, la priorité du développement de l’hydrogène vise à la décarbonation des usages, notamment dans l’industrie et dans la mobilité lourde. D’autres solutions existent pour le stockage, comme le recours aux batteries au sein du système électrique, de plus en plus fréquent et dont les coûts baissent rapidement. À moyen terme, le développement de parcs de batteries pourra donc apporter cette flexibilité.

Le développement des véhicules électriques offre également une opportunité d’améliorer sensiblement la flexibilité du système grâce à des outils de pilotage de recharge. Il est ainsi tout à fait envisageable d’inciter les utilisateurs à charger leur véhicule en milieu de journée, lorsque la production renouvelable est importante, et à restituer en partie cette énergie au réseau le soir, lorsque les besoins sont importants.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

L’évolution de la production d’électricité en France s’inscrit dans le cadre de la PPE révisée et de la stratégie nationale bas-carbone. De 71 % de production d’électricité d’origine nucléaire aujourd’hui, ayant, je le rappelle, un impact minime sur le réchauffement climatique et un coût très compétitif, nous devons passer à 50 % en 2035. La marche est très haute et la faisabilité d’une telle modification pose question.

EDF s’est engagée dans la mise aux normes post-Fukushima et le rallongement de la durée de vie de ses centres de production dans le cadre du grand carénage. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous fournir à la représentation nationale et à la commission des affaires économiques du Sénat la programmation pluriannuelle des investissements et de leur financement traduisant la planification des investissements et des gros entretiens de production, incluant, bien entendu, les énergies renouvelables ?

La situation actuelle du réseau donne à comprendre que le mécanisme de capacité en place ne répond pas à la couverture des risques identifiés ou constatés.

Cette PPI devrait, bien sûr, faire apparaître les investissements planifiés au regard des risques de blackout et des nécessités d’importation en situation de crise de fourniture. Je constate, en outre, que le dernier guide public de RTE relatif à la gestion des blackouts remonte à 2004.

En quoi le projet Hercule du Gouvernement, en démantelant de fait le groupe EDF, second énergéticien au monde et fleuron de notre souveraineté industrielle, va-t-il améliorer la prévention des blackouts ? Comment va-t-il permettre d’améliorer la résilience de la production et des réseaux de transport et de distribution face aux aléas climatiques et technologiques ?

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Monsieur le sénateur Montaugé, nous disposons de ces projections et de ces bilans, qui sont beaucoup plus fréquents que vous ne l’indiquez. Les sénateurs comme les députés, parmi lesquels je siégeais encore il y a quelques mois, ont largement débattu dans le cadre de la loi Énergie-climat comme de la programmation pluriannuelle de l’énergie de ces différents scénarii.

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Les investissements ont évidemment été mis en regard.

Je ne reviens pas sur Hercule, vous en débattrez demain.

Nous avons évoqué les différentes mesures qui permettent d’éviter un blackout, lequel, pour les raisons précédemment avancées, ne constitue ni un risque particulier ni une urgence appelant d’autres mesures.

Enfin, le parc nucléaire a en effet connu une disponibilité historiquement faible durant l’hiver 2020 ; nous en connaissons les raisons. Les fermetures de centrales à charbon envisagées ont pu être préparées et nous avons sécurisé notre approvisionnement par un autre mix énergétique, qui nous permet d’aborder sereinement les prochaines échéances, y compris en cas de pic de consommation.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

S’agissant de l’électricité, il convient de mettre un terme au dogme mortifère, et qui joue contre nos intérêts nationaux, de la libre concurrence non faussée. Seule une organisation adaptée au monopole naturel de ce marché spécifique, à nul autre pareil, permettra la concurrence et l’émergence des énergies renouvelables, c’est-à-dire une entreprise intégrée, de la production à la distribution.

Traiter le projet Hercule par voie d’ordonnance reviendrait à dessaisir les Français du devenir de cette entreprise, laquelle leur appartient pourtant depuis 1946, par décision du Conseil national de la Résistance et de Charles de Gaulle.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Madame la secrétaire d’État, je vais vous poser une question simple : pourquoi avez-vous décidé de fermer la seconde tranche de Fessenheim, quoi qu’il en coûte ? Je vous rappelle que, quand la décision initiale de fermeture de Fessenheim a été prise, l’EPR devait être en service.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation de « quoi qu’il en coûte » sur le plan économique. Depuis le premier rapport de RTE, au mois d’avril, sur l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité pour l’hiver 2020-2021, nous savons que notre système électrique pourrait être défaillant. Les actualisations de ce rapport font état d’une situation moins alarmante ; pour autant, dans la version du mois de novembre, il est indiqué que la situation fin janvier et durant le mois de février pourrait être difficile si nous subissions une vague de froid. Cela se traduira par le recours à des mécanismes hors marché, qui emportent des conséquences sur l’activité économique.

Il s’agit également d’une décision de type « quoi qu’il en coûte » sur le plan des émissions de CO2, car, contrairement à ce que vous nous avez dit précédemment, on ne peut pas vivre uniquement avec des moyens intermittents alors que l’énergie nucléaire est une énergie pilotable et décarbonée. Je cite un seul exemple : le jeudi 10 novembre, 10 % de l’électricité produite l’a été à partir de centrales à gaz, lesquelles émettent quarante fois plus de CO2 que le nucléaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

La centrale de Cordemais sera en fonctionnement jusqu’en 2024 ou 2026, contrairement à ce qui a été voté, et nous importons de l’électricité depuis les pays voisins, dont le mix énergétique est beaucoup plus carboné que le nôtre.

Il s’agit, enfin, d’une décision de type « quoi qu’il en coûte » pour les consommateurs, si j’en crois un document de consultation de la Commission de régulation de l’énergie, lequel fait état d’une augmentation des tarifs bleus à compter du 1er février, notamment parce que le coût des matières premières est plus élevé : 12 % pour le charbon, 9 % pour le gaz et 20 % pour les quotas de CO2.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

La question est claire ! Qu’en sera-t-il de la réponse ?…

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Madame la sénatrice Lavarde, Fessenheim n’y changerait rien, ainsi que j’ai pu le dire dans mon propos introductif.

La France s’est engagée dans une transition énergétique qui repose sur la sobriété et l’efficacité énergétiques ainsi que sur la diversification des sources de production et d’approvisionnement. Avec la programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2028, nous avions l’ambition, qui se confirme, de réduire la part du nucléaire à hauteur de 50 % à l’horizon de 2035 avec, notamment, la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim en 2020. Le premier a été fermé le 22 février, avant la crise, et le second en juin.

Au début de la crise, le processus de fermeture était, quoi qu’il arrive, déjà engagé de manière irréversible, les travaux nécessaires à la poursuite de l’exploitation n’avaient pas été réalisés et EDF ne disposait pas du combustible nécessaire à l’exploitation de la centrale.

La situation à laquelle nous avons fait face n’est pas la conséquence de la fermeture de ces deux réacteurs, mais de l’arrêt pour maintenance, cet hiver, d’autres réacteurs de centrales en France. Cela confirme les orientations du Gouvernement sur le besoin de diversifier le mix électrique pour en améliorer la résilience, notamment face à des événements extérieurs tels que nous en connaissons actuellement.

Par ailleurs, dois-je vous rappeler le calendrier de l’EPR de Flamanville, dont la mise en service était initialement prévue en 2012 et qui, malheureusement, a pris beaucoup de retard ? Il ne devrait être opérationnel vraisemblablement qu’après la mi-2023.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Vous nous avez exposé des arguments que vous aviez déjà avancés dans votre propos liminaire et qui ne répondent qu’imparfaitement à la question. La première tranche a été fermée en février, mais la seconde l’a été en juin. Or elle représentait tout de même une puissance de 900 mégawatts !

Aujourd’hui, que pouvez-vous répondre sur ce que l’on constate, à savoir un recours accru aux moyens thermiques, puisque, comme vous le savez très bien, les moyens intermittents seuls ne peuvent pas suffire pour assurer une production électrique stable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Denise Saint-Pé

Certains s’inquiètent aujourd’hui de la survenue d’un blackout énergétique en France. Cependant, un tel scénario ne pourrait se produire qu’en réunissant plusieurs conditions : d’une part, une forte hausse de la consommation d’électricité, elle-même liée à une baisse durable des températures, et, d’autre part, une absence de vent à même d’empêcher le parc éolien de prendre le relais du parc nucléaire. Le risque me paraît donc limité pour le moment, et je compte sur le Gouvernement pour l’éviter.

Cela étant, je souhaite aborder la question du moyen terme.

Des tensions existent déjà au moment des pics de consommation et pourraient bientôt s’amplifier alors que nos capacités de production nationale disponibles lors de ces pointes risquent de diminuer à l’avenir, puisque quatorze réacteurs nucléaires devront être fermés pour atteindre les objectifs fixés par la PPE : une part du nucléaire ramenée à 50 % dans le mix énergétique français d’ici à 2035. Ces fermetures devraient, en principe, être compensées par un recours accru aux énergies renouvelables. Néanmoins, il est douteux qu’il puisse s’agir d’une compensation complète et efficace, car ces sources d’énergie sont par nature intermittentes et produisent moins que le nucléaire.

Ajoutons à cette équation le fait que la RE 2020 restreindra de fait l’utilisation du gaz dans les logements neufs, ce qui conduira au retour du chauffage électrique, au risque de solliciter encore plus nos capacités de production d’électricité.

Par conséquent, madame la secrétaire d’État, comment pensez-vous concilier, demain, la baisse de la ressource électrique disponible au moment des pics de consommation et l’augmentation plus que probable de la demande en électricité, sans risquer des blackouts hivernaux répétés ?

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Madame la sénatrice Saint-Pé, la politique énergétique du Gouvernement permettra de disposer d’un système électrique plus diversifié et donc plus résilient face aux aléas.

La tension sur la sécurité d’approvisionnement de cet hiver illustre bien le risque que présente un système qui reposerait massivement sur une seule technologie. La diversification du mix est liée au programme de fermeture des réacteurs comme au développement des énergies renouvelables, ambitieux, mais progressif et qui ne met pas en péril la sécurité de l’approvisionnement.

Il s’agit d’un constat appuyé sur des analyses techniques approfondies menées par RTE, intégrant les prévisions d’évolution de la production, de la demande et du fonctionnement du réseau. Pour la production, RTE intègre la modélisation d’un très grand nombre de situations, notamment les aléas météorologiques et ceux qui concernent les moyens de production, comme les retards de maintenance.

S’agissant de la RE 2020, elle s’applique à des logements neufs, dont la consommation est donc faible, car ils sont bien isolés. Nous menons en outre une politique très volontariste de rénovation des bâtiments existants pour limiter les besoins en chauffage et favoriser le développement de solutions peu consommatrices d’énergie, comme les pompes à chaleur. La géothermie et les réseaux de chaleur décarbonés sont évidemment encouragés. Il n’est ainsi pas anticipé d’augmentation de la consommation électrique dans les prochaines années.

Concernant les évolutions au-delà de 2035, le ministère de la transition écologique a demandé à l’AIE et à RTE une étude sur les enjeux liés à l’intégration massive d’énergies renouvelables variables dans le système électrique. Les résultats sont très encourageants et doivent être publiés sous peu. Une analyse plus détaillée de la sécurité d’approvisionnement à l’horizon de 2050 doit être publiée à la mi-2021 par RTE, dans le cadre de son bilan prévisionnel de long terme. Ces études permettront de prendre des décisions éclairées sur l’évolution de notre mix après 2035, en toute connaissance de ces différents enjeux, y compris en matière de sécurité d’approvisionnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Blatrix Contat

Le spectre du blackout hante régulièrement les colonnes de nos médias et participe de peurs collectives récurrentes. Pour cette année, le risque semble contenu, même si l’accident demeure toujours possible.

Le rôle du politique, en ces moments d’inquiétude pour l’opinion, n’est pas d’attiser les peurs, mais de tenter d’éclairer nos concitoyens sur la réalité du risque et, surtout, d’œuvrer à une réponse collective.

L’orientation qui tend à réduire de façon significative la part des énergies fossiles dans notre production électrique doit être poursuivie et prolongée, en veillant particulièrement à réduire le CO2, principal responsable du réchauffement climatique. La réduction des énergies fossiles concerne également l’énergie nucléaire, laquelle présente toutefois l’avantage de ne pas émettre de CO2.

On nous dit que le grand carénage en cours des centrales nucléaires, nécessaire pour répondre à l’impératif de sécurité et de sûreté, a pris du retard avec la pandémie. Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous fournir des indications plus précises sur le calendrier projeté ?

Je souhaite également revenir sur la RE 2020, laquelle prévoit une sortie rapide des énergies fossiles excluant progressivement les chaudières à gaz et au fioul. Si l’on en croit une étude de RTE et de l’Ademe sur le sujet, cela pourrait conduire à un accroissement significatif de la part de chauffage électrique, générant une tension accrue sur le réseau en période de pointe. Le Gouvernement entend-il avancer dans les voies suggérées par l’Ademe à ce sujet ? Comment réduire sensiblement ce risque accru de tension du réseau avec la montée en charge du chauffage électrique, notamment des pompes à chaleur ?

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Madame la sénatrice Blatrix Contat, vous en appelez à une réponse collective. Je vous en remercie, car il est bon que les objectifs soient partagés.

Nous avons un objectif commun de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il est également nécessaire de ne pas recourir aux énergies fossiles davantage qu’actuellement. Par ailleurs, nous devons poser des limites à la production nucléaire. Le calendrier des travaux de maintenance prévus pour 2021-2022 a effectivement glissé du fait des aléas climatiques que nous avons connus cet été et des difficultés liées à la crise sanitaire que nous venons de traverser. Il est toutefois prévu que les visites décennales, dont les calendriers s’étalent sur de grands tableurs que je ne vais pas détailler, retrouvent leur rythme habituel.

Ces tensions sur les réseaux démontrent la nécessité de parvenir à une plus grande sobriété, notamment énergétique – c’est une des clés. Nous y travaillons au travers du grand plan de rénovation énergétique des bâtiments que nous déployons. Celui-ci vise notamment à favoriser des modes de chauffage moins énergivores, plus efficaces et donc plus sobres en termes de consommation énergétique. Ce plan doit nous amener à une consommation relativement stable qui nous permette de déployer ce nouveau mix énergétique en toute sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Klinger

Le 25 novembre dernier, dans le cadre d’une question d’actualité au Gouvernement, j’alertais sur la situation de tension que pourrait rencontrer le réseau électrique cet hiver. Le ministre Jean-Baptiste Djebbari avait assuré à la représentation nationale que la situation était sous contrôle et qu’il n’y aurait pas de coupure d’approvisionnement.

Or, vendredi dernier, RTE a publié un communiqué incitant les Français à réduire leur consommation pour éviter tout risque de coupure d’électricité. Ce communiqué précise qu’en cas de difficultés d’approvisionnement RTE peut avoir recours à des coupures tournantes. Cette situation intervient alors que les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim ont été fermés en 2020, engendrant une perte de 1 800 mégawatts.

Dans son communiqué, RTE indique qu’une économie de 600 mégawatts permet de disposer d’une marge de manœuvre sur le réseau. Or un réacteur de la centrale de Fessenheim produit 900 mégawatts.

D’après les données de RTE, ces derniers jours, nous avons eu recours au charbon de manière accrue, puisque, en moyenne, 3 % de notre production en était issue, et nos importations d’électricité ont été bien plus importantes que la normale.

Madame la secrétaire d’État, au vu de l’ensemble de ces éléments, le Gouvernement n’a-t-il pas fermé la centrale de Fessenheim trop tôt, c’est-à-dire avant la mise en route de l’EPR de Flamanville ?

En février, la France devrait connaître une vague de froid. Pouvez-vous de nouveau nous assurer que nous serons capables de faire face à cet hiver et aux hivers prochains ?

Estimez-vous que votre stratégie énergétique est durable alors que nous émettons beaucoup plus de CO2 en ayant recours au charbon, au fioul et au gaz ? Ne pensez-vous pas que votre stratégie, qui conduit à un recours accru aux importations d’électricité, notamment produite avec du gaz et du charbon, remet en cause l’indépendance énergétique de la France ?

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Monsieur le sénateur Klinger, dans le cadre des lois adoptées en 2015 et 2019, nous avons fixé des objectifs de décarbonation, d’efficacité énergétique et de diversification du mix énergétique avec les EnR. À terme, en 2035, notre production d’électricité sera issue pour environ 40 % des EnR et pour 50 % du nucléaire, ce qui conduira à la fermeture de certains réacteurs parmi les plus anciens.

Comme vous l’avez rappelé, les deux réacteurs de Fessenheim ont été fermés en février puis en juin 2020 dans le cadre d’un processus qui avait été engagé en 2019 et qui était absolument irréversible, puisque les travaux de sûreté n’avaient pas été effectués et qu’EDF ne disposait pas du combustible nécessaire.

La situation que nous connaissons aujourd’hui résulte d’abord d’une disponibilité moindre du parc nucléaire du fait de différents problèmes de maintenance liés notamment à la crise sanitaire.

Vendredi dernier, alors même que les températures étaient inférieures de quatre degrés aux normales saisonnières, nous avons in fine consommé seulement 87 gigawatts, soit beaucoup moins que prévu. Autrement dit, nous étions loin d’activer les mesures exceptionnelles que j’ai précédemment évoquées. Nous agissons donc en toute sérénité quant à ce risque de rupture d’approvisionnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Klinger

Il est vrai que les consommations sont moindres que celles qui étaient prévues. Or vous n’êtes pas sans savoir que la France connaît une situation économique particulière : les entreprises ne tournent pas à plein régime, ceci expliquant cela…

Pour rester très factuel, le site « éCO2mix » de RTE – vous le connaissez aussi bien que moi – indique que nous consommons actuellement 1 981 mégawatts produits par le charbon. Si les réacteurs de Fessenheim étaient encore ouverts, nous en aurions fait l’économie en produisant autant d’électricité décarbonée.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Klinger

M. Christian Klinger. Les chiffres sont têtus !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Redon-Sarrazy

En novembre dernier, en plein confinement, Mme la ministre de la transition écologique affirmait dans les médias qu’il n’y aurait pas de blackout énergétique cet hiver, en prenant soin toutefois de préciser que des mesures de régulation étaient prévues. Elles sont très simples : les Français vont devoir se rationner. C’est ce que RTE a annoncé jeudi dernier face à la vague de froid qui touche notre pays et à la hausse attendue de la consommation d’électricité.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer ce que nos concitoyens doivent faire lorsqu’ils ont besoin à la fois de se chauffer et de télétravailler ? Comment doit s’effectuer leur choix ?

En vérité, cette situation n’est que le résultat de l’imprévoyance du Gouvernement, qui s’apprête à fragiliser notre souveraineté énergétique avec son projet Hercule.

Les épisodes de confinement qui ont marqué l’année 2020 et qui menacent de se poursuivre encore en 2021 ont fortement sollicité le secteur énergétique. Si le premier confinement a entraîné une baisse relative de la consommation électrique en raison de la saison et de la baisse d’activité globale, une hausse de 4 % de la consommation électrique des ménages a été enregistrée durant celui de novembre.

Ces épisodes ont par ailleurs considérablement retardé les opérations de maintenance des centrales nucléaires d’EDF. Je rappelle que, si la France a pour objectif louable de diversifier son mix énergétique, les énergies renouvelables sont encore trop intermittentes pour remplacer le nucléaire, qui assure 70 % de nos approvisionnements énergétiques. Or l’année 2020 a vu sa production chuter drastiquement pour la première fois depuis trente ans. EDF avait prévenu au printemps que ce retard pourrait fragiliser notre production d’électricité pour certains mois de l’année. Nous y sommes, précisément. Comme cela est devenu habituel avec ce gouvernement, la seule solution envisagée est de faire payer aux Français le prix de son imprévoyance en exigeant d’eux qu’ils réduisent leur consommation.

Risque de surconsommation électrique, d’augmentation du coût des énergies, de conséquences sociales importantes pour les populations déjà durement touchées par le chômage partiel ou la cessation d’activité : quels dispositifs avez-vous prévus pour répondre à tous ces enjeux ?

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Monsieur le sénateur Redon-Sarrazy, restons mesurés : il n’est bien sûr pas question de rationner les ménages. Cela étant dit, il est tout à fait imaginable que certains d’entre nous choisissent en conscience d’observer une forme de sobriété.

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Toutefois, la précarité énergétique peut entraîner de réelles difficultés. Comme vous le savez, nous proposons de nombreux dispositifs pour aider les ménages concernés à se chauffer et à bénéficier d’un habitat digne. Ces aides existent.

Je crois que nous partageons le souci de la nécessaire maîtrise de notre dépense énergétique. S’il n’est évidemment pas question de priver les Français d’un quelconque confort énergétique, chercher à se rassurer en surdimensionnant notre approvisionnement quand cela n’est pas nécessaire aurait des effets néfastes au plan tant environnemental qu’économique. Or, pour l’heure, ces craintes sont infondées.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Redon-Sarrazy

J’ai du mal à être convaincu par vos arguments, madame la secrétaire d’État. Si le Gouvernement s’était montré prévoyant, RTE n’aurait pas besoin d’exiger un rationnement de la part des consommateurs. Dans un contexte aussi dur socialement et économiquement que celui que nous traversons, il est injuste de réclamer encore de nouveaux sacrifices aux Français, surtout lorsque ces sacrifices concernent les droits élémentaires à se chauffer et à travailler.

À cet égard, le projet Hercule est une épée de Damoclès qui fragilisera et déstructurera notre modèle énergétique, ce qui, au regard des enjeux en termes de souveraineté, n’est pas acceptable.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Dumont

Le 19 novembre dernier, la ministre de la transition écologique évoquait la possibilité de très courtes coupures de courant durant l’hiver en cas de grosse vague de froid. Elle ne possède pourtant pas de boule de cristal… Elle anticipait simplement son annonce suivante en date du 24 novembre lors de la présentation des principales orientations de la nouvelle réglementation pour la construction des bâtiments neufs, la RE 2020, à l’occasion de laquelle elle indiquait en filigrane la disparition à moyen terme du chauffage au gaz pour les constructions neuves en fixant un seuil d’émissions de CO2 tellement bas qu’il rendrait presque impossible son installation dans les maisons individuelles à partir de l’été 2021 et pour les logements collectifs à partir de 2024.

Ce sont donc désormais presque uniquement des systèmes de chauffage électrique qui seront installés dans tous les futurs logements neufs, accentuant ainsi la tension sur notre système de production d’électricité durant les mois d’hiver. Cela alors qu’il y a presque un an, comme nous le rappelait justement notre collègue Christian Klinger, le Gouvernement fermait la centrale nucléaire encore opérationnelle de Fessenheim, ce qui se traduit désormais par l’émission de 10 millions de tonnes de CO2 supplémentaires en Europe par an.

Mais rassurons-nous, mes chers collègues, le 4 décembre, le Président de la République assurait lors de son interview à Brut : « Moi, j’assume à fond. Je crois dans l’écologie, je suis pour qu’on soit parmi les champions de la lutte contre le réchauffement climatique. Si on veut réussir, ça veut dire qu’on doit être meilleur encore sur le nucléaire. » Une position réaffirmée le 8 décembre sur le site de Framatome au Creusot.

« Il faut que nous considérions un homme non pas tel qu’il se fait voir par ses discours mais tel qu’il se montre par ses actes », disait Saint-Hilaire. Je vous laisse seuls juges, mes chers collègues.

Madame la secrétaire d’État, comment pouvez-vous assurer clairement à la représentation nationale qu’il n’y aura pas à l’avenir de blackout énergétique en France ?

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Madame la sénatrice Dumont, l’analyse de l’équilibre offre-demande qui est effectuée de manière prospective par RTE au travers de ses bilans prévisionnels n’indique pas – je le répète – de risque de blackout.

Plusieurs mesures sont par ailleurs à la disposition du gestionnaire de réseau RTE pour répondre aux pics de consommation que nous pouvons connaître du fait des aléas, notamment climatiques. Le Gouvernement a pris différentes mesures pour accroître leur disponibilité, qu’il s’agisse de l’effacement ou de l’interruptibilité.

Pour le long terme, des études sont en cours, entre autres avec l’AIE et RTE, pour fixer les enjeux de notre mix après 2035 – les parlementaires y seront bien évidemment associés –, ce qui permettra de définir des stratégies d’investissement dans la production, le réseau, le stockage sans oublier la maîtrise de la demande, en tenant compte des enjeux de sécurité d’approvisionnement.

Concernant la RE 2020, un travail fouillé est conduit pour affiner les détails des obligations – leur niveau et leur date d’entrée en vigueur. L’amélioration de la performance des bâtiments permettra de déployer des dispositifs de chauffage moins carbonés comme les pompes à chaleur hybrides au gaz et les réseaux de chaleur décarbonés. Il n’est pas question de déployer les grille-pain que nous avons pu connaître en d’autres temps. L’étude menée par l’Ademe et RTE montre qu’avec des bâtiments neufs ou existants bien isolés équipés de pompes à chaleur nous parvenons tout à fait à passer ces pics de consommation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Dans la loi Énergie-climat, le Parlement a voté la fermeture des centrales à charbon à l’horizon de 2022. Or, depuis le mois de septembre, la France a relancé la production de ses quatre centrales à charbon fortement émettrices de CO2 pour compenser en partie l’arrêt des réacteurs de Fessenheim et le manque de vent pour les éoliennes. Depuis septembre aussi, du fait de l’arrêt de cette centrale nucléaire, il arrive à EDF de devoir importer très cher de l’électricité produite au gaz ou au lignite en Allemagne. Ainsi, hier, pendant vingt-quatre heures, la France a importé l’équivalent de six tranches nucléaires.

Ces mesures successives et l’intermittence hivernale de l’éolien et du solaire, presque absents de la production électrique française, mettent en danger notre réseau. S’ajoutant à l’incapacité d’EDF de tenir les délais de livraison du futur réacteur de Flamanville, ces difficultés fragilisent la sécurité de l’approvisionnement électrique.

Jeudi dernier, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français, RTE, a demandé aux Français de réduire leur consommation d’électricité face à un risque de tension sur notre réseau. Le risque de coupure chez les particuliers n’est pas un acte banal : la France ne saurait s’y habituer.

Face au risque d’instabilité de notre réseau électrique dû à notre dépendance envers les autres pays européens et à nos orientations énergétiques, quel est le nouveau calendrier pour la mise en service du futur réacteur de l’EPR de Flamanville ?

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Monsieur le sénateur Sido, le Gouvernement porte une attention particulière au calendrier de mise en service de ce réacteur.

Les essais à chaud se sont terminés en février 2020. Les premiers assemblages de combustible ont été approvisionnés en octobre pour être entreposés, et le processus de remise à niveau des soudures situées sur le circuit secondaire se poursuit, le scénario de reprise des soudures de traversées de l’enceinte étant en cours d’examen par l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire).

Malgré la crise sanitaire, EDF n’a pas fait connaître de modification de son objectif de chargement de combustible fin 2022. Selon toute vraisemblance, l’EPR devrait être opérationnel en 2023.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais, à vrai dire, dans le raisonnement que vous avez développé depuis le début de ce débat et dans toutes les réponses que vous avez données, vous faites comme s’il n’y avait jamais d’incident. Permettez-moi de rappeler que, dans la soirée du 4 novembre 2006, 15 millions de foyers ont été privés d’électricité, dont 5, 6 millions en France, du fait d’un incident en Allemagne. Cela a conduit le Sénat à constituer une mission commune d’information, que j’ai présidée, sur la sécurité d’approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver. Je vous invite à relire l’intéressant rapport qui a été rédigé, en particulier les propositions très concrètes qui y sont formulées afin d’éviter ce type d’incident.

Les accidents sont par définition rarement prévisibles. Or si nous avons surmonté cette crise en 2006, c’est parce que nous avions des capacités disponibles pour y répondre. Aujourd’hui, nous n’en avons plus. Comment ferez-vous en cas d’incident ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Je souhaite tout d’abord saluer notre collègue Daniel Gremillet, qui a demandé la tenue de ce débat, pour sa perspicacité. En effet, après les événements de la fin de la semaine dernière, ces échanges arrivent à point nommé.

Nous partageons tous l’objectif de consommer moins d’énergie et de la consommer mieux, en particulier quand elle est d’origine fossile. Si la demande faite aux Français de réduire leur consommation était sans doute nécessaire compte tenu des ressources disponibles, elle résonne avant tout comme un aveu d’échec, ou en tout cas d’impuissance à réguler les flux de notre mix énergétique au sujet duquel les orateurs précédents sont intervenus.

Au moment où nous nous orientons fortement et positivement vers une économie décarbonée reposant sur le tout-électrique – dans les transports, dans le bâtiment et pour faire face aux besoins croissants du numérique, comme nous le verrons dans quelques minutes lors de l’examen de la proposition de loi de Patrick Chaize –, il me paraît nécessaire d’aborder sans dogmatisme la question de l’origine de l’énergie indispensable au fonctionnement de notre pays dans tous ses usages.

Les Françaises et les Français n’ont pas à subir les atermoiements successifs des décideurs publics et les conséquences des décisions arbitraires – parfois démagogiques – qui nous ont conduits à cette situation potentielle. Cela ne serait pas digne d’un grand pays comme le nôtre. Du bon sens, du réalisme, du pragmatisme, une vision : tel est mon vœu à l’aube de cette nouvelle année, madame la secrétaire d’État.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Monsieur le sénateur Mandelli, je partage votre vœu de résilience, de sobriété et d’intelligence dans la construction de nos réponses. Celles-ci ne sont sans doute pas uniformes. En tout cas, leur construction requiert notre travail collectif, car nous avons la responsabilité de trouver des solutions pour les générations futures.

La politique énergétique du Gouvernement permettra un système électrique plus diversifié. C’est une des clés de la résilience face aux aléas que nous ne connaissons malheureusement que trop aujourd’hui. Les tensions sur la sécurité d’approvisionnement de cet hiver illustrent le risque d’un système qui reposerait massivement sur une seule technologie. La diversification du mix passe en particulier par le programme de fermeture de réacteurs nucléaires et le développement d’énergies renouvelables. Ces mesures doivent être ambitieuses mais progressives afin de ne pas mettre en péril la sécurité d’approvisionnement à laquelle nous sommes attachés.

Ce constat s’appuie sur des analyses techniques approfondies, menées notamment par RTE, qui intègrent les prévisions d’évolution de la production, de la demande et du fonctionnement du réseau. Pour la production, RTE intègre la modélisation d’un grand nombre de ces situations. Au-delà de 2035, une étude menée par l’AIE et par RTE devra nous éclairer sur les investissements que nous devrons envisager.

Les perspectives sont plutôt encourageantes. L’analyse détaillée de la sécurité d’approvisionnement à l’horizon de 2050, qui sera publiée dans le courant de l’année 2021 par RTE dans le cadre de son bilan prévisionnel, doit nous donner les grands axes de sécurisation de ce mix énergétique et de notre sécurité d’approvisionnement.

Concernant la question essentielle de la décarbonation, RTE a estimé que le parc solaire et éolien a permis d’éviter en 2019 l’émission de 22 millions de tonnes de CO2 au niveau européen, soit les émissions annuelles d’environ 12 millions de véhicules. Le développement des EnR nous permet donc de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Si nous partageons les objectifs, madame la secrétaire d’État, je suis assez dubitatif quant à la capacité de RTE à mesurer globalement l’évolution de la consommation. Les précédents orateurs ont évoqué les besoins afférents au bâtiment, aux voitures électriques ou au numérique. Je ne suis pas persuadé qu’on ait pris la mesure des évolutions très rapides – que nous observons déjà dans d’autres pays – qu’entraîne l’ensemble de ces nouvelles demandes.

C’est pourquoi je proposerai aux présidents de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques d’auditionner des représentants de RTE afin de mieux connaître les modèles qui servent à établir ces indicateurs et ces perspectives. Je doute en effet que la prise en compte de l’ensemble de ces évolutions aboutisse à cette position qui consiste à dire que tout va bien, que tout est prévu et intégré. Aujourd’hui, nous avons la preuve que nous ne sommes pas réellement prêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

La loi de 2015 relative à la transition énergétique a marqué un tournant dans la politique énergétique française en prévoyant la réduction à l’horizon de 2025 de la part du nucléaire dans la production d’électricité à hauteur de 50 %, objectif reporté à 2035 depuis la loi Énergie-climat car totalement irréaliste. Voilà comment, par dogmatisme, on réduit notre capacité de production électrique pilotable et propre, à savoir le nucléaire, pour la remplacer par des énergies tout aussi propres mais intermittentes et aléatoires, à savoir les énergies renouvelables, avec comme conséquence l’incapacité de couvrir la consommation des ménages et des entreprises en électricité en cas d’hiver rigoureux, et ce peut-être dès cet hiver.

Le Gouvernement veut s’appuyer sur l’électricité d’origine renouvelable pour pallier la réduction de la production d’électricité d’origine nucléaire, mais les voyants sont au rouge : les objectifs de la politique énergétique nationale risquent de ne pas être atteints et le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », qui assurait le financement des EnR, a été supprimé du budget.

Les dispositifs de soutien aux EnR sont entrés dans une zone de turbulences, puisque la baisse des prix des énergies renchérit les charges de service public de l’énergie qui les sous-tendent. L’hydroélectricité, première source d’énergie renouvelable en France, est menacée par la demande d’ouverture à la concurrence du secteur par Bruxelles. En tout cas, les projets sont à l’arrêt.

Les EnR sont aussi le parent pauvre du plan de relance. Au total, 28 % des objectifs fixés par la PPE d’ici à 2023 ne sont pas réalisés pour les installations photovoltaïques, éoliennes et hydrauliques.

Madame la secrétaire d’État, quelle est donc la stratégie pour le développement des EnR électriques ? Seront-elles un jour suffisantes pour pallier le recul de l’électricité nucléaire dans le mix énergétique et assurer la continuité du service ?

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Monsieur le sénateur Mouiller, la loi fixe des objectifs ambitieux en visant 40 % de la production électrique d’origine renouvelable à l’horizon de 2030. Pour atteindre cet objectif, nous déployons des dispositifs de soutien public en faveur des énergies renouvelables. En 2021, plus de 6 milliards d’euros seront consacrés à ce soutien.

Grâce à cet effort soutenu depuis plusieurs années, la compétitivité des énergies renouvelables, notamment électriques, s’est fortement améliorée. En effet, lors des derniers appels d’offres, le prix du mégawatt était d’environ 60 euros pour l’éolien, et même de 44 euros pour le parc éolien en mer de Dunkerque, alors que la CRE annonce des prix situés entre 48 et 50 euros pour le nucléaire existant et bien au-delà pour le nucléaire à venir. La compétitivité des énergies renouvelables est donc tout à fait évidente aujourd’hui.

Pour rendre crédible l’atteinte des objectifs de la PPE, nous travaillons effectivement sur tous les leviers : nous avons mis en place un calendrier des appels d’offres pluriannuel, qui donne aux acteurs une visibilité leur permettant de développer leurs projets et leur stratégie ; nous soutenons l’innovation par le PIA pour développer les technologies et des appels d’offres spécifiques pour les déployer ; et nous travaillons sur des questions de planification et de délais de raccordement, de qualité de la concertation des projets et de planification jusque dans l’appropriation locale, qui constitue un enjeu fort dansnos territoires.

Les études techniques approfondies qui sont menées par RTE montrent que la diversification du mix électrique prévue par la loi, en particulier dans le cadre du programme de fermetures de réacteurs et du développement des énergies renouvelables, ne met pas en péril la sécurité d’approvisionnement à moyen terme. Ces évolutions seront évoquées dans l’étude qui doit être publiée mi-2021 par RTE, notamment sur cette sécurité d’approvisionnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

J’entends l’ensemble de vos arguments – vous avez lu une fiche vous donnant toutes les explications –, mais, concrètement, il y a un problème d’équilibre entre la volonté de diminuer le nucléaire et la capacité à produire de l’électricité grâce aux énergies renouvelables. Aujourd’hui, nous constatons une vraie difficulté, car les énergies renouvelables ne sont pas toujours maîtrisables. Dès lors que nous ne sommes pas capables de stocker, il faut une évaluation qui soit différente. À mon avis, la situation que nous connaissons aujourd’hui est donc liée à une mauvaise évaluation de notre capacité à réduire la part du nucléaire.

Par ailleurs, en tant que membre d’un syndicat d’énergie, je constate sur le terrain que, entre les contrats administratifs, les politiques financières et la conduite des projets, la capacité à produire rencontre de vrais freins. Il y a un décalage entre votre vision technique à l’échelon national – même si je peux la comprendre – et la réalité. C’est un point essentiel du présent débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe auteur de la demande.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comment en est-on arrivé là ? C’est sans doute la question qui est venue à l’esprit d’un certain nombre d’entre nous lorsque RTE a demandé aux Français, vendredi dernier, de réduire leur consommation pour éviter des coupures d’électricité sur le territoire.

Je salue la pertinence de l’initiative du groupe Les Républicains qui a souhaité la tenue de ce débat, et je regrette l’absence de réponse concrète de votre part, madame la secrétaire d’État.

Le 8 janvier dernier, la situation climatique était-elle si rigoureuse et les besoins prévisionnels étaient-ils si exceptionnels que nous devions craindre à ce point un blackout ? En réalité, non ! Les températures affichaient seulement quelques valeurs légèrement négatives et le pic de la demande était estimé à 88 gigawatts, très loin du maximum historique du 8 février 2012 à hauteur de 102 gigawatts. Rien n’était susceptible, a priori, d’effrayer un pays comme la France.

À bien y réfléchir, il est assez inouï que nous nous soyons retrouvés dans une telle difficulté, car il ne s’agit pas d’une énergie fossile, comme le gaz ou le pétrole dont notre sol national est quasiment dépourvu, mais d’une énergie pour laquelle notre pays a savamment construit une stratégie d’autonomie dès les années 1960. Hélas, l’absence de décisions anticipatrices et les renoncements sur l’autel des petits arrangements politiques ont mis à mal cette souveraineté, basée sur une avance technologique reconnue dans le domaine du nucléaire !

Certains, dont la ministre de la transition écologique, évoquent la possibilité de se tourner radicalement vers d’autres sources d’électricité et caressent même l’espoir d’un mix totalement renouvelable à l’horizon de 2050.

D’autres sont nettement plus sceptiques et partagent l’analyse de l’ancien député socialiste Jean-Yves Le Déaut, qui déclarait en 2017, en sa qualité de président de l’Opecst : « Le développement de la puissance éolienne et photovoltaïque installée ne contribue pas à assurer la sécurité d’approvisionnement, en tout cas pas dans la période de pointe la plus critique, celle du soir. »

Les chiffres sont têtus : le 8 janvier dernier, même au meilleur de la journée, ces deux sources de production n’ont jamais excédé 5 % du total d’électricité fournie. Quels que soient les rêves des uns et des autres, la géographie naturelle de la France n’est pas celle de la Norvège. Elle ne permet pas de remplacer notre capacité de production par des sources intermittentes et non pilotables. Au contraire, et il faut avoir le courage de le dire aux Français, nous importons régulièrement de l’énergie très fortement carbonée, en raison notamment de la baisse de notre production d’origine nucléaire, liée à la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim.

Certes, plusieurs pistes prometteuses ont été mentionnées au cours de ce débat, des systèmes de stockage par batteries à la production d’hydrogène vert, mais dans le même temps on abandonne le programme Astrid sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération, alors que d’autres pays accélèrent leur développement dans cette voie.

Pour atteindre l’équilibre recherché et éviter un blackout, la solution viendrait-elle du côté de la demande ? Malheureusement, non ! J’en veux pour preuve la décision prise par la représentation nationale d’interdire la commercialisation des véhicules émettant des gaz à effet de serre à l’horizon de 2040. Si l’on admet qu’une telle mesure contribue à renforcer la place du véhicule électrique, la consommation d’électricité devrait augmenter de l’ordre de 15 % d’ici à 2040. Les propriétaires ont, en effet, pour réflexe naturel de brancher leur véhicule en rentrant du travail, c’est-à-dire précisément au moment du pic de consommation, et les 30 000 bornes de recharge publiques sont davantage sollicitées en journée.

Autre exemple : le Gouvernement a annoncé en juillet dernier la fin des chaudières fonctionnant au fioul et, plus récemment, la réglementation environnementale 2020 prévue dans la loi ÉLAN a interdit le chauffage au gaz dans les nouvelles constructions immobilières. Ces mesures se traduisent de facto par le développement de solutions consommatrices d’électricité, au premier rang desquelles les pompes à chaleur.

Par ailleurs, une récente étude du cabinet E-CUBE et de l’Institut d’économie de Cologne montre qu’une vague de froid rigoureux en Europe pourrait conduire à un déficit de capacité de production allant de 35 à 70 gigawatts, entraînant des coupures d’électricité de 100 à 250 heures.

Un autre facteur de nature à tendre le réseau durant les vagues de chaleur tient à l’utilisation de climatiseurs, qui peut représenter jusqu’à 70 % de la consommation d’électricité dans le secteur résidentiel, comme on l’a constaté l’été dernier en Californie.

Enfin, les usages numériques continuent de croître de manière importante, qu’il s’agisse des smartphones, du stockage des données sur le cloud, ou encore du télétravail et des visioconférences que le confinement a nettement renforcés.

En résumé, au moment même où la demande suit une « tendance haussière » incontestable et certainement durable, notre pays a choisi de réduire les moyens dont il dispose pour y répondre de manière opérationnelle. Ce sentiment d’absurde me conduit à conclure en citant Jacques Rouxel, le célèbre parolier des Shadoks : « En essayant continuellement, on finit par réussir. Donc plus ça rate, plus on a de chance que ça marche. »

Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Nous en avons terminé avec le débat sur le risque de blackout énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur la montagne.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe auteur de la demande.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 4 décembre dernier – première date à retenir –, le Premier ministre prenait un décret interdisant l’accès du public aux remontées mécaniques. Cette décision n’est pas apparue comme une surprise aux acteurs de la montagne, compte tenu des propos du Président de la République à la fin du mois de novembre 2020. Cependant, ses conséquences sont désastreuses pour le secteur, qui représente environ 18 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects. Déjà fragilisée par la fin brutale de la saison 2019-2020, du fait du premier confinement et d’un été en demi-teinte, la filière de la montagne va subir de nouvelles pertes économiques sèches, ce que reconnaît d’ailleurs le juge des référés du Conseil d’État dans son ordonnance du 11 décembre 2020.

La deuxième date à retenir est celle du 7 janvier, qui avait été fixée pour une éventuelle réouverture. En dépit des données épidémiologiques encourageantes d’autres pays voisins du nôtre qui n’ont pas fait le choix de fermer leurs remontées mécaniques, cette réouverture a été repoussée. Il est maintenant temps d’écouter la demande formulée dès le début par les acteurs de la montagne : qu’une date de reprise d’activité soit fermement fixée et que l’on s’y tienne, ou bien que l’on nous dise si nous allons vers une saison blanche. Il n’est plus possible de continuer à tenir l’ensemble des acteurs économiques de la montagne dans l’obscurité.

Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous êtes en lien direct avec les professionnels, vous savez quel coup de massue cette décision représente pour les territoires de montagne, qui comptaient énormément sur cette saison hivernale pour tenter de rattraper le retard économique accusé. Opérateurs de remontées mécaniques, commerçants, professionnels de l’immobilier, collectivités territoriales ou travailleurs indépendants comme les médecins ou les pharmaciens, tous sont concernés.

Sans la fréquentation touristique française et étrangère, l’économie de montagne est à l’arrêt. Les taux d’occupation des stations atteignent à peine les 10 % pour les plus touchées, et les domaines skiables ont déjà perdu entre 20 % et 30 % de leur chiffre d’affaires annuel durant la seule période des vacances de fin d’année.

La décision du Gouvernement va donc compromettre durablement les capacités d’investissement de l’ensemble des acteurs de la montagne. La filière d’excellence des sports d’hiver anticipe une baisse des investissements de 50 %. En outre, les aides mises en place par le Gouvernement ne suffiront pas à pallier les difficultés liées à la fermeture des remontées mécaniques si celle-ci continue de s’éterniser.

Pour éviter une catastrophe, il faut à tout prix que le Gouvernement mette en œuvre les propositions pleines de bon sens et de raison au sujet desquelles les acteurs de la montagne et les élus vous sollicitent inlassablement. Rien ne vous empêche d’utiliser les moyens existants pour limiter la propagation du virus et les accidents, mais ne laissez pas à l’abandon cette économie, qui, en raison de ses spécificités, ne pourra pas reprendre une activité normale au printemps ! J’ai transmis dans un courrier au Premier ministre les principales propositions que nous avions formulées. Il est resté sans réponse à ce jour ; je le tiens à votre disposition.

Au nom de l’ensemble des acteurs de la montagne, je vous prie de faire le bon choix et de permettre une reprise d’activité le plus rapidement possible. Deux mesures me paraissent particulièrement intéressantes à mettre en œuvre, sans débourser 1 euro : d’une part, étaler les vacances d’hiver sur six semaines au lieu de quatre, afin de soutenir l’activité des stations sur les « ailes de saison » ; d’autre part, envisager de différencier les restrictions selon les départements, comme c’est le cas actuellement pour le couvre-feu, en observant le taux moyen d’occupation des lits d’hôpitaux. Les stations des départements situés au-dessous d’un certain seuil pourraient alors être autorisées à rouvrir leurs remontées mécaniques. J’espère que vous envisagerez sérieusement ces propositions.

La possibilité de cette différenciation me conduit au second point de mon propos : il faut continuer d’avancer sur le chemin d’une meilleure adaptation des normes législatives et réglementaires aux spécificités des territoires de montagne et des massifs. Ce travail doit commencer dès la conception de ces normes.

On gagnerait aussi à développer une démarche comparable pour améliorer le maillage des services publics. Plusieurs propositions figurent dans le rapport que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté, le 15 juillet dernier. Mes collègues y reviendront, notamment Dominique Estrosi Sassone.

Un premier pas pourrait consister à renforcer les liens avec le Conseil national d’évaluation des normes et le Conseil national de la montagne, ou bien encore à prévoir des expérimentations spécifiques.

Pour répondre à la désertification médicale, il me semble nécessaire de modifier le fonctionnement et la gouvernance des agences régionales de santé, de favoriser le développement de l’offre de stages en ambulatoire dans les zones de montagne, de développer la création de maisons de santé pluriprofessionnelles et de garantir le maintien d’une offre hospitalière de qualité, en proximité.

L’accès territorial au numérique et la lutte contre l’illectronisme sont d’autres sujets prioritaires. Le Gouvernement s’est fixé des objectifs ambitieux, qu’il est plus que jamais nécessaire d’atteindre.

Enfin, des questions d’attribution de compétences se posent, en particulier pour l’eau et l’assainissement. Une proposition de loi a été récemment déposée à ce sujet.

L’adaptation des territoires de montagne au réchauffement climatique remet durablement en cause leur modèle économique. Cette problématique a été peu abordée par les précédentes lois Montagne, alors qu’elle est vitale pour nos territoires, surtout pour les stations de basse et moyenne altitudes. Pour rappel, depuis les années cinquante, les températures annuelles moyennes dans les Alpes ont augmenté de deux degrés.

Si le risque de disparition des sports d’hiver est limité à l’horizon de 2040-2050 pour les stations situées au-dessus de 1 800 mètres d’altitude, elles seront confrontées comme les autres au manque d’enneigement, en particulier sur les « ailes » de la saison hivernale. Cette situation est très préoccupante, car la viabilité d’un domaine skiable suppose une durée minimale d’ouverture de cent jours par an. Certes, des outils existent pour sécuriser l’enneigement, comme la neige de culture. Nous devons cependant trouver des solutions pérennes, écologiques et moins coûteuses pour les stations, notamment les plus petites. Même sans neige, la montagne est et doit rester un espace attractif pour les Français et les touristes étrangers.

Deux pistes principales se dégagent des propositions qui figurent dans le rapport adopté le 15 juillet dernier.

Tout d’abord, il faut accompagner les territoires de montagne dans le développement d’un tourisme « 4 saisons » ou « 2 saisons plus », ainsi que dans la diversification des activités touristiques, qu’il s’agisse du VTT, de la randonnée, de l’escalade, du parapente, des loisirs en eau vive, ou bien d’autres activités qu’il reste à imaginer et à développer. À cet effet, les comités de massif pourront élaborer des plans stratégiques d’adaptation au changement climatique. Il faudra également travailler sur le développement des servitudes estivales. Le concours de l’État et de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, qui dispose depuis peu d’un programme spécifique pour la montagne, sera déterminant pour aider les collectivités à construire et à faire aboutir leurs projets.

Ensuite, cette transition doit être soutenue et accompagnée sur le plan financier. Il est donc nécessaire de créer un fonds spécifique d’adaptation au changement climatique en zone de montagne, pour restructurer les activités économiques face au recul de l’enneigement et financer la réhabilitation énergétique de bâtiments touristiques. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, j’avais proposé un amendement visant à mettre en place ce fonds à hauteur de 15 millions d’euros par an pendant deux ans. Nous pourrions aussi envisager un gel du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales pendant un ou deux ans.

Il serait également bon de prolonger la possibilité de recourir à l’activité partielle pour les remontées mécaniques qui relèvent des régies dotées de la seule autonomie financière. Une expérimentation était prévue dans la loi Montagne II, mais elle a pris fin. Les textes adoptés pendant la crise sanitaire ont apporté une réponse immédiate à cette problématique. Je souhaite qu’elle soit désormais traitée de manière durable.

Monsieur le secrétaire d’État, avant de conclure, je souhaiterais vous poser deux questions : s’agissant de la réouverture des remontées mécaniques, quel horizon pouvons-nous donner à la filière et comment l’État compte-t-il compenser les pertes subies par les professionnels ? Le Gouvernement prévoit-il d’inscrire dans le projet de loi 4D des mesures spécifiques pour le développement des territoires de montagne ?

Nous avons siégé ensemble au Conseil national de la montagne. Je connais donc votre engagement en faveur des territoires de montagne et le soutien que vous leur apportez. Sachez que nous serons à vos côtés quand viendra le jour de plaider de nouveau notre cause auprès des membres du Gouvernement et du Président de la République.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’emblée de remercier Cyril Pellevat d’avoir demandé l’organisation de ce débat sur la montagne, ici, au Sénat, la chambre des territoires. Je suis heureux d’y représenter le Gouvernement en ma qualité de secrétaire d’État chargé de la ruralité, non seulement parce que la politique de la montagne relève de mes attributions, mais aussi parce que je suis un ancien élu de la montagne et que celle-ci reste chère à mon cœur, comme M. Pellevat l’a rappelé.

Depuis 1985, la politique de la montagne vise l’équilibre entre la préservation d’un patrimoine naturel exceptionnel et le développement économique. Elle doit aussi adapter la gouvernance de ces territoires à leurs spécificités. C’est tout l’objet de la loi Montagne, qui a introduit, il y a trente-six ans, dans la législation française, un droit à la différence des territoires. Il concerne environ 5 000 communes, soit un tiers du territoire métropolitain et 15 % de la population. La loi Montagne a été complétée par celle du 28 décembre 2016, dite loi Montagne II, dont M. le sénateur Pellevat a suivi l’application.

En tant qu’ancien élu d’un territoire de montagne, je mesure tous les apports de ce texte. Durant près de trente ans, j’ai été maire de la commune de L’Argentière-La Bessée, dans les Hautes-Alpes. J’ai également occupé les fonctions de coprésident du comité de massif des Alpes, puis du Conseil national de la montagne. Je côtoie les élus de montagne depuis le début de mon engagement dans la vie publique. Nous avons noué entre nous une forme de solidarité transpartisane qui fait notre force.

Les élus de la montagne sont inventifs et ingénieux, de sorte qu’ils trouvent souvent avant les autres des solutions à des problèmes qui se posent sur le reste du territoire. Nous sommes par exemple les premiers à avoir créé les futures maisons de service public pour faciliter l’accès aux services du quotidien. Désormais, les maisons France Services maillent les territoires ruraux et périurbains.

Parce qu’ils œuvrent dans des territoires qui sont soumis à des contraintes naturelles plus fortes qu’ailleurs, les élus de la montagne redoublent de ténacité et de persévérance. Ils savent mieux que quiconque ce que veut dire le proverbe « Aide-toi, le ciel t’aidera », qui est toujours préférable à « Tout ce qui tombe du ciel est béni », car le ciel est souvent un peu trop parisien…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Vous comprendrez donc aisément que, dans mes fonctions actuelles de secrétaire d’État chargé de la ruralité, j’aie un fort tropisme pour la montagne. Certains esprits malicieux m’avaient d’ailleurs qualifié, dès ma nomination, de « secrétaire d’État à la montagne ». Je ne récuse nullement cette qualité, même si j’ai vocation à traiter tous les sujets de la ruralité et pas seulement ceux où il y a « de la pente » !

Je suis aussi chargé de suivre la mise en œuvre de l’agenda rural, ce grand plan national en faveur de la ruralité, dont les 181 mesures profitent directement aux territoires de montagne.

Cependant, ce débat couvre un champ plus large, car la montagne n’est pas que rurale. Les territoires de montagne se caractérisent par leur grande diversité. Parmi les sujets que nous allons évoquer, beaucoup débordent le périmètre du ministère de la cohésion des territoires auquel mon secrétariat d’État est rattaché. Il s’agit notamment des sujets agricoles ou encore des aides compensatrices des conséquences de la crise de la covid. Je m’efforcerai néanmoins de répondre à toutes les questions, et pour celles qui ne relèvent pas du ministère de la cohésion des territoires ou pour lesquelles je n’aurais pas tous les éléments à ma disposition, je m’engage à vous apporter le cas échéant des compléments par écrit, à l’issue du débat.

Le contexte dans lequel nous débattons est difficile, si ce n’est éprouvant. Le pays tout entier vit dans l’angoisse d’une nouvelle vague, synonyme d’un troisième confinement, mais aussi de la mutation du virus, dont on retrouve une variante britannique sur notre territoire, y compris dans un village des Hautes-Alpes situé à 2 040 mètres d’altitude. Tous nos espoirs reposent désormais sur l’efficacité du vaccin.

De longues semaines de privations sont, hélas, encore à venir. Je sais mieux que quiconque ce que cela implique pour les stations de montagne. Je suis en contact quotidien avec les acteurs du secteur du tourisme. Croyez bien que je joue mon rôle au sein du Gouvernement pour défendre les intérêts de la montagne. Monsieur le sénateur, vous me le demandiez tout à l’heure : je puis vous assurer que je porte la voix des montagnards dans ce gouvernement.

Les exploitants de remontées mécaniques sont particulièrement touchés. Ils réalisent habituellement un chiffre d’affaires de l’ordre de 1, 4 milliard d’euros par an, dont l’essentiel dans un intervalle de quatre à cinq mois en période hivernale, alors que les coûts qu’ils supportent sont répartis sur l’ensemble de l’année. Grâce au fonds de soutien, nous leur accordons une aide, tant sur les charges fixes que sur les pertes de recettes. Le Gouvernement a engagé la semaine dernière les échanges nécessaires avec la Commission européenne pour mettre en place ce dispositif, qui doit faire l’objet d’une notification préalable au titre de l’aide d’État. Je précise qu’il sera évolutif au cas où de nouvelles périodes de confinement s’avéreraient malheureusement indispensables. Il faut préserver l’avenir en la matière.

L’ensemble des commerces situés dans les stations de ski et les vallées qui en dépendent a été intégré aux secteurs S1 et S1 bis, qui font l’objet du plan Tourisme. Ils peuvent donc bénéficier d’une aide allant jusqu’à 10 000 euros et de l’activité partielle prise en charge à 100 % par l’État.

La mesure s’applique non seulement dans les communes des stations de ski, mais aussi dans celles des vallées qui en dépendent : communes de montagne, membres de l’EPCI support d’une station de ski et n’appartenant pas une unité urbaine de plus de 50 000 habitants. C’est la première fois qu’une mesure de cette nature est territorialisée. J’y tenais beaucoup. Mon secrétariat d’État a fourni un travail considérable pour définir ces périmètres, grâce auxquels l’acception des pertes économiques est la plus large possible, car les conséquences portent sur toute la vallée, et pas seulement sur la commune qui est support de la station.

Les moniteurs de ski, à titre individuel, peuvent accéder au fonds de solidarité, avec un droit d’option leur permettant une compensation des pertes de recettes allant jusqu’à 10 000 euros ou 20 % du chiffre d’affaires réalisé sur la même période en 2019.

Les autres activités touristiques et les activités hôtelières liées au fonctionnement des stations de sports d’hiver bénéficient déjà d’une aide renforcée du fonds de solidarité, grâce à leur intégration au plan Tourisme.

Enfin, afin de permettre aux professionnels de la montagne de sécuriser les embauches des saisonniers, le Gouvernement a décidé, dès le 30 novembre dernier, d’octroyer le bénéfice de l’activité partielle aux entreprises concernées, jusqu’à la reprise d’activité dans les stations. Cette mesure destinée à protéger l’emploi porte déjà ses fruits, puisque les remontées mécaniques ont embauché 95 % de leurs saisonniers.

Monsieur le sénateur, j’ai entendu votre appel sur la pérennisation de ce dispositif. À l’époque où nous voulions le mettre en place de manière définitive, nous nous étions heurtés à un avis du Conseil d’État, qui est toujours très vigilant sur ces questions, tout comme il l’est sur les régies thermales. Il nous faut « grignoter » des points petit à petit pour faire comprendre que les modèles économiques varient selon le type de station concerné.

Un récent voyage officiel en Maurienne et en Tarentaise, pendant les vacances de fin d’année, a démontré les bénéfices de la pluriactivité, notamment pour les agriculteurs qui tirent un meilleur revenu des pratiques diversifiées, ou bien pour les médecins de montagne dont l’activité en période touristique est seule à même de solvabiliser les cabinets installés dans les vallées à faible patientèle. Nous avons d’ores et déjà saisi Bercy sur ces sujets.

Je mesure parfaitement que cela ne suffira pas. Plus que des aides, les acteurs de la montagne attendent une perspective claire sur l’avenir et, si possible, une date de réouverture des remontées mécaniques. Croyez bien que nous le désirons tous, et moi le premier. Nous sommes, hélas, contraints à la plus grande prudence, à l’heure où de nombreux pays reconfinent et où l’on ignore encore l’état précis de diffusion de nouveaux variants sur le territoire national.

Les propositions que vous formulez doivent être étudiées. Le Gouvernement doit rester à votre écoute. Il le fera, et je continuerai d’être votre interlocuteur.

Cette crise agit aussi comme un révélateur. Elle met en lumière la forte dépendance de certains territoires à un type d’activité. Nous devons donner aux collectivités qui le souhaitent les moyens d’y remédier et de s’adapter. C’est tout le sens du programme Montagne que nous concevons avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’ANCT. Il s’agit du premier programme national depuis le plan Neige des années 1960-1970. Une consultation des acteurs de la montagne est en cours à ce sujet et se déroule dans le cadre du Conseil national de la montagne, d’une part, et des comités de massif, d’autre part.

Ce programme privilégiera le « cousu main ». Il ne reposera pas sur des appels nationaux à manifestation d’intérêt conçus depuis Paris. L’idée est de construire des projets qui partent des territoires et d’apporter l’aide nécessaire, notamment en matière d’ingénierie.

La contribution du Sénat, au travers de ses travaux et des échanges que nous avons, sera évidemment déterminante. Je n’oublie pas non plus que, dans son rapport public annuel de 2018, la Cour des comptes a appelé les collectivités à faire évoluer rapidement la gouvernance et le fonctionnement des domaines skiables, pour s’adapter suffisamment tôt à un avenir où le ski et les sports de neige ne seront plus leur seule ressource.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

M. Joël Giraud, secrétaire d ’ État. Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez assurés que nous avons en commun l’amour de la montagne. Il ne s’agit pas seulement d’un sentiment pour nos régions d’origine, mais du devoir républicain qui nous ordonne de garantir l’équité et la cohésion des territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, suivie d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Guillaume Gontard.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

À l’heure où l’absence de perspectives met les professionnels et les communes de montagne à l’agonie, à l’heure où la région des Alpes du Nord est celle qui se réchauffe le plus en France, à l’heure où notre plus grand réservoir naturel d’eau s’assèche, notre responsabilité à l’égard des territoires de montagne est immense. La crise à la fois économique et écologique que nous traversons a sonné le glas d’un modèle qui voudrait à tout prix maîtriser le développement de la montagne en gommant ses aléas, ses aspérités et ses aménités.

En réalité, cette situation d’exception pourrait offrir l’opportunité de montrer tous les atouts de nos territoires de montagne, dont les capacités de résilience sont considérables. En effet, au-delà d’une aire de jeux, les massifs montagneux constituent d’abord un réservoir de biodiversité extraordinaire et une ressource hydrologique majeure. Or les scientifiques sont formels : d’ici à la fin du siècle, la plupart des glaciers situés au-dessous de 3 500 mètres d’altitude auront disparu.

Agissons pendant qu’il en est encore temps, avant que ces territoires ne deviennent suraménagés ou sanctuarisés ! Parmi les Français, 90 % considèrent que la montagne est un atout pour le pays. La fréquentation inédite des sites de montagne après les périodes de confinement montre leur attachement à la nature et leur besoin de grands espaces. De nombreux touristes ont découvert, cet hiver, la montagne autrement.

Appuyons-nous sur les femmes et les hommes qui participent au quotidien à la vitalité des territoires de montagne, maintiennent les liens de solidarité, construisent un modèle économique plus durable, plus juste et plus respectueux de son environnement !

Il est urgent que nous nous dotions d’une politique de la montagne à la hauteur des enjeux écologiques, sociaux et économiques. Nous ne pouvons pas réduire l’avenir des territoires de montagne à la seule question de la diversification touristique, comme le propose l’ANCT.

Monsieur le secrétaire d’État, il est urgent de bâtir une véritable politique de transition des territoires de montagne avec les moyens consacrés.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Monsieur le sénateur Gontard, nous nous connaissons bien et nous connaissons aussi tous les aspects de la politique de la montagne. Elle n’est pas complètement vierge : beaucoup de travaux ont déjà été réalisés sur certains sujets que vous évoquez, qu’il s’agisse de l’agenda 21, des plans Climat, des territoires à énergie positive pour la croissance verte, qui se réalisent aussi en montagne.

Reste que, vous avez raison, nos facultés de résilience doivent se montrer plus importantes dans les territoires qui sont plus fragiles que les autres. C’est la raison pour laquelle nous lançons un programme national Montagne. Nous attendons pour le définir la concertation avec les acteurs des territoires, qui doivent nous proposer un certain nombre de sujets. Sachez cependant que nous avons déjà réuni, le 1er décembre 2020, des représentants du ministère de la transition écologique, du secrétariat d’État au tourisme, du ministère des sports, de la Banque des territoires, ainsi que plusieurs opérateurs de l’État, pour travailler à l’élaboration de ce programme. La méthode est de coconstruction, sur le modèle des politiques d’appui classiques qui sont portées par l’ANCT.

Une contribution importante du ministère de la transition écologique et de l’Ademe a permis d’identifier la nécessité d’accompagner tous les territoires de montagne dans l’adaptation au changement climatique et la transition écologique. Un certain nombre d’entre eux ont accumulé de l’expérience, et des bonnes pratiques se sont développées dans chaque massif, au travers notamment des projets de coopération territoriale européenne. Elles sont bien identifiées et pourront être diffusées dans le réseau des territoires de montagne qui vont bénéficier de l’ingénierie déjà mobilisée.

Notre objectif n’est pas de mettre ces territoires sous cloche, mais d’améliorer la qualité de vie de la population permanente, en donnant à tous les habitants la capacité d’être les pionniers d’un mode de vie plus intégré et plus respectueux de l’environnement particulièrement fragile des zones de montagne.

Nous allons travailler sur l’idée commune d’un fonds de résilience du tourisme en montagne, qui pourrait s’adosser au programme Montagne, de façon à associer relance et transition écologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Je vous remercie pour cette présentation et ces explications, monsieur le secrétaire d’État. Je n’en attendais pas moins : je connais votre attachement aux territoires de montagne. Permettez-moi quand même de continuer à douter des capacités du Gouvernement à engager les transitions qui s’imposent. Je formule le vœu que nous puissions aller plus avant.

La montagne constitue l’un de nos biens communs les plus précieux. Son avenir dépendra de notre capacité à bâtir un modèle plus soutenable. À ce titre, je vous invite à vous appuyer sur les travaux du Cluster de la transition des territoires de montagne, espace de réflexion pour une montagne vivante, résiliente et inspirante.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

En tant que parlementaire de la Drôme, où les Préalpes constituées par les massifs du Royans et du Vercors s’élèvent sur les contreforts, je me réjouis de ce débat sur la montagne.

Monsieur le secrétaire d’État, la problématique que je soulève concerne le droit de l’urbanisme dans ces communes. Je sais que nombre de maires, souvent de petites communes, attendent votre positionnement et votre vision sur ces territoires.

Aujourd’hui, les documents à l’initiative des municipalités sont la carte communale ou le plan local d’urbanisme. Si ce cadre convient sans doute aux villes et aux communes de plus grande taille, vous savez aussi que ce sont des documents longs à élaborer et avec de forts risques de contentieux, notamment pour les PLU. De plus, la procédure inclut la concertation et la consultation des services associés, ainsi que la vision de l’État, notamment pour ce qui concerne la constructibilité dans des secteurs agricole, forestier ou naturel.

Considérant ces procédures non seulement coûteuses, fastidieuses, mais aussi fragiles juridiquement, le résultat est aussi contraignant pour adopter une vision communale de la constructibilité. C’est pourquoi de nombreuses communes de montagne sont régies par le règlement national d’urbanisme en l’absence d’autres documents arrêtés par la municipalité, et les autorisations d’urbanisme sont signées par les maires au nom de l’État.

Là, nous constatons des disparités d’appréciation. En effet, les services instructeurs se rendent rarement sur site pour apprécier la continuité de construction, et le maire peut être en désaccord sur l’avis rendu. J’ai encore en mémoire le refus de permis de construire distillé par la DDT de la Drôme à la commune de Montclar-sur-Gervanne sur un quartier, pour un pétitionnaire, alors que trois maisons avaient auparavant été construites avec autorisation, la commune ayant déjà assumé la mise en place des réseaux secs et humides, avec logettes et regards installés en bordure des propriétés.

Ne faut-il pas apporter plus de souplesse et de latitude à nos communes de montagne et plus de confiance à leurs élus ? À ce titre, ne pourrions-nous pas enrichir le projet de loi 4D pour adapter le code de l’urbanisme et, ainsi, disposer d’un cadre juridique en adéquation avec les aspirations de ces territoires, qu’il nous faut soutenir collectivement ?

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Vous soulignez à juste titre, monsieur le sénateur Buis, la très grande diversité des communes de montagne et la nécessité de disposer d’outils souples et adaptés aux différentes situations qui se rencontrent.

Même si certaines choses ne sont pas écrites noir sur blanc dans le projet de loi 4D, je rappelle néanmoins que les amendements d’origine parlementaire sont toujours les bienvenus sur ces questions de politique de la montagne. D’ailleurs, je ferai cette même réponse à d’autres intervenants, jugeant nécessaire l’intégration d’un « paquet montagne » – je reprends là ce qu’a dit Cyril Pellevat – dans la loi 4D.

Pour les petites communes, le règlement national d’urbanisme offre des possibilités d’aménager le territoire pour des besoins ponctuels. La continuité de l’urbanisation constitue évidemment un critère essentiel, apprécié, au cas par cas, par les services de l’État.

Comme vous, je suis extrêmement attaché à ce que cet accompagnement puisse se renforcer. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, nous avons sanctuarisé l’an dernier les effectifs des directions départementales des territoires.

Nous encourageons aussi le travail des projets en amont, ce qui permet de vérifier le plus tôt possible que la continuité d’urbanisation est bien respectée et, ainsi, d’éviter de s’aventurer dans des projets qui ne seraient pas forcément retenus in fine.

J’ajoute tout de même un point, qui me semble important : en matière d’urbanisme, la mutualisation au niveau de l’intercommunalité a un effet facilitateur. Certes, elle n’est pas toujours évidente à mettre en place – je connais les territoires de montagne ; je sais comment, parfois, on peut considérer son voisin comme un concurrent –, mais il faut à mon sens l’encourager sur un certain nombre de sujets.

Je peux d’ores et déjà annoncer que la possibilité de disposer d’une ingénierie en matière d’urbanisme figure parmi les éléments que je compte renforcer. Ce sera fait dans le cadre du plan Montagne que j’ai évoqué en répondant au sénateur Gontard.

Nous parlons effectivement de projets extrêmement complexes, et je comprends, monsieur le sénateur Buis, que vous puissiez vous faire le porte-parole de ces communes pour demander plus de proactivité de la part du Gouvernement en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d’État. Effectivement, il faut apporter des améliorations, car, sans que ce soit forcément La Petite Maison dans la prairie, à Lesches-en-Diois, ma commune de 50 habitants, personne ne souhaite construire sur 300 mètres carrés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Roux

À quelques semaines des vacances de février, qui comptent pour un tiers des déplacements de nos concitoyens à la montagne, je suis inquiet pour les communes des Alpes-de-Haute-Provence et profondément solidaire des préoccupations des montagnards.

Vous le savez aussi bien que moi, monsieur le secrétaire d’État, il y a des économies touristiques meurtries après ces vacances de Noël, mais surtout des vies quotidiennes locales qui sont bouleversées, sans perspectives réalistes d’ouverture avant quelques mois. Allez-vous nous rassurer ou nous détromper ?

Aujourd’hui, je viens plaider pour cette vie locale, car l’activité montagnarde ne s’arrête pas aux remontées mécaniques.

Nous demandons que les locaux – clubs, écoles, associations – puissent continuer, dans des conditions sanitaires optimales, de pratiquer des activités sportives en montagne.

Nous demandons que les pisteurs puissent continuer à sécuriser les pistes et que le travail des secouristes soit facilité.

Nous demandons que les pharmacies de stations, exclues des entreprises du secteur S1, tel que fixé dans le plan Tourisme d’octobre 2020, puissent elles aussi être aidées à passer ce cap.

Je demande une indemnisation prolongée et une réflexion de moyen terme sur le statut des saisonniers et loueurs, qui pourraient bénéficier de formes coopératives ou de portage salarial.

À côté de ces mesures immédiates, il est sans nul doute indispensable d’accélérer la mutation des stations, afin d’anticiper concrètement les effets du réchauffement climatique sur nos massifs et nos vallées. La montagne doit pouvoir s’apprécier en toutes saisons, ce qui va nécessiter des investissements de long terme. Or nos communes et collectivités, extrêmement dépendantes des ressources touristiques ou du thermalisme, alors qu’elles sont essentielles pour absorber l’onde de choc de 2021 et transformer durablement notre modèle économique et social, n’en ont plus les moyens.

L’article 4 de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne dispose que la DGF et le FPIC intègrent « les surcoûts spécifiques induits par des conditions climatiques et géophysiques particulières en montagne et les services, notamment écologiques et environnementaux, que la montagne produit au profit de la collectivité nationale ». Comment allez-vous soutenir un effort supplémentaire au bénéfice de collectivités locales aujourd’hui dépourvues de ressources pour entretenir la montagne, notre bien commun, et faire vivre dignement ses habitants au cours de ce premier semestre de 2021 ?

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Votre question est très large, monsieur le sénateur Roux. Il se peut donc que je vous réponde partiellement aujourd’hui, mais je compléterai ma réponse par écrit.

Je rappelle tout de même que nous avons financé une partie des charges fixes relatives aux remontées mécaniques, par le biais d’une indemnisation des exploitants, afin que l’on puisse, en toute sécurité, pratiquer un certain nombre d’activités en montagne. Ainsi, la pratique des sportifs de haut niveau, des professionnels et des clubs de ski locaux est parfaitement autorisée. D’ailleurs, les stations de ski ne sont pas fermées ; les remontées mécaniques le sont. C’est une nuance importante, qui a parfois été traduite de façon excessive…

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

… par certaines entreprises de remontées mécaniques. Il y a eu des problèmes de compensations demandées à des communes ou à des départements pour pouvoir laisser s’entraîner des jeunes sportifs. Des chasseurs alpins de l’école militaire de haute montagne ont également été empêchés de s’entraîner.

Ce sont des cas rares, mais je les ai signalés à Domaines skiables de France afin que nous revenions à quelque chose de raisonnable et puissions renouveler le dialogue entre les maires et les exploitants de remontées mécaniques. Je propose, à cet égard, que mon secrétariat d’État serve d’intermédiaire et accompagne les élus locaux, avec l’appui des préfets, pour la concrétisation d’une vision partagée sur le terrain. Nous sommes à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs.

Monsieur Roux, vous avez cité plusieurs cas pour lesquels les indemnisations ne seront peut-être pas à la hauteur… S’agissant des pharmacies de stations, que vous mentionnez souvent, elles sont inscrites sur la liste S1 bis, ce qui leur permet de prétendre à une indemnisation à laquelle elles n’avaient pas accès précédemment. Il y a également le recours au chômage partiel.

Des éléments complémentaires nous ont été communiqués – j’en ai recueilli dans les Hautes-Alpes, et la sénatrice Martine Berthet m’en a également apporté. Nous allons à notre tour transmettre ces éléments, qui sont extrêmement intéressants, au cabinet d’Alain Griset au ministère de l’économie, afin que nous puissions aboutir à un dispositif à peu près décent.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Je m’arrête là, car le temps de parole qui m’est imparti est dépassé.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Je remercie à mon tour mes collègues du groupe Les Républicains d’avoir suscité ce débat sur la montagne – sur les montagnes, oserais-je dire, tant sont divers les territoires de montagne et, donc, les communes composant ces différents massifs. Bien évidemment, ces communes ont toutes un point commun : la spécificité de l’altitude. Que celle-ci engendre des handicaps, pour certaines, qu’elle soit valorisée au titre de ses aménités positives, pour d’autres, ce sont en tout état de cause des problématiques à gérer au quotidien pour les élus locaux, non seulement en raison de territoires très en pente, mais aussi d’une grande variété météorologique – étés parfois très chauds, hivers parfois très froids.

Comme je le soulignais lors du débat sur le projet de loi dit « Montagne II », ici même, en 2016, des progrès ont été réalisés. Pour autant, certaines communes sont aujourd’hui en difficulté pour répondre aux défis de demain, notamment en matière de développement de l’emploi, lequel ne se réduit pas à l’emploi touristique.

Hasard du calendrier, c’est un sujet que nous avons évoqué de manière très concrète lors de nos toutes dernières visites communales dans les monts du Forez et Pilat de mon département de la Loire. Comment développer, accompagner et sécuriser l’emploi ? Comment maintenir les services publics et garantir l’accès à l’ensemble de ces services à toute la population, en toutes saisons ?

Je le redis, parce qu’elle se pose peut-être avec plus d’acuité cette année : il y a la question du déneigement et du coût supporté pour cela par les communes. En tout cas, celles-ci font toutes le même constat : elles souffrent d’un manque criant de moyens en termes d’ingénierie pour développer les équipements.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Vous posez également un éventail assez large de questions, madame la sénatrice Cukierman. Je vous répondrai, déjà, sur la problématique de l’ingénierie dédiée aux collectivités.

J’ai eu l’occasion de faire, ici, des annonces s’agissant de la politique d’ingénierie mise en place par l’ANCT. Au titre des politiques spécifiques menées sur certaines intercommunalités, je mentionnerai le lancement des fameux volontaires territoriaux en administration, ou VTA, qui seront à mon avis d’un grand secours dans les zones les plus dépourvues de moyens – certaines intercommunalités ont tout de même quelques moyens ; il y a une montagne pauvre et une montagne riche !

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Je le sais, madame la sénatrice, je connais bien votre département, ainsi que le département voisin de l’Allier. Je sais ce qui se passe sur les plateaux qui se trouvent un peu plus haut, en limite du mont Forez, et où l’on pratique le ski de fond.

Ce que je voulais vous dire, c’est que l’appui technique sera renforcé dans le cadre du programme national Montagne. En effet, je crois comme vous à l’ingénierie ! Je sais très bien ce que, faute d’ingénierie, on peut ne pas faire ou rater. Les rapports entre un exploitant de remontées mécaniques et une collectivité ne peuvent être sains que si l’on dispose d’une ingénierie permettant de « renforcer » l’équilibre entre les deux parties.

Vous évoquez également la « montagne 4 saisons », qui constitue l’un des éléments du rapport de Cyril Pellevat – et un élément extrêmement important. Là encore, nous avons à travailler à partir de ce rapport pour élaborer le programme national Montagne.

Il ne s’agira pas que d’ingénierie. De nombreux sujets vont être embrassés. Lors de la réunion d’ouverture avec les associations d’élus, les représentants des massifs et des comités de massif, j’ai beaucoup insisté sur le fait que tout ce qui est important doit être intégré. Certains sujets, qui n’avaient pas été prévus, ont d’ailleurs été évoqués, comme la problématique des risques naturels en montagne ou le sujet essentiel des services publics, que vous venez de citer. Comment peut-on concevoir un réseau de maisons France Services, offrant des services réellement adaptés, non pas à partir de Paris, mais en se fondant sur les besoins des territoires ?

Sachez donc que le programme national pour la montagne répondra à ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Vous dépassez systématiquement votre temps de parole, monsieur le secrétaire d’État…

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

C’est la passion, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Monsieur le secrétaire d’État, vous connaissez la montagne, vous l’aimez, et, en ce sens, il est heureux que vous représentiez le Gouvernement cet après-midi.

Je veux profiter de ce débat initié par le groupe Les Républicains pour vous alerter sur la situation financière des communes et intercommunalités de montagne à l’horizon de 2021 et 2022. Bien sûr, je ne méconnais aucun des efforts consentis par l’État pour maintenir un niveau de ressources aux collectivités territoriales en général. Le Sénat a d’ailleurs pris toute sa part à cet effort.

Les communes touristiques de montagne sont en train de vivre un double traumatisme. D’abord, il y a cet hiver, avec une activité drastiquement réduite et la perspective de voir leur budget fondre comme neige – elle est pourtant abondante cette année – au soleil. Mais, sur un tableur de Bercy, ces communes apparaissent comme ayant un niveau élevé de dépenses, en fonctionnement comme en investissement, pour un nombre d’habitants permanents relativement faible. La spécificité de certaines recettes fiscales ou non fiscales rend la situation encore plus difficile à appréhender. Autrement dit, ces communes aux finances dynamiques sont considérées comme riches. Sauf si vous insistiez, je ne reprendrais pas l’ensemble des arguments m’ayant conduit à proposer la suppression du FPIC lors de la discussion du projet de loi de finances…

Ces collectivités auront besoin d’un suivi individuel et d’un accompagnement spécifique, avec des mesures ad hoc, qui ne peuvent pas être les mesures prévues dans les différents PLFR ou dans le PLF pour 2021. Êtes-vous en mesure d’apporter des réponses de nature à rassurer ces collectivités et les EPCI auxquelles elles appartiennent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. le secrétaire d’État… pour deux minutes !

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

M. Joël Giraud, secrétaire d ’ État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Et pas plus ! Je m’y efforce, madame la présidente.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Comme vous le savez, monsieur le sénateur Hervé, les communes de montagne bénéficient, comme l’ensemble des communes de France, d’un certain nombre de compensations ayant été votées dans les PLFR successifs.

Je rappelle tout de même que le filet de sécurité sur les recettes fiscales et domaniales, qui vaut en 2020 et en 2021, prend en compte les pertes de taxe de séjour et de taxe sur les remontées mécaniques. Ce dispositif garantit à chaque commune et EPCI à fiscalité propre que ses recettes fiscales et domaniales ne seront pas inférieures, en 2020 ou en 2021, à la moyenne des recettes perçues au cours des trois dernières années. Si les recettes sont inférieures, l’État leur verse automatiquement une dotation jusqu’à atteindre cette moyenne, d’ailleurs sans que les collectivités aient à engager la moindre démarche, ce qui est important pour celles qui ne disposent pas d’une ingénierie suffisante pour le faire.

Je rappelle aussi que, pour la taxe de séjour, la seule année 2019 est prise en compte pour le calcul du filet de sécurité. Je le sais d’autant plus que cette mesure découle d’un amendement que j’avais déposé à l’époque où j’étais rapporteur général de la commission des finances à l’Assemblée nationale. J’avais beaucoup insisté sur cette question. Parce que cela favorisait les communes de montagne, me rétorquera-t-on… Mais pas qu’elles ! En fait, il s’agissait de prendre en compte la forte dynamique de cette imposition. Nous avions fait entrer dans l’assiette un certain nombre d’hébergements qui échappaient jusqu’alors à la taxe de séjour, ce qui créait une inégalité dans les territoires.

Ce rattrapage ayant été réalisé en 2019, je tenais à ce que l’on prenne en compte le chiffre de cette année-là, et ce d’autant que l’on avait également remis les pendules à l’heure s’agissant du partage entre communes et intercommunalités en matière de tourisme, pour éviter tout problème ou trou dans la raquette.

Plus de 300 communes de montagne ont donc reçu un acompte en novembre. Le calcul définitif et individualisé pour 2020 aura lieu avant le 31 mai.

Je m’arrête là, sinon je vais dépasser mes deux minutes de temps de parole.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

J’apprécie vos efforts, monsieur le secrétaire d’État.

La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Il est regrettable que vous n’ayez pas pu aller au bout de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Je serai donc particulièrement attentif à la réponse par écrit que vous pourrez m’apporter.

J’y insiste, les collectivités dont je parle – j’en ai rencontré trois cette semaine : Chamonix, Arâches et Megève – m’ont saisi. Je vous ferai passer les courriers des maires évoquant les situations individuelles.

Ce sont des communes entreprises, actives dans la vie économique. Elles ont, pour de nombreuses raisons, des partenariats financiers avec les autres acteurs économiques du territoire, et cela leur permet de dégager certaines recettes, qui ne peuvent pas être compensées par la taxe de séjour, la taxe sur les remontées mécaniques ou le panier fiscal général accordé à l’ensemble des collectivités du pays. C’est pourquoi j’en appelle à un suivi spécifique et, forcément, à des mesures ad hoc pour pouvoir accompagner ces communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Dans le département des Hautes-Pyrénées, comme dans les autres territoires de montagne, de nombreux professionnels calquent leur activité sur le rythme des saisons, avec des pics d’embauche durant l’hiver et, à un degré moindre, durant l’été. Cette activité saisonnière est indispensable au bon fonctionnement des entreprises du tourisme, notamment les stations de ski.

Un travail de fond doit être mené pour accompagner ces territoires vers un « tourisme 4 saisons », dans une stratégie globale d’adaptation au changement climatique et de fidélisation des compétences saisonnières.

Le Conseil d’État a sanctionné deux dispositions très contestées de la réforme de l’assurance chômage et mis en avant le caractère profondément injuste de cette réforme. La plus controversée de ces dispositions, pour les demandeurs d’emploi, est le changement du mode de calcul de l’allocation chômage.

Les nouvelles règles de ce régime impacteront fortement les saisonniers et la pérennité économique de nombreux systèmes d’activité de montagne. En effet, c’est en montagne que les activités sont les plus dépendantes des saisons.

Notre groupe demande, depuis son instauration, le retrait de cette réforme.

Avec la crise de la covid-19, c’est plus de 1 million de saisonniers qui ont perdu leur source de revenus et seront, de surcroît, victimes des effets de cette réforme du chômage.

Les pistes envisagées jusqu’à maintenant sont foncièrement insatisfaisantes, alors même que de nombreux Français en difficulté sont déjà très durement touchés par les conséquences de cette crise. De plus, nous ne sommes pas à l’abri que cette situation sanitaire perdure, voire réapparaisse dans un avenir plus ou moins proche.

Les solutions qui s’imposent sont l’adoption d’une année blanche pour les saisonniers, extras et bénéficiaires du contrat à durée déterminée d’usage, et l’abandon de la réforme du chômage. À quand ces annonces, tant espérées dans nos massifs ? À quand une réelle réflexion sur le statut de saisonnier ?

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Vous posez plusieurs questions, madame la sénatrice Artigalas. La plus essentielle, me semble-t-il, est celle que vous avez soulevée en dernier, celle des saisonniers, d’une manière générale, et des saisonniers du secteur du tourisme, en particulier.

Comme je l’indiquais dans ma réponse au sénateur Pellevat, nous avons fait en sorte que les dispositifs transitoires prévus pour les travailleurs saisonniers liés à des conventions collectives, comme celle des remontées mécaniques, puissent s’appliquer de manière indifférenciée, indépendamment de questions de statut. Car c’était aussi un problème… Les territoires sont plus ou moins riches, plus ou moins pauvres, et l’on s’est retrouvé face à des cas absolument dramatiques, comme celui des stations qui sont en régie sans autonomie juridique et qui, de ce fait, n’ont pas d’existence légale. Nous avons donc mis en place des dispositifs provisoires tirés de la loi Montagne, que nous avons renouvelés par ordonnance au fur et à mesure de la crise du covid. Mais il est vrai que nous devrons trouver des équilibres avec le Conseil d’État, pour assurer une certaine pérennité à ces mesures.

Nous nous sommes également battus – cela vous intéressera, vu le département d’où vous venez – pour que les régies en charge des thermes, également sans personnalité juridique, puissent être prises en compte. Cela a été très difficile, et je vous prie de croire, mesdames, messieurs les sénateurs, que mon cabinet a énormément travaillé sur le sujet. Il nous semblait indispensable que les collectivités portant des établissements thermaux, qui sont souvent fragiles, puissent être indemnisées, et nous sommes parvenus à nos fins !

Votre intervention, madame la sénatrice Artigalas, s’est également élargie à la question globale de la réforme de l’assurance chômage.

Je n’ai bien évidemment pas de réponse précise à vous apporter sur ce point. Mais sachez une chose : dans la crise que nous traversons – et je répète, que ce soit bien clair, que cette fermeture des remontées mécaniques est pour moi un crève-cœur –, nous sommes aujourd’hui en mesure d’apporter des réponses à certains travailleurs saisonniers qui n’étaient plus du tout protégés par les textes.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Je sais bien quels ont été les efforts réalisés en faveur des saisonniers, monsieur le secrétaire d’État, mais ce n’est pas suffisant. Cette crise montre bien que la réforme de l’assurance chômage n’est pas la bonne voie à suivre, et je vous demande de le faire savoir au ministre chargé du dossier.

Le Conseil d’État a su prendre la mesure des effets négatifs de cette réforme. Il a mis en avant une atteinte au « principe d’égalité » entre demandeurs d’emploi en emploi continu et demandeurs d’emploi en emploi discontinu. Ce fait reste inchangé ; il a juste été aggravé par la crise.

Je vous demande donc d’aider, aussi, au développement du « tourisme 4 saisons » afin de fidéliser et conserver des compétences sur nos territoires de montagne, en revalorisant et pérennisant ces emplois. Or cette réforme de l’assurance chômage, conjuguée à la crise, met à mal de nombreux professionnels de la montagne, et ce pour longtemps. Vous, comme votre collègue ministre du travail, devez prendre la mesure de cette situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Ma question porte sur la modification des règles d’urbanisme et de construction pour les communes situées en zone de montagne.

Si les deux lois Montagne ont permis d’élaborer des mesures spécifiques à ces communes, afin de leur permettre une différenciation avec les zones rurales du reste du territoire, il existe actuellement des problèmes en matière de constructibilité, qui nuisent au bénéfice initial établi par le législateur. Le rapport d’évaluation de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur les lois Montagne évoque même une « asphyxie des possibilités de construction en montagne ». Certaines communes ne se voient ainsi délivrer qu’un unique permis de construire par mandat municipal, face à une administration toujours plus tatillonne, alors que des aménagements nécessaires à la vie quotidienne et au développement économique sont attendus.

Je voudrais aussi vous saisir, monsieur le secrétaire d’État, de la problématique concernant les territoires de montagne frappés par des catastrophes naturelles, comme l’ont été les vallées de la Roya, de la Vésubie et de la Tinée dans les Alpes-Maritimes – et j’associe à ces propos mes collègues de ce département présents dans l’hémicycle.

L’exigence de reconstruction à l’identique doit pouvoir être assouplie à l’avenir, en acceptant, par exemple, que la nouvelle construction soit un peu différente de celle qui a été détruite, à travers une surélévation ou encore un déplacement sur la même parcelle pour une situation plus en hauteur.

Ces modifications et assouplissements, allez-vous vraiment les faire vôtres au travers du projet de loi 4D ? C’est là, vous le savez, une forte attente des élus et habitants des communes de montagne, qui veulent pouvoir continuer à les développer. Cela passe par plus de facilités dans les règles de construction et d’urbanisme.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Comme vous l’indiquez, madame la sénatrice Estrosi Sassone, les lois Montagne I et II ont créé un cadre législatif de gestion intégrée et transversale des territoires, en trouvant un équilibre entre développement, protection de la montagne et nécessité de maîtriser l’urbanisation dans ces zones. Ce cadre législatif est fait pour prendre en compte, autant que possible, des contextes et besoins spécifiques à chaque territoire ; en un mot, pour faire de la différenciation. Or la différenciation, c’est un des « D » du projet de loi 4D. C’est le cas pour le principe de base, selon lequel il n’est possible de construire que dans l’urbanisation existante ou en continuité de cette dernière.

La loi définit, par ordre de taille décroissant, trois formes d’urbanisation : les bourgs et villages, les hameaux et les groupes de constructions traditionnelles et d’habitations existants.

Par ailleurs, la loi prévoit tout de même pas mal d’exceptions à ce principe, en particulier s’agissant des unités touristiques nouvelles (UTN), c’est-à-dire de constructions et d’aménagements d’installations liées au tourisme. L’étude de discontinuité, qui est une étude ad hoc incorporée dans le document d’urbanisme, permet de construire ponctuellement en dehors de l’urbanisation existante.

Ces dispositions apportent une première réponse.

Pour les communes soumises aux seules règles du RNU, les marges de manœuvre sont plus limitées, et l’appréciation de la construction en continuité devient alors tout à fait centrale. Je sais votre grande mobilisation sur ce sujet, madame la sénatrice, comme en témoigne la récente proposition de loi que vous avez déposée.

À ce stade, voici les éléments que je peux vous apporter.

À la suite de la circulaire de Jacques Mézard, qui visait précisément à harmoniser cette appréciation, un réseau de correspondants « Montagne et urbanisme » a été constitué. Il se réunit tous les ans, et il convient de le faire vivre et de garantir son efficacité – je m’y engage, d’autant que nous avons un conseiller à l’urbanisme commun avec Jacqueline Gourault.

Se posent en outre un certain nombre de problématiques, notamment celle que vous mentionnez à propos du régime actuel de la reconstruction à l’identique. Dès lors que l’on ne peut pas procéder à une reconstruction à l’identique, dans une zone où les risques sont importants, on est en droit de s’interroger sur l’opportunité de faire jouer le droit à la reconstruction. Ainsi, la jurisprudence refuse toujours la reconstruction à l’identique dans les zones à risque.

Je conviens donc avec vous qu’il faudra travailler plus avant, dans le cadre du groupe de travail précité, pour trouver des solutions pragmatiques et « cousues main » à ce type de situations.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Je vous prends au mot, monsieur le secrétaire d’État : j’accepte de participer à un nouveau groupe de travail. Reste que les élus sont lassés de ces groupes de travail. Ils veulent maintenant de véritables outils qui leur permettent – et eux savent quels sont les besoins – de trouver cet équilibre pour leurs habitants entre développement économique, afin d’éviter la désertification du territoire, et protection de l’environnement naturel.

La loi ÉLAN a permis d’assouplir la loi Littoral. Il faut faire de même pour la loi Montagne. Il faut permettre un assouplissement, par exemple en offrant des possibilités de combler les dents creuses, en autorisant les constructions sur des parcelles vides situées entre des bâtiments existants.

Ce qu’on a fait, dans la loi ÉLAN, pour la loi Littoral, il faut le faire, dans la loi 4D, pour la loi Montagne ! En tout cas, monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez compter sur le groupe Les Républicains pour travailler en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

Élu de Haute-Garonne, territoire sur lequel nous avons la chance de compter de superbes stations de ski – comme dans les Hautes-Pyrénées –, je veux de nouveau alerter sur la situation particulière de mon département, où la crise actuelle s’ajoute à une saison passée déjà calamiteuse.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, l’activité des stations de ski est source de nombreux emplois saisonniers, dans l’hôtellerie, la restauration ou les commerces. C’est toute une économie et toute une vie pour de nombreuses communes.

La situation est grave. Nous avons besoin de concertation entre les niveaux local et national, de visibilité sur l’ouverture des remontées mécaniques et de solutions dans un futur très proche.

Les territoires de montagne sont sous tension, alors qu’ils sont déjà soumis à des problèmes chroniques d’ampleur.

Nous faisons face à une désertification multiple, notamment médicale. L’accès aux soins ne doit pas être un luxe, surtout dans la situation actuelle.

Nous avons des problématiques liées aux réseaux, qu’ils soient de transports ou de télécommunications.

Nous vivons une autre désertification, moins médiatique, certes, mais aux conséquences importantes sur l’écosystème des territoires de montagne : en matière d’agropastoralisme, nos jeunes ont du mal à s’installer et nos agriculteurs actuels peinent à résister. Nous observons une véritable perte de vocation de berger. C’est un savoir-faire, une filière et des traditions qui risquent de disparaître.

Nous allons vers une crise économique, humaine et écologique. Au cours des vingt dernières années, nous avons perdu 50 % de nos surfaces d’estives et de pâturages. Leur remplacement par des taillis ne fera qu’accroître les risques d’incendie.

Le pastoralisme est un équilibre fragile entre l’homme, l’animal et le milieu ambiant. Quelles mesures incitatives comptez-vous mettre en œuvre, afin de préserver les bienfaits économiques, écologiques et sociaux de ces activités dans nos montagnes ?

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur un certain nombre de sujets, mais vous insistez plus particulièrement sur la question du pastoralisme. Je crois que la revalorisation de cette activité, tant dans sa dimension agricole, qui est paysagère et environnementale, que dans sa dimension économique ou culturelle, constitue un véritable enjeu. C’est parce qu’elle a ce double aspect que cette activité est vitale pour les territoires de montagne.

Les politiques publiques dans ce domaine sont extrêmement nombreuses, qu’elles relèvent de l’État, de l’Europe, des régions, ou parfois des départements et du bloc communal.

Les situations sont très diverses dans des départements dont les caractéristiques sont pourtant similaires. Je me rendrai d’ailleurs dans deux jours dans l’Aveyron, département qui détient le record du plus grand nombre d’installations de jeunes agriculteurs, lesquels n’en sont souvent pas originaires.

Je voudrais également voir comment on pourrait faire en sorte de reproduire certaines expérimentations menées dans ce département dans le cadre de programmes nationaux, puisque telle est l’idée générale. Réinventer l’eau chaude, alors qu’elle est déjà en production, me semble toujours délicat. C’est la raison pour laquelle je cite l’Aveyron : il me semble que l’on peut réinventer les choses à partir d’excellents exemples comme celui-ci.

Au-delà du dispositif existant, les projets alimentaires territoriaux ont grandement contribué, non seulement à ce que nombre d’agriculteurs puissent s’installer et rester sur des territoires, mais aussi à ce que l’on mette fin à ce que l’on a appelé à tort ou à raison l’agribashing. Dans des régions très urbaines, la proximité d’un espace pastoral et agricole est en effet un plus considérable pour la société.

Les projets alimentaires territoriaux, en plus des mesures que nous mettons en œuvre au niveau des cantines scolaires, nous conduisent, Julien Denormandie et moi-même, à proposer un packaging global, qui, à mon avis, sera très positif et contribuera à la reconquête, si je puis dire, des milieux urbains par l’agriculture. Nous voulons faire en sorte que le pastoralisme ne soit pas considéré négativement : c’est un discours que j’ai également tenu dans le département de Mme Estrosi Sassone à des éleveurs qui avaient été victimes d’un certain nombre de prédations.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

Monsieur le secrétaire d’État, vous citez un exemple très intéressant, celui de l’Aveyron, département dans lequel j’ai beaucoup d’amis parlementaires. Les élus de l’Aveyron ont mené des politiques très adroites à une époque, puisqu’ils sont parvenus à faire classer tout le département en zone de montagne : ils bénéficient donc des avantages, mais pas de tous les inconvénients de ce zonage. Ce département marche fort : l’élevage ovin profite d’un débouché national grâce au roquefort, ce qui constitue une garantie assez forte en termes de volume de lait de brebis produit.

Pour les zones de montagne dont l’accès est plus difficile, je crois qu’une synergie entre l’échelon national et l’échelon local sera nécessaire pour que cela soit davantage incitatif. J’ai pu observer des photos aériennes : je vous garantis que la perte d’estives, de pâturages nous mènera à une catastrophe écologique – j’insiste sur ce point. Je le redis, certains villages sont déjà entourés par les ronces : il est urgent de se pencher vraiment au chevet du malade.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

Vous le savez, la montagne est à l’arrêt ; la montagne souffre ; la montagne meurt, et je pèse mes mots. Il y a d’abord eu – on l’a déjà dit longuement – la fermeture des remontées mécaniques. Je regrette l’annonce de sa prolongation par le Premier ministre le 7 janvier dernier. Cette fermeture, compensée par de très maigres dérogations, pénalise tous les acteurs de la montagne.

Dans mon département des Hautes-Alpes, que Joël Giraud connaît bien, l’annonce de la fermeture administrative des remontées mécaniques s’est traduite par une diminution des réservations de près de 71 % par rapport à l’année dernière. Cette situation devient intenable pour les domaines skiables bien sûr, mais aussi pour les commerçants, les hébergeurs, les saisonniers, les entrepreneurs de l’événementiel, pour lesquels les mesures de restriction de l’activité sont extrêmement handicapantes.

Or, nous le savons – et l’ensemble des professionnels de la montagne ont travaillé dans ce sens –, les mesures sanitaires peuvent et doivent être adaptées. Et nous devons continuer à vivre : oui, nous devons apprendre à vivre avec le virus ! Les acteurs de la montagne veulent travailler : laissez-les donc travailler !

Cette volonté est tellement forte qu’une petite station des Hautes-Alpes, Saint-Léger-les-Mélèzes, a décidé de pallier la fermeture des remontées mécaniques en utilisant un cheval de trait, afin d’enseigner le ski de piste aux plus jeunes. Que dire de plus ?

Aussi, je dénonce de nouveau le manque total de visibilité, en particulier en ce qui concerne les vacances de février, période incontournable qui correspond à 40 % à 50 % du chiffre d’affaires pour nos stations et pour le tourisme hivernal.

Le Premier ministre vient à l’instant de déclarer : « Je suis optimiste, mais cela demande confirmation. Je salue le comportement des Français pendant les fêtes. » Alors, monsieur le secrétaire d’État, quel est le calendrier gouvernemental pour les vacances de février ? À ce jour, en effet, vous ne nous avez toujours rien dit à ce sujet, malgré les multiples interrogations à cette tribune ou ailleurs.

Le Gouvernement a pris conscience des périls économiques et sociaux auxquels font face les territoires de montagne, mais certains acteurs restent inéligibles à ces aides. Je pense plus particulièrement aux hébergeurs de montagne ou aux régies publiques de remontées mécaniques, généralement adossées à de petites communes, qui ne semblent pas, à ce jour, éligibles aux mesures de soutien.

Je demande au Gouvernement d’accroître les aides financières en faveur de la montagne et d’élargir les critères d’éligibilité. Joël Giraud nous a annoncé, et je l’en remercie, une « logique valléenne » pour l’accompagnement territorial, mais j’ai aussi entendu que les acteurs de la communauté d’agglomération Gap-Tallard-Durance, par exemple, ne seraient pas éligibles aux aides et seraient donc affectés par la baisse de l’activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

Ce sont des mesures à court terme qu’il nous faut face à l’urgence. J’attends donc des réponses concrètes aux différentes questions posées aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

J’observe une véritable propension des élus des Hautes-Alpes, tant du sénateur que du secrétaire d’État, à dépasser leur temps de parole…

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

C’est mon côté frontalier…

Monsieur le sénateur – j’ai failli dire « Monsieur mon sénateur », puisque vous êtes le sénateur de mon département –, vous m’interrogez sur un certain nombre de sujets importants.

D’abord, je ne reviendrai pas sur la date de réouverture des remontées mécaniques, car je ne suis pas là pour faire une annonce sur ce point. Le Premier ministre s’est déjà clairement exprimé à ce sujet. Le 20 janvier, une annonce interviendra : j’espère qu’elle sera positive, et je ferai tout pour qu’elle le soit, parce que je sais ce qu’est un territoire de montagne.

Je sais aussi, pour citer un cas qui me semble intéressant, celui des médecins de montagne, ce que représente l’absence de clientèle touristique pour les zones de montagne, d’autant que le secteur médical n’est pas forcément aidé à l’heure actuelle. J’ai déjà demandé à Bercy si l’on ne pourrait pas envisager un certain nombre de mesures destinées à ces médecins. J’ai bien conscience du risque que ferait courir une diminution du nombre des médecins dans les cabinets médicaux, qui serait tout simplement causée par la baisse de solvabilité liée au tourisme.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Je connais parfaitement le sujet pour l’avoir de nouveau abordé lors de mon déplacement en Savoie, où j’ai rencontré les médecins de montagne. Cela fait partie des problèmes qui incitent à répondre positivement aux demandes de réouverture des remontées mécaniques ou à prévoir un système indemnitaire.

S’agissant des stations, il est faux d’affirmer que l’on fait une différence selon le statut des régies de remontées mécaniques. Comme je le disais précédemment, l’affaire est parfaitement réglée en ce qui concerne la problématique du chômage partiel. Concernant les aides, les choses sont très claires dans mon esprit : celles-ci ont fait l’objet d’une notification à la Commission européenne au titre des aides d’État dans les conditions que j’indiquais dans mon propos liminaire. Ces aides sont donc indépendantes du statut de la station.

À l’heure actuelle, dans la mesure où nous n’avons pas encore de retour de la Commission européenne à ce sujet, je ne peux pas vous répondre que les aides seront précisées dans un décret. Celui-ci ne peut pas être publié tant que la notification de Bruxelles ne nous est pas parvenue. Sachez cependant que vous pouvez compter sur ma totale vigilance pour que, de la même façon que pour le chômage partiel, nous disposions de tous les moyens juridiques pour que les stations de sports d’hiver puissent bénéficier d’aides économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Michau

L’importance de la préservation du pastoralisme en France n’est plus à démontrer. Ce mode d’élevage joue un rôle essentiel, au niveau tant économique que du maintien des populations rurales, de la biodiversité, des paysages, de l’aménagement du territoire et, bien entendu, du développement de l’économie touristique. Le maintien de montagnes vivantes passe inévitablement par le développement de l’activité économique.

Or, dans certains territoires, notamment dans les Pyrénées, et particulièrement en Ariège, les éleveurs doivent faire face à la présence de prédateurs qui se livrent très régulièrement à des attaques de troupeaux. Ces attaques répétées des ours affectent dramatiquement le quotidien des éleveurs. Cette situation a pour conséquence directe de faire régresser le pastoralisme, souvent par découragement. Les éleveurs transhumants aspirent à pouvoir exercer leur travail dans de bonnes conditions, sans pression extérieure d’un prédateur peu maîtrisé.

Monsieur le secrétaire d’État, nous savons tous que l’ours est une espèce strictement protégée au titre de la convention de Berne et de la directive européenne Habitats-faune-flore. Mais cette convention date de 1979 : à cette époque, l’Europe comptait neuf membres et les ours slovènes étaient en voie de disparition. Aujourd’hui, l’Europe se compose de vingt-huit membres, et alors que la France s’escrime à introduire des ours slovènes à grands frais au risque de voir se réduire l’activité pastorale, la Slovénie abat de son côté plusieurs dizaines d’ours par an. Si vous avez quelques milliers d’euros à dépenser, vous pouvez aller tuer un ours en Slovénie quand, dans les Pyrénées, on s’évertue à grand renfort d’argent à maintenir cette même population slovène délocalisée.

Vous le voyez, monsieur le secrétaire d’État, depuis 1979, les choses ont bien changé. Ne pensez-vous pas qu’il serait opportun de demander aux instances européennes de rediscuter de cette directive et d’envisager la sauvegarde des espèces à l’échelon européen avec un budget dédié ?

M. Jean -Marc Boyer applaudit.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Monsieur le sénateur, je connais bien votre département pour avoir été membre, il y a fort longtemps, d’une mission d’information sur les prédateurs, dont le champ concernait l’ensemble des massifs. Je me souviens de m’y être rendu à l’époque avec une députée des Hautes-Alpes, Mme Henriette Martinez. En présence du président du conseil général de l’époque, Augustin Bonrepaux, nous avions alors vu in situ ce qui se passait réellement là-bas.

En matière de prédation, deux ministères sont compétents : le ministère de l’agriculture, d’une part, le ministère de l’environnement, d’autre part. Personnellement, je suis plutôt de ceux qui ont toujours suivi la position du ministère de l’agriculture sur ces questions, même si je suis davantage confronté aux problèmes liés au loup qu’à ceux qui sont causés par les ours.

Le nombre des prédations est en augmentation ces dernières années, malgré une stabilisation en 2020. Dans le massif des Pyrénées, si l’on prend les derniers chiffres consolidés sur une année complète, à savoir l’année 2019, ce sont 362 dossiers représentant 1 173 animaux qui ont fait l’objet d’une indemnisation au titre d’une responsabilité non écartée de l’ours – puisque c’est la terminologie qui convient. Et c’est votre département, monsieur le sénateur, qui paie chaque année le plus lourd tribut, avec 80 % du total pour l’ensemble du massif.

Pour répondre à l’inquiétude très forte, j’irai même jusqu’à dire « la colère » des éleveurs de l’Ariège, les ministres de l’écologie et de l’agriculture ont lancé une mission d’audit conjointe entre le Conseil général de l’environnement et du développement durable et l’Inspection générale de l’agriculture pour évaluer la situation sur le terrain et formuler un certain nombre de recommandations, qui se sont traduites par une feuille de route adoptée en juin 2019 et actualisée en juin 2020. Celle-ci intègre désormais les orientations du Président de la République, qui visent une réduction de la prédation des ours sur les troupeaux, une rénovation de la gouvernance locale, avec un certain nombre de mesures que je ne rappellerai pas, parce que je pense que vous en êtes parfaitement informé.

Je ne méconnais donc pas le problème, mais je suis attaché à la mise en œuvre concrète de ce plan et de la feuille de route « pastoralisme et ours », en lien avec les ministres de la transition écologique et de l’agriculture. Nous souhaitons concilier la protection de cette espèce emblématique des Pyrénées et le développement de l’économie locale, notamment du pastoralisme, qui me semble plus qu’indispensable pour votre département.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Michau

Je suis bien conscient que la perception de nos concitoyens dépend du lieu dans lequel ils résident. En effet, plus on s’éloigne de la montagne, plus l’ours ressemble à la peluche de notre enfance… Pourtant, l’ours est une bête dangereuse : faudra-t-il attendre des drames humains pour que des décisions énergiques et de bon sens soient prises ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Je veux poser une question sur un problème que nous rencontrons malheureusement un peu trop souvent en France, notamment en raison d’une administration un peu trop jacobine, à savoir la non-prise en compte des spécificités de la montagne et, plus généralement, de celles de la ruralité. Très souvent, on se rend compte que les règles édictées par Paris sont totalement verticales et s’appliquent sur la totalité du territoire français, sans que l’on se pose la question de ses spécificités.

Monsieur le secrétaire d’État, je prendrai un exemple très récent, qui peut vous concerner, puisque vous étiez déjà membre du Gouvernement lorsque cette mesure a été prise : je veux parler de l’aide à la relance de la construction durable prévue dans le plan de relance. Cette aide de 350 millions d’euros vise une densification plus importante de l’habitat, avec des objectifs de sobriété foncière ou encore de « zéro artificialisation » des sols.

Pour illustrer la non-prise en compte de la spécificité des territoires que j’évoquais, je vous donnerai un exemple très précis : à côté de chez moi, le maire d’un village de 800 habitants a acheté trois corps de ferme qu’il souhaite réhabiliter pour en faire des logements.

Le premier corps de ferme représentait au départ 60 mètres carrés habitables : cela correspond à l’habitat historique de la ferme avec la grange et l’écurie. À l’intérieur de ce corps de ferme, il compte aménager plus de 180 mètres carrés de logement. Or figurez-vous qu’il ne touchera pas l’aide de 100 euros par mètre carré prévue par le plan de relance, tout simplement parce que, comme je le disais, l’administration ne prend pas en compte les spécificités de la montagne.

En effet, le calcul du coefficient d’intégration fiscale lié à la densification de ces logements est fait sur la base de la surface cadastrale. En zone urbaine, on peut admettre que la surface cadastrale d’une maison correspond à l’emprise de celle-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

En revanche, en milieu rural, cette surface cadastrale…

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. Je ne vous impressionne pas du tout, apparemment.

Sourires.

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Pardonnez-moi, madame la présidente, je finis juste mon propos.

En milieu rural, la surface cadastrale de la ferme ne concerne pas que le bâti et tient aussi compte de tout ce qui l’entoure. Par conséquent, nous sommes confrontés à…

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Vous ne pouvez pas poursuivre votre intervention, monsieur Duplomb !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

… ce que je regrettais tout à l’heure, c’est-à-dire à une non-prise en compte des spécificités du milieu rural et de la montagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, je me demande si ce n’est pas vous qui avez donné le mauvais exemple dès le départ, en éveillant le goût pour la parole chez tous nos collègues !

Rires.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

M. Joël Giraud, secrétaire d ’ État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la présidente, puisque nous nous connaissons, vous savez bien que je donne souvent le mauvais exemple, mais c’est toujours pour la bonne cause.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Monsieur le sénateur, je suis évidemment absolument incapable de vous répondre sur le cas particulier que vous avez évoqué. Je vous invite à me transmettre ce fait avec le plus de détails possible, de sorte que mes services et le ministère concerné vous apportent une réponse précise. À ce stade, je suis bien incapable de vous éclairer, mais je répondrai par écrit à votre interpellation.

En revanche, vous ne pouvez pas dire que le plan de relance exclut absolument les zones de montagne. En effet, la rénovation énergétique des bâtiments privés concerne aussi bien les zones de montagne que le reste du territoire. Ces mesures représenteront 2 milliards d’euros en 2021 et en 2022. De même, l’État investit 4 milliards d’euros pour la rénovation des bâtiments publics, dont 400 millions d’euros confiés aux régions concernées. Le budget consacré à la rénovation énergétique et à la réhabilitation des logements sociaux s’élèvera à 500 millions d’euros par an en 2021 et en 2022. Il y a de surcroît tout un tas d’initiatives qui me semblent intéressantes dans le domaine de l’habitat durable sur le territoire national.

Par ailleurs, il est très clair que l’aide à la relance de la construction durable est une thématique des programmes de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. On a signé à cet effet un certain nombre de conventions avec des partenaires comme l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), qui intègrent les préoccupations qui sont les vôtres.

À l’heure actuelle, on est en train de regarder de manière précise comment faire pour que cet enjeu extrêmement important devienne, non pas un programme spécifique, mais figure en tant que priorité dans un programme national lié à la montagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Blatrix Contat

Élue d’un département, l’Ain, et d’une région, Auvergne-Rhône-Alpes, qui se caractérisent par des massifs montagneux, je suis particulièrement sensible à la tenue de ce débat dans notre enceinte.

Il y a peu, notre assemblée a déjà eu l’occasion de travailler sur ces questions, avec notamment le rapport d’information de notre collègue Cyril Pellevat, qui examinait l’application de la loi Montagne II. Celui-ci souligne justement la nécessité d’assurer le maintien et le développement des activités économiques en zone de montagne, sujet sur lequel je souhaite intervenir.

La crise sanitaire persistante a considérablement frappé l’économie de nos zones de montagne et a mis à mal la saison de cet hiver. Toutefois, il faut se projeter au-delà de cette crise et envisager un développement économique et humain durable de nos zones de montagne qui prenne en compte l’ensemble des changements en cours et qui préserve notre environnement. Nous avons déjà eu ici l’occasion d’évoquer la situation difficile de certaines filières, en particulier celle du bois, compte tenu des difficultés parasitaires.

Globalement, le changement climatique a d’ores et déjà un impact sur nos massifs montagneux. Il montre les limites d’un développement économique fondé en grande partie sur un tourisme de sports d’hiver de masse. Les collectivités territoriales et les élus de terrain, en coordination avec les acteurs économiques, tentent de mettre au point des stratégies alternatives centrées sur le tourisme « 4 saisons », mais aussi sur les activités culturelles, les richesses gastronomiques et culinaires, nos sites naturels et la variété de l’artisanat local.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous faire le point sur l’action du Gouvernement dans ces domaines pour venir en aide de manière concrète à nos concitoyens en vue du maintien et du développement de ces activités économiques en phase de réorientation ?

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Merci, madame la sénatrice, pour cette question qui me permet de rappeler certains points.

D’abord, on ne part pas d’une terre vierge. Je peux en témoigner en tant qu’ancien président du Conseil national de la montagne : nous avons réalisé un certain nombre de travaux, notamment sur les politiques européennes au travers des programmes opérationnels interrégionaux, mais également sur les politiques nationales, qui se sont traduits par le seul contrat de plan rendu obligatoire à l’heure actuelle par une loi, en l’occurrence la loi Montagne, à savoir le contrat de plan des massifs. Ces fameuses conventions de massifs prévoient d’ailleurs des dotations identiques à celles qui leur précédaient, tout comme le programme opérationnel.

Je me souviens avoir mis en œuvre un certain nombre de programmes relatifs à la filière bois que vous avez citée, ou à d’autres dispositifs qui ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre en France – il faut bien le reconnaître –, parce que nous disposons rarement de filières complètement intégrées nous permettant un véritable développement – je pense en particulier à la filière bois. Pour autant, des expériences qui sont intéressantes, me semble-t-il, et qu’il convient de poursuivre ont été mises en œuvre comme, par exemple, dans les Alpes, le Morvan ou le Jura.

Vous avez cité tous les atouts que nos territoires de montagne peuvent mettre en avant. Je suis entièrement d’accord avec vous : la montagne ne doit surtout pas être réduite à la seule politique des stations de sports d’hiver. Je l’ai bien précisé lors de la présentation du programme national Montagne le 1er décembre dernier, justement parce que je ne veux pas que nous reproduisions simplement ce que j’avais déjà fait pour les Alpes, même si c’est un peu différent, à savoir un espace valléen qui part d’une station de sports d’hiver, car cela pousse à réfléchir à l’économie autour de ladite station de sports d’hiver. Or un tel dispositif n’est pas suffisant pour un certain nombre de territoires.

Le programme national Montagne, pour lequel la concertation a été lancée, et les mesures de l’agenda rural, dont la mise en œuvre est de ma responsabilité, présentent de nombreuses opportunités pour que l’État intervienne sur des projets structurants tout au long de l’année, en mettant en avant la culture, le patrimoine local, les richesses gastronomiques – chacun comprendra que ce sujet m’intéresse – et culinaires, la beauté des paysages, …

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

… les sites naturels et l’artisanat local.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Blatrix Contat

Je veux simplement rappeler l’importance que revêt pour moi le développement du tourisme « 4 saisons », mais aussi l’écotourisme, qui est essentiel pour la préservation de la biodiversité. Il est vraiment important d’accompagner les territoires pour réduire cette dépendance au tourisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Je ne vous l’apprendrai pas, en montagne, peut-être plus qu’ailleurs, l’espace constructible est très restreint en raison notamment des contraintes imposées par le relief, l’altitude ou encore les risques naturels. À cette rareté du foncier s’ajoutent des phénomènes qui peuvent encore accroître la pression foncière. C’est le cas dans les stations de ski renommées ou encore les communes frontalières. Dans ces zones, le prix du mètre carré constructible peut atteindre 11 000 euros.

Quand neuf logements construits sur dix sont devenus des résidences secondaires, c’est la population permanente de ces communes qui fuit et des stations qui se meurent. Ce sont des services publics, des entreprises, des hôpitaux, des Ehpad qui ne parviennent plus à recruter, des classes d’écoles qui ferment, tant le prix du logement et du foncier devient inabordable pour la grande majorité des citoyens. Face à cette situation, les élus sont démunis et ont bien peu de moyens pour enrayer ces phénomènes.

À mon sens, nous sommes ici dans le cas où la différenciation et la reconnaissance de la spécificité des zones de montagne doivent pouvoir pleinement s’appliquer. À circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles : nous devons accorder aux élus locaux des moyens réglementaires pour les aider dans cette tâche. Certains maires, à l’instar d’Éric Fournier, maire de Chamonix, ont déjà pris des mesures courageuses.

Relayant une proposition de Mme le maire de Megève, j’ai suggéré il y a quelques mois à Julien Denormandie, alors ministre du logement, de mettre en œuvre une expérimentation visant à accorder dans ces communes un abattement significatif des droits de succession à tout héritier, en contrepartie de son engagement à s’établir durablement dans la commune au titre de sa résidence principale. Cette piste me paraît intéressante à creuser, mais ce n’est pas la seule : il faut également se pencher sur la problématique des zonages A, B, C affectés à de nombreuses communes, qui se révèlent inadaptés et qui les privent de nombreuses aides à l’investissement locatif intermédiaire.

Le Gouvernement est-il prêt à nous donner les moyens d’enrayer ces phénomènes ? Il y a urgence !

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Madame la sénatrice, je partage votre analyse des territoires de montagne, notamment dans les Alpes du Nord. Je sais bien quels sont les déséquilibres qui peuvent apparaître dans des zones qui sont relativement riches et proches des grandes agglomérations internationales – je pense en particulier au bassin économique de Genève –, avec des problèmes de spéculation immobilière et d’artificialisation de l’offre.

Vous évoquez la pression foncière dans un certain nombre de stations et les pistes qui ont été trouvées à Megève ou à Chamonix, où les prix au mètre carré sont plus élevés qu’à Lyon.

Je connais bien cette situation, qui n’est pas tout à fait la même dans tous les massifs : on n’y trouve pas partout la même attractivité, car tout le monde n’a pas Genève et l’aéroport de Cointrin à proximité immédiate. Les grandes capitales européennes du Nord sont toutefois très proches des Alpes, ce qui crée des situations difficiles.

Ma réponse comporte deux volets principaux.

D’abord, il existe une notion de zone tendue en montagne, comme il existe a contrario des zones de revitalisation rurale en montagne. Ces zonages fiscaux ne permettent pas toujours de rendre compte de la réalité de la tension du marché, j’en suis d’accord. Ce n’est d’ailleurs pas spécifique à la montagne. Des travaux sous l’égide d’Emmanuelle Wargon sont en cours pour faire évoluer le dispositif Pinel, afin qu’il prenne mieux en compte les réalités et permette des adaptations au niveau local.

Ensuite, certains dispositifs vont également permettre de répondre aux besoins. Il ne s’agit pas que de logements intermédiaires : les personnes qui exercent les métiers que vous citez peuvent aussi prétendre à des logements sociaux. Or le plan de relance renforce les financements dans ce domaine. Je vous invite d’ailleurs à vous intéresser aux organismes de foncier solidaire, qui sont destinés à favoriser l’accession sociale à la propriété en dissociant les problématiques liées au bâti et au foncier. Nous envisageons de renforcer ces dispositifs dans le projet de loi 4D.

S’agissant de l’urbanisme et de la cohésion des territoires, les PLUI et les SCOT sont évidemment des outils pertinents pour freiner la tension foncière. Certaines communes et intercommunalités ont pu innover avec succès : elles méritent d’ailleurs d’être reconnues et soutenues. La réponse à la question posée passe souvent par une stratégie territoriale à l’échelon intercommunal du SCOT, qui me semble constituer l’une des priorités.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Je vous remercie pour l’ensemble de ces réponses, monsieur le secrétaire d’État. Je tiens tout de même à signaler la situation très préoccupante de certaines communes, qui ont de plus un tissu économique qui se délite complètement face à cette fuite de population permanente. Les professionnels n’arrivent même plus à subvenir à leurs besoins en dehors des périodes touristiques. Il y a donc vraiment urgence à agir. Je crains malheureusement que les SCOT et les mesures prises en matière d’urbanisme ne suffisent pas à répondre à cette problématique.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Vial

Nous savons désormais que la crise sanitaire et les décisions politiques qui l’ont accompagnée feront des zones de montagne, dont beaucoup vivent de l’industrie du tourisme, les territoires les plus sinistrés de France. Il faut donc panser et réparer pour permettre à ces acteurs de survivre. Il faudra ensuite penser et investir pour permettre à ces habitants de continuer à pouvoir y vivre.

Si je salue l’effort consenti par le Gouvernement dans le décret du 30 décembre, un certain nombre de situations restent encore à ce jour sans réponse. Je pense notamment aux agriculteurs pluriactifs, qui travaillent également comme saisonniers : moniteurs de ski, pisteurs ou dameurs. Disposant d’un seul code NAF, ils ne peuvent bénéficier d’aucune aide pour leur activité saisonnière. Or, sans la prise en compte de cette double activité, ils ne s’en sortiront pas. C’est donc une grande partie de notre agriculture de montagne qui risque de s’effondrer avec eux.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous rassurer sur la prise en compte de ces situations par le Gouvernement dans les meilleurs délais ?

Je souhaite aussi appeler votre attention sur la situation des entreprises gérant plusieurs établissements, comme c’est le cas de nombreux restaurateurs, loueurs de matériel, mais aussi des résidences de tourisme ou des centres de vacances. Il apparaît nécessaire de transformer le plafond des aides prévues par entreprise en un plafond d’aide par établissement, a minima dans la limite du plafond européen de 800 000 euros et, si possible, en permettant à certaines d’entre elles de déroger à ce plafond.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Vial

M. Cédric Vial. Enfin, je voudrais insister sur la nécessité d’un véritable plan Marshall – ou plan Giraud si c’est plus parlant pour vous

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Vial

La fonte des capacités d’autofinancement que cette crise aura provoquée fait courir de gros risques de décrochage à des territoires entiers qui, avant cette crise, avaient les capacités et la volonté de faire face aux enjeux climatiques et à la nécessaire diversification sur laquelle s’appuie un grand pan de l’économie de montagne.

Ce dont la montagne a besoin, c’est d’un traitement de choc.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Vial

J’ai presque fini, madame la présidente.

Il s’agit d’un enjeu de compétitivité majeur, mais il s’agit aussi, pour la moyenne montagne particulièrement, d’un enjeu vital.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Vial

M. Cédric Vial. Monsieur le secrétaire d’État, comment prévoyez-vous d’aider ces entreprises et ces territoires ?

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Monsieur Vial, vous m’interrogez sur des points extrêmement importants que nous avons vus ensemble avec Mme Berthet lors du voyage officiel que j’ai effectué sur les territoires de la Maurienne et de la Tarentaise. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour vous remercier non seulement de votre présence à tous les deux, mais aussi de la qualité de vos questionnements et du sens de l’équilibre dont vous faites preuve.

La prise en compte de la pluriactivité est une question de fond qui va bien au-delà de la crise actuelle. Je relaierai à ce titre ce sujet à l’échelon interministériel et interrogerai toutes les administrations centrales pour améliorer la reconnaissance des particularités territoriales, qu’elles soient économiques, sociales, environnementales ou institutionnelles.

J’ai d’ores et déjà saisi le cabinet de mon collègue de Bercy Alain Griset afin de recevoir des réponses adaptées. En effet, je me rends compte, me fondant, en tant qu’ancien membre de cette administration, sur la connaissance que j’ai de celle-ci, que la notion de pluriactivité et la différence entre chiffre d’affaires et revenu prépondérant ne sont pas forcément prises en compte, dans la mesure où elles ne sont pas bien connues. C’est un combat que je vous invite d’ailleurs à mener avec moi, en particulier pour les agriculteurs pluriactifs, mais aussi pour ce qui concerne la problématique de l’aide par établissement par rapport à l’aide au groupe.

S’agissant des mesures de renforcement des plafonds relatifs au Fonds de solidarité, du report des délais de remboursement du PGE ou de l’élargissement des codes NAF pour prendre en compte la pluriactivité, j’ai demandé des études, afin que nous puissions disposer de réponses extrêmement précises.

Face à l’urgence de la compensation, j’estime, comme vous, qu’il convient de préparer la relance et la résilience. Bien évidemment, l’idée d’un plan Giraud me séduit beaucoup. Fort heureusement, mon nom étant porté par un nombre considérable de Français, on ne saura pas forcément qu’il s’agit de moi !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Je le précise, le plan Montagne que nous élaborons correspond à la nécessité que vous citez dans votre question.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Berthet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je pensais vous alerter sur la nécessité, pour les habitants de nos montagnes, de mesures qui leur permettraient de continuer à y vivre, c’est-à-dire de pouvoir travailler et habiter avec leur famille dans ces lieux où ils sont nés.

À ce jour, il ne s’agit plus de continuer à vivre en montagne, mais simplement d’y survivre et d’y manger. Monsieur le secrétaire d’État, je vous l’assure, une grande inquiétude, la peur et l’angoisse s’installent. On déplore d’ores et déjà deux milliards de pertes pour la montagne française, sans compter la situation de tous les secteurs professionnels qui sont affectés. À ces pertes qui iront croissant viendront s’ajouter celles qui sont liées à l’absence des touristes étrangers, la fréquentation ayant été inférieure de moitié par rapport à une année classique.

Je n’ose parler d’une fermeture prolongée en février, qui serait catastrophique. Les hébergeurs tomberaient, entraînant, pour des décennies, tout le système.

Le tourisme hivernal représente pour notre pays 120 000 emplois et un chiffre d’affaires direct de 10 milliards d’euros, sans compter toute l’économie de « ruissellement ». Malgré le dernier décret, nous constatons que le Fonds de solidarité n’est pas adapté.

Si l’on ne veut pas la disparition et la destruction, en un seul trimestre, de ce modèle économique de plus de soixante ans, il est nécessaire de protéger mieux l’ensemble des acteurs.

Tous les types de commerces – hébergeurs, résidences de tourisme, villages et centres de vacances, mais aussi médecins et pharmaciens, fournisseurs alimentaires ou de matériel – ont besoin d’une prise en charge de 70 % de leurs frais fixes sur une année, de décembre à décembre, d’une considération par structure pour les groupes et quelle que soit la taille des entreprises, et de nouvelles mesures incitatives sur les loyers pour les bailleurs. Faute de quoi, toutes ces entreprises, et les emplois qu’elles représentent, ne seront plus debout à l’ouverture de la prochaine saison.

Monsieur le secrétaire d’État, dans quel délai le Gouvernement entend-il prendre des mesures complémentaires de survie, afin que ne disparaisse pas l’économie de la montagne, générée directement ou indirectement par les stations en termes de ressources et d’emplois, que les nombreux investissements et efforts déjà réalisés dans le sens d’une montagne durable ne l’aient pas été en vain, et que, tout simplement, la vie même de toutes les familles concernées soit préservée ?

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Madame la sénatrice, je ne renouvelle pas mes remerciements concernant l’accueil des élus savoyards lors de ma visite. J’ai déjà répondu sur certaines thématiques que vous venez d’évoquer.

Permettez-moi de revenir, parmi les exemples que vous avez cités, sur un point selon moi primordial. Nous avions organisé une rencontre à Saint-Sorlin-d’Arves avec les représentants du tourisme social et des résidences de tourisme.

En effet, le sujet des résidences de tourisme et des villages vacances de montagne est vraiment un sujet primordial, vous avez raison de le souligner. Il s’agit d’un secteur très fragilisé par la crise, notamment en raison de son modèle économique, puisque les charges fixes, incompressibles, sont structurellement très élevées.

Certes, les acteurs du secteur bénéficient des mesures de soutien aux entreprises mises en place par le Gouvernement, de l’activité partielle, du Fonds de solidarité avec l’inscription sur la liste S1, ainsi que du fameux PGE « saison », qui permet de bénéficier d’un emprunt basé sur les trois meilleurs mois de l’année pour ce qui concerne le chiffre d’affaires. Toutefois, en raison du modèle économique du secteur, nous sommes conscients que les dispositifs existants s’avéreront insuffisants.

Nous sommes également tout à fait conscients que la question des loyers dus aux propriétaires est extrêmement prégnante. Sur ce sujet, les arbitrages ne sont pas encore arrêtés, mais j’ai bien à l’esprit qu’une solution très rapide devra être trouvée. Je connais en effet la difficulté dans laquelle se trouvent ces résidences. Je pense également à la difficulté que représente le fait de ne pas pouvoir rouvrir tant qu’une solution n’est pas trouvée pour la restauration. Il est difficile, dans ce type de modèle économique, de prévoir un click and collect pour l’ensemble des résidents d’une résidence de tourisme ou d’un village vacances.

Sachez que nous tirerons le bilan, sur tous ces sujets, après la saison, j’en prends l’engagement devant vous, afin d’évaluer les pertes réelles et de sauver l’économie montagnarde.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite tout d’abord m’associer aux propos de mes collègues, qui ont exprimé leurs inquiétudes, mais aussi celles des professionnels des stations de sports d’hiver face à la crise sanitaire et à l’absence de visibilité pour le redémarrage de leurs activités.

Je souhaite aborder un autre sujet. Alors que nos communes de montagne disposent de nombreux atouts qui contribuent au rayonnement de notre pays, leur attractivité est aujourd’hui fortement pénalisée par l’absence de certains services de première nécessité, notamment un accès correct à la téléphonie mobile.

Je pense ainsi à un médecin, forcée de quitter sa commune, car elle ne pouvait assurer ses gardes en temps de crise sanitaire, à des habitants vivant en contrebas d’un barrage, qui craignent de ne pouvoir être informés en cas de danger, à un maire obligé de dormir dans sa mairie pour prendre connaissance des directives du Gouvernement durant le confinement. Ce fut et c’est encore le quotidien des habitants de plusieurs communes en Isère, comme ailleurs en France, notamment en secteur de montagne.

C’est la raison pour laquelle j’aimerais attirer une nouvelle fois votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur les problèmes de réseau et les zones blanches de la téléphonie en montagne.

Comme l’illustrent les exemples que je viens de citer, les habitants de ces communes ne peuvent ni communiquer, ni télétravailler, ni s’informer, ni s’instruire – je pense aux plus jeunes –, ni accéder aux services publics dématérialisés.

Les conséquences sont aussi de nature économique. En station de ski, certains acteurs rencontrent des difficultés pour louer leur bien, souffrant ainsi d’un handicap par rapport aux territoires voisins.

Cette situation engendre, dans ces communes de montagne, un sentiment de marginalisation. Alors que l’on débat du déploiement de la 5G dans nos métropoles, certains habitants n’ont toujours pas de connexion portable correcte ni même la 4G.

En 2018, votre gouvernement a annoncé un nouveau programme, le « New Deal mobile », censé régler la question de la couverture mobile et de la 4G. Force est de le constater, le problème est loin d’être réglé. Dans de nombreux cas, les travaux prennent un retard que l’on ne peut imputer à la seule crise sanitaire.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question est double. Quel est l’état d’avancement à ce jour du « New Deal mobile » dans les zones de montagne et, plus généralement, de l’inclusion numérique de ces communes ? Que comptez-vous faire pour accélérer le déploiement de la 4G dans ces zones et rattraper le retard ?

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Monsieur Savin, vous m’interrogez sur l’état d’avancement du « New Deal mobile » dans les zones de montagne s’agissant du déploiement de la 4G.

Vous avez entièrement raison, le numérique constitue une chance absolue pour la ruralité et la montagne, les récents confinements l’ont démontré. La réduction de la fracture numérique grâce à l’accélération du programme a permis de généraliser la 4G sur les réseaux existants. Ainsi, 20 000 sites ont migré en 4G ces derniers mois. En zone de montagne, entre juin 2017 et 2020, 5 114 sites 4G ont été activés pour atteindre un total de 8 200 sites 4G en service au 1er octobre 2020.

Désormais, 96 % du réseau existant est couvert par la 4G pour au moins un opérateur, et 76 % du réseau si l’on considère l’ensemble des opérateurs. La couverture en 4G ayant augmenté de 31 points en deux ans, il me semble qu’il s’agit là d’une belle réussite.

Les opérateurs se sont aussi engagés à étendre le réseau. Depuis 2018, 2 659 zones ont été identifiées et ont fait l’objet d’un arrêté ministériel. Vous le savez, les recensements ont été réalisés par les conseils départementaux, et une couverture par des pylônes est ensuite proposée. Chaque nouvel arrêté donne lieu à de nouveaux droits.

En Isère, 26 nouveaux sites mobiles ont fait l’objet d’un arrêté depuis le début du dispositif. J’ai demandé, pour répondre à votre question, les statistiques concernant le département de l’Isère. Il se trouve qu’un seul site mobile y a été mis en service, les autres le seront, me dit-on, dans les prochains mois. Toutefois, la dotation était de onze en 2020 comme en 2021. J’ai donc l’intention de regarder très précisément, avec mon collègue Cédric O, qui est chargé de ces questions, la situation du département de l’Isère, qui me semble complètement atypique par rapport à ce que j’ai pu observer dans d’autres départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe auteur de la demande.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Boyer

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme dit le proverbe, « un mot peut tomber une montagne ». Aujourd’hui, ce mot est celui de décret. Je veux bien évidemment parler des décrets édictés par le Gouvernement pour restreindre le tourisme en montagne.

Tout se passe face à une incompréhension globale des acteurs, qui font pourtant tout pour s’adapter aux conditions sanitaires imposées par le virus. Ils ont mis en place un protocole totalement abouti et validé par les services de l’État, afin que les remontées mécaniques puissent rouvrir avec une sécurité sanitaire maximale.

Jusqu’où tolérerons-nous et subirons-nous la dégradation de l’économie montagnarde dans le contexte de la covid ? Jusqu’où supporterons-nous l’incohérence et l’iniquité de mesures visant à laisser les stations fermées, alors que, simultanément, les transports urbains favorisent une promiscuité quotidienne, tout comme les longues files d’attente des grandes surfaces ?

Les chiffres du tourisme hivernal, qui ont été donnés par plusieurs de mes collègues, sont éloquents. Sans ouverture, ce ne sont pas uniquement les entreprises et les salariés qui en subiront les conséquences ; ce sont tous les habitants de nos territoires de montagne qui souffriront économiquement, socialement et moralement. Je pense en particulier aux travailleurs saisonniers, qui viendront grossir les rangs de ceux qui sont dans la précarité et la misère sociale.

Les conséquences d’une absence d’ouverture risquent d’être la destruction définitive et irréversible du modèle économique de la montagne. Nous risquons de le voir disparaître en l’espace d’un trimestre.

C’est cette réalité que traverse aujourd’hui la montagne. C’est cette réalité que doivent gérer au quotidien, sur tous les fronts, nos maires, pour que leur territoire ne prenne pas la mauvaise pente face à tant d’incertitudes. La réalité, ce sont aussi des centaines de millions d’euros de recettes en moins pour le budget de ces communes. La réalité, ce sont les choix cornéliens que devront faire nos élus pour gérer au mieux leurs services publics locaux et répondre à un intérêt général en souffrance.

Aussi, je souhaite redire toute la pertinence du dispositif présenté par ma collègue Sylviane Noël lors de la discussion du dernier projet de loi de finances. Il visait à réduire les inégalités entre l’urbain et le rural pour ce qui concerne le calcul de la DGF. Nos territoires de montagne, qui sont essentiellement ruraux, pourraient ainsi être mieux soutenus. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous êtes vigilant sur ce dossier.

Utiliser le vieux serpent de mer d’une réforme globale des finances pour rejeter cette évolution de justice montre à quel point les réalités rurales ne sont pas toujours écoutées.

Au-delà des spécificités rurales, les territoires montagnards, conformément à la loi Montagne II, ont leurs propres particularités, au premier rang desquelles figure l’enclavement.

Pour apporter des solutions à ce que l’on appelle un « handicap naturel », il convient d’améliorer les communications terrestres, aériennes et numériques.

Garder nos territoires accessibles et les laisser ouverts sur les autres est une condition essentielle de leur développement ou plutôt, à l’heure actuelle, de leur survie. Il est plus que jamais vital pour nos montagnes d’avoir une couverture numérique en très haut débit de qualité, fixe et mobile. Vous l’avez vous-même affirmé, monsieur le secrétaire d’État, « il faut accélérer l’extension de la couverture du réseau mobile et l’accès au très haut débit ».

Il est également primordial que la rénovation du réseau ferré devienne une réalité. Le Président de la République a lui-même affirmé qu’il fallait développer massivement le fret ferroviaire.

Monsieur le secrétaire d’État, nous attendons impatiemment la réalisation de vos souhaits, puisque vous avez affirmé que votre rôle était de vous assurer que « les crédits alloués, notamment à la rénovation énergétique, au réseau ferroviaire et à la transition agricole, arrivent bien en zone de montagne, comme ailleurs, voire plus qu’ailleurs ».

La montagne, c’est aussi un art de vivre. La crise sanitaire nous enseigne que les citadins aspirent à un retour à la nature, à l’espace et à la montagne. Nos montagnes ont en effet des particularités propres que sont le relief, l’altitude et la neige, qui sont des atouts à valoriser.

À cela s’ajoute une philosophie propre qui lie la quiétude et la solitude des grands espaces à des activités économiques vitales telles que l’agriculture et le tourisme.

Monsieur le secrétaire d’État, nous comptons sur vous pour valoriser ce patrimoine et soutenir toutes les activités montagnardes et leurs potentiels. Car, la montagne, « ça nous gagne ! »

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Nous en avons terminé avec le débat sur la montagne.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, présentée par MM. Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier, Jean-Michel Houllegatte, Hervé Maurey et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 27 rectifié, texte de la commission n° 243, rapport n° 242, avis n° 233) (demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis très heureux de vous retrouver aujourd’hui dans cet hémicycle pour tout d’abord nous souhaiter une très bonne année 2021 et pour examiner la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France.

Avec mes collègues rapporteurs de la mission d’information que j’ai eu le plaisir de présider de janvier à juin dernier, nous avons construit ce texte, dans les conditions que vous connaissez. Il s’appuie sur les travaux que nous avons menés, à savoir des auditions, des contributions et des concertations avec tous les acteurs concernés, mais aussi avec le Gouvernement, ou encore une étude chiffrée inédite et prospective sur l’évolution de l’empreinte carbone du numérique en France.

Ce soir, l’heure est donc à la concrétisation et à l’aboutissement de cet important travail précurseur que nous avons su engager au Sénat. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne serez donc pas étonné que je commence par vous solliciter pour nous assurer de l’avenir de ce texte, dans le cadre de la navette parlementaire. Je connais votre engagement sur ce sujet et je sais que vous en partagez l’objectif.

À l’origine de notre démarche, il y avait un constat et un objectif. Le constat, c’est que le numérique et ses usages explosent en France comme partout dans le monde. Les périodes inédites de confinement que nous avons vécues sont d’ailleurs venues fort à propos nous rappeler à quel point nous en avons besoin. Ce développement est indispensable à la transition écologique, notamment par les innovations qu’il permet dans les secteurs industriels les plus polluants.

Toutefois, ces gains sont associés à des impacts directs et quantifiables en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’utilisation des ressources halieutiques, de consommation d’énergie et d’utilisation d’eau douce. Notre objectif était donc clair : agir sans attendre, prendre le tournant de la transition numérique, tout en s’assurant que ce secteur indispensable à la transition écologique ne devienne pas une source de pollution exponentielle.

C’est justement parce que nous croyons à l’importance et à la nécessité du numérique que nous souhaitons l’inscrire sur la trajectoire responsable qui nous permettra de respecter nos engagements climatiques dans le cadre de l’accord de Paris.

J’entends certaines interrogations qui ont été formulées. Pourquoi une régulation climatique pour ce secteur plutôt que pour un autre ? Parce que sa croissance et, donc, son empreinte environnementale explosent.

Le numérique, c’est 2 % de notre empreinte carbone aujourd’hui, mais, potentiellement, près de 7 % demain si l’on ne fait rien. En outre, si nous ne soutenons pas dès aujourd’hui les filières de reconditionnement des terminaux numériques ou des centres de données énergétiquement sobres, d’autres le feront pour nous et nous serons dépassés.

Vous me permettrez d’exprimer ma satisfaction de voir se concrétiser une initiative parlementaire doublement inédite.

Tout d’abord, elle est inédite en ce qu’elle dépasse les clivages partisans habituels. Je veux remercier ici les presque 130 cosignataires de ce texte, issus de toutes les travées de notre Haute Assemblée. C’est dire si ce sujet nous tient à cœur !

Ensuite, elle est inédite, car nous nous apprêtons à discuter une proposition de loi qui aborde pour la première fois les impacts environnementaux de l’ensemble de la chaîne de valeur numérique, des terminaux aux centres de données, en passant par les réseaux.

Monsieur le secrétaire d’État, depuis que nous avons rendu publics, en juin, notre rapport et notre feuille de route, avec ses 25 propositions pour une transition numérique écologique, d’autres acteurs se sont penchés sur le sujet, et c’est tant mieux.

Ainsi, le Conseil national du numérique a publié sa feuille de route en juillet. Vous-même vous êtes également saisi du sujet, notamment dans le cadre d’une feuille de route présentée conjointement avec votre collègue chargée de la transition écologique. Nous nous en réjouissons, mais nous pensons qu’il est temps d’avancer plus vite et d’aller plus loin. Nous proposons donc d’agir concrètement.

Avant de présenter plus en détail le contenu de la proposition de loi, permettez-moi de m’arrêter un instant sur l’avis du Haut Conseil pour le climat sur l’impact environnemental du déploiement de la 5G, remis au président du Sénat le 18 décembre dernier.

Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi cette étude d’impact environnemental n’a-t-elle pas été faite avant l’attribution des fréquences ? À l’époque, le Gouvernement avait annoncé un rapport d’inspection sur ce sujet. Il ne s’agissait donc pas d’une étude d’impact environnemental.

Permettez-moi de rappeler la genèse de l’avis important du Haut Conseil pour le climat. Le Sénat a pris ses responsabilités, sur proposition de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. À cet égard, je salue le président Hervé Maurey, qui était alors à sa tête. Le président du Sénat a saisi le Haut Conseil pour le climat, afin de disposer d’une évaluation environnementale de la 5G. C’était la première fois que le président d’une assemblée faisait usage de cette possibilité qui lui est ouverte par la loi.

Il n’est pas surprenant que cet avis préconise une évaluation ex ante systématique de toute nouvelle technologie, précisément pour pouvoir avoir des débats éclairés sur des sujets si importants et non pas des oppositions stériles ou non documentées.

Par ailleurs, sur le fond, cet avis conforte les conclusions de nos travaux. La 5G pourrait très largement contribuer à l’augmentation de 60 % de l’empreinte carbone du numérique en France d’ici à 2030. Dans son scénario « haut », le HCC estime que la 5G pourrait conduire à elle seule à une hausse de 45 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur d’ici à 2030. La moitié de cet impact carbone serait liée au renouvellement ou à l’acquisition des terminaux.

Si le Haut Conseil estime que la feuille de route gouvernementale n’apporte pas pour le moment de garanties, la somme des mesures proposées ne se traduisant pas par moins d’émissions, notre proposition de loi offre de nombreuses réponses aux recommandations formulées dans son avis.

Il ne s’agit pas d’être anti-5G ! Il faut simplement accompagner le secteur pour prévenir les impacts induits par son déploiement. Dans le détail, les leviers d’actions identifiés par la proposition de loi sont au nombre de quatre.

Le premier est la prise de conscience, par les utilisateurs du numérique, de son impact environnemental. Le chapitre Ier du texte prévoit ainsi une sensibilisation à l’école, dès le plus jeune âge, à l’empreinte environnementale du numérique. Il s’agirait d’une formation à ce que vous avez justement appelé, monsieur le secrétaire d’État, l’« écologie du code ».

La mise à disposition, pour tous, d’informations fiables et objectives, via la création d’observatoires de recherche des impacts environnementaux du numérique, est plébiscitée par tous les acteurs que nous avons entendus, ainsi que des outils permettant aux entreprises de prendre conscience de leur impact et de déployer des actions à même de les réduire.

Le deuxième de ces leviers vise à limiter le renouvellement des terminaux, principaux responsables aujourd’hui de l’empreinte carbone du numérique. Tel est l’objet du chapitre II, qui entend notamment lutter contre l’obsolescence programmée des logiciels, mais aussi contre ce que l’on pourrait appeler l’« obsolescence marketing », qui introduit un biais en faveur d’un renouvellement trop rapide des smartphones.

Le chapitre III de la proposition de loi vise à promouvoir le développement d’usages du numérique écologiquement vertueux. La création d’un référentiel général de l’écoconception, auquel devront se conformer les plus grands fournisseurs de contenus, nous semble indispensable. Il est aujourd’hui possible de faire des sites aussi performants avec une quantité de données et, donc, d’énergie utilisée bien moindres.

Enfin, le chapitre IV tend à la création de centres de données et de réseaux moins énergivores, en demandant notamment aux opérateurs de souscrire d’ici à 2023 à des engagements environnementaux pluriannuels contraignants auprès de l’Arcep, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Il est important d’avoir en tête que la consommation énergétique des réseaux pourrait augmenter de 75 % d’ici à 2040. Une piste similaire est également envisagée par le rapport du Haut Conseil pour le climat.

Je laisserai bien sûr le soin aux deux rapporteurs et à la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, que je salue, de présenter les nombreux apports adoptés en commission. Je me réjouis que le texte ait été enrichi d’un volet relatif à la promotion d’une stratégie numérique responsable dans les territoires.

Pour ma part, nous y reviendrons lors de l’examen des articles, je vous proposerai un amendement tendant à ce que les biens reconditionnés ne soient pas soumis à une rémunération pour copie privée, dès lors que les produits ont déjà fait l’objet d’une mise sur le marché en Europe et ont déjà, à ce titre, été assujettis à ce prélèvement.

Je proposerai également de compléter le chapitre de la proposition de loi relatif aux impacts environnementaux des réseaux. Il me paraît en effet important de lutter contre les pratiques spéculatives qui sont celles de certaines tower companies, engendrant des gels de terrains et, parfois, la construction d’infrastructures mobiles sans fourniture de services.

Ces pratiques peuvent conduire à l’érection de pylônes inactifs, générant un impact environnemental inutile, via par exemple une artificialisation des terres concernées.

Voilà, mes chers collègues, les principaux points que je voulais vous présenter concernant cette proposition de loi que je vous invite bien sûr à adopter, et à laquelle je souhaite de connaître une navette fructueuse.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI, INDEP et GEST.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur, applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis très heureux de vous présenter, avec mon collègue corapporteur, la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, telle que modifiée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Avant d’entrer dans le détail de son contenu, je voudrais remercier, tout d’abord, les anciens membres de la mission d’information, mais aussi tous nos collègues de la commission qui, quel que soit leur groupe politique, ont contribué à enrichir ce texte, dans un état d’esprit rigoureux et constructif – c’est là la marque de fabrique du Sénat.

Ce moment est important, car nous avons beaucoup travaillé pour en arriver là, beaucoup écouté, et exploré de nombreuses pistes. C’est, au fond, la preuve que nos travaux de contrôle parlementaire peuvent jouer un rôle de vigie et d’impulsion très important pour la fabrique de la loi.

J’en viens au contenu de la proposition de loi.

Le premier axe vise à faire prendre conscience aux utilisateurs du numérique de son impact environnemental. L’idée est de toucher tous les citoyens, les acteurs publics et les entreprises, afin de développer une « culture de la sobriété numérique ».

L’article 1er fait de la sensibilisation à l’empreinte environnementale du numérique l’un des thèmes de la formation à l’utilisation responsable des outils numériques à l’école.

L’article 2 généralise les modules relatifs à l’écoconception des services numériques dans les formations des ingénieurs en informatique, afin de permettre l’émergence de ce que l’on pourrait appeler une « écologie du code » dans ce secteur professionnel.

L’article 3 crée un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique, placé auprès de l’Ademe, l’Agence de la transition écologique, pour analyser et quantifier les impacts directs et indirects du numérique sur l’environnement, ainsi que sa contribution à la transition écologique.

L’article 4 prévoit d’inscrire l’impact environnemental du numérique dans le bilan de responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

L’article 5 crée un crédit d’impôt à la numérisation durable des petites et moyennes entreprises afin de les inciter, d’une part, à acquérir des équipements numériques reconditionnés et, d’autre part, à faire réaliser des études d’impact environnemental de leurs services numériques et, le cas échéant, à mettre en œuvre une stratégie de transformation numérique durable de ces services.

Le deuxième axe de la proposition de loi vise à limiter le renouvellement des terminaux, principaux responsables de l’empreinte carbone du numérique. À l’article 6, la commission a souhaité rendre plus opérant le délit d’obsolescence programmée, aujourd’hui concrètement inapplicable, en supprimant un des deux critères requis pour le caractériser. Je rappelle qu’aucune condamnation n’a été prononcée sur le fondement de ce délit depuis sa création en 2015.

Les articles 7 à 10 ont pour objet de lutter contre l’obsolescence logicielle en consacrant son intégration dans la définition de l’obsolescence programmée figurant dans le code de la consommation ; en imposant aux vendeurs une dissociation des mises à jour correctives et des mises à jour évolutives ; en s’assurant que le consommateur soit informé, de façon lisible et compréhensible, des caractéristiques essentielles de chaque mise à jour ; en augmentant de deux à cinq ans la durée minimale pendant laquelle le consommateur doit pouvoir recevoir des mises à jour nécessaires au maintien de la conformité de ses biens ; en permettant à l’utilisateur ayant installé une mise à jour évolutive de rétablir les versions antérieures des logiciels.

L’article 11 fait passer de deux à cinq ans la durée de la garantie légale de conformité pour les équipements numériques.

L’article 12 prévoit que les objectifs de recyclage, de réemploi et de réparation fixés par les cahiers des charges des éco-organismes de la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) soient déclinés pour certaines catégories d’équipements numériques.

L’article 13 concerne la commande publique. Pour en faire un levier d’accroissement de la durabilité des produits numériques, il prévoit la prise en compte de critères de durabilité des produits dans les achats publics de certains produits numériques.

L’article 13 A, introduit en commission, vise à ce que la sobriété numérique et la durabilité des produits soient inscrites dans les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables des plus grandes collectivités territoriales.

L’article 14 prévoit de réduire le taux de TVA sur la réparation de terminaux et l’acquisition d’objets électroniques reconditionnés pour limiter les achats neufs. Nous savons les difficultés de conformité au droit européen soulevées par cet article, mais nous souhaitons vous proposer que le Sénat exprime une position forte sur ce sujet, dans la perspective d’une éventuelle révision de la directive TVA au niveau européen.

Enfin, la commission a souhaité mieux lutter contre l’obsolescence « marketing » en introduisant un article 14 bis qui renforce l’information du consommateur concernant les offres « subventionnées », qui, associant l’achat d’un smartphone à la souscription d’un forfait mobile, peuvent induire un biais en faveur du renouvellement du terminal.

Je cède maintenant la parole à mon collègue corapporteur qui va vous présenter le reste de la proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je poursuis donc l’exposé de mon collègue par le troisième axe de la proposition de loi, qui appelle à faire émerger et à développer des usages du numérique écologiquement vertueux.

L’article 15 prévoit que les opérateurs privilégient des modalités de tarification des forfaits mobiles incitant les consommateurs à favoriser une connexion filaire ou par accès wifi à une connexion impliquant une consommation de données mobiles.

L’article 16 crée une obligation d’écoconception des sites des plus gros fournisseurs de contenus, qui occupent aujourd’hui une part très importante de la bande passante. Ils devront se conformer à un référentiel général de l’écoconception, qui fixera notamment les règles relatives à l’ergonomie des services numériques, ainsi qu’à l’affichage et à la lecture des contenus multimédias.

Les articles 18, 19 et 20, qui prévoyaient respectivement l’adaptation de la qualité des vidéos téléchargées à la résolution maximale du terminal utilisé, l’interdiction du lancement automatique de vidéos et l’interdiction du défilement infini, ont été satisfaits par les modifications ainsi apportées par la commission, et ont donc été supprimés.

Le référentiel général de l’écoconception intégrera également des critères permettant de limiter le recours aux stratégies de captation de l’attention des utilisateurs, afin de rendre plus opérationnelle la disposition initialement prévue à l’article 17, qui a lui aussi été supprimé.

Les travaux engagés sur le référentiel portent déjà leurs fruits, puisque nous avons très récemment appris qu’un travail des services de l’État et de l’Ademe était en cours sur ce sujet dont traite l’article 16.

J’en viens aux orientations du chapitre IV de la proposition de loi, visant à promouvoir des centres de données et des réseaux moins énergivores.

À l’article 21, la commission a souhaité réitérer la position exprimée par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, en prévoyant que l’octroi du tarif réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) aux centres de données soit conditionné à l’atteinte d’objectifs environnementaux pluriannuels ; elle considère en effet que le dispositif adopté dans le cadre du projet de loi de finances sur l’initiative de l’Assemblée nationale ne constituait pas une incitation fiscale réelle au verdissement des centres de données.

L’article 21 bis, introduit en commission, permettra par ailleurs aux plus petits centres de données de bénéficier également de ce tarif réduit de TICFE, ce qui les incitera à s’engager eux aussi dans un tel verdissement.

L’article 22, pleinement satisfait par les modifications apportées à l’article 21, a été supprimé.

À l’article 23, la proposition de loi prévoit que les opérateurs de réseaux souscrivent des engagements environnementaux pluriannuels contraignants, au plus tard en 2023. Dans ce cadre, les opérateurs devront aussi s’engager à réduire les impacts environnementaux associés à la fabrication et à l’utilisation des box mises à disposition de leurs abonnés, et à planifier l’extinction progressive des anciennes générations de réseaux mobiles, toujours consommatrices d’électricité.

Le respect de l’ensemble de ces engagements sera contrôlé par l’Arcep, son pouvoir de sanction étant le cas échéant déployé. Nous pensons que cette disposition offrira un cadre de régulation pertinent, à l’heure où les consommations et les émissions des réseaux devraient augmenter avec le déploiement de la 5G, comme l’a rappelé le récent rapport du Haut Conseil pour le climat, auquel il a été fait allusion tout à l’heure.

L’article 24 permettra l’inscription de critères environnementaux minimaux dans les licences mobiles attribuées par l’Arcep. Je note que le rapport du Haut Conseil pour le climat sur la 5G formule des propositions très proches de la nôtre.

Quant à l’article 23 bis, introduit en commission, il permettra à l’Arcep de récolter les données qui lui seront nécessaires pour assurer cette régulation.

La commission a en outre souhaité compléter la proposition de loi par un chapitre relatif à la promotion de stratégies numériques responsables sur les territoires.

L’article 25 prévoit que les plans climat-air-énergie territoriaux programment des actions visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique et intègrent le potentiel de récupération de chaleur des centres de données dans leur stratégie. L’article 26 prévoit l’élaboration par les plus grandes collectivités d’une stratégie numérique responsable, présentée chaque année en amont du débat budgétaire.

Voilà, mes chers collègues, les grandes lignes de cette proposition de loi, que nous avons voulue ambitieuse et équilibrée.

À mon tour, je souhaite remercier nos collègues de la commission de l’aménagement du territoire et de la commission des affaires économiques, avec qui nous avons travaillé en bonne intelligence tout au long de cet examen. Ce texte est important, comme le montrent la mobilisation et la forte implication de toutes les sensibilités de notre hémicycle.

Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que vous pousserez cette initiative, qui mérite que nous travaillions de concert.

Je vous souhaite à tous une bonne année numérique responsable !

Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Guillaume Chevrollier, rapporteur, applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail de mes collègues Patrick Chaize, Hervé Maurey, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte et à les remercier pour leur écoute et pour l’esprit de dialogue qui a prévalu dans nos échanges.

Cette proposition de loi permet au Sénat d’aborder, en précurseur, la question de l’empreinte environnementale du numérique. Elle vient compléter la loi sur l’économie circulaire, un an après sa publication et alors que nombre de ses dispositions, comme celle sur l’indice de réparabilité, entrent tout juste en vigueur en ce début d’année.

Si l’impact environnemental du numérique apparaît à ce jour relativement limité en France, l’explosion prévisible des usages devrait l’aggraver dans les décennies à venir – cela a été dit.

Pour autant, nous ne disposons pas de chiffrage des émissions « évitées » par le recours grandissant au numérique. L’approche coûts-avantages du numérique reste donc à consolider au fur et à mesure des développements des usages et au regard des estimations disponibles, celle de la Commission européenne notamment, qui font état d’une réduction des émissions égale à sept fois les émissions générées par le numérique lui-même.

Le numérique est indéniablement un levier majeur de la transition écologique, mais il est vrai que ses modalités de déploiement restent à parfaire afin de mieux maîtriser nos impacts environnementaux et d’atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050.

C’est ce qui est visé dans cette PPL : appliquer la transition écologique à la transition numérique.

Pour atteindre cet objectif de soutenabilité du numérique, il s’agit de mettre en place et de diffuser des pratiques plus vertueuses, chez l’ensemble des acteurs : fabricants de terminaux et d’équipements, concepteurs de logiciels et d’applications, distributeurs, opérateurs, mais aussi usagers. La singularité de cette proposition de loi est précisément de s’intéresser à l’ensemble des acteurs de cette chaîne, et aux particularités de chacun.

Pour réduire notre empreinte numérique, c’est-à-dire l’impact environnemental de notre consommation numérique, l’une des priorités doit être l’allongement de la durée de vie des terminaux que nous utilisons : ordinateurs, téléphones, écrans, télévisions. Cet enjeu majeur repose à la fois sur les fabricants, mais aussi sur nous, consommateurs, qui devons nous défaire de cette course effrénée au « dernier modèle sorti ».

Concernant la fabrication de ces équipements, l’empreinte environnementale est principalement liée aux importations, une fois encore. La France devra donc, au-delà de cette PPL, porter une stratégie à l’échelle européenne et internationale.

Mais tout commence avec ses propres engagements ; ce texte vise donc à fixer un cadre et à engager sans tarder les acteurs domestiques français dans la transition écologique.

La commission des affaires économiques a cherché, dans cette première phase de transition, à privilégier l’incitation.

Cela nous est apparu essentiel dans le contexte de grandes tensions économiques que nous abordons : accélérer la transition écologique sans négliger les surcoûts qu’elle engendre pour les ménages comme pour les entreprises.

Comme nous l’avons proposé pour les data centers, il nous semble nécessaire d’inciter les acteurs, en suscitant leur adhésion et en créant des conditions économiques attractives et une véritable dynamique de changement, en définitive plus vertueuse, car lesdits acteurs y souscrivent plus rapidement et en nombre, tout en minimisant les distorsions de concurrence que créent nécessairement les systèmes contraignants franco-français.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Tout au long de l’examen de ce texte, nous avons donc privilégié autant que possible une écologie incitative, fondée dans un premier temps sur des accompagnements fiscaux, ceux-ci étant destinés à évoluer, voire à disparaître au fur et à mesure de la mise en œuvre des directives européennes convergentes qui seront prises dans les mois à venir.

Cette démarche s’inscrit dans l’approche européenne de régulation du numérique qui s’écrit depuis quelques mois et qui est d’actualité ces derniers jours : celle du retour des États et d’une gouvernance partagée du numérique, une corégulation tripartite associant État, usagers et acteurs économiques, chacun ayant une responsabilité identifiée.

Avec ce texte issu des travaux des commissions, nous parvenons à esquisser cette délicate ligne de crête.

Le texte fixe à 2023 l’entrée en vigueur des dispositions lorsqu’il est nécessaire de disposer au préalable de méthodes standardisées et de données incontestables permettant d’établir des référentiels.

Il proportionne la contrainte aux enjeux – je pense notamment à l’article sur l’écoconception des services en ligne, qui est ciblé sur les acteurs qui consomment le plus de bande passante dans les réseaux.

Il incite, autant que possible, les acteurs économiques à s’engager dans une transition écologique vertueuse pour l’environnement, mais aussi pour la compétitivité des entreprises établies en France – je pense notamment aux articles sur les data centers.

La commission des affaires économiques aurait préféré que l’incitation soit également préférée à la contrainte pour les opérateurs télécoms.

Par ailleurs, afin de responsabiliser les utilisateurs plutôt que de les pénaliser, la proposition de loi leur redonne du pouvoir de décision, instaurant davantage de transparence en matière de mises à jour logicielles.

Enfin, le texte issu des travaux de nos commissions est juridiquement consolidé face à un droit européen contraignant.

La commission des affaires économiques a appréhendé cette proposition de loi préfiguratrice d’un nouvel ordre numérique avec pour maîtres-mots « responsabilisation », « transparence » et « incitation ».

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. les rapporteurs applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Marchand applaudit.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Madame la présidente, madame, messieurs les rapporteurs, monsieur le sénateur Chaize, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis ravi d’être parmi vous, en cette fin de journée, afin de débattre d’un sujet qui est – nous en sommes d’accord – très important, celui de l’empreinte environnementale du numérique.

La mission d’information menée par les sénateurs Chaize, Chevrollier et Houllegatte a approfondi cette question au début de l’année dernière, aboutissant aujourd’hui à la proposition de loi que nous examinons. Je sais que nombre d’entre vous, au-delà de cette mission, se sont emparés de ce sujet, notamment les sénateurs Maurey et Loisier, et je tiens à saluer la qualité des travaux qui ont été produits à cette occasion. Ils s’inscrivent dans une riche dynamique, à la fois intellectuelle et opérationnelle – ont été cités la Convention citoyenne pour le climat, le Conseil national du numérique, appuyé par le Haut Conseil pour le climat, le récent rapport de l’Arcep ou divers travaux de collectifs et think-tanks, autant d’échos évidents, d’ailleurs, de nombreuses interrogations de notre société.

Je tiens à remercier particulièrement Patrick Chaize pour le travail mené et pour les discussions riches qui ont déjà eu lieu – elles ne manqueront pas de se prolonger au fil de la discussion parlementaire.

Avant d’entrer dans le détail de la proposition de loi, je souhaite partager une réflexion plus globale sur les questions liées des transitions énergétique et numérique.

La convergence entre ces deux transitions me semble en effet un point essentiel. Qu’il me soit permis de rappeler ce qui est avant tout une conviction personnelle : je crois dans le progrès technologique – ce n’est pas totalement rien de le dire dans la période actuelle.

Dans la famille politique dont je suis issu, la gauche

Murmures sur les travées du groupe SER.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Mais je crois aussi – et je crois que nous partageons cette préoccupation – que l’innovation n’est pas bonne en soi, et qu’elle doit donc faire sens, être maîtrisée et pilotée. À cette fin, il convient, compte tenu de la complexité de ces débats, de prendre le temps d’entrer dans les détails ; c’est bien ce que font les auteurs de cette proposition de loi – d’où l’importance de vos travaux.

Lorsque se jouent des sujets aussi importants que ceux de l’avenir technologique de notre pays et aussi – ne l’oublions pas – de son avenir économique, à la croisée de questionnements environnementaux, alors il est de la responsabilité du politique de ne pas rester à la surface des choses.

Je remarque, du reste, que c’est ce qui se passe, par exemple, dans le débat sur la 5G : les réticences s’amenuisent à mesure que le débat va au fond des choses, interrogeant la réalité des sujets sanitaires ou environnementaux.

Je crois enfin que le progrès doit être mis au service d’une cause profonde et ontologique, celle de la préservation de l’environnement, absolument décisive pour le présent et pour l’avenir.

Je crois même que cette relation entre numérique et environnement est plus profonde encore qu’il n’y paraît : la transition écologique, notamment la transition énergétique, ne sera possible qu’avec le numérique, pour une raison simple qui touche à l’essence même de la transition environnementale. Celle-ci repose très largement, en effet, sur un problème mathématique d’optimisation des ressources sous contrainte, s’agissant de ressources limitées. Elle repose aussi sur des fonctionnements beaucoup moins centralisés et beaucoup plus répartis – c’est le cas par exemple des smart grids ou encore des circuits courts.

Or optimiser à grande échelle et en temps réel une répartition des ressources ainsi construite, particulièrement dans un contexte de pénurie, est un problème insoluble pour l’esprit humain – c’est d’ailleurs ce que montre extrêmement bien Jean-Marc Jancovici, le président de The Shift Project.

Un tel problème ne peut donc être résolu que par des réseaux très performants, une très forte connexion des acteurs et une utilisation intensive de l’intelligence artificielle. C’est notamment pour cette raison que nous avons besoin de nouveaux réseaux ; c’est notamment pour cette raison que nous avons besoin de la 5G. C’est pourquoi les avantages de ces technologies, leurs gains écologiques embarqués, sont probablement bien supérieurs à leur consommation propre. Il y a une forme d’hémiplégie du débat, qui a été soulignée par Mme la sénatrice Loisier, à ne considérer que la consommation propre du numérique sans chercher à en évaluer les effets de substitution.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Comme le rappelle Marc Fontecave, professeur au Collège de France, dans un ouvrage récent, nous avons besoin de beaucoup plus d’innovation pour soutenir le défi environnemental, et pas de beaucoup moins d’innovation ! C’est cette responsabilité qui est la nôtre, et c’est cette responsabilité qui, d’ailleurs, irrigue le plan de relance qui a été porté par le ministre de l’économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire. Par la mobilisation inédite qu’il institue, nous accélérons concrètement le verdissement de l’économie tout en promouvant l’innovation et la compétitivité.

C’est d’ailleurs, pour en revenir au texte de cette proposition de loi, de cette responsabilité qu’il s’agit ce soir.

Si, comme je viens de le dire, le numérique est globalement très favorable à la transition écologique, et particulièrement à la transition énergétique, cela ne l’exonère bien évidemment pas de porter sa part des efforts de sobriété et surtout d’efficacité qui sont nécessaires. En ce sens, la volonté qui anime votre proposition de loi rejoint celle du Gouvernement telle qu’elle s’exprime dans le cadre de sa feuille de route interministérielle visant à faire converger numérique et écologie, que j’aurai l’occasion de présenter début février avec Barbara Pompili.

Permettez-moi de revenir en détail sur les premiers axes de cette feuille de route que nous avons lancée en octobre dernier.

Nous voulons tout d’abord objectiver l’empreinte environnementale du numérique et développer la connaissance que nous avons de ce sujet : mieux connaître pour mieux agir, en quelque sorte. Dans cette perspective, nous avons confié à l’Ademe et à l’Arcep la mission de mener une étude approfondie visant, d’une part, à objectiver l’empreinte environnementale des réseaux de télécommunication fixe et mobile en fonction des usages qu’ils supportent et, d’autre part, à proposer des mesures de maîtrise et de réduction de leur impact, via par exemple le démantèlement des réseaux anciens et redondants. Cette mission est évidemment importante pour la suite de nos échanges sur votre proposition de loi.

Nous souhaitons, deuxièmement, faire du numérique un levier majeur de la transition écologique – j’ai eu l’occasion de le dire. Le numérique est en effet aujourd’hui une condition indispensable de la transition environnementale : sans numérique, pas de voiture électrique ; sans numérique, pas de réseaux intelligents et pas de massification des énergies renouvelables ; sans numérique, pas d’agriculture de demain, plus économe en consommation de ressources et de produits phytosanitaires ; sans numérique, pas de transports ni de logistique optimisés, donc moins consommateurs d’énergie ; sans numérique, enfin, pas de gains de productivité indispensables à l’acceptabilité sociale de la transition environnementale.

C’est pourquoi, dans le cadre du plan de relance, un fonds de 300 millions d’euros destiné aux projets des start-up de l’environnement a été créé.

Enfin, je l’ai dit, pour être globalement positif pour l’environnement, le numérique n’en doit pas moins prendre sa part dans la maîtrise de notre empreinte énergétique. Pour le dire plus clairement : oui, nous devons entrer dans une phase déterminée de maîtrise de l’empreinte environnementale du numérique – c’est notre troisième axe.

Il faut maîtriser cette empreinte en agissant sur chaque étape du cycle de vie des équipements, en amont de la production, au niveau de l’usage et en aval, là où la fin d’une vie peut devenir le début d’une nouvelle. La Convention citoyenne pour le climat – cela a été dit – a voté de nombreuses propositions en la matière. Notre feuille de route comprend des actions visant à produire moins et mieux : réparabilité, reconditionnement, réemploi, écoconception. D’ailleurs, la mise en œuvre de ces actions créatrices d’emplois localisés constitue également un enjeu de filière industrielle et d’emploi pour la France.

En matière d’allongement de la durée de vie, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) a déjà prévu des avancées fortes – je le rappelle –, via notamment l’indice de réparabilité ou l’extension de la garantie légale de conformité de six mois lorsque l’appareil subit une réparation dans les deux ans. Ce que nous souhaitons, c’est accélérer sur le reconditionnement de ces téléphones. Trop souvent – vous l’avez dit –, les reconditionneurs se heurtent aux politiques restrictives des fabricants de téléphones en matière de pièces détachées. C’est pourquoi la loi AGEC a prévu un encadrement du temps de mise à disposition desdites pièces.

Mais nous devons également éviter toute restriction indue. Nous avons, à ce titre, saisi la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, d’une enquête sur les pratiques des constructeurs en matière de pièces détachées. Nous voulons par ailleurs inciter beaucoup plus au réemploi des plus de 100 millions de smartphones qui dorment dans les tiroirs des Français. Nous avons en ce sens engagé une concertation avec les opérateurs télécoms et les acteurs du reconditionnement en France.

Nous devons aussi nous préoccuper de nos usages et de l’impact de notre consommation, de vidéos notamment. Dans cette perspective, une concertation avec les plateformes numériques sur le sujet des usages du numérique sera lancée prochainement, afin d’identifier dans le détail les principaux postes de consommation et de définir des pistes de rationalisation.

Vous le voyez, de nombreuses mesures rejoignent les préoccupations des auteurs de cette proposition de loi et les dispositions qui y sont promues. Comme j’ai eu l’occasion de le dire, nous abordons l’examen de ce texte de manière ouverte, même s’il s’agira de l’affiner au cours de la navette parlementaire – nous avons eu l’occasion d’en discuter. Nous sommes, à ce titre, largement favorables aux dispositions visant à faire prendre conscience aux utilisateurs du numérique de leur impact environnemental.

Nous sommes également favorables à la proposition visant à aller plus loin quant à l’écoconditionnalité du tarif réduit de l’électricité pour les data centers, sujet qui a fait l’objet de discussions lors de mon passage en commission, et sur lequel je m’étais engagé à ce que nous avancions d’ici à la séance – je pense que nous sommes « mûrs », comme on dit. Sur cette demande formulée par la Convention citoyenne pour le climat, nous avons déjà collectivement avancé à l’occasion du projet de loi de finances pour 2021.

Sur certains points, néanmoins, nous privilégions une approche d’accompagnement des acteurs, dont la maturité est encore peu développée : une approche incitative plutôt que purement contraignante. Cette approche prend en compte les dispositions juridiques existantes, a fortiori les plus ambitieuses et les plus récentes, telles que celles présentes dans la loi AGEC, afin qu’elles déploient toute leur envergure et toute leur force.

C’est aussi une position d’accompagnement et de soutien que nous souhaitons adopter à l’égard des collectivités territoriales – nous aurons probablement l’occasion d’y revenir.

Nous avons, sur certains points, quelques divergences de calendrier. Des textes, notamment, sont en cours d’élaboration ; je pense à la transposition des directives européennes 2019/770 et 2019/771 respectivement relatives aux contrats de fourniture de contenus et de services numériques et aux contrats de vente de biens, transposition pour laquelle le Gouvernement a désormais compétence, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) voté par le Sénat en fin d’année dernière ayant été promulgué.

Des concertations sont par ailleurs en cours avec les opérateurs télécoms et avec les plateformes ; elles seront conclues dans les mois à venir. Avec les opérateurs télécoms, qui sont concernés par plusieurs articles, nous avons ouvert une concertation approfondie sur des enjeux aussi essentiels que le reconditionnement, le renouvellement des terminaux ou la tarification des données.

Ce sont des enjeux auxquels ils souscrivent déjà de façon volontaire et pour lesquels ils sont prêts à prendre des engagements inscrits dans la feuille de route sur le numérique et l’environnement, que j’ai annoncée précédemment.

Faire entrer ces sujets dans le champ de la régulation, comme le souhaitent les auteurs de cette proposition de loi, est un choix politique fort, mais sensible. C’est un nouveau cadre à construire, y compris à l’aune des pratiques et de la régulation européenne.

Nous souhaitons donc continuer à débattre afin d’aboutir à des solutions dans le courant de la discussion. Notre position sur vos propositions en la matière traduit ainsi notre volonté d’avancer avec les opérateurs, en bonne intelligence.

Nous partageons la volonté d’inscrire le numérique dans le grand mouvement et la grande obligation de la transition environnementale, en l’aidant à prendre sa juste part dans l’effort. Face aux grands acteurs du numérique dont l’actualité souligne bien la puissance, certaines actions ne pourront être efficacement menées qu’à l’échelle européenne. Il est possible de contrôler un marché unique européen du numérique, mais c’est plus difficile à réaliser à l’échelle nationale. Il me paraît donc utile de travailler avec la Commission européenne, notamment avec le commissaire Thierry Breton, pour avancer sur la sobriété numérique et ainsi offrir la possibilité à certaines initiatives contenues dans ce texte de devenir effectives dans le cadre d’une démarche européenne.

Faire converger le numérique et la transition écologique, ce n’est pas une mode, c’est un impératif ! Les périodes de confinement que nous avons vécues ont montré avec acuité la convergence entre ces deux mouvements de fond, le numérique et l’écologie. Tous deux ont connu un saut : le numérique, comme pilier de la société, et l’écologie, comme fondement nécessaire à notre survie et à celle de la nature. À nous de faire du premier le remède du second !

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes en janvier 2021, c’est l’occasion pour moi de nous souhaiter collectivement une bonne année !

C’est une évidence, le numérique est plus qu’omniprésent dans notre quotidien. Nous savons qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Après plus de vingt ans de croissance ininterrompue, il occupe une place prépondérante dans notre quotidien personnel et professionnel, et touche tous les citoyens. Nul besoin d’être un geek pour en faire l’expérience chaque jour. Car, comme l’affirmait le philosophe Michel Serres en 2010, « nous vivons un changement de monde ».

Oui, en quelques années, notre quotidien a plus changé qu’au cours du siècle précédent. Et le rythme des évolutions s’accélère. Cela n’est pas sans engendrer, notamment, des problèmes d’adaptation dans la vie de tous les jours.

Avec le téléphone « intelligent », ou smartphone, chacun dispose désormais dans sa poche d’une puissance considérable, d’un ordinateur nomade qui nous relie au monde en permanence et qu’il convient de réguler. L’attaque portée – n’ayons pas peur des mots – contre la démocratie américaine sur l’initiative de Donald Trump, utilisateur compulsif de smartphone s’il en est, est sans conteste l’illustration de ces dérives, qui appellent des réponses collectives fortes.

Fort heureusement, le numérique n’est pas que cela. On lui doit la complète mutation de notre façon d’aborder le quotidien. Comme certains l’ont souligné avant moi, la crise sanitaire sans précédent que nous connaissons est un accélérateur qui, bien évidemment, nous interpelle au regard de la démultiplication des usages, mais pas uniquement.

En 2040, si tous les autres secteurs réalisent des économies de carbone, conformément aux engagements de l’accord de Paris et si aucune politique publique de sobriété numérique n’est déployée, le numérique pourrait atteindre près de 7 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, un niveau bien supérieur à celui actuellement émis par le transport aérien.

Cette croissance serait notamment portée par l’essor de l’internet des objets et les émissions des data centers.

Ce constat n’est pas celui d’une quelconque Cassandre de l’environnement, mais celui de la mission d’information mise en place sur l’initiative de notre collègue Patrick Chaize, et dont le rapport adopté en juin 2020 a débouché sur la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Oui, la question de l’empreinte environnementale du numérique dans notre pays est aujourd’hui un sujet de société sur lequel il est de temps d’arrêter une stratégie partagée. Mais, disons-le d’emblée, cette proposition de loi n’est en rien le procès du numérique et le fruit de réflexions de sénateurs « hors-sol » : bien au contraire !

D’ailleurs, les acteurs du numérique, à part peut-être certains représentants de ce qu’on appelle communément les GAFA, l’ont parfaitement compris.

Cette proposition de loi s’inscrit dans le cadre de nombreux travaux sur le sujet comme le rapport du Conseil national du numérique, les recommandations de la Convention citoyenne pour le climat, le dernier rapport de l’Arcep, ou bien encore les initiatives d’experts ou de collectifs engagés.

Cette proposition de loi, monsieur le secrétaire d’État, est en phase, vous l’avez dit le 2 décembre dernier lors de votre audition, avec la feuille de route que vous portez, car, comme vous nous l’avez indiqué, « il n’y aura pas de transition environnementale sans transition numérique ».

À l’heure où la relance de l’économie, après la crise sanitaire sans précédent que nous connaissons, doit plus que jamais être verte, il convient de dire sans ambiguïté aucune que les politiques publiques doivent s’appuyer sur les outils numériques afin d’accélérer et d’optimiser la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement.

C’est un fait acquis que le numérique facilite d’abord la mesure et le suivi des impacts environnementaux, et donc favorise une utilisation plus raisonnée des ressources naturelles. Il participe également de l’efficacité énergétique, induit une réduction des déplacements ou contribue à l’émergence de modèles économiques fondés sur les principes de l’économie circulaire.

Le numérique doit ainsi être mis au service de la transition écologique. Cela passera notamment par l’exploitation des données environnementales ou par la mobilisation des technologies au service de la transition environnementale. Ces éléments sont essentiels afin d’assurer la convergence des transitions numérique et écologique. Il n’y aura pas de transition écologique sans transition numérique, mais cela ne se fera pas à n’importe quel prix. Le secteur doit travailler sur sa propre empreinte environnementale.

Les tendances sont incontestables, et l’une des principales vertus des travaux de la mission d’information et de cette proposition de loi est de mettre l’église du numérique au centre du village, donnant ainsi le « top départ » d’une stratégie devant mobiliser toutes les énergies.

Dans le monde, comme en France, cela a été dit et redit, le numérique constitue une source importante de gaz à effet de serre. Il a également un impact sur l’épuisement des ressources naturelles, ainsi que sur la pollution de l’eau, de l’air et du sol.

Malgré les efforts considérables des acteurs du secteur, l’accélération de la transition numérique entraînera nécessairement une augmentation de ses impacts, augmentation qui ne pourra sans doute pas être compensée entièrement par l’amélioration de l’efficacité énergétique du numérique. Ces impacts sont majoritairement liés aux terminaux, notamment à leur fabrication et à leur distribution.

La question de l’empreinte environnementale du numérique est aujourd’hui centrale et ne se résume pas au seul totem de la 5G. Je suis de ceux qui, sans hésiter, affirment que la 5G n’est pas ce « grand Satan » que certains responsables, voyant sans doute là une martingale politique de court terme, dénoncent sans cesse et souvent de manière outrancière.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Disons-le une fois pour toutes, la 5G est avant tout conçue pour servir les échanges de données de très haut débit relatifs à l’industrie, à la santé connectée et à la ville intelligente.

Sans doute convient-il, monsieur le secrétaire d’État, d’expliquer, d’expliquer toujours et d’expliquer encore ce que cette nouvelle technologie a à offrir et en quoi elle participe de la transition environnementale, alors même que l’Europe vient de donner le coup d’envoi de son projet de recherche sur la 6G !

Cette parenthèse ouverte et refermée, nous ne pouvons que saluer les priorités mises en avant dans cette proposition de loi. Je pense particulièrement au volet éducatif, qu’il faut déployer, même s’il convient de dépasser le seul cadre des utilisations et de mettre en place une véritable sensibilisation citoyenne sur la question des usages et la façon dont on utilise physiquement l’appareil : choix d’un matériel réparable, question du suréquipement, utilisation d’équipements reconditionnés, bref, toute la chaîne de vie du matériel numérique.

Limiter le renouvellement des terminaux, faire émerger des usages du numérique écologiquement vertueux, aller vers des centres de données moins énergivores et promouvoir une stratégie numérique responsable sur les territoires sont autant de sujets au cœur de cette proposition transpartisane.

Je tiens à saluer tout particulièrement, pour avoir participé à la mission d’information, le travail mené par nos collègues Patrick Chaize, Jean-Michel Houllegatte et Guillaume Chevrollier, sous la férule bienveillante du président Hervé Maurey, qui nous a permis de nous saisir de ce sujet dans un climat serein et constructif.

L’examen du texte en commission nous a collectivement permis de dépasser certains écueils. La discussion nous permettra d’aller plus loin. Au final, chacun s’accordera pour dire qu’avec ce texte le Sénat fait œuvre utile. Pour toutes ces raisons, nous voterons cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un an après le vote de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite « loi AGEC », dont les mesures prennent progressivement effet, nous examinons aujourd’hui cette proposition de loi transpartisane qui nous permettra, je l’espère, de compléter notre arsenal législatif pour atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris en 2015.

Ces objectifs, en matière de numérique responsable, sont ambitieux : le Gouvernement vise zéro émission net de gaz à effet de serre et 100 % de biens et services numériques écoconçus d’ici à 2030.

Pour l’heure, le numérique serait responsable de 2 % des émissions de gaz à effet de serre en France, soit 15 millions de tonnes d’équivalent carbone en 2019, avec une croissance de l’empreinte énergétique de 9 % par an. C’est bien cette croissance qui inquiète puisque, selon les projections, le numérique représentera 7 % du total des émissions en 2040 dans notre pays.

Il apparaît donc indispensable d’agir au plus vite, au-delà des dispositions de la loi AGEC, sur la réparation et le réemploi pour que les gains environnementaux permis par le numérique ne soient pas annulés par ses impacts en termes de pollution et de consommation de ressources et de matières premières.

À ce titre, la mission d’information sénatoriale pour une transition numérique écologique, qui a préfiguré la rédaction de cette proposition de loi, a permis de fournir des éléments concrets sur un sujet qui manquait de données. On a ainsi pu confirmer que 81 % de l’empreinte environnementale du numérique reposait sur le renouvellement des terminaux, notamment sur leur fabrication. C’est donc sur ce point que les efforts doivent être engagés en priorité, d’autant que près de 95 % des Français possèdent un portable.

Les mesures contenues dans cette proposition de loi tendent à renforcer le rôle du consommateur – public ou privé – en visant notamment à mieux lutter contre l’obsolescence programmée et à augmenter la durée de vie des appareils, deux sujets qui concourent au rachat trop fréquent de terminaux.

Nous vous proposerons des amendements afin de limiter le renouvellement des terminaux en encourageant les biens issus de l’économie de fonctionnalité, ainsi que les produits issus du réemploi ou de la réutilisation.

Les consommateurs, par des usages écologiquement vertueux du numérique, par des exigences croissantes et des achats responsables, entraîneront des changements durables dans les méthodes de conception. Nous sommes donc parfaitement en accord avec les dispositions de cette proposition de loi sur la formation des élèves à l’utilisation responsable des outils numériques, ainsi qu’avec l’inscription de l’impact environnemental des biens et services numériques dans le bilan RSE des grandes entreprises.

À ce sujet, le récent rapport du Haut Conseil pour le climat est venu confirmer les craintes grandissantes relatives au déploiement de la 5G et son impact sur les émissions de CO2, en raison du renouvellement des infrastructures, des terminaux et de l’accroissement prévisible des usages.

Bien sûr, il ne s’agit pas de brider a priori le numérique, mais il s’agit de rappeler que ce secteur ne doit pas être exempté d’efforts pour respecter les engagements climatiques de la France. Ce secteur comprend aussi bien les acteurs économiques, les consommateurs que les acteurs publics. Nous devons tous prendre notre part dans le déploiement d’un numérique responsable et vertueux.

Cette proposition de loi offre une initiative législative complète en appréhendant toute la chaîne de valeur numérique. Il paraît donc important de rappeler que les collectivités et l’État aussi peuvent et doivent être moteurs et exemplaires en la matière.

Cela passe par la commande publique, comme le prévoit l’article 13, qui vise à rendre obligatoire le recours aux produits numériques dont les critères de réparabilité, dans un premier temps, et de durabilité, dans un second temps, seront plus exigeants.

Cela passe également par l’élaboration d’une stratégie numérique responsable dans les territoires, qui fait l’objet d’un nouveau chapitre. Je me réjouis de l’adoption de l’amendement que nous avions déposé en commission visant à prendre en compte l’empreinte environnementale du numérique au sein des plans climat-air-énergie territoriaux, les PCAET.

N’oublions pas toutefois les responsabilités du secteur économique. Les mesures de cette proposition de loi semblent donc aller dans le bon sens s’agissant des nouvelles obligations en matière d’écoconception des sites web les plus fréquentés, de la création d’un référentiel général de l’écoconception, de l’avantage fiscal prévu pour les centres de données moins énergivores ou encore des nouveaux engagements de réduction des impacts environnementaux des réseaux.

La préservation de l’environnement doit être prise en compte par tous les acteurs de la filière et la régulation de l’Arcep, en la matière, doit se faire avec davantage de contraintes.

Enfin, cette proposition de loi a subi de nombreuses modifications lors de son examen en commission au mois de décembre dernier : cinquante-six amendements ont été adoptés. C’est le signe de l’ouverture de ses auteurs et des rapporteurs, ainsi que de leur volonté de voir ce texte aboutir. C’est le signe aussi d’un dialogue que je crois constructif avec le Gouvernement, qui semble avoir pris le sujet en main et verra, je l’espère, cette initiative parlementaire comme une opportunité à saisir.

C’est en tout cas la position du groupe RDSE, qui salue ce travail équilibré et souhaite voir émerger au plus vite une véritable politique publique de sobriété du numérique, sans pour autant freiner les progrès économiques, sociaux et écologiques incontestables qu’il engendre.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claude Varaillas

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la démarche qui a présidé à la création de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique et à la rédaction de cette proposition de loi semble pertinente. Nous saluons le travail réalisé par le président et le rapporteur de la mission, tout comme celui de la commission sur le sujet.

Cette proposition de loi s’articule pleinement avec la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, mais aussi avec la feuille de route du Gouvernement, largement convergente avec le contenu de ce texte. Notons également l’adoption au niveau européen d’une proposition de résolution à ce sujet en novembre dernier.

Cette prise de conscience est celle de l’urgence écologique qui nous oblige collectivement à tracer les contours d’une société plus économe en ressources et plus sobre en consommation énergétique. La France, qui s’est engagée à réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et à arriver à la neutralité carbone en 2050, doit prendre des mesures fortes.

À ce titre, le secteur numérique semble un levier puissant de transformation : si le numérique constitue aujourd’hui seulement 2 % du total des émissions en 2019 dans notre pays, cette empreinte pourrait augmenter de 60 % d’ici à 2040 si rien n’est fait.

Pour autant, les dispositions contenues dans cette proposition de loi, a fortiori après l’examen du texte en commission, semblent en retrait par rapport aux objectifs affichés.

Cette proposition de loi risque malheureusement d’être peu opérante face à la complexité des enjeux industriels et stratégiques, notamment en matière de souveraineté numérique, mais également face au niveau d’action nécessaire lié à l’immatérialité de cette économie et à la globalisation des échanges. Comme l’exposé des motifs le souligne, les impacts carbones du numérique sont liés essentiellement à la production des terminaux, production principalement localisée en Asie.

Relocalisation de l’économie, développement d’une filière industrielle au niveau européen, changement des règles du libre-échange, abrogation des accords commerciaux fondés sur le dumping social, économique et environnemental, autant de sujets qui sont alors incontournables pour la réduction de l’empreinte environnementale du numérique et qui ne sont pourtant pas évoqués dans cette proposition de loi.

Il en est de même de la nécessaire réflexion à l’échelle internationale sur l’accès à la ressource en eau et sur la gestion des terres rares dont sont particulièrement friands ces appareils…

Faute de s’attaquer au modèle économique libéral de production et de proposer des alternatives permettant de garantir tout au long du processus de production et d’utilisation des équipements électroniques numériques un usage plus vertueux, les dispositions contenues dans cette proposition de loi risquent de perdre en opérationnalité.

Plus précisément, nous approuvons tous les articles de cette proposition de loi qui visent à lutter contre l’obsolescence programmée. Mais nous soulignons que ces débats ont déjà eu lieu il y a un peu plus d’un an lors de l’examen de la loi sur l’économie circulaire. Ce texte a marqué de nombreuses avancées, y compris grâce à l’adoption d’amendements émanant de notre groupe.

Il en est ainsi de la lutte contre l’obsolescence logicielle. Nous sommes à ce titre surpris d’un changement de pied de la majorité sénatoriale sur certains sujets comme l’extension de la garantie légale ou la révision du taux de TVA. Nous proposerons d’aller plus loin et formulerons des propositions qui, à l’époque, n’avaient pas trouvé de majorité. Nous espérons qu’elles trouveront aujourd’hui une issue plus favorable.

Concernant les obligations formulées auprès des entreprises, nous ne pouvons que constater que la portée des dispositions initialement proposées a été largement revue à la baisse, notamment au travers la suppression des articles 17 à 20. La réécriture de l’article 16, qui substitue un référentiel global d’écoconception à la définition d’obligations en bonne et due forme, permet de contourner de manière habile le caractère contraignant de ces mesures au bénéfice d’un référentiel à la portée plus souple et à la valeur juridique floue. Ses modalités d’élaboration sont finalement renvoyées aux ingénieurs alors que ces questions sont avant tout politiques.

De la même manière, les dispositions sur les data centers ont été amoindries, le Sénat ayant préféré mettre l’accent sur l’incitation fiscale plutôt que d’instaurer des obligations réelles pour les entreprises. Au final, à force de renoncement, nous doutons que la portée de cette proposition de loi soit à la mesure des enjeux !

Pour finir et élargir le débat, et alors que l’impact environnemental de ces usages numériques est très lié aux Gafam, pourquoi ne pas revenir ici sur leur imposition afin qu’ils contribuent réellement aux politiques publiques contre le changement climatique ?

Il nous semble prioritaire de sortir de l’impunité ces grandes multinationales qui n’ont, en l’état, aucune raison de s’orienter vers la sobriété numérique et qui ne contribuent pas à l’effort collectif pour la transition écologique. Malheureusement, nous doutons que cette proposition de loi change la donne en la matière !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de nombreux spécialistes, de nombreux industriels, de nombreuses associations environnementales sont d’accord pour dire que le numérique constitue un atout idéal pour résoudre en partie la problématique climatique.

La proposition de loi que nous étudions ce jour prouve que le numérique occupe une place importante dans les transitions écologique et énergétique.

Comme cela a été souligné, le numérique pourrait représenter à l’horizon de 2040 près de 7 % des émissions de gaz à effet de serre de la France.

Nous saluons le travail parlementaire effectué lors de la mission d’information, qui a rendu ses conclusions en juin dernier. La traduction législative que nous étudions a déjà été améliorée lors de l’examen par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Cette proposition arrive à un moment opportun, c’est maintenant que nous devons nous emparer de ce sujet.

Il est devenu évident, au vu de l’implication de chacun dans le numérique et ses usages, que tous y participent : les consommateurs, les entreprises ou encore le secteur public.

Ainsi, nous prenons collectivement conscience de l’impact du numérique dans nos usages quotidiens et nos choix de consommation. À ce titre, la création d’un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique sera utile pour anticiper les évolutions futures et les contraintes auxquelles nous devrons faire face.

La durée de vie et la réutilisation des terminaux que nous utilisons pour avoir accès au numérique sont un des enjeux majeurs. À juste titre, la commission est revenue sur le renversement de la charge de la preuve prévu à l’article 6 du texte relatif à l’obsolescence programmée. La nouvelle rédaction de l’article, qui vise à supprimer l’un des critères d’intentionnalité constituant le délit d’obsolescence programmée, est une réelle transformation du mécanisme.

Autre point qui a retenu notre attention et qui a fait l’objet d’un travail important en commission : l’écoconception des sites web. Le cadre général proposé regrouperait plusieurs critères dont nombre d’entre eux semblent nécessaires. J’entends par là particulièrement ce qui a trait à l’affichage et aux stratégies de captation de l’attention des utilisateurs. Les vidéos qui se déclenchent automatiquement à l’ouverture d’un réseau ou d’une page web, en plus d’être consommatrices de données et d’énergie, nuisent bien souvent à la navigation des utilisateurs.

Enfin, je terminerai mon propos en saluant la volonté des auteurs de ce texte de réduire les impacts environnementaux des centres de stockage des données numériques. Ces centres seront de plus en plus nécessaires : nous devons donc réduire leur empreinte au maximum.

Cette proposition de loi, exemple très parlant du travail d’avant-garde que peut produire le Sénat, et l’examen que nous allons en faire marquent l’importance de la réflexion et de l’action que nous menons dans cette chambre, au bénéfice des territoires.

Je forme le vœu qu’elle constitue une base solide à notre stratégie nationale vers un numérique responsable qui pourra en inspirer d’autres.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Guillaume Chevrollier, rapporteur, applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les enjeux liés à l’empreinte environnementale du numérique ont longtemps été minimisés, voire ignorés.

Alors que, jusqu’ici, on était surtout sensibles aux gains de productivité résultant du numérique, à ses effets de substitution, pour reprendre l’expression de M. le secrétaire d’État, on prend à présent conscience de sa contribution en forte croissance au réchauffement climatique, à l’épuisement des ressources abiotiques, à des tensions sur l’eau douce et à diverses formes d’agressions des écosystèmes.

Selon tous ces critères, en 2019, l’impact planétaire du numérique représentait deux à trois fois l’empreinte environnementale tous secteurs confondus de la France, et ce n’est pas fini ! Entre 2010 et 2025, la taille de l’univers numérique va au moins tripler et ses impacts environnementaux vont au moins doubler.

« Au rythme actuel, le numérique sera considéré comme une ressource critique non renouvelable en voie d’épuisement d’ici moins d’une génération », selon l’expert indépendant Frédéric Bordage.

Malgré les objectifs climatiques fixés par l’accord de Paris, il n’existe à ce jour aucune législation qui permette de contrôler, de réguler ou de réduire les impacts environnementaux du numérique. C’est un vide juridique criant.

Face à ce vide, la mission d’information sénatoriale et cette proposition de loi qui en a découlé sont particulièrement opportunes. Le groupe écologiste salue ce texte, qui témoigne d’un travail transpartisan pour le moins riche et ambitieux. Il est en phase avec des propositions portées par le Conseil national du numérique et par la Convention citoyenne pour le climat. Il s’inscrit dans le sillage de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

Ce n’est hélas ! pas le chemin que semble prendre le récent projet de loi climat du Gouvernement, qui ne comble pas ce manque de régulation environnementale du numérique. Certes, le Gouvernement a présenté une feuille de route, mais sa mise en œuvre concrète n’est pas claire. La présente proposition de loi est donc, je le répète, particulièrement opportune. Il s’agit d’engager une transition du numérique par des modes de production, de commercialisation et de consommation qui privilégient la sobriété, un usage raisonné et plus respectueux de l’environnement.

Cette transition du numérique, c’est ce que souhaitent les écologistes. Monsieur le secrétaire d’État, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris tout à l’heure qui vous visiez en parlant dans ce débat de postures idéologiques réactionnaires et en évoquant – j’en ai été étonné – un slogan pétainiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Sachez que le groupe écologiste ne se reconnaît absolument pas dans de tels propos !

Revenons-en au fond. Ce texte novateur a de nombreux points forts. Il vise particulièrement les producteurs et les fournisseurs en augmentant leurs obligations en matière de reconditionnement, de recyclage, de réparation et de conformité. À ce titre, la lutte contre l’obsolescence programmée et l’augmentation de la durée légale de conformité de deux à cinq ans seraient des avancées majeures, en particulier dans le contexte de déploiement de la 5G, qui remet en question la viabilité des équipements numériques actuels.

Il permettrait d’apporter plus de transparence sur les stratégies des entreprises et consacrerait l’écoconditionnalité, ainsi que des engagements pluriannuels contraignants.

Le groupe écologiste proposera de renforcer ce texte en présentant un certain nombre d’amendements.

D’abord, il est essentiel que les objectifs visés soient clairs : il s’agit donc d’obtenir l’inscription d’objectifs propres au numérique dans la stratégie nationale bas-carbone, la SNBC. Cette dernière doit prévoir un volet spécifique à ce secteur et définir un budget carbone fixant des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Nous proposons aussi l’évaluation de l’impact environnemental de la 5G par l’observatoire créé par la présente loi : le rapport remis juste avant Noël par le Haut Conseil pour le climat montre clairement cette nécessité.

Nous mettons également au débat, par voie d’amendements, la question du gâchis de consommation d’énergie des dispositifs publicitaires numériques.

Nous demandons de rétablir l’article 19 dans sa rédaction initiale afin de mettre fin au lancement automatique des vidéos lors de la consultation de sites internet, sauf dérogation.

Nous regrettions la suppression en commission de l’obligation pour les opérateurs téléphoniques de moduler les forfaits proposant des données internet afin d’encourager une consommation raisonnée via le wifi ou le filaire. Nous souhaitons donc renforcer l’article 15 pour enrayer la croissance des consommations réseaux à laquelle nous expose le déploiement de la 5G.

Enfin, pour lutter contre l’obsolescence programmée et renforcer la durée de vie des terminaux, nous proposons de travailler le recyclage, le réemploi et la réutilisation des équipements numériques, voire d’expérimenter dans des territoires volontaires un dispositif de consigne.

Ces propositions sont fidèles à l’esprit du texte, appuient ses dispositions et, vous l’avez compris, ne visent qu’à le consolider et à assurer son efficacité.

L’enjeu, aujourd’hui, est d’adopter un usage raisonné du numérique et de préserver nos ressources pour garantir un avenir viable. Compétitivité, haut débit et couverture numérique doivent aller de pair avec résilience, sobriété et usage écoresponsable. Nous espérons donc que le Gouvernement reprendra ce texte transpartisan.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Applaudissements au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il n’est plus besoin de rappeler l’importance du numérique dans nos vies quotidiennes. L’année 2020 et le développement contraint du télétravail l’ont confirmé s’il en était besoin !

Le numérique, nous le disons depuis maintenant un certain nombre d’années dans cette assemblée, est indispensable à nos concitoyens, à l’attractivité de nos territoires, au développement économique et à l’innovation. Ses atouts ne doivent pas pour autant nous faire mettre de côté son impact environnemental, incontestablement insuffisamment pris en compte jusqu’à présent.

Les usages numériques ne sont pas sans conséquence sur l’environnement en termes d’émission de gaz à effet de serre, de consommation énergétique ou d’utilisation des ressources.

Ce constat longtemps occulté a conduit la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat à mettre en place à la fin de 2019 une mission d’information relative à l’empreinte environnementale du numérique. Ses travaux ont abouti à un rapport de grande qualité. Je salue particulièrement le travail de Patrick Chaize, de Jean-Michel Houllegatte et de Guillaume Chevrollier. Ce rapport a notamment permis pour la première fois une évaluation de l’empreinte carbone numérique dans notre pays.

Le rapport révèle que le numérique, qui représente aujourd’hui 2 % des émissions de gaz à effet de serre, pourrait en représenter 7 % à l’horizon 2040. Il souligne donc la nécessité de mettre en place une politique de sobriété numérique pour concilier transition numérique et transition écologique, toutes deux indispensables. C’est le sens de la feuille de route déclinée par le rapport, qui prévoit vingt-cinq mesures, reprises – pour celles qui relèvent du niveau législatif – dans cette proposition de loi.

Le présent texte, dont j’ai l’honneur d’être coauteur et qui a été amélioré par la commission au fond et celle saisie pour avis ainsi que par le travail des rapporteurs, prévoit que notre pays se dote d’outils pour anticiper l’impact du numérique sur le climat et rendre son développement compatible avec nos engagements internationaux.

Par manque de temps, je n’évoquerai que les aspects les plus importants de ce texte.

Tout d’abord, la proposition de loi vise à limiter le renouvellement des terminaux. C’est un point essentiel, car la mission d’information a révélé que ceux-ci représentaient 81 % des impacts environnementaux du secteur en France. Ainsi, dans le prolongement de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ainsi que des apports de notre assemblée sur ce texte, la présente proposition de loi renforce les outils de lutte contre l’obsolescence programmée, privilégie les produits durables dans la commande publique, améliore la collecte des produits numériques et favorise le développement du marché de seconde main.

Elle prévoit également d’inciter aux usages numériques vertueux, en imposant un référentiel général de l’écoconception aux sites internet qui génèrent le plus de trafic.

Elle aborde enfin la question préoccupante de l’impact environnemental des réseaux en dotant notre pays de moyens d’anticiper et de réguler cet impact, qui devrait augmenter avec les réseaux de nouvelle génération.

À cet égard, je rappellerai que, conscient des enjeux environnementaux de la 5G, le président du Sénat a saisi à notre demande le Haut Conseil pour le climat (HCC) afin qu’une estimation de son impact soit réalisée.

Le rapport du HCC est plutôt alarmant puisqu’il estime que cette génération de réseau entraînera une « augmentation significative » de l’empreinte carbone du numérique. Il est donc regrettable que le Gouvernement n’ait pas, comme nous le demandions, effectué une évaluation préalable au déploiement de la 5G.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous devons faire en sorte que l’indispensable développement du numérique s’effectue de manière sobre, responsable et respectueuse de l’environnement.

C’est un enjeu essentiel qu’il nous appartient, ensemble, de relever. Tel est l’objectif de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et GEST.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’initiative prise par nos collègues Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte permet d’apporter un éclairage novateur, judicieux et pertinent sur l’empreinte environnementale du numérique. Qu’ils en soient remerciés ! Ce sujet appelait depuis longtemps un débat et un travail de fond, dont la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est opportunément saisie. Le soutien de 130 cosignataires en confirme l’importance.

Toutes les politiques publiques devraient désormais s’inscrire dans une démarche d’évaluation environnementale afin de conditionner leur mise en œuvre. Cela semble s’imposer pour le numérique, qui prend une dimension particulière avec la montée en puissance de la 5G, avec comme corollaire une évolution significative des usages, des moyens et des outils.

L’évolution d’une prise de conscience générale s’est traduite dans plusieurs rapports et propositions. Je citerai ceux de la Convention citoyenne pour le climat et du Haut Conseil pour le climat, sur l’empreinte environnementale de la 5G, de l’Arcep, pour des politiques numériques plus soutenables. Aussi cette proposition de loi contribue-t-elle à ouvrir objectivement un débat trop souvent marqué par des radicalités peu éclairantes, souvent réductrices, qui ne permettent pas d’envisager ces problématiques dans toute leur complexité, et cela notamment du fait de l’absence de données environnementales, d’outils pour les collecter et d’évaluations.

Comment faire de la transformation numérique un accélérateur positif de la transition écologique, si ce n’est en accompagnant et en progressant collectivement, pour conforter les démarches d’évaluation environnementale ?

L’évaluation est consubstantielle des politiques de développement durable. Reconnaissons dans ce domaine nos faiblesses, nos carences et la nécessité d’établir de nouveaux référentiels communs pour s’appuyer sur des indicateurs partagés, pour mieux mesurer les impacts et agir en conséquence sur les usages, notamment par une meilleure information et une responsabilisation des acteurs et des usagers.

Il s’agit de mieux réguler en s’appuyant sur des données objectives en créant, à l’article 3 du texte, un observatoire des impacts environnementaux du numérique, mais également sur les plus-values et gains potentiels apportés par le numérique à la transition écologique.

Une approche globale est proposée dans ce texte. Elle doit fournir un cadre vertueux en intervenant sur l’ensemble de la chaîne numérique – des équipements aux logiciels, jusqu’aux centres de données – et en abordant les questions de durabilité, de réemploi et d’obsolescence, souvent dénoncée et pourtant si mal régulée.

L’équilibre des propositions se fait par des mesures d’incitation pour susciter la prise de conscience et des mesures contraignantes afin d’imposer aux opérateurs de réduire réellement leur impact environnemental. L’approche normative est confortée notamment, quant à l’obsolescence, dans une logique de responsabilité sociétale des acteurs plutôt qu’au travers d’un cadre exclusivement contraignant.

Enfin, le texte approfondit la responsabilité sociétale de tous les acteurs : particuliers, entreprises, collectivités et territoires. La responsabilité sociétale des entreprises doit en effet étudier les conditions de son extension à la sobriété numérique et il est essentiel que tous les acteurs du secteur public, comme du secteur privé, s’inscrivent dans ces orientations pour une évolution favorable du sujet.

Les territoires sont évidemment le maillon indispensable d’une politique d’équilibre pour une couverture numérique ambitieuse et le respect de l’environnement, pour une convergence entre transition numérique et transition écologique.

Les amendements socialistes adoptés en commission se sont traduits dans un nouveau chapitre intitulé « Promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires », en affirmant une gouvernance territoriale : en permettant aux collectivités de plus de 50 000 habitants d’inscrire une stratégie numérique dans leur rapport de redevabilité sur le développement durable ; en intégrant les data centers dans les systèmes énergétiques locaux et dans les plans climat-air-énergie territoriaux ; en mobilisant l’achat public pour réduire l’empreinte carbone du numérique au sein des schémas de promotion des achats publics responsables.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez invoqué dans un premier temps l’urgence du déploiement de la 5G afin d’éviter une perte de compétitivité et d’attractivité pour notre pays. Dans un second temps, vous avez défendu l’utilité des nouvelles technologies numériques pour accélérer la transition écologique. Notre difficulté, nous le savons, réside dans ce que les modèles de leur développement s’appuient sur les usagers ainsi que sur la multiplication et la diversité de l’offre en vue de trouver une rentabilité. Ces enjeux économiques et financiers ne doivent pourtant pas nous détourner de nos objectifs environnementaux, aujourd’hui essentiels.

L’enjeu primordial de ce texte est de valoriser le numérique en maîtrisant son empreinte environnementale pour qu’il soit un outil de progrès, atout d’une transition écologique et non pas obstacle aux enjeux climatiques. L’initiative du Sénat sur le sujet, qui a été très suivie, marque la nécessité de répondre rapidement au défi d’une politique numérique responsable sur le plan environnemental.

Cette proposition de loi apporte les premières solutions pour envisager une meilleure régulation, en informant et en responsabilisant tous les acteurs, opérateurs et citoyens, et en introduisant une approche territoriale indispensable. Évidemment, beaucoup reste à faire, mais il est essentiel d’introduire cette politique. Nous soutiendrons donc ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc des commissions.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi, et les rapporteurs pour avis et au fond, Anne-Catherine Loisier, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, pour le travail accompli et la pédagogie dont ils ont réussi à faire preuve pour expliquer cette problématique « contre-intuitive ».

En effet, contrairement à ce que certains usagers imaginent – cela a été rappelé par nos rapporteurs –, le numérique n’est pas immatériel. Il laisse une empreinte sur l’environnement et celle-ci est malheureusement exponentielle : 2 % des émissions de gaz à effets de serre aujourd’hui en France, et 7 % dans vingt ans.

Faire émerger des pratiques plus vertueuses chez les acteurs du numérique et chez les consommateurs s’impose pour réguler notre empreinte, sans toutefois fragiliser les filières. C’est là toute l’agilité de nos collègues équilibristes qui sont parvenus à formuler des propositions de maîtrise des impacts environnementaux sans handicaper nos entreprises nationales.

Les priorités de ce texte sont claires et intelligibles : informer, éduquer, lutter contre le renouvellement des terminaux, promouvoir des usages écologiquement vertueux et développer des centres de données moins énergivores.

Parce que ces nouvelles pratiques s’imposent à tous, aux acteurs du numérique comme aux citoyens, nous ne pouvons nous contenter d’ordonnances techniques de transposition des directives européennes. La représentation nationale doit en débattre.

Plusieurs points ont en particulier retenu mon attention.

Il s’agit tout d’abord de la mise en œuvre de l’article 16, qui rend obligatoire l’écoconception des sites web et des services en ligne publics, mais aussi de certaines entreprises dont le chiffre d’affaires excède un seuil défini par décret en Conseil d’État.

Je regrette cette restriction qui écarte certaines entreprises. L’écoconception des environnements web ne doit pas être perçue comme un surcoût de conception. Développer « écoconçu » revient à appliquer une méthodologie précise et rigoureuse qui ne demande ni plus de temps ni plus d’argent. Une directive à l’endroit de toutes les entreprises me semble donc souhaitable pour assurer la sobriété numérique, raison pour laquelle je proposerai un amendement en ce sens.

Toujours à l’article 16, nos rapporteurs ont souhaité reporter à 2023 l’entrée en vigueur du dispositif. Ce report ne me semble pas souhaitable dans la mesure où il existe d’ores et déjà beaucoup de matière – rapports, recommandations, etc. – pour établir le référentiel d’écoconception d’un site web.

La formation des différents acteurs de l’écoconception et les démarches d’amélioration sont en ordre de bataille, et elles doivent se poursuivre. Il semble donc inutile, voire regrettable, de faire attendre un marché qui s’est déjà structuré et qui a développé des solutions.

Reporter les efforts à une échéance lointaine pénaliserait finalement davantage les acteurs qui se disent aujourd’hui « prêts ». C’est pourquoi je défendrai également un amendement visant à supprimer ce délai.

Pour terminer sur l’obligation d’écoconception des sites, ne serait-il pas également souhaitable d’y associer des critères d’accessibilité pour les personnes handicapées ? Cet ajout ne rallongerait en aucun cas la conception des sites web et il permettrait une portée RSE globale.

Sur le volet relatif aux centres de données, je proposerai également un amendement visant à faire bénéficier du tarif réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) les acquéreurs de data centers à climatisation adiabatique qui permettent des économies d’énergie substantielles.

C’est aussi un enjeu de développement économique important pour nos territoires, auxquels le Sénat porte toujours une attention particulière.

Avec cette proposition de loi, le Sénat fait véritablement œuvre utile. Il propose des solutions adaptées et concrètes au défi de la réduction de l’empreinte environnementale du numérique.

C’est pourquoi, en ce mois de janvier, je forme le vœu que ce texte recueille l’assentiment du Gouvernement, qui honorerait au passage ses engagements envers la nouvelle assemblée constituante. Pardon, la convention citoyenne… !

Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Prince

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la relation entre numérique et environnement est ambivalente.

D’un côté, la numérisation est présentée comme un outil incontournable de lutte contre le réchauffement climatique. En effet, l’intelligence artificielle et le big data sont aujourd’hui mobilisés pour mener la transition énergétique. Compteurs et réseaux intelligents vont avoir la capacité d’ajuster en temps réel l’offre à la demande d’électricité et, ainsi, d’offrir le pilotage nécessaire au déploiement d’énergies renouvelables par nature intermittentes, comme l’éolien ou le solaire.

Le numérique sera la clé d’amélioration de l’efficacité énergétique de toute l’économie.

Mais, d’un autre côté, il faut bien reconnaître que les vertus environnementales du numérique ne sont encore qu’en puissance. Car la numérisation est de plus en plus énergivore. L’ensemble des équipements permettant de traiter, de stocker et d’échanger des données absorberait déjà entre le quart et la moitié de l’électricité mondiale, générant entre 2 % et 10 % des émissions mondiales de CO2. Et sa part dans la consommation planétaire d’électricité augmente de 2 % par an. Le rapport Villani de 2018 pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) a prouvé qu’à ce rythme le numérique siphonnerait la moitié de l’énergie du monde en 2030 et la totalité en 2040…

Le numérique ne pourra donc tenir ses promesses écologiques que si l’on s’emploie à le décarboner en amont. C’est bien pourquoi le présent texte n’a rien d’anodin. Nous tenons à souligner son caractère précurseur.

D’ailleurs, le Haut Conseil pour le climat en a indirectement validé les conclusions dans son avis du 19 décembre sur la 5G. Au passage, c’était la première fois que le HCC était saisi par une assemblée parlementaire.

C’est aussi la première fois que le législateur se saisit en France de ce sujet d’avenir, d’autant plus déterminant que la problématique entre en résonnance avec celle de l’autonomie et de la souveraineté numérique de notre pays. Les conclusions de la mission d’information ayant conduit à la présente proposition de loi sont claires : plus de 80 % des impacts environnementaux du numérique en France sont dus aux terminaux numériques. Et pourquoi les terminaux numériques ont-ils un tel impact ? Parce qu’ils ne sont pas fabriqués en France ! Importer nos terminaux, c’est à la fois importer de la dépendance économique et de la pollution.

Le texte aborde de front le problème dans ses articles 6 à 14, qui nous semblent constituer son apport principal. La dimension pédagogique du sujet a certes son importance à long terme. Mais aujourd’hui, c’est la limitation de l’importation et du renouvellement des terminaux qui constitue le nerf de la guerre.

Pour conclure, je dirai un mot de l’énorme travail effectué en commission pour compléter la première mouture du texte. Nous ne pouvons que saluer les avancées réalisées pour renforcer la lutte contre l’obsolescence programmée, promouvoir l’écoconception des sites web ou renforcer la sécurité juridique du texte. Mais, dans cet hémicycle, une dimension nous tient plus que tout à cœur : la dimension territoriale. On ne rendra pas le numérique durable sans stratégies numériques responsables sur les territoires.

Grâce à la décentralisation, le numérique est devenu le phénomène central du désenclavement de la ruralité profonde. On ne le verdira aussi que grâce à la décentralisation. C’est bien ce que prévoit maintenant le texte en donnant mission aux agglomérations, aux départements et aux régions de décliner à leur échelle la feuille de route du verdissement du numérique.

Vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera ce texte.

Monsieur le secrétaire d’État, nous espérons vraiment que, à la faveur de son examen, le Gouvernement s’emparera de ce sujet. La présente proposition de loi devra être complétée, car elle n’aborde la durabilité du numérique que sous l’angle des émissions de CO2. Or l’empreinte environnementale du numérique pèse aussi par sa consommation de matières premières, en particulier de métaux et de terres rares.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Cardon

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi qui vise à réduire l’empreinte environnementale du numérique pose pour la première fois ce débat au niveau législatif et opte pour une régulation renforcée. Je tiens à saluer préalablement le travail mené sur le long terme, avec l’ensemble des groupes politiques, et conclu par le rapport de nos collègues.

Nos concitoyens connaissent les nombreux avantages qu’apporte le numérique dans leur quotidien : facilité des échanges, des communications instantanées et un meilleur partage de l’information. Mais ont-ils conscience des impacts sur notre vie et l’environnement liés à la fabrication et l’utilisation de nos outils numériques ? Notons une multiplication des équipements, une consommation d’énergie qui représente 4 % du total de l’énergie consommée mondialement.

Cette prise de conscience collective est nécessaire pour réfléchir sur nos usages, plus particulièrement au niveau de l’État et de nos collectivités territoriales. Cette proposition de loi doit être une première pierre, nous devons montrer l’exemple. Il ne suffit pas de modifier la loi, nous devons modifier nos comportements, nos habitudes. Il nous faudra peut-être à l’avenir nous interroger sur les forfaits mobiles illimités, la place du streaming vidéo ou l’usage exponentiel des objets connectés.

Cette proposition de loi fixe un premier cadre : à nous de le développer partout, en commençant par nos entreprises. Une évolution du champ de la RSE, avec un caractère plus incitatif, serait souhaitable. En effet, malgré un indéniable effet pédagogique, les obligations issues des travaux sur la RSE restent limitées dans les entreprises.

L’article 4 prévoit d’inscrire l’impact environnemental du numérique dans le bilan RSE des entreprises. Cette mesure, complétée par l’amendement n° 5 du groupe socialiste, est très intéressante – elle pourrait l’être davantage si elle était étendue aux TPE et PME. Il s’agit de créer un poste d’émission relatif aux activités numériques des personnes morales visées par cette disposition, notamment les entreprises de plus de 500 salariés et les collectivités locales ou leurs groupements de plus de 50 000 habitants.

Mes chers collègues, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire porte des dispositions incitatives en faveur de biens plus durables. Nous allons donc dans le bon sens, avec la mise en place d’un indice de réparabilité sur les équipements électriques et électroniques (EEE) et, à compter de 2024, d’un indice de durabilité.

Au cœur de cette économie circulaire, et afin de faciliter le recyclage et de prolonger la durée de vie des équipements – sachant que la prolongation de l’utilisation d’un ordinateur de deux à quatre ans améliore son bilan environnemental de 50 % –, l’article 6 tend à rendre le dispositif qui définit et sanctionne l’obsolescence programmée plus dissuasif, en inversant la « charge de la preuve ».

Il incomberait au producteur, et non plus au consommateur, de prouver que la réduction de la durée de vie du terminal n’est pas délibérée et qu’elle découle d’éléments objectifs étrangers à toute stratégie d’augmentation du taux de remplacement. C’est un article très important puisque, aujourd’hui, très peu de poursuites au titre de l’obsolescence programmée ont pu être réellement engagées et donner lieu à des sanctions.

Alors que 10 milliards de téléphones portables ont été vendus depuis 2007, l’article 7 intègre l’obsolescence logicielle dans la définition donnée à l’obsolescence programmée. C’est une avancée.

Faisons en sorte que la transition numérique ne laisse pas certains de nos concitoyens au bord de la route. Profitons de l’avancée de cette transition pour accompagner les usagers et les aider à résoudre leurs difficultés d’usage, mais aussi pour les sensibiliser quant à leur utilisation.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Sautarel

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission d’information conduite par nos collègues Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, relative à l’empreinte environnementale du numérique en France, a identifié un véritable angle mort de notre politique de lutte contre le réchauffement climatique. Or, si nous voulons atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris, nous devons nous pencher sur la pollution du secteur numérique.

En ce sens et à partir des vingt-cinq propositions figurant dans le rapport de nos collègues, nous avons été nombreux à cosigner cette proposition de loi. Le caractère transpartisan de ce texte, le rôle majeur du Sénat comme défricheur d’un champ émergent encore mal appréhendé, la dimension anticipatrice et préventive de cette proposition de loi lui confèrent un caractère novateur à divers titres.

De nombreux aspects du texte ont été abordés. Pour ma part, je souhaite centrer mon intervention sur un point essentiel : la responsabilité des entreprises.

Pour autant, d’autres dimensions introduites par cette proposition de loi me semblent emblématiques de l’évolution nécessaire de nos politiques publiques et de notre responsabilité collective autour de l’information, de la formation et de la prévention.

Avec l’information et la formation, tout d’abord, il s’agit d’assurer un retour à la confiance dans la parole du politique, au sein d’une société chaque jour davantage frappée par des informations erronées et non hiérarchisées provenant de sources invérifiables, et où les fake news ont envahi notre espace. À ce titre, l’éducation des plus jeunes dès l’école à une utilisation responsable des outils numériques constitue en soi un projet de société. De même, la conditionnalité introduite dans le parcours diplômant des ingénieurs en informatique à une certification en écoconception logicielle me semble être un élément essentiel.

La prévention, ensuite, constitue une innovation majeure pour nos politiques publiques. La plupart du temps, nous agissons en réaction, en correction. Là, nous avons la possibilité avec cette loi d’anticiper, de prévenir. La part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre passerait en effet de 2 % aujourd’hui à près de 7 % en 2040, soit une multiplication par 3, 5 si nous ne faisons rien.

Nous le savons. Nous pouvons donc agir sur les divers leviers proposés : éducation, limitation du renouvellement du matériel, développement des usages écologiquement vertueux. Alors, n’hésitons pas ! Notre responsabilité collective est bien là.

J’en viens donc à la responsabilité des entreprises en matière de réduction de l’empreinte environnementale du numérique. Il me semble que nous pourrions aller plus loin encore.

La prise de conscience par les entreprises de cette nouvelle dimension environnementale tendant à mieux informer, mieux valoriser les actions engagées, mieux reconnaître leur responsabilité sociale et environnementale, est déjà bien engagée.

Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), qui ambitionnait de donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois, a fait l’objet d’une loi promulguée le 22 mai 2019.

L’entreprise participe historiquement à l’intérêt général, étant moteur du progrès économique et technologique, créateur de lien social et lieu d’accomplissement personnel.

Comment l’État peut-il jouer un rôle dans cette refondation de l’entreprise et de ses missions ? Nous avons déjà commencé à y répondre ; il nous faut aller plus loin.

La France fait en effet déjà figure de pionnier sur ces sujets. La loi relative aux nouvelles régulations économiques, dite « loi NRE », en 2001, et la loi « Grenelle II » en 2010 constituent l’arsenal juridique sur la RSE, et le contenu des déclarations RSE continue d’être façonné par le droit « souple », les entreprises étant moteur sur le sujet.

Afin d’accélérer cette dynamique, la loi Pacte a acté dans le droit le fait que l’entreprise a un deuxième objectif, parallèlement à sa profitabilité : sa raison d’être. Celle-ci peut se définir par l’expression d’un futur désirable pour le collectif.

Cette raison d’être peut notamment permettre de renforcer l’engagement des salariés, en étant porteuse de sens.

Ainsi, la loi Pacte a arrimé l’entreprise dans le XXIe siècle en consacrant sa responsabilité sociétale, qui sera désormais décryptée à travers trois niveaux d’engagement : la considération des impacts sociaux et environnementaux liés à son activité ; la réflexion sur son environnement à long terme ; enfin, le statut de « société à mission ».

On entend ici par « mission » une « raison d’être » à plus-value sociétale que se donne l’entreprise. Plus concrètement encore, il peut s’agir d’inventer de nouveaux modèles de consommation plus responsables, ou encore de contribuer à la reforestation d’un pays fournisseur, ou justement de réduire l’empreinte environnementale du numérique. C’est essentiel, la consommation électrique du numérique devant augmenter de 15 térawattheures d’ici à 2030, soit une hausse de 25 % par rapport à 2015.

Cette proposition de loi constitue une nouvelle étape dans cette évolution. Nous aurions pu imaginer que l’article 4 aille plus loin encore, en référence à la loi Pacte et pas seulement à la RSE.

Je forme le vœu qu’en ce début d’année nous adoptions ce texte qui, sur la forme comme sur le fond, marque une étape parlementaire importante dans la vie parlementaire de notre assemblée.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Mme Valérie Létard remplace Mme Laurence Rossignol au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Muller-Bronn

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à saluer les travaux de la mission d’information sur l’empreinte carbone du numérique, laquelle était jusqu’ici sous-évaluée et quasiment absente des objectifs fixés dans les accords sur le climat.

Cette évaluation sur toute la chaîne de production et de consommation du numérique permet de proposer, en toute connaissance de cause, des solutions concrètes et des alternatives à la surconsommation de ces produits.

En adoptant une démarche pragmatique, cette proposition de loi répond à la nécessité de rendre visibles les impacts cachés de ce secteur dématérialisé. En amont, la majeure partie de ces impacts proviennent de la fabrication des équipements, qui est délocalisée. De même, les réseaux mobiles et les data centers, dont l’empreinte carbone est très élevée, demeurent invisibles pour l’utilisateur final.

Enfin, contrairement aux idées répandues, la multiplication des usages entraîne une surconsommation d’énergie, qui annule les gains générés dans les premières années. L’information du public et la prise de conscience des consommateurs sont donc indispensables, mais pour autant insuffisantes.

Le temps des injonctions culpabilisantes étant révolu, ce texte montre la bonne voie en proposant des solutions et des outils incitatifs auxquels les consommateurs peuvent choisir d’adhérer.

En nous appuyant, à la fois, sur l’innovation et sur la réglementation, nous avons les moyens de réguler l’obsolescence programmée des appareils et des logiciels, de rallonger la durée des usages ou encore d’inciter à l’achat de produits reconditionnés et moins énergivores. En effet, depuis le 1er janvier 2021, les vendeurs de smartphones et d’ordinateurs sont obligés d’afficher un indice de réparabilité sur ces équipements, selon l’article 16 de la loi sur l’économie circulaire, en indiquant clairement sur quelles données reposent leurs calculs.

Par ailleurs, cette loi a inscrit dans le code de l’environnement l’interdiction de toute technique visant à rendre impossible la réparation ou le reconditionnement d’un appareil. Autrement dit, il sera désormais illégal de programmer la fin de vie d’un produit et d’empêcher sa réparation par quelque moyen que ce soit.

La proposition de loi du Sénat s’inscrit dans la même logique d’efficacité avec des mesures qui reposent à la fois sur des gains écologiques et économiques. En étant complémentaires, ces deux piliers peuvent réellement inciter chaque acteur à modifier ses pratiques, qu’il s’agisse des particuliers, des entreprises ou des collectivités.

Enfin, la réparation de ces produits est créatrice d’emplois non délocalisables. Dans le Bas-Rhin, par exemple, les collectes d’anciens téléphones portables ou de chargeurs sont organisées par des associations, comme Envie, qui donnent une seconde vie à ces appareils et dont l’objectif est également de créer des emplois par la réinsertion professionnelle.

À l’échelle de notre pays, ces filières représentent un enjeu de taille dans la crise actuelle. Les articles 12 à 14 du texte y sont consacrés, notamment par la création d’un taux de TVA à 5, 5 % pour les produits reconditionnés.

Aujourd’hui, ce potentiel est encore loin d’être très utilisé selon l’étude réalisée par OpinionWay en juillet 2019 pour l’Alliance française des industries du numérique : seulement 4 à 8 millions d’appareils usagés sont reconditionnés chaque année. En revanche, une centaine de millions d’appareils qui pourraient être réparés dorment dans les tiroirs des Français. Le secteur numérique n’a pas qu’une empreinte environnementale, il a aussi une empreinte sociétale, les deux étant liées.

En conclusion, nous avons avec ce texte une feuille de route claire et précise qui permet d’impliquer les consommateurs, d’une part, et d’engager la responsabilité des producteurs, d’autre part. Pour ces différentes raisons, je voterai cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais, comme plusieurs orateurs l’ont relevé lors de la discussion générale, souligner l’importance de cette proposition de loi.

Cela a été dit à plusieurs reprises, il s’agit d’un texte pionnier, car il aborde pour la première fois un sujet qui n’avait jamais été traité de manière globale dans un texte de loi. Cinq ans ont passé depuis l’Accord de Paris et l’engagement historique que nous avions pris en faveur du climat : il est plus que temps d’accélérer !

Je rappelle à quel point le Sénat est fort lorsqu’il unit ses forces. Ce texte est un texte transpartisan : tous les groupes y ont travaillé, contribué, réfléchi. C’est ainsi que notre assemblée fait le mieux entendre sa voix et contribue, en précurseur, au débat public.

Ce texte est aussi très important dans la perspective de nos futurs débats sur le texte relatif au climat. À ce stade, l’avant-projet de loi ne comprend pas de mesures sur la question de l’empreinte environnementale du numérique : il pourra ainsi être considérablement enrichi par l’adoption de cette proposition de loi.

Ce texte répond également à une très forte attente de nos concitoyens, lesquels veulent avoir accès à un numérique vertueux, qui est un outil puissant au service de la transition écologique.

Je souhaiterais souligner le travail important et exigeant qui a été réalisé par notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur cette proposition de loi.

Il y eut, d’abord, une mission d’information, dont je salue les anciens membres, comme Hervé Maurey, les rapporteurs, Jean-Michel Houllegatte et Guillaume Chevrollier, et bien entendu le président Patrick Chaize.

Le texte a été examiné en commission, avec l’éclairage important de la commission des affaires économiques, saisie pour avis, dont je salue la rapporteure, Anne-Catherine Loisier, et largement enrichi. Je me réjouis de constater que personne n’a aujourd’hui souhaité revenir sur les principales orientations retenues, ce qui montre que la philosophie du texte fait l’objet d’un fort consensus.

Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux que me joindre aux multiples appels qui vous ont été adressés pour que vous souteniez l’initiative du Sénat afin qu’elle puisse prospérer dans le cadre de la navette parlementaire.

Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Chapitre Ier

Faire prendre conscience aux utilisateurs de l’impact environnemental du numérique

Le second alinéa de l’article L. 312-9 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle sensibilise en outre à l’impact environnemental des usages du numérique et à la sobriété numérique. »

Debut de section - PermalienPhoto de Nadège Havet

Tout d’abord, j’adresse mes meilleurs vœux à ceux que je n’ai pas encore vus…

Je souhaiterais profiter de l’examen de l’article 1er, qui entend promouvoir la sobriété du numérique auprès de tous les publics, et en premier lieu auprès de nos enfants, pour aborder le sujet de l’empreinte cognitive, un autre type d’empreinte préoccupante, en particulier pour le plus jeune âge : c’est l’un des thèmes de la formation à l’utilisation responsable des outils et à la compréhension des contenus.

Rudy Reichstadt, membre de l’Observatoire des radicalités politiques et fondateur du site Conspiracy Watch, évoquait récemment la rencontre entre une offre idéologique complotiste mondialisée et des capacités matérielles historiques, rendant possible sa propagation.

Au travers de ce qu’on appellera très imprécisément « les écrans », cette mal-information, cette surconsommation d’informations que nous pourrions comparer à de la malbouffe, a un coût cognitif, sanitaire et environnemental. Nos écrans sont les armes du crime idéal pour cambrioler notre attention : c’est ce que rappelait le sociologue Gérald Bronner hier sur France Culture et dans son dernier livre, Apocalypse cognitive.

Membre du Conseil scientifique de l’éducation nationale, il défend la piste éducative et l’apprentissage de l’esprit critique pour faire face à un marché totalement dérégulé.

Reprendre notre souveraineté écologique et cognitive passera donc par une éducation ciblée et des mesures fortes préventives – nous en débattrons à l’article 16.

Dans le cadre de l’obligation d’écoconception des services numériques, le décret pris en Conseil d’État devra prendre en compte cet impératif de protection de notre attention, notamment dans le cadre du référentiel général qui sera mis en œuvre.

En conclusion, et c’est le sens de mon intervention, je pense qu’une attention préservée, mieux armée et mieux prévenue sera un levier indispensable à une consommation plus responsable et moins énergétivore.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

Je veux insister sur l’intérêt de cette disposition de l’article 1er, qui peut paraître symbolique, mais qui a en réalité une grande importance.

Si le numérique a permis de maintenir l’éducation et la formation de la jeunesse pendant la crise sanitaire, l’explosion de son utilisation n’est pas sans poser problème – c’est d’ailleurs l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Tablettes, ordinateurs, smartphones, serveurs sont fabriqués à partir de métaux, dont l’extraction, faite dans des pays peu respectueux des normes environnementales et sociales, à un rythme qui mène à un épuisement de ces ressources, est extrêmement polluante.

Par ailleurs, l’énergie nécessaire à leur chaîne de production est majoritairement fossile. Le numérique, c’est aussi une consommation électrique qui explose, avec 6 à 10 % de la consommation électrique mondiale.

Enfin, lorsqu’ils ne fonctionnent plus ou sont devenus obsolètes, les objets numériques deviennent des déchets très polluants et peu valorisés.

Tout cela s’apprend, et il est impératif que les jeunes aient conscience de l’ensemble de ces impacts environnementaux. C’est pourquoi l’école a un rôle majeur à jouer pour sensibiliser, éduquer à un usage mesuré et responsable du numérique. Éduquer est le meilleur investissement que nous puissions faire pour préserver notre planète. C’est la raison pour laquelle il faut intégrer dans la formation des enseignants un enseignement obligatoire à l’utilisation responsable des outils numériques.

Je profite de cette prise de parole pour saluer également le travail du Sénat – celui de mon collègue Jean-Michel Houllegatte, mais également du président Patrick Chaize et du corapporteur Guillaume Chevrollier –, qui démontre que notre chambre est souvent à l’avant-garde des problématiques sociétales importantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

L’amendement n° 46 rectifié, présenté par M. Gold, Mme Guillotin, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

des usages

La parole est à M. Éric Gold.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

L’article 1er permet de sensibiliser les élèves des écoles, des collèges et des lycées à l’impact environnemental des usages du numérique et à la sobriété numérique.

Alors qu’environ 80 % de l’empreinte environnementale du numérique provient des terminaux, la limitation de leur renouvellement constitue une question centrale pour maîtriser cet impact. Sans entrer dans les détails techniques de leur fabrication, il nous semble utile que les élèves prennent conscience de l’impact environnemental des biens numériques qu’ils utilisent.

Le présent amendement tend à supprimer la mention relative aux usages, afin d’élargir la formation prévue à cette thématique et d’inciter les élèves à limiter le renouvellement de leurs terminaux et à adopter des comportements responsables dans leurs achats et de bonnes pratiques, telles que l’entretien et la réparation des appareils ou encore le recours au réemploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

La commission a fait le choix de préciser que la sensibilisation à l’école prévue par l’article 1er doit porter sur l’impact environnemental des usages du numérique, afin de ne pas focaliser le contenu pédagogique sur la seule utilisation, c’est-à-dire ce que l’on fait avec l’appareil lorsqu’il est allumé.

La notion d’usage permet, au contraire, de viser la façon dont on utilise physiquement l’appareil. Cette notion plus large englobe ainsi la mise en veille des équipements la nuit, le choix d’un matériel réparable ou reconditionné, le fait de limiter le renouvellement trop fréquent de ces équipements.

L’objet de l’amendement semble donc satisfait. J’en demande donc le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er est adopté.

I. – Le premier alinéa de l’article L. 642-3 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle vérifie que les formations d’ingénieurs en informatique comportent un module relatif à l’écoconception des services numériques. »

II

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Gold, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

écoconception

insérer les mots :

des biens comportant des éléments numériques ou

La parole est à M. Éric Gold.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

Prévue à l’article 2, la généralisation des modules relatifs à l’écoconception de services numériques au sein de la formation des ingénieurs en informatique est pertinente. Plus des trois quarts de l’empreinte environnementale du numérique provenant des terminaux, il convient également d’insister sur la formation des ingénieurs en matière d’écoconception des biens comportant des éléments numériques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Vous l’avez souligné, monsieur Gold, l’article 2 vise les formations d’ingénieurs en informatique. Son objectif est celui du développement de ce que l’on pourrait appeler une « écologie du code ». L’idée est que les futurs codeurs, nos futurs ingénieurs en informatique, puissent être formés à la sobriété numérique, et plus particulièrement à l’écoconception.

Je veux faire remarquer que cet article est tout à fait en cohérence avec l’article 16, dont nous débattrons tout à l’heure, qui impose l’écoconception aux fournisseurs de données les plus importants, mais qui tend aussi à créer un référentiel. Il faut que ce référentiel, qui traduit une volonté politique, puisse être appliqué par des ingénieurs, ce qui explique que l’article 2 concerne les ingénieurs en informatique.

Cet article ne vise pas, en revanche, les concepteurs et les fabricants de terminaux numériques, qui sont, eux, des ingénieurs en électronique.

L’avis est défavorable.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Je suis défavorable à l’amendement. J’en profite pour donner l’avis du Gouvernement sur l’article 2, dont nous avions eu l’occasion de discuter lors de mon audition par la commission.

Il est évident que la question de l’écoconception des sites internet, des outils de communication électronique, est importante. C’est, en quelque sorte, prendre le sujet à la racine que de l’aborder par la formation des ingénieurs.

Toutefois, et j’avais eu l’occasion d’évoquer ce point lors de l’examen en commission, cet article est l’un de ceux sur lesquels le Gouvernement est réservé, car il nous semble que la disposition est, à la fois, trop ciblée pour être introduite dans la loi et assez largement satisfaite par une mesure qui vient d’être adoptée dans la loi de programmation de la recherche, promulguée le 24 décembre dernier. Je parle de l’article 41 de cette loi, qui a permis d’inscrire dans le code de l’éducation la sensibilisation et la formation aux enjeux de la transition écologique et du développement durable.

A ainsi été inséré un 4° bis après le 4° de l’article L. 123-2 du code de l’éducation : le service public de l’enseignement supérieur contribue « à la sensibilisation et à la formation aux enjeux de la transition écologique et du développement durable ».

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 2 est adopté.

Un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique analyse et quantifie les impacts directs et indirects du numérique sur l’environnement, ainsi que les gains potentiels apportés par le numérique à la transition écologique et solidaire.

Il analyse les impacts environnementaux induits par le déploiement de technologies émergentes. Il réalise notamment une étude des impacts environnementaux directs et indirects associés au déploiement et au fonctionnement des réseaux de communications électroniques de nouvelle génération. Cette étude d’impact est transmise à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse dans un délai raisonnable, prescrit par l’Autorité, précédant l’attribution des autorisations d’utilisation des fréquences radioélectriques prévue à l’article L. 42 du code des postes et des communications électroniques.

Il associe des chercheurs et des personnalités qualifiées et est placé auprès de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, qui en assure le secrétariat. Ses missions et sa composition sont précisées par décret.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

L’amendement n° 47 rectifié, présenté par M. Gold, Mme Guillotin, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Après le mot :

observatoire

insérer le mot :

indépendant

II. – Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

Placé auprès de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, qui en assure le secrétariat, il associe des chercheurs et des personnalités qualifiées désignés en raison de leur expertise, notamment en matière d’étude des impacts environnementaux du numérique et de transition écologique et solidaire.

Un décret précise les missions de l’observatoire, sa composition et son fonctionnement de manière à assurer son indépendance et son impartialité.

La parole est à M. Éric Gold.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

L’observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique aura pour mission d’analyser et de quantifier les impacts indirects et directs du numérique sur l’environnement, mais aussi d’étudier les gains apportés par le numérique à la transition écologique et solidaire.

Afin de prévenir les influences et les biais, le présent amendement prévoit que le décret d’application de cet article précise les modalités de composition et de fonctionnement de l’observatoire de manière à garantir son indépendance et son impartialité.

Par ailleurs, il précise que la composition de l’observatoire doit comporter obligatoirement des membres choisis en raison de leur expertise en matière d’études d’impacts environnementaux du numérique et de transition écologique et solidaire.

Ces conditions nous semblent nécessaires pour garantir la qualité de l’expertise.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Le fait de préciser dans la loi que l’observatoire de recherche est indépendant et que les personnalités qualifiées et les chercheurs qui le composent sont nommés en raison de leur expertise en matière d’impact environnemental du numérique et de transition écologique et solidaire ne semble pas concrètement apporter de garanties supplémentaires au texte tel qu’il est rédigé.

C’est pourquoi nous proposons un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

L’amendement n° 25, présenté par MM. Gontard, Fernique et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Au plus tard six mois après l’entrée en application de la présente loi, l’observatoire évalue l’impact environnemental du déploiement du réseau 5G en France.

La parole est à M. Guillaume Gontard.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Cet amendement tend à ce que l’observatoire créé par l’article 3 évalue l’impact environnemental du déploiement du réseau 5G en France. Il nous paraît important de le préciser.

Monsieur le secrétaire d’État, une grande partie de votre intervention lors de la discussion générale a justement porté sur la 5G. On sait que c’est un point important et que l’évolution vers la 5G aura un impact environnemental très fort. L’absence d’évaluation pose un réel problème.

Vous avez évoqué tout ce que l’on ne ferait pas sans le numérique. Nous sommes tous d’accord, le numérique est indispensable, mais il est important qu’on puisse clairement l’évaluer, et faire cette évaluation en amont.

Je le rappelle, deux instances ont été créées par le Président de la République : la Convention citoyenne pour le climat, qui demandait un moratoire, et le Haut Conseil pour le climat, qui a été saisi par le président du Sénat et qui souhaite une évaluation du coût environnemental avant toute nouvelle attribution. Il est donc important que la précision relative à l’évaluation figure dans le texte, d’autant que le Haut Conseil pour le climat indique clairement que ses propres travaux ne peuvent se substituer à une évaluation complète de l’ensemble des impacts, qu’ils soient environnementaux, sanitaires, économiques, financiers ou sociaux.

Quand on connaît l’impact de la 5G sur l’augmentation de la consommation électrique – cela a été rappelé précédemment par Patrick Chaize – et des gaz à effet de serre, il me semble important que le texte indique qu’une nouvelle évaluation de l’impact de la 5G sera effectuée.

On sait que de nouvelles fréquences pour la 5G vont être attribuées en complément de celles qui l’ont déjà été. J’insiste, il est nécessaire qu’une évaluation soit faite au préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Comme cela a été précédemment mentionné, le Haut Conseil pour le climat a rendu le 19 décembre dernier un avis sur l’impact environnemental de la 5G en réponse à la saisine du président du Sénat en mars 2020. Comme nous l’avions déjà dit dans le cadre de la commission et comme le relève le Haut Conseil pour le climat, une évaluation ex ante de cet impact aurait été préférable.

Une telle évaluation ex ante doit donc désormais être systématique. Ce sera d’ailleurs le cas grâce à l’observatoire mis en place par l’article 3 de notre proposition de loi.

Je rappelle que l’article 24 permet de conditionner l’attribution des licences pour les nouvelles fréquences à l’impact environnemental. Concernant le cas spécifique de la 5G, une évaluation est prévue six mois après le début du déploiement, ce qui ne serait à l’heure actuelle pas très pertinent.

Nous faisons confiance à l’observatoire. La question pourrait se poser ultérieurement, avant l’attribution des enchères sur les fréquences pour la bande des 26 gigahertz. C’est la raison pour laquelle nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Cédric O

L’avis est défavorable. Je me permets d’évoquer l’avis du Haut Conseil pour le climat, qui a été cité par un certain nombre de sénateurs.

Un élément manque, et d’ailleurs le Haut Conseil le confesse d’entrée de jeu dans son avis, et il représente la moitié du sujet : il s’agit des effets bénéfiques du déploiement de la 5G sur les usages numériques et sa capacité à réduire l’impact environnemental.

Je prendrai un exemple.

Je me suis rendu cette semaine avec le président Richard Ferrand en Bretagne, où nous avons visité une exploitation agricole qui avait poussé assez loin la numérisation de ses outils et de son fonctionnement. Grâce aux outils numériques, elle a par exemple diminué de 10 % l’utilisation de produits phytosanitaires et de 20 % l’utilisation de fertilisants en connectant ses tracteurs à une cartographie pour optimiser au centimètre près leur trajet. Cet exemple extrêmement intéressant montre à quoi sert le numérique : à faire des économies de pétrole, de produits phytosanitaires et de fertilisants.

De la même manière, j’ai visité une exploitation en Vendée, dans la région du président Retailleau : des sondes hydrométriques placées dans les champs de maïs et connectées au système d’arrosage ont permis d’économiser quinze jours d’arrosage par an.

Ces mesures n’ont pas été mises en œuvre via la 5G, certes, mais les nouveaux développements de ce type de technologie en temps réel avec échange d’images, par exemple de drones, de très haute définition vont nécessiter de nouveaux réseaux : la 4G ne supporterait pas de tels développements.

On ne peut pas continuer à œuvrer en faveur de l’économie d’intrants agricoles sans nouveaux réseaux. Si l’on ne prend pas en compte dans le calcul de l’impact environnemental de la 5G ses effets bénéfiques sur la logistique, les transports, l’agriculture et la santé, alors on passe à côté non pas de la moitié, mais probablement de l’essentiel du sujet.

Si la 5G permet de diminuer de 15 % – c’est au bas mot le pourcentage d’économies qu’elle permet de réaliser – la consommation énergétique du secteur de la logistique dans le monde entier, cela compense largement la consommation des antennes télécoms.

Premier élément, il faut aborder le sujet dans sa globalité : apports bénéfiques et externalités négatives. Si l’on ne prend pas en compte les externalités positives, alors on ne peut pas prendre de décision raisonnée.

Deuxième élément, le rapport du Haut Conseil pour le climat n’évoque pas le scénario contrefactuel : que fait-on si l’on ne déploie pas la 5G ? Dans ce cas, il faut accepter la saturation de l’ensemble des réseaux de toutes les grandes villes à l’horizon d’une année. Il faut accepter que le refus de la 5G entraîne mécaniquement – ce discours ne vient pas des opérateurs – une saturation des réseaux mobiles, particulièrement dans les grandes métropoles, y compris dans celles qui sont dirigées par des élus, notamment écologistes, réticents à la 5G. Il faut tenir ce discours à nos concitoyens et à vos administrés, …

Debut de section - Permalien
Cédric O

… leur dire que l’on est contre la 5G et donc pour la saturation des réseaux mobiles. Ou alors on est favorable à l’installation d’antennes 4G, qui consomment pour la même bande passante vingt fois plus d’électricité que la 5G !

On ne peut pas prendre de décisions en refusant de voir les conséquences qu’elles entraînent. Si l’on est contre la 5G, alors on est pour la saturation des réseaux, et l’on ne pourra plus envoyer un e-mail au centre de Grenoble, pour prendre un exemple.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - Permalien
Cédric O

C’est exactement cela ! Cela signifie, par ailleurs, que l’on se prive de l’ensemble des bénéfices technologiques de la 5G, sans même parler des bénéfices économiques ou industriels. Cette décision doit être prise en gardant les yeux ouverts.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai cru que vous alliez donner un avis favorable à mon amendement, car vous étiez en train de faire vous-même une évaluation ! Il semblait même que vous mettiez en place cet observatoire en nous citant tous les bienfaits de la 5G.

D’abord, relisez l’amendement : à aucun endroit il n’est écrit que nous sommes contre la 5G. Il est indiqué que nous souhaitons une évaluation. La réponse du rapporteur était tout à fait exacte, et c’est d’ailleurs pour la raison qu’il a mentionnée que je retirerai peut-être l’amendement : l’observatoire offre déjà cette possibilité.

Je suis d’accord avec vous : il faut prendre en compte les côtés positifs de la 5G. Les aspects que vous nous avez présentés comme positifs me font, à moi, plutôt peur : si, pour vous, l’avenir de l’agriculture – selon moi, il s’agirait plutôt d’une transition – consiste à jouer avec la 5G pour limiter la consommation en eau dans les plantations de maïs, nous n’irons pas très loin…

En revanche, l’évaluation est forcément nécessaire : vous venez d’en faire la démonstration. Car il y a aussi des aspects négatifs. Cette évaluation et ce moratoire sont demandés – vous l’avez évoqué – par plusieurs villes, d’ailleurs pas seulement écologistes. Comme pour tout choix scientifique, il s’agit d’avoir, à la fois, de la transparence et des moyens avant de décider. C’est bien la démonstration que vous avez faite ; aussi, je ne comprends pas que vous ne soyez pas favorable à notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Dans la foulée de M. Gontard, j’estime que faire une étude d’impact, c’est évaluer les « plus » et les « moins ». C’est bien ce qui nous manque aujourd’hui, parce que la prise de décision ne s’est pas adossée d’une manière suffisamment solide sur les perspectives du déploiement de la 5G en termes d’avantages et d’inconvénients.

La proposition qui est faite – je rejoins M. Gontard –, c’est bien de se donner les moyens d’évoluer. Pourquoi parler d’une temporalité de six mois – de notre côté, nous faisons une proposition plus particulière – alors que nous manquons justement aujourd’hui d’éléments pour faire un constat suffisamment objectif ?

Or cette évaluation doit être faite pratiquement en temps réel pour objectiver l’analyse que l’on peut faire de ces éléments dans les « plus » et dans les « moins ». Pour reprendre la déclaration de M. le secrétaire d’État, il est tout à fait pertinent d’évaluer un impact non pas d’une manière subjective, uniquement dans les « moins », mais également dans les « plus » : d’où cette proposition qui paraît tout à fait justifiée.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mes chers collègues, par lettres en date des mardis 5 et 12 janvier 2020, le Gouvernement demande l’inscription le mercredi 27 janvier, après-midi et le soir, après les questions d’actualité au Gouvernement, sous réserve de son dépôt et de sa transmission, du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire.

En conséquence, l’examen des projets de loi autorisant la ratification du protocole à la convention relative aux infractions survenant à bord des aéronefs et autorisant l’approbation de l’accord entre la France et les États membres de l’Union monétaire ouest-africaine, est reporté au jeudi 28 janvier matin, en premier point de l’ordre du jour.

Le Gouvernement demande également l’inscription, le jeudi 4 février, matin, en premier point de l’ordre du jour, du projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et l’après-midi, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire ou de sa nouvelle lecture.

Acte est donné de ces demandes.

En ce qui concerne le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, le délai limite de dépôt des amendements de séance pourrait être fixé le mercredi 27 janvier à douze heures, pour la première lecture, et le jeudi 4 février à l’ouverture de la discussion générale en cas de nouvelle lecture.

En cas de nouvelle lecture, la durée de la discussion générale pourrait être fixée à quarante-cinq minutes.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-et-une heures trente.