Intervention de Joël Giraud

Réunion du 12 janvier 2021 à 14h30
Montagne — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Joël Giraud :

Vous comprendrez donc aisément que, dans mes fonctions actuelles de secrétaire d’État chargé de la ruralité, j’aie un fort tropisme pour la montagne. Certains esprits malicieux m’avaient d’ailleurs qualifié, dès ma nomination, de « secrétaire d’État à la montagne ». Je ne récuse nullement cette qualité, même si j’ai vocation à traiter tous les sujets de la ruralité et pas seulement ceux où il y a « de la pente » !

Je suis aussi chargé de suivre la mise en œuvre de l’agenda rural, ce grand plan national en faveur de la ruralité, dont les 181 mesures profitent directement aux territoires de montagne.

Cependant, ce débat couvre un champ plus large, car la montagne n’est pas que rurale. Les territoires de montagne se caractérisent par leur grande diversité. Parmi les sujets que nous allons évoquer, beaucoup débordent le périmètre du ministère de la cohésion des territoires auquel mon secrétariat d’État est rattaché. Il s’agit notamment des sujets agricoles ou encore des aides compensatrices des conséquences de la crise de la covid. Je m’efforcerai néanmoins de répondre à toutes les questions, et pour celles qui ne relèvent pas du ministère de la cohésion des territoires ou pour lesquelles je n’aurais pas tous les éléments à ma disposition, je m’engage à vous apporter le cas échéant des compléments par écrit, à l’issue du débat.

Le contexte dans lequel nous débattons est difficile, si ce n’est éprouvant. Le pays tout entier vit dans l’angoisse d’une nouvelle vague, synonyme d’un troisième confinement, mais aussi de la mutation du virus, dont on retrouve une variante britannique sur notre territoire, y compris dans un village des Hautes-Alpes situé à 2 040 mètres d’altitude. Tous nos espoirs reposent désormais sur l’efficacité du vaccin.

De longues semaines de privations sont, hélas, encore à venir. Je sais mieux que quiconque ce que cela implique pour les stations de montagne. Je suis en contact quotidien avec les acteurs du secteur du tourisme. Croyez bien que je joue mon rôle au sein du Gouvernement pour défendre les intérêts de la montagne. Monsieur le sénateur, vous me le demandiez tout à l’heure : je puis vous assurer que je porte la voix des montagnards dans ce gouvernement.

Les exploitants de remontées mécaniques sont particulièrement touchés. Ils réalisent habituellement un chiffre d’affaires de l’ordre de 1, 4 milliard d’euros par an, dont l’essentiel dans un intervalle de quatre à cinq mois en période hivernale, alors que les coûts qu’ils supportent sont répartis sur l’ensemble de l’année. Grâce au fonds de soutien, nous leur accordons une aide, tant sur les charges fixes que sur les pertes de recettes. Le Gouvernement a engagé la semaine dernière les échanges nécessaires avec la Commission européenne pour mettre en place ce dispositif, qui doit faire l’objet d’une notification préalable au titre de l’aide d’État. Je précise qu’il sera évolutif au cas où de nouvelles périodes de confinement s’avéreraient malheureusement indispensables. Il faut préserver l’avenir en la matière.

L’ensemble des commerces situés dans les stations de ski et les vallées qui en dépendent a été intégré aux secteurs S1 et S1 bis, qui font l’objet du plan Tourisme. Ils peuvent donc bénéficier d’une aide allant jusqu’à 10 000 euros et de l’activité partielle prise en charge à 100 % par l’État.

La mesure s’applique non seulement dans les communes des stations de ski, mais aussi dans celles des vallées qui en dépendent : communes de montagne, membres de l’EPCI support d’une station de ski et n’appartenant pas une unité urbaine de plus de 50 000 habitants. C’est la première fois qu’une mesure de cette nature est territorialisée. J’y tenais beaucoup. Mon secrétariat d’État a fourni un travail considérable pour définir ces périmètres, grâce auxquels l’acception des pertes économiques est la plus large possible, car les conséquences portent sur toute la vallée, et pas seulement sur la commune qui est support de la station.

Les moniteurs de ski, à titre individuel, peuvent accéder au fonds de solidarité, avec un droit d’option leur permettant une compensation des pertes de recettes allant jusqu’à 10 000 euros ou 20 % du chiffre d’affaires réalisé sur la même période en 2019.

Les autres activités touristiques et les activités hôtelières liées au fonctionnement des stations de sports d’hiver bénéficient déjà d’une aide renforcée du fonds de solidarité, grâce à leur intégration au plan Tourisme.

Enfin, afin de permettre aux professionnels de la montagne de sécuriser les embauches des saisonniers, le Gouvernement a décidé, dès le 30 novembre dernier, d’octroyer le bénéfice de l’activité partielle aux entreprises concernées, jusqu’à la reprise d’activité dans les stations. Cette mesure destinée à protéger l’emploi porte déjà ses fruits, puisque les remontées mécaniques ont embauché 95 % de leurs saisonniers.

Monsieur le sénateur, j’ai entendu votre appel sur la pérennisation de ce dispositif. À l’époque où nous voulions le mettre en place de manière définitive, nous nous étions heurtés à un avis du Conseil d’État, qui est toujours très vigilant sur ces questions, tout comme il l’est sur les régies thermales. Il nous faut « grignoter » des points petit à petit pour faire comprendre que les modèles économiques varient selon le type de station concerné.

Un récent voyage officiel en Maurienne et en Tarentaise, pendant les vacances de fin d’année, a démontré les bénéfices de la pluriactivité, notamment pour les agriculteurs qui tirent un meilleur revenu des pratiques diversifiées, ou bien pour les médecins de montagne dont l’activité en période touristique est seule à même de solvabiliser les cabinets installés dans les vallées à faible patientèle. Nous avons d’ores et déjà saisi Bercy sur ces sujets.

Je mesure parfaitement que cela ne suffira pas. Plus que des aides, les acteurs de la montagne attendent une perspective claire sur l’avenir et, si possible, une date de réouverture des remontées mécaniques. Croyez bien que nous le désirons tous, et moi le premier. Nous sommes, hélas, contraints à la plus grande prudence, à l’heure où de nombreux pays reconfinent et où l’on ignore encore l’état précis de diffusion de nouveaux variants sur le territoire national.

Les propositions que vous formulez doivent être étudiées. Le Gouvernement doit rester à votre écoute. Il le fera, et je continuerai d’être votre interlocuteur.

Cette crise agit aussi comme un révélateur. Elle met en lumière la forte dépendance de certains territoires à un type d’activité. Nous devons donner aux collectivités qui le souhaitent les moyens d’y remédier et de s’adapter. C’est tout le sens du programme Montagne que nous concevons avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’ANCT. Il s’agit du premier programme national depuis le plan Neige des années 1960-1970. Une consultation des acteurs de la montagne est en cours à ce sujet et se déroule dans le cadre du Conseil national de la montagne, d’une part, et des comités de massif, d’autre part.

Ce programme privilégiera le « cousu main ». Il ne reposera pas sur des appels nationaux à manifestation d’intérêt conçus depuis Paris. L’idée est de construire des projets qui partent des territoires et d’apporter l’aide nécessaire, notamment en matière d’ingénierie.

La contribution du Sénat, au travers de ses travaux et des échanges que nous avons, sera évidemment déterminante. Je n’oublie pas non plus que, dans son rapport public annuel de 2018, la Cour des comptes a appelé les collectivités à faire évoluer rapidement la gouvernance et le fonctionnement des domaines skiables, pour s’adapter suffisamment tôt à un avenir où le ski et les sports de neige ne seront plus leur seule ressource.

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