Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes en janvier 2021, c’est l’occasion pour moi de nous souhaiter collectivement une bonne année !
C’est une évidence, le numérique est plus qu’omniprésent dans notre quotidien. Nous savons qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Après plus de vingt ans de croissance ininterrompue, il occupe une place prépondérante dans notre quotidien personnel et professionnel, et touche tous les citoyens. Nul besoin d’être un geek pour en faire l’expérience chaque jour. Car, comme l’affirmait le philosophe Michel Serres en 2010, « nous vivons un changement de monde ».
Oui, en quelques années, notre quotidien a plus changé qu’au cours du siècle précédent. Et le rythme des évolutions s’accélère. Cela n’est pas sans engendrer, notamment, des problèmes d’adaptation dans la vie de tous les jours.
Avec le téléphone « intelligent », ou smartphone, chacun dispose désormais dans sa poche d’une puissance considérable, d’un ordinateur nomade qui nous relie au monde en permanence et qu’il convient de réguler. L’attaque portée – n’ayons pas peur des mots – contre la démocratie américaine sur l’initiative de Donald Trump, utilisateur compulsif de smartphone s’il en est, est sans conteste l’illustration de ces dérives, qui appellent des réponses collectives fortes.
Fort heureusement, le numérique n’est pas que cela. On lui doit la complète mutation de notre façon d’aborder le quotidien. Comme certains l’ont souligné avant moi, la crise sanitaire sans précédent que nous connaissons est un accélérateur qui, bien évidemment, nous interpelle au regard de la démultiplication des usages, mais pas uniquement.
En 2040, si tous les autres secteurs réalisent des économies de carbone, conformément aux engagements de l’accord de Paris et si aucune politique publique de sobriété numérique n’est déployée, le numérique pourrait atteindre près de 7 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, un niveau bien supérieur à celui actuellement émis par le transport aérien.
Cette croissance serait notamment portée par l’essor de l’internet des objets et les émissions des data centers.
Ce constat n’est pas celui d’une quelconque Cassandre de l’environnement, mais celui de la mission d’information mise en place sur l’initiative de notre collègue Patrick Chaize, et dont le rapport adopté en juin 2020 a débouché sur la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Oui, la question de l’empreinte environnementale du numérique dans notre pays est aujourd’hui un sujet de société sur lequel il est de temps d’arrêter une stratégie partagée. Mais, disons-le d’emblée, cette proposition de loi n’est en rien le procès du numérique et le fruit de réflexions de sénateurs « hors-sol » : bien au contraire !
D’ailleurs, les acteurs du numérique, à part peut-être certains représentants de ce qu’on appelle communément les GAFA, l’ont parfaitement compris.
Cette proposition de loi s’inscrit dans le cadre de nombreux travaux sur le sujet comme le rapport du Conseil national du numérique, les recommandations de la Convention citoyenne pour le climat, le dernier rapport de l’Arcep, ou bien encore les initiatives d’experts ou de collectifs engagés.
Cette proposition de loi, monsieur le secrétaire d’État, est en phase, vous l’avez dit le 2 décembre dernier lors de votre audition, avec la feuille de route que vous portez, car, comme vous nous l’avez indiqué, « il n’y aura pas de transition environnementale sans transition numérique ».
À l’heure où la relance de l’économie, après la crise sanitaire sans précédent que nous connaissons, doit plus que jamais être verte, il convient de dire sans ambiguïté aucune que les politiques publiques doivent s’appuyer sur les outils numériques afin d’accélérer et d’optimiser la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement.
C’est un fait acquis que le numérique facilite d’abord la mesure et le suivi des impacts environnementaux, et donc favorise une utilisation plus raisonnée des ressources naturelles. Il participe également de l’efficacité énergétique, induit une réduction des déplacements ou contribue à l’émergence de modèles économiques fondés sur les principes de l’économie circulaire.
Le numérique doit ainsi être mis au service de la transition écologique. Cela passera notamment par l’exploitation des données environnementales ou par la mobilisation des technologies au service de la transition environnementale. Ces éléments sont essentiels afin d’assurer la convergence des transitions numérique et écologique. Il n’y aura pas de transition écologique sans transition numérique, mais cela ne se fera pas à n’importe quel prix. Le secteur doit travailler sur sa propre empreinte environnementale.
Les tendances sont incontestables, et l’une des principales vertus des travaux de la mission d’information et de cette proposition de loi est de mettre l’église du numérique au centre du village, donnant ainsi le « top départ » d’une stratégie devant mobiliser toutes les énergies.
Dans le monde, comme en France, cela a été dit et redit, le numérique constitue une source importante de gaz à effet de serre. Il a également un impact sur l’épuisement des ressources naturelles, ainsi que sur la pollution de l’eau, de l’air et du sol.
Malgré les efforts considérables des acteurs du secteur, l’accélération de la transition numérique entraînera nécessairement une augmentation de ses impacts, augmentation qui ne pourra sans doute pas être compensée entièrement par l’amélioration de l’efficacité énergétique du numérique. Ces impacts sont majoritairement liés aux terminaux, notamment à leur fabrication et à leur distribution.
La question de l’empreinte environnementale du numérique est aujourd’hui centrale et ne se résume pas au seul totem de la 5G. Je suis de ceux qui, sans hésiter, affirment que la 5G n’est pas ce « grand Satan » que certains responsables, voyant sans doute là une martingale politique de court terme, dénoncent sans cesse et souvent de manière outrancière.