Intervention de Hervé Gillé

Réunion du 12 janvier 2021 à 14h30
Réduction de l'empreinte environnementale du numérique — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Hervé GilléHervé Gillé :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’initiative prise par nos collègues Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte permet d’apporter un éclairage novateur, judicieux et pertinent sur l’empreinte environnementale du numérique. Qu’ils en soient remerciés ! Ce sujet appelait depuis longtemps un débat et un travail de fond, dont la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est opportunément saisie. Le soutien de 130 cosignataires en confirme l’importance.

Toutes les politiques publiques devraient désormais s’inscrire dans une démarche d’évaluation environnementale afin de conditionner leur mise en œuvre. Cela semble s’imposer pour le numérique, qui prend une dimension particulière avec la montée en puissance de la 5G, avec comme corollaire une évolution significative des usages, des moyens et des outils.

L’évolution d’une prise de conscience générale s’est traduite dans plusieurs rapports et propositions. Je citerai ceux de la Convention citoyenne pour le climat et du Haut Conseil pour le climat, sur l’empreinte environnementale de la 5G, de l’Arcep, pour des politiques numériques plus soutenables. Aussi cette proposition de loi contribue-t-elle à ouvrir objectivement un débat trop souvent marqué par des radicalités peu éclairantes, souvent réductrices, qui ne permettent pas d’envisager ces problématiques dans toute leur complexité, et cela notamment du fait de l’absence de données environnementales, d’outils pour les collecter et d’évaluations.

Comment faire de la transformation numérique un accélérateur positif de la transition écologique, si ce n’est en accompagnant et en progressant collectivement, pour conforter les démarches d’évaluation environnementale ?

L’évaluation est consubstantielle des politiques de développement durable. Reconnaissons dans ce domaine nos faiblesses, nos carences et la nécessité d’établir de nouveaux référentiels communs pour s’appuyer sur des indicateurs partagés, pour mieux mesurer les impacts et agir en conséquence sur les usages, notamment par une meilleure information et une responsabilisation des acteurs et des usagers.

Il s’agit de mieux réguler en s’appuyant sur des données objectives en créant, à l’article 3 du texte, un observatoire des impacts environnementaux du numérique, mais également sur les plus-values et gains potentiels apportés par le numérique à la transition écologique.

Une approche globale est proposée dans ce texte. Elle doit fournir un cadre vertueux en intervenant sur l’ensemble de la chaîne numérique – des équipements aux logiciels, jusqu’aux centres de données – et en abordant les questions de durabilité, de réemploi et d’obsolescence, souvent dénoncée et pourtant si mal régulée.

L’équilibre des propositions se fait par des mesures d’incitation pour susciter la prise de conscience et des mesures contraignantes afin d’imposer aux opérateurs de réduire réellement leur impact environnemental. L’approche normative est confortée notamment, quant à l’obsolescence, dans une logique de responsabilité sociétale des acteurs plutôt qu’au travers d’un cadre exclusivement contraignant.

Enfin, le texte approfondit la responsabilité sociétale de tous les acteurs : particuliers, entreprises, collectivités et territoires. La responsabilité sociétale des entreprises doit en effet étudier les conditions de son extension à la sobriété numérique et il est essentiel que tous les acteurs du secteur public, comme du secteur privé, s’inscrivent dans ces orientations pour une évolution favorable du sujet.

Les territoires sont évidemment le maillon indispensable d’une politique d’équilibre pour une couverture numérique ambitieuse et le respect de l’environnement, pour une convergence entre transition numérique et transition écologique.

Les amendements socialistes adoptés en commission se sont traduits dans un nouveau chapitre intitulé « Promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires », en affirmant une gouvernance territoriale : en permettant aux collectivités de plus de 50 000 habitants d’inscrire une stratégie numérique dans leur rapport de redevabilité sur le développement durable ; en intégrant les data centers dans les systèmes énergétiques locaux et dans les plans climat-air-énergie territoriaux ; en mobilisant l’achat public pour réduire l’empreinte carbone du numérique au sein des schémas de promotion des achats publics responsables.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez invoqué dans un premier temps l’urgence du déploiement de la 5G afin d’éviter une perte de compétitivité et d’attractivité pour notre pays. Dans un second temps, vous avez défendu l’utilité des nouvelles technologies numériques pour accélérer la transition écologique. Notre difficulté, nous le savons, réside dans ce que les modèles de leur développement s’appuient sur les usagers ainsi que sur la multiplication et la diversité de l’offre en vue de trouver une rentabilité. Ces enjeux économiques et financiers ne doivent pourtant pas nous détourner de nos objectifs environnementaux, aujourd’hui essentiels.

L’enjeu primordial de ce texte est de valoriser le numérique en maîtrisant son empreinte environnementale pour qu’il soit un outil de progrès, atout d’une transition écologique et non pas obstacle aux enjeux climatiques. L’initiative du Sénat sur le sujet, qui a été très suivie, marque la nécessité de répondre rapidement au défi d’une politique numérique responsable sur le plan environnemental.

Cette proposition de loi apporte les premières solutions pour envisager une meilleure régulation, en informant et en responsabilisant tous les acteurs, opérateurs et citoyens, et en introduisant une approche territoriale indispensable. Évidemment, beaucoup reste à faire, mais il est essentiel d’introduire cette politique. Nous soutiendrons donc ce texte.

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