Intervention de Jean-Paul Prince

Réunion du 12 janvier 2021 à 14h30
Réduction de l'empreinte environnementale du numérique — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Paul PrinceJean-Paul Prince :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la relation entre numérique et environnement est ambivalente.

D’un côté, la numérisation est présentée comme un outil incontournable de lutte contre le réchauffement climatique. En effet, l’intelligence artificielle et le big data sont aujourd’hui mobilisés pour mener la transition énergétique. Compteurs et réseaux intelligents vont avoir la capacité d’ajuster en temps réel l’offre à la demande d’électricité et, ainsi, d’offrir le pilotage nécessaire au déploiement d’énergies renouvelables par nature intermittentes, comme l’éolien ou le solaire.

Le numérique sera la clé d’amélioration de l’efficacité énergétique de toute l’économie.

Mais, d’un autre côté, il faut bien reconnaître que les vertus environnementales du numérique ne sont encore qu’en puissance. Car la numérisation est de plus en plus énergivore. L’ensemble des équipements permettant de traiter, de stocker et d’échanger des données absorberait déjà entre le quart et la moitié de l’électricité mondiale, générant entre 2 % et 10 % des émissions mondiales de CO2. Et sa part dans la consommation planétaire d’électricité augmente de 2 % par an. Le rapport Villani de 2018 pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) a prouvé qu’à ce rythme le numérique siphonnerait la moitié de l’énergie du monde en 2030 et la totalité en 2040…

Le numérique ne pourra donc tenir ses promesses écologiques que si l’on s’emploie à le décarboner en amont. C’est bien pourquoi le présent texte n’a rien d’anodin. Nous tenons à souligner son caractère précurseur.

D’ailleurs, le Haut Conseil pour le climat en a indirectement validé les conclusions dans son avis du 19 décembre sur la 5G. Au passage, c’était la première fois que le HCC était saisi par une assemblée parlementaire.

C’est aussi la première fois que le législateur se saisit en France de ce sujet d’avenir, d’autant plus déterminant que la problématique entre en résonnance avec celle de l’autonomie et de la souveraineté numérique de notre pays. Les conclusions de la mission d’information ayant conduit à la présente proposition de loi sont claires : plus de 80 % des impacts environnementaux du numérique en France sont dus aux terminaux numériques. Et pourquoi les terminaux numériques ont-ils un tel impact ? Parce qu’ils ne sont pas fabriqués en France ! Importer nos terminaux, c’est à la fois importer de la dépendance économique et de la pollution.

Le texte aborde de front le problème dans ses articles 6 à 14, qui nous semblent constituer son apport principal. La dimension pédagogique du sujet a certes son importance à long terme. Mais aujourd’hui, c’est la limitation de l’importation et du renouvellement des terminaux qui constitue le nerf de la guerre.

Pour conclure, je dirai un mot de l’énorme travail effectué en commission pour compléter la première mouture du texte. Nous ne pouvons que saluer les avancées réalisées pour renforcer la lutte contre l’obsolescence programmée, promouvoir l’écoconception des sites web ou renforcer la sécurité juridique du texte. Mais, dans cet hémicycle, une dimension nous tient plus que tout à cœur : la dimension territoriale. On ne rendra pas le numérique durable sans stratégies numériques responsables sur les territoires.

Grâce à la décentralisation, le numérique est devenu le phénomène central du désenclavement de la ruralité profonde. On ne le verdira aussi que grâce à la décentralisation. C’est bien ce que prévoit maintenant le texte en donnant mission aux agglomérations, aux départements et aux régions de décliner à leur échelle la feuille de route du verdissement du numérique.

Vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera ce texte.

Monsieur le secrétaire d’État, nous espérons vraiment que, à la faveur de son examen, le Gouvernement s’emparera de ce sujet. La présente proposition de loi devra être complétée, car elle n’aborde la durabilité du numérique que sous l’angle des émissions de CO2. Or l’empreinte environnementale du numérique pèse aussi par sa consommation de matières premières, en particulier de métaux et de terres rares.

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