Intervention de Stéphane Sautarel

Réunion du 12 janvier 2021 à 14h30
Réduction de l'empreinte environnementale du numérique — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Stéphane SautarelStéphane Sautarel :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission d’information conduite par nos collègues Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, relative à l’empreinte environnementale du numérique en France, a identifié un véritable angle mort de notre politique de lutte contre le réchauffement climatique. Or, si nous voulons atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris, nous devons nous pencher sur la pollution du secteur numérique.

En ce sens et à partir des vingt-cinq propositions figurant dans le rapport de nos collègues, nous avons été nombreux à cosigner cette proposition de loi. Le caractère transpartisan de ce texte, le rôle majeur du Sénat comme défricheur d’un champ émergent encore mal appréhendé, la dimension anticipatrice et préventive de cette proposition de loi lui confèrent un caractère novateur à divers titres.

De nombreux aspects du texte ont été abordés. Pour ma part, je souhaite centrer mon intervention sur un point essentiel : la responsabilité des entreprises.

Pour autant, d’autres dimensions introduites par cette proposition de loi me semblent emblématiques de l’évolution nécessaire de nos politiques publiques et de notre responsabilité collective autour de l’information, de la formation et de la prévention.

Avec l’information et la formation, tout d’abord, il s’agit d’assurer un retour à la confiance dans la parole du politique, au sein d’une société chaque jour davantage frappée par des informations erronées et non hiérarchisées provenant de sources invérifiables, et où les fake news ont envahi notre espace. À ce titre, l’éducation des plus jeunes dès l’école à une utilisation responsable des outils numériques constitue en soi un projet de société. De même, la conditionnalité introduite dans le parcours diplômant des ingénieurs en informatique à une certification en écoconception logicielle me semble être un élément essentiel.

La prévention, ensuite, constitue une innovation majeure pour nos politiques publiques. La plupart du temps, nous agissons en réaction, en correction. Là, nous avons la possibilité avec cette loi d’anticiper, de prévenir. La part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre passerait en effet de 2 % aujourd’hui à près de 7 % en 2040, soit une multiplication par 3, 5 si nous ne faisons rien.

Nous le savons. Nous pouvons donc agir sur les divers leviers proposés : éducation, limitation du renouvellement du matériel, développement des usages écologiquement vertueux. Alors, n’hésitons pas ! Notre responsabilité collective est bien là.

J’en viens donc à la responsabilité des entreprises en matière de réduction de l’empreinte environnementale du numérique. Il me semble que nous pourrions aller plus loin encore.

La prise de conscience par les entreprises de cette nouvelle dimension environnementale tendant à mieux informer, mieux valoriser les actions engagées, mieux reconnaître leur responsabilité sociale et environnementale, est déjà bien engagée.

Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), qui ambitionnait de donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois, a fait l’objet d’une loi promulguée le 22 mai 2019.

L’entreprise participe historiquement à l’intérêt général, étant moteur du progrès économique et technologique, créateur de lien social et lieu d’accomplissement personnel.

Comment l’État peut-il jouer un rôle dans cette refondation de l’entreprise et de ses missions ? Nous avons déjà commencé à y répondre ; il nous faut aller plus loin.

La France fait en effet déjà figure de pionnier sur ces sujets. La loi relative aux nouvelles régulations économiques, dite « loi NRE », en 2001, et la loi « Grenelle II » en 2010 constituent l’arsenal juridique sur la RSE, et le contenu des déclarations RSE continue d’être façonné par le droit « souple », les entreprises étant moteur sur le sujet.

Afin d’accélérer cette dynamique, la loi Pacte a acté dans le droit le fait que l’entreprise a un deuxième objectif, parallèlement à sa profitabilité : sa raison d’être. Celle-ci peut se définir par l’expression d’un futur désirable pour le collectif.

Cette raison d’être peut notamment permettre de renforcer l’engagement des salariés, en étant porteuse de sens.

Ainsi, la loi Pacte a arrimé l’entreprise dans le XXIe siècle en consacrant sa responsabilité sociétale, qui sera désormais décryptée à travers trois niveaux d’engagement : la considération des impacts sociaux et environnementaux liés à son activité ; la réflexion sur son environnement à long terme ; enfin, le statut de « société à mission ».

On entend ici par « mission » une « raison d’être » à plus-value sociétale que se donne l’entreprise. Plus concrètement encore, il peut s’agir d’inventer de nouveaux modèles de consommation plus responsables, ou encore de contribuer à la reforestation d’un pays fournisseur, ou justement de réduire l’empreinte environnementale du numérique. C’est essentiel, la consommation électrique du numérique devant augmenter de 15 térawattheures d’ici à 2030, soit une hausse de 25 % par rapport à 2015.

Cette proposition de loi constitue une nouvelle étape dans cette évolution. Nous aurions pu imaginer que l’article 4 aille plus loin encore, en référence à la loi Pacte et pas seulement à la RSE.

Je forme le vœu qu’en ce début d’année nous adoptions ce texte qui, sur la forme comme sur le fond, marque une étape parlementaire importante dans la vie parlementaire de notre assemblée.

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