Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à saluer les travaux de la mission d’information sur l’empreinte carbone du numérique, laquelle était jusqu’ici sous-évaluée et quasiment absente des objectifs fixés dans les accords sur le climat.
Cette évaluation sur toute la chaîne de production et de consommation du numérique permet de proposer, en toute connaissance de cause, des solutions concrètes et des alternatives à la surconsommation de ces produits.
En adoptant une démarche pragmatique, cette proposition de loi répond à la nécessité de rendre visibles les impacts cachés de ce secteur dématérialisé. En amont, la majeure partie de ces impacts proviennent de la fabrication des équipements, qui est délocalisée. De même, les réseaux mobiles et les data centers, dont l’empreinte carbone est très élevée, demeurent invisibles pour l’utilisateur final.
Enfin, contrairement aux idées répandues, la multiplication des usages entraîne une surconsommation d’énergie, qui annule les gains générés dans les premières années. L’information du public et la prise de conscience des consommateurs sont donc indispensables, mais pour autant insuffisantes.
Le temps des injonctions culpabilisantes étant révolu, ce texte montre la bonne voie en proposant des solutions et des outils incitatifs auxquels les consommateurs peuvent choisir d’adhérer.
En nous appuyant, à la fois, sur l’innovation et sur la réglementation, nous avons les moyens de réguler l’obsolescence programmée des appareils et des logiciels, de rallonger la durée des usages ou encore d’inciter à l’achat de produits reconditionnés et moins énergivores. En effet, depuis le 1er janvier 2021, les vendeurs de smartphones et d’ordinateurs sont obligés d’afficher un indice de réparabilité sur ces équipements, selon l’article 16 de la loi sur l’économie circulaire, en indiquant clairement sur quelles données reposent leurs calculs.
Par ailleurs, cette loi a inscrit dans le code de l’environnement l’interdiction de toute technique visant à rendre impossible la réparation ou le reconditionnement d’un appareil. Autrement dit, il sera désormais illégal de programmer la fin de vie d’un produit et d’empêcher sa réparation par quelque moyen que ce soit.
La proposition de loi du Sénat s’inscrit dans la même logique d’efficacité avec des mesures qui reposent à la fois sur des gains écologiques et économiques. En étant complémentaires, ces deux piliers peuvent réellement inciter chaque acteur à modifier ses pratiques, qu’il s’agisse des particuliers, des entreprises ou des collectivités.
Enfin, la réparation de ces produits est créatrice d’emplois non délocalisables. Dans le Bas-Rhin, par exemple, les collectes d’anciens téléphones portables ou de chargeurs sont organisées par des associations, comme Envie, qui donnent une seconde vie à ces appareils et dont l’objectif est également de créer des emplois par la réinsertion professionnelle.
À l’échelle de notre pays, ces filières représentent un enjeu de taille dans la crise actuelle. Les articles 12 à 14 du texte y sont consacrés, notamment par la création d’un taux de TVA à 5, 5 % pour les produits reconditionnés.
Aujourd’hui, ce potentiel est encore loin d’être très utilisé selon l’étude réalisée par OpinionWay en juillet 2019 pour l’Alliance française des industries du numérique : seulement 4 à 8 millions d’appareils usagés sont reconditionnés chaque année. En revanche, une centaine de millions d’appareils qui pourraient être réparés dorment dans les tiroirs des Français. Le secteur numérique n’a pas qu’une empreinte environnementale, il a aussi une empreinte sociétale, les deux étant liées.
En conclusion, nous avons avec ce texte une feuille de route claire et précise qui permet d’impliquer les consommateurs, d’une part, et d’engager la responsabilité des producteurs, d’autre part. Pour ces différentes raisons, je voterai cette proposition de loi.