L'Assemblée nationale est revenue, en deuxième lecture, sur les modifications apportées par le Sénat en matière de recherche sur l'embryon et sur les cellules-souches embryonnaires ou pluripotentes induites.
Elle a ainsi écarté, à l'article 14, les précisions que nous avions introduites pour sécuriser sur le plan juridique les recherches sur l'embryon et les cellules-souches embryonnaires. Je vous proposerai de rétablir les prérequis applicables à ces recherches dans la rédaction issue de nos travaux en première lecture. Par ailleurs, nous avions rappelé au même article que l'interdiction de la constitution d'embryons à des fins de recherche s'entend de la conception d'un embryon humain par fusion de gamètes. Si cette précision a été retirée de l'article 14 par les députés, je constate avec satisfaction qu'elle a été en réalité déplacée à l'article 17.
En revanche, les députés ont refusé la possibilité introduite par le Sénat, pourtant à titre exceptionnel et pour des protocoles bien spécifiques, de poursuivre jusqu'à vingt et un jours la culture in vitro d'embryons surnuméraires dans le cadre de recherches dédiées à l'étude des mécanismes du développement embryonnaire précoce.
Les députés se sont toutefois montrés beaucoup moins timorés sur d'autres enjeux. Ils n'ont pas hésité à ouvrir la voie à des recherches qui soulèvent la question éthique majeure du franchissement de la barrière des espèces. En autorisant la création d'embryons chimériques à partir de l'insertion de cellules-souches embryonnaires ou pluripotentes induites dans un embryon animal, ils prennent le risque de franchir une ligne rouge sans poser aucun garde-fou.
Dans ces conditions, je vous proposerai de rester fidèle à la position adoptée par le Sénat en première lecture, et de rétablir l'interdiction de la création d'embryons chimériques tant à partir de cellules-souches embryonnaires humaines à l'article 14 qu'à partir de cellules-souches pluripotentes induites humaines à l'article 15.
J'en viens aux dispositions concernant le diagnostic préimplantatoire, prénatal et néonatal. L'Assemblée nationale a retenu à l'article 19 la définition du diagnostic prénatal que nous avions modifiée pour la mettre en cohérence avec la réalité des pratiques. Seule une précision votée en séance publique sur l'initiative de Jocelyne Guidez relative à la remise de la liste des associations spécialisées aux familles a été supprimée par les députés. Je vous proposerai une adoption en l'état, sous réserve de quelques mises en cohérence.
De même, la position du Sénat à l'article 19 bis A sur le diagnostic préimplantatoire couplé avec la recherche de compatibilité HLA (DPI-HLA) a été confirmée par les députés ; je vous propose une adoption conforme.
Alors que l'Assemblée nationale avait supprimé la possibilité de recours à cette technique, introduite par la loi de bioéthique de 2004 et pérennisée par celle de 2011, nous avions opté pour le maintien de cette pratique exceptionnelle et strictement encadrée. Je vous rappelle que l'objectif est d'accompagner un couple dans la conception d'un enfant non seulement sain de la maladie de son aîné, mais également compatible en vue d'une greffe.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a confirmé la position du Sénat tout en apportant un assouplissement au dispositif : un couple pourra renouveler une tentative de fécondation in vitro en cas d'obtention d'embryons sains, mais non HLA-compatibles, ce qui peut contribuer à augmenter ses chances de voir aboutir cette procédure.
S'agissant du diagnostic préimplantatoire (DPI), pour mémoire, l'inscription dans la loi, à titre expérimental, du recours au diagnostic préimplantatoire pour la recherche d'aneuploïdies (DPI-A), c'est-à-dire d'anomalies chromosomiques, avait été rejetée par le Sénat en séance publique ; l'Assemblée nationale a retenu en deuxième lecture la même position, après avoir réintroduit cette disposition en commission. Pour autant, la recherche se poursuit sur cette question puisque le ministre a rappelé lors de son audition le lancement d'un programme hospitalier de recherche clinique.
Concernant le diagnostic néonatal, le Gouvernement s'est finalement rangé à la position du Sénat sur l'article 19 quater : l'Assemblée nationale a en effet adopté en deuxième lecture une réécriture de l'article, qui répond aux objectifs poursuivis par cet article inséré par le Sénat, tout en conférant une base légale au diagnostic néonatal. Je vous proposerai simplement de préciser le champ des adaptations réglementaires qui seront requises pour organiser la communication des résultats d'un examen génétique aux parents d'un nouveau-né chez lequel une anomalie génétique grave aurait été détectée dans le cadre du dépistage néonatal.
Enfin, concernant la gouvernance en matière de bioéthique, l'Assemblée nationale a procédé à des modifications d'équilibre sur lesquelles on peut s'interroger. À l'article 29, les députés ont porté le nombre des membres du CCNE de quarante à quarante-six afin d'y inclure six représentants du monde associatif, accentuant d'autant la tendance de ce comité à devenir pléthorique. Or cette représentation du milieu associatif peut d'ores et déjà être assurée au titre des personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence et de leur intérêt pour les problèmes éthiques. Par ailleurs, elle limite l'ouverture de la composition du CCNE à des secteurs associatifs bien déterminés alors que d'autres segments de la société civile, comme les associations d'éducation populaire ou de culture scientifique, pourraient prétendre à une représentation.
À l'article 30, l'Assemblée nationale a rétabli, de façon assez surprenante, la mission de l'Agence de la biomédecine dans le domaine des neurosciences, alors même que cette compétence s'écarte de son coeur de métier et que l'agence n'a de toute façon jamais été en capacité de l'exercer faute de pouvoir s'adjoindre le concours des experts nécessaires. Je vous proposerai donc de rétablir la suppression de cette mission, dès lors que le CCNE assure d'ores et déjà un suivi des enjeux éthiques relevant des neurosciences.
Nous pourrions également réintroduire l'obligation pour l'Agence de la biomédecine d'inclure dans son rapport annuel une analyse de ses éventuelles décisions d'opposition à certaines recherches problématiques sur les cellules-souches embryonnaires ou sur les cellules pluripotentes induites.