Lors du premier tour des élections municipales en mars dernier, la question de l'opportunité de la tenue d'un scrutin en période de pandémie s'était posée. En dépit des précautions sanitaires prises, beaucoup d'électeurs ont certainement hésité à se déplacer et l'abstention a été très élevée. Reporté en juin 2020, le second tour a pu se dérouler dans de meilleures conditions sanitaires.
Très vite, est apparue la question du maintien ou du report des élections régionales et départementales, prévues en mars 2021. La presse s'est aussi fait l'écho de considérations politiques sur l'opportunité de modifier le calendrier électoral. L'hypothèse d'un report de ces élections après l'élection présidentielle de 2022 a ainsi été évoquée, avec comme argument qu'il ne serait pas judicieux de renouveler les conseils régionaux au moment où ils devront participer à la mise en oeuvre du plan de relance. C'est pourquoi j'étais très réservé lorsque Jean-Louis Debré s'est vu confier une mission de réflexion sur la date des élections régionales et départementales.
Le rapport du président Debré montre qu'il existe un consensus des forces politiques pour reporter les élections régionales et départementales de mars à juin 2021, mais pas au-delà. Lors de son audition devant notre commission, le président Debré a indiqué que ses conclusions n'étaient peut-être pas celles qui étaient attendues lorsqu'on lui a commandé son rapport : à l'époque, l'exécutif semblait privilégier un report des élections régionales et départementales après l'élection présidentielle.
Nous devons être attentifs à la clause de revoyure qui prévoit que, le 1er avril 2021 au plus tard, soit quelques semaines avant la date limite de parution du décret de convocation des électeurs, le comité de scientifiques devra rendre un avis sur la tenue des élections régionales et départementales en juin prochain. S'il s'agit d'un moyen de reporter à nouveau ces scrutins, nous devons indiquer que nous sommes réticents. Un report à l'automne 2021 poserait des problèmes pratiques, car il faudrait mener campagne pendant l'été, alors que les Français sont en vacances. Autres difficultés : à l'automne, le Parlement sera concentré sur l'examen du dernier budget du quinquennat et les débats politiques concerneront principalement l'élection du Président de la République.
Un motif d'intérêt général est nécessaire pour prolonger un mandat électif, ce qui est le cas en période de pandémie. Les motifs de « convenance politique » ne font toutefois pas partie des motifs admis par le Conseil constitutionnel pour reporter une élection. La démocratie ne peut être mise entre parenthèses ni confinée !
Certes, les élections locales ne sont pas de même nature que l'élection présidentielle, mais il n'en demeure pas moins qu'elles sont aussi l'expression du suffrage universel. Si l'on considère qu'une élection ne peut pas être tenue en période de pandémie, alors le risque est grand de devoir reporter aussi l'élection présidentielle de 2022. Il existe des cas de force majeure, comme un conflit armé, mais nous avons, me semble-t-il, les moyens d'assurer la sécurité sanitaire des Français lorsqu'ils se rendent à leur bureau de vote. S'il semblait difficile d'aller voter pendant le premier confinement, alors que toutes les autres actions de la vie quotidienne étaient suspendues, on peut, hormis ce cas particulier, s'en remettre au respect des mesures de distanciation sociale et des mesures sanitaires en vigueur ; on peut aussi faciliter le vote par correspondance. La démocratie ne peut pas être suspendue à la covid-19. Reporter les élections n'est qu'une solution de court terme, qui peut même s'apparenter à une solution de facilité.
Je vous propose donc d'accepter le report des élections régionales et départementales en juin 2021 : ce report ne peut plus être évité, car nous ne nous en sommes pas donné les moyens...
Toutefois, la clause de revoyure ne doit pas constituer l'occasion de reposer la question de la date des scrutins mais doit permettre, au contraire, de sécuriser leurs conditions d'organisation. De même, le rapport prévu ne devrait pas être émis par le comité de scientifiques, mais par le Gouvernement : qu'il prenne ses responsabilités !
Pour le reste, je vous suggère des mesures, en faveur desquelles nous nous sommes déjà prononcés, pour faciliter le vote par procuration et assurer la sécurité sanitaire des bureaux de vote. Je vous propose également d'organiser une campagne officielle à la radio et à la télévision pour les élections régionales, ce qui permettra aux candidats de faire campagne malgré la crise sanitaire.
Si la situation sanitaire se dégrade fortement dans les semaines qui précèdent les élections régionales et départementales, il sera toujours possible de les reporter pour cas de force majeure. Mais donnons-nous les moyens de sécuriser ces scrutins et de définir, très en amont, les mesures sanitaires à mettre en oeuvre.