Le 13 janvier dernier, le président du Sénat a écrit à notre présidente Catherine Deroche pour lui demander que notre commission fasse connaître à la Conférence des présidents du 20 janvier les suites susceptibles d'être réservées à la pétition déposée le 10 septembre 2020 sur la plateforme du Sénat demandant « la désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ». Vous avez bien voulu me mandater pour faire des propositions à ce sujet.
Je rappelle tout d'abord que la plateforme de pétitions en ligne sur le site du Sénat a été ouverte il y a près d'un an, le 23 janvier 2020. Le dispositif, expérimental, prévoit qu'une pétition proposant une modification législative ayant recueilli au moins 100 000 signatures dans un délai de six mois est transmise à la Conférence des présidents, qui se prononce sur l'éventuelle inscription d'une proposition de loi à l'ordre du jour. Cette expérimentation entre dans le champ du groupe de travail, dont notre collègue Pascale Gruny est le rapporteur, sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat.
Depuis un an, 115 pétitions ont été déposées sur la plateforme sans qu'aucune ne reçoive un soutien massif. Seule la pétition relative à l'AAH a connu une dynamique très significative, avec 70 223 signatures recueillies au moment où je vous parle. Si cette dynamique se poursuit, elle devrait atteindre le seuil nécessaire à un examen par la Conférence des présidents en mars prochain.
Avec la présidente Deroche, nous avons considéré qu'il n'était pas utile d'attendre cette échéance et que la commission pourrait se pencher sans plus tarder sur le sujet. Il est connu de notre commission. Vous vous souvenez sans doute que le Sénat a rejeté une proposition de loi inscrite dans un espace réservé du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste il y a deux ans. Nous sommes régulièrement saisis de témoignages et de demandes depuis que l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi tendant au même objet le 13 février 2020.
Depuis lors, je n'ai eu de cesse de réclamer au Gouvernement des éléments précis permettant d'évaluer l'impact de la mesure ainsi que de celui, connexe, de l'abaissement du plafond pour les bénéficiaires en couple. Force est de constater que les données disponibles sont parcellaires et insuffisantes pour nourrir un débat public et un débat parlementaire éclairé. Le coût pour les finances publiques, estimé à 560 millions d'euros par le Gouvernement, reste à préciser. L'impact pour les allocataires aussi. Il est évident que la mesure bénéficie fortement à certains ménages mais il n'est pas certain qu'elle bénéficie à tous : il serait paradoxal que pour donner satisfaction à des personnes que leur niveau actuel de revenu prive de l'allocation, on écarte des ménages à plus faibles revenus qui en sont actuellement bénéficiaires. C'est ce que nous devons vérifier et, le cas échéant, corriger.
Sur la base de ce constat, mes propositions sont les suivantes. Notre commission pourrait demander l'inscription à l'ordre du jour du Sénat de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale. Afin de disposer d'une étude d'impact, elle pourrait solliciter une évaluation de la part d'un organisme extérieur bénéficiant d'un accès aux données sociales et fiscales. Elle pourrait, à brève échéance, entendre Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, afin d'en débattre avec le Gouvernement. Elle devrait enfin instruire très soigneusement ce texte ; j'ai sollicité à ce titre l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et la Cour des comptes afin d'évaluer, dans un premier temps, la nature et la qualité des données disponibles sur ce sujet.
Voici, Madame la présidente, mes chers collègues, les principales observations et propositions que je souhaitais formuler sur cette première application d'une procédure encore inédite mais qui me paraît promise à un bel avenir !