Je suis heureux de vous retrouver avec nos collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour une table ronde consacrée à l'Arctique. Cette région polaire se trouve au coeur des préoccupations de nos deux commissions : à l'avant-poste du réchauffement climatique et de ses conséquences inquiétantes pour l'état de santé de notre planète, l'Arctique est simultanément devenu, depuis quelques années, un enjeu de puissance économique et stratégique pour un certain nombre d'États comme les États-Unis, la Russie ou la Chine. D'où cette initiative commune, donc je me réjouis, qui nous offrira une approche croisée et riche sur ce sujet complexe.
Nous le savons, l'année 2021 sera cruciale pour le climat et pour notre capacité à relever les défis que nous avons unanimement salués dans le cadre de l'accord de Paris en 2015. Une limitation du réchauffement climatique à 1,5 degré, une neutralité carbone à l'horizon 2050, des stratégies de long terme ambitieuses pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES) : ces objectifs demandent encore d'importants efforts, car cinq ans après la COP 21, nous ne sommes toujours pas sur la bonne trajectoire. L'année 2020 devait porter le relèvement des ambitions climatiques de la France, mais le contexte sanitaire a repoussé cette échéance majeure à la COP 26 qui se tiendra normalement en novembre 2021 à Glasgow.
Si la crise sanitaire que nous traversons est éprouvante, difficile pour beaucoup d'entre nous et sans précédent, la crise climatique qui se trouve devant nous est sans commune mesure, comme l'a rappelé, lors du sommet de décembre, le secrétaire général des Nations unies, M. Guterres, qui a exhorté le monde à « arrêter de faire la guerre à la planète » et à « déclarer l'état d'urgence climatique ».
Selon de nombreux chercheurs, l'Arctique fait figure de région sentinelle en matière de lutte contre le changement climatique. Elle se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète. La persistance sur de nombreux mois, depuis l'hiver dernier, de températures très au-dessus des moyennes de saison inquiète particulièrement.
Notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui suit de près ces sujets, avait envoyé une délégation au Svalbard à l'été 2016, afin d'aller, quelques mois après l'accord de Paris, au plus près des conséquences du réchauffement climatique.
Ce déplacement avait mis en évidence les conséquences du réchauffement climatique dans la région - fonte de la banquise, fonte du pergélisol, libération de GES comme le carbone et le méthane - autant de facteurs qui créent une boucle de rétroactions positives accélérant le réchauffement, également appelée « processus d'amplification ». Certains se souviennent probablement des fameuses « courbes en crocodile » que Kim Holmen, le directeur scientifique de l'Institut polaire norvégien au Svalbard, avait commentées : elles mettaient en évidence la différence entre ce que l'on mesure et ce que l'on devrait mesurer sans l'ajout de CO2 dans l'atmosphère du fait de la disparition du phénomène d'effet miroir de la neige. Selon certains experts, la banquise en Arctique pourrait même totalement disparaître en été dès 2030.
Pour débattre de ces questions, mais aussi des enjeux stratégiques de la région, je remercie nos invités : M. Olivier Poivre d'Arvor, ambassadeur en charge des pôles et des enjeux maritimes, avec nous par visioconférence, Mme Heïdi Sevestre, glaciologue, directrice de la communication scientifique à l'International Cryosphere Climate Initiative (ICCI), et M. Mikaa Mered, professeur de géopolitique des pôles arctique et antarctique à l'Institut libre d'étude des relations internationales (Ileri) et qui a récemment contribué à un documentaire passionnant intitulé « Arctique : la guerre du pôle », diffusé sur France 5.