Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 13 janvier 2021 à 9h35
Audition en commun avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur « l'arctique entre défi climatique et risques géopolitiques »

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Je remercie le président Jean-François Longeot, à l'initiative de ce débat particulièrement pertinent. En effet, l'Arctique illustre parfaitement le glissement du dérèglement climatique vers le dérèglement géopolitique.

Notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a été parmi les premières à mettre en évidence les conséquences géopolitiques du changement climatique dans un rapport de 2015, présenté notamment par notre collègue Cédric Perrin, qui avait souligné les enjeux et les risques que comportait le dérèglement climatique.

L'idée d'un lien de cause à effet direct entre changement climatique et risque géopolitique n'a pas toujours été admise comme une évidence. On a d'abord perçu le changement climatique comme un facteur aggravant, plutôt que comme un risque en soi.

La revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017 évoque le sujet, certes rapidement, en mentionnant l'Arctique comme pouvant « constituer, un jour, un espace de confrontation ».

Les conséquences du changement climatique en termes d'instabilité et de conflictualité sont de plus en plus manifestes. En Arctique, la fonte des glaces entraîne une course pour l'appropriation des ressources naturelles. L'ouverture de nouvelles voies maritimes attise les tensions. La Russie réinvestit économiquement et militairement ses territoires arctiques, tandis que la Chine s'identifie quelque peu abusivement comme un État du « proche-Arctique ». Quant aux États-Unis, ils se sont dit prêts, par la voix du président Trump, à acheter le Groenland !

Cette ruée vers l'or est-elle véritablement justifiée ? N'est-elle que le reflet d'un mouvement plus général, un symptôme du retour des États puissances sur une scène internationale de plus en plus multipolaire ? En d'autres termes, existe-t-il un risque de « dégel », non seulement de la banquise, mais aussi de conflits ou de tensions latentes, par exemple autour du Svalbard, territoire norvégien démilitarisé par un traité de 1920, ou en direction du pôle Nord, où les Russes ont planté leur drapeau sous les fonds marins dès 2007 pour matérialiser leurs revendications territoriales ?

La France dispose, depuis 2016, d'une feuille de route sur l'Arctique établie par Michel Rocard, qui qualifiait cette région de « deuxième Moyen-Orient ». Nos armées participent à la stratégie arctique française, notamment au travers des exercices de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) dans la région, par le développement d'une expertise de combat par grand froid ou par le déploiement d'activités navales et aériennes dans la zone. En septembre 2018, véritable exploit, le bâtiment de la marine nationale Rhône a, pour la première fois, emprunté le passage du nord-est de l'Arctique.

La France possède évidemment des intérêts en Arctique. Elle y défend d'abord la liberté de navigation - vous savez combien nous sommes attachés à la liberté de circulation dans les détroits et, d'une manière générale, dans le domaine maritime. Elle dispose d'une longue tradition historique d'exploration et de recherches scientifiques en milieu polaire. Mais elle n'est pas un pays arctique. Or, les États de la région, réunis au sein du Conseil de l'Arctique, n'ont aucunement l'intention de se laisser déposséder par l'introduction d'un quelconque statut international tel que celui qui régit l'Antarctique. Dès lors, quels sont nos moyens d'action et ceux de l'Union européenne ? M. Olivier Poivre d'Arvor, qui vient de prendre ses fonctions comme ambassadeur en charge des pôles et des enjeux maritimes, pourra certainement nous éclairer sur cette question.

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