Intervention de Didier Marie

Commission des affaires européennes — Réunion du 13 janvier 2021 à 14h00
Institutions européennes — Programme de travail de la commission européenne pour 2021 : communication et avis politique de mm. jean-françois rapin et didier marie

Photo de Didier MarieDidier Marie, rapporteur :

Le 19 octobre dernier, la Commission européenne a présenté son programme de travail pour 2021, intitulé « Une Union pleine de vitalité dans un monde fragile ». Le programme de travail 2020 était particulièrement ambitieux. Il visait en effet à mettre en oeuvre, pour la première fois, les orientations politiques que la Présidente Ursula von der Leyen avait présentées au Parlement européen, dans le contexte du renouvellement des institutions européennes consécutif aux élections du printemps 2019. Mais, vous le savez, la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19 a conduit la Commission à revoir ses priorités. C'est pourquoi je dresserai un bilan de l'activité de la Commission au cours de cette année 2020, marquée en outre par son premier rapport de prospective stratégique.

Comme l'a indiqué la Commission en réponse à notre avis politique sur son programme de travail 2020, « la pandémie de Covid-19 impacte profondément notre travail ». En effet, la Commission a cherché à apporter « une réponse européenne globale et coordonnée » à la crise. Aussi, le 27 mai dernier, a-t-elle présenté plusieurs initiatives, dont le remaniement de son programme de travail, une modification du cadre financier pluriannuel 2021-2027 et un plan de relance.

Dans son programme de travail remanié, la Commission indique qu'elle « n'avait jamais autant fait usage de la souplesse des règles en matière budgétaire et d'aides d'État ». Elle cite aussi ses nombreuses propositions pour faire face à la crise, en matière de transports, de commerce, d'aide aux pays tiers, de gestion des frontières, de droits des passagers, etc. Au total, plus de 800 décisions et actes non prévus au programme de travail initial ont été pris par la Commission.

Tout en cherchant à respecter les engagements pris, la Commission a été contrainte de revoir le calendrier de certaines de ses initiatives. Ainsi, fin mai, sur les 96 initiatives annoncées pour cette année :

- 25 initiatives avaient été présentées ou adoptées, dont le Pacte vert pour l'Europe et le plan d'investissement qui lui est lié, le fonds pour une transition juste, les stratégies « De la ferme à la table », en faveur de la biodiversité, pour une Europe adaptée à l'ère du numérique, sur les données, en faveur des PME, en faveur de l'industrie ou encore avec l'Afrique, ainsi que le régime européen de réassurance chômage ou encore le plan d'action en faveur des droits de l'Homme et de la démocratie ;

- 41 initiatives restaient programmées aux mêmes échéances, par exemple les stratégies pour une intégration intelligente des secteurs et pour une mobilité durable et intelligente, la législation sur les services numériques, le plan d'action sur les marchés de capitaux, la mise en place d'un espace européen d'éducation ou encore le plan européen de lutte contre le cancer. Je note que certains textes ont été présentés depuis le remaniement du programme de travail 2020, comme la proposition sur les salaires minimaux, le Pacte sur la migration et l'asile, le premier rapport sur l'État de droit ou encore la stratégie pour l'union de la sécurité ;

- enfin, 30 initiatives étaient reportées, éventuellement en 2021, dont le Pacte européen pour le climat, la stratégie pour les forêts, le suivi du livre blanc sur l'intelligence artificielle, le réexamen du règlement concernant l'itinérance ou encore la communication sur la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle.

Par ailleurs, la Commission a présenté, le 9 septembre dernier, son premier rapport de prospective stratégique, annoncé par son programme de travail 2020. Son objectif, sur la base d'un recensement des nouveaux défis, est de placer la prospective stratégique au coeur du processus d'élaboration des politiques européennes. Le thème central de ce premier rapport est la résilience - le terme y est cité plus de cent fois -, devenue centrale depuis la crise sanitaire. Il s'agit de renforcer la résilience de l'Union dans quatre dimensions interdépendantes, les dimensions socio-économique, géopolitique, écologique et numérique. Pour chacune de ces dimensions, le rapport expose les capacités, les vulnérabilités et les perspectives ouvertes. Il est illustré de plusieurs études de cas, sur les matières premières critiques, la stratégie climatique de l'UE à l'horizon 2050 ou encore les emplois verts. Pour en assurer le suivi, la Commission propose de mettre en place des tableaux de bord de la résilience, dont son rapport propose des prototypes, et comprenant des indicateurs élaborés avec les États membres et d'autres parties prenantes. In fine, cette stratégie prospective alimenterait les discours annuels sur l'état de l'Union et les programmes de travail de la Commission.

J'en viens au programme de travail de la Commission européenne pour 2021. Comme l'écrit la Commission en introduction de celui-ci, « pour des raisons très différentes, 2020 sera à la fois une année à oublier au plus vite et une année à graver pour toujours dans nos mémoires ». En effet, en dépit de la pandémie et de ses conséquences, « l'Europe a montré qu'elle pouvait agir rapidement lorsqu'il le faut, faire preuve d'une réelle solidarité lorsque c'est nécessaire et changer les choses collectivement lorsqu'elle le veut ».

En 2021, la Commission aura deux principaux axes de travail : d'une part, continuer de gérer la crise et en tirer les leçons, par exemple pour ce qui concerne le financement et l'obtention d'un vaccin sûr et accessible, et, d'autre part, mettre en oeuvre le plan de relance Next Generation EU. Elle continue de mettre en avant l'indispensable transition écologique et numérique. Elle considère aussi qu'il est « plus important que jamais d'entamer le débat sur la conférence sur l'avenir de l'Europe ». Enfin, elle souligne l'importance de la prospective stratégique.

Le programme de travail comporte 44 actions, soit une de plus qu'en 2020, réparties selon les six grandes ambitions définies dans les orientations politiques d'Ursula von der Leyen : le Pacte vert pour l'Europe (4 actions), l'Europe adaptée à l'ère du numérique (9), l'économie au service des personnes (10), l'Europe plus forte sur la scène internationale (7), la promotion de notre mode de vie européen (7) et un nouvel élan pour la démocratie européenne (7).

Au total, ces 44 actions devraient être mises en oeuvre à travers 89 initiatives, selon un calendrier prévisionnel établi de façon trimestrielle - la Commission prend bien soin de préciser que ces informations restent indicatives. Le nombre d'initiatives prévues en 2021 est globalement similaire à celui de cette année (96). En revanche, la place des initiatives législatives sera beaucoup plus importante l'année prochaine, soit 59, contre 29 en 2020 ; logiquement, la part des initiatives non législatives diminue sensiblement, passant de 67 à 30 en 2021. Je laisserai le président Rapin préciser le contenu de ces diverses initiatives.

Par ailleurs, le programme de travail présente également les révisions, évaluations et bilans de qualité auxquels la Commission envisage de procéder en 2021, au titre du programme REFIT de simplification. 41 initiatives sont prévues dans ce cadre, après 44 en 2020, dont 15 au titre d'une Europe adaptée à l'ère du numérique et 12 pour ce qui concerne le Pacte vert pour l'Europe. Je peux ainsi citer de nombreux travaux annoncés sur les aides d'État, en particulier : la révision des lignes directrices sur les aides d'État à finalité régionale et celles concernant la protection de l'environnement, l'énergie, les secteurs agricole et forestier, le secteur de la pêche et de l'aquaculture et les zones rurales ; la révision de l'encadrement des aides d'État à la recherche, au développement et à l'innovation ; l'évaluation des règles en matière d'aides d'État pour le déploiement des infrastructures à haut débit et en faveur des services sociaux et de santé. Feront également l'objet d'une révision les lignes directrices sur le financement des risques et le règlement général d'exemption par catégorie (RGEC). La définition du marché pertinent dans le droit de la concurrence européen sera évaluée, ainsi que la directive de 2014 sur la compatibilité électromagnétique. Dans le domaine environnemental, de nombreux textes seront également révisés tels que la protection des indications géographiques, le règlement sur la protection de la couche d'ozone et celui concernant les transferts de déchets, la directive relative aux emballages et aux déchets d'emballages et celle relative aux émissions industrielles ou encore le règlement relatif aux additifs destinés à l'alimentation des animaux.

La Commission dresse également la liste des 50 textes déjà présentés, il y a parfois plus de dix ans, et considérés comme prioritaires, mais encore en attente, leur examen législatif restant en cours. Il y en avait 126 en 2020, ce chiffre élevé tenant alors aux nombreux textes relatifs au cadre financier pluriannuel 2021-2027. En 2021, ces propositions prioritaires en attente concerneront principalement les transports, le numérique, les secteurs financier et fiscal, la migration et l'asile ou encore le retrait des contenus terroristes en ligne.

Enfin, le programme de travail indique que seront retirées, dans un délai de six mois, 14 propositions législatives - il y en avait eu 32 en 2020. Ces retraits sont motivés, pour la plupart d'entre eux, par l'obsolescence. C'est le cas de deux propositions de règlement portant sur l'Union économique et monétaire, puisqu'une nouvelle proposition établissant une facilité pour la reprise et la résilience a été présentée. Je peux aussi citer deux propositions de règlement dont les dispositions ont été adaptées par le récent Pacte sur la migration et l'asile. Ces retraits sont également motivés par l'absence de perspective d'accord, par exemple sur l'introduction d'une carte électronique européenne de services.

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