Commission des affaires européennes

Réunion du 13 janvier 2021 à 14h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Nous allons examiner aujourd'hui un avis politique que Didier Marie et moi-même vous proposons d'adopter sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2021. Je propose à Didier Marie de prendre la parole, je lui succéderai.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Le 19 octobre dernier, la Commission européenne a présenté son programme de travail pour 2021, intitulé « Une Union pleine de vitalité dans un monde fragile ». Le programme de travail 2020 était particulièrement ambitieux. Il visait en effet à mettre en oeuvre, pour la première fois, les orientations politiques que la Présidente Ursula von der Leyen avait présentées au Parlement européen, dans le contexte du renouvellement des institutions européennes consécutif aux élections du printemps 2019. Mais, vous le savez, la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19 a conduit la Commission à revoir ses priorités. C'est pourquoi je dresserai un bilan de l'activité de la Commission au cours de cette année 2020, marquée en outre par son premier rapport de prospective stratégique.

Comme l'a indiqué la Commission en réponse à notre avis politique sur son programme de travail 2020, « la pandémie de Covid-19 impacte profondément notre travail ». En effet, la Commission a cherché à apporter « une réponse européenne globale et coordonnée » à la crise. Aussi, le 27 mai dernier, a-t-elle présenté plusieurs initiatives, dont le remaniement de son programme de travail, une modification du cadre financier pluriannuel 2021-2027 et un plan de relance.

Dans son programme de travail remanié, la Commission indique qu'elle « n'avait jamais autant fait usage de la souplesse des règles en matière budgétaire et d'aides d'État ». Elle cite aussi ses nombreuses propositions pour faire face à la crise, en matière de transports, de commerce, d'aide aux pays tiers, de gestion des frontières, de droits des passagers, etc. Au total, plus de 800 décisions et actes non prévus au programme de travail initial ont été pris par la Commission.

Tout en cherchant à respecter les engagements pris, la Commission a été contrainte de revoir le calendrier de certaines de ses initiatives. Ainsi, fin mai, sur les 96 initiatives annoncées pour cette année :

- 25 initiatives avaient été présentées ou adoptées, dont le Pacte vert pour l'Europe et le plan d'investissement qui lui est lié, le fonds pour une transition juste, les stratégies « De la ferme à la table », en faveur de la biodiversité, pour une Europe adaptée à l'ère du numérique, sur les données, en faveur des PME, en faveur de l'industrie ou encore avec l'Afrique, ainsi que le régime européen de réassurance chômage ou encore le plan d'action en faveur des droits de l'Homme et de la démocratie ;

- 41 initiatives restaient programmées aux mêmes échéances, par exemple les stratégies pour une intégration intelligente des secteurs et pour une mobilité durable et intelligente, la législation sur les services numériques, le plan d'action sur les marchés de capitaux, la mise en place d'un espace européen d'éducation ou encore le plan européen de lutte contre le cancer. Je note que certains textes ont été présentés depuis le remaniement du programme de travail 2020, comme la proposition sur les salaires minimaux, le Pacte sur la migration et l'asile, le premier rapport sur l'État de droit ou encore la stratégie pour l'union de la sécurité ;

- enfin, 30 initiatives étaient reportées, éventuellement en 2021, dont le Pacte européen pour le climat, la stratégie pour les forêts, le suivi du livre blanc sur l'intelligence artificielle, le réexamen du règlement concernant l'itinérance ou encore la communication sur la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle.

Par ailleurs, la Commission a présenté, le 9 septembre dernier, son premier rapport de prospective stratégique, annoncé par son programme de travail 2020. Son objectif, sur la base d'un recensement des nouveaux défis, est de placer la prospective stratégique au coeur du processus d'élaboration des politiques européennes. Le thème central de ce premier rapport est la résilience - le terme y est cité plus de cent fois -, devenue centrale depuis la crise sanitaire. Il s'agit de renforcer la résilience de l'Union dans quatre dimensions interdépendantes, les dimensions socio-économique, géopolitique, écologique et numérique. Pour chacune de ces dimensions, le rapport expose les capacités, les vulnérabilités et les perspectives ouvertes. Il est illustré de plusieurs études de cas, sur les matières premières critiques, la stratégie climatique de l'UE à l'horizon 2050 ou encore les emplois verts. Pour en assurer le suivi, la Commission propose de mettre en place des tableaux de bord de la résilience, dont son rapport propose des prototypes, et comprenant des indicateurs élaborés avec les États membres et d'autres parties prenantes. In fine, cette stratégie prospective alimenterait les discours annuels sur l'état de l'Union et les programmes de travail de la Commission.

J'en viens au programme de travail de la Commission européenne pour 2021. Comme l'écrit la Commission en introduction de celui-ci, « pour des raisons très différentes, 2020 sera à la fois une année à oublier au plus vite et une année à graver pour toujours dans nos mémoires ». En effet, en dépit de la pandémie et de ses conséquences, « l'Europe a montré qu'elle pouvait agir rapidement lorsqu'il le faut, faire preuve d'une réelle solidarité lorsque c'est nécessaire et changer les choses collectivement lorsqu'elle le veut ».

En 2021, la Commission aura deux principaux axes de travail : d'une part, continuer de gérer la crise et en tirer les leçons, par exemple pour ce qui concerne le financement et l'obtention d'un vaccin sûr et accessible, et, d'autre part, mettre en oeuvre le plan de relance Next Generation EU. Elle continue de mettre en avant l'indispensable transition écologique et numérique. Elle considère aussi qu'il est « plus important que jamais d'entamer le débat sur la conférence sur l'avenir de l'Europe ». Enfin, elle souligne l'importance de la prospective stratégique.

Le programme de travail comporte 44 actions, soit une de plus qu'en 2020, réparties selon les six grandes ambitions définies dans les orientations politiques d'Ursula von der Leyen : le Pacte vert pour l'Europe (4 actions), l'Europe adaptée à l'ère du numérique (9), l'économie au service des personnes (10), l'Europe plus forte sur la scène internationale (7), la promotion de notre mode de vie européen (7) et un nouvel élan pour la démocratie européenne (7).

Au total, ces 44 actions devraient être mises en oeuvre à travers 89 initiatives, selon un calendrier prévisionnel établi de façon trimestrielle - la Commission prend bien soin de préciser que ces informations restent indicatives. Le nombre d'initiatives prévues en 2021 est globalement similaire à celui de cette année (96). En revanche, la place des initiatives législatives sera beaucoup plus importante l'année prochaine, soit 59, contre 29 en 2020 ; logiquement, la part des initiatives non législatives diminue sensiblement, passant de 67 à 30 en 2021. Je laisserai le président Rapin préciser le contenu de ces diverses initiatives.

Par ailleurs, le programme de travail présente également les révisions, évaluations et bilans de qualité auxquels la Commission envisage de procéder en 2021, au titre du programme REFIT de simplification. 41 initiatives sont prévues dans ce cadre, après 44 en 2020, dont 15 au titre d'une Europe adaptée à l'ère du numérique et 12 pour ce qui concerne le Pacte vert pour l'Europe. Je peux ainsi citer de nombreux travaux annoncés sur les aides d'État, en particulier : la révision des lignes directrices sur les aides d'État à finalité régionale et celles concernant la protection de l'environnement, l'énergie, les secteurs agricole et forestier, le secteur de la pêche et de l'aquaculture et les zones rurales ; la révision de l'encadrement des aides d'État à la recherche, au développement et à l'innovation ; l'évaluation des règles en matière d'aides d'État pour le déploiement des infrastructures à haut débit et en faveur des services sociaux et de santé. Feront également l'objet d'une révision les lignes directrices sur le financement des risques et le règlement général d'exemption par catégorie (RGEC). La définition du marché pertinent dans le droit de la concurrence européen sera évaluée, ainsi que la directive de 2014 sur la compatibilité électromagnétique. Dans le domaine environnemental, de nombreux textes seront également révisés tels que la protection des indications géographiques, le règlement sur la protection de la couche d'ozone et celui concernant les transferts de déchets, la directive relative aux emballages et aux déchets d'emballages et celle relative aux émissions industrielles ou encore le règlement relatif aux additifs destinés à l'alimentation des animaux.

La Commission dresse également la liste des 50 textes déjà présentés, il y a parfois plus de dix ans, et considérés comme prioritaires, mais encore en attente, leur examen législatif restant en cours. Il y en avait 126 en 2020, ce chiffre élevé tenant alors aux nombreux textes relatifs au cadre financier pluriannuel 2021-2027. En 2021, ces propositions prioritaires en attente concerneront principalement les transports, le numérique, les secteurs financier et fiscal, la migration et l'asile ou encore le retrait des contenus terroristes en ligne.

Enfin, le programme de travail indique que seront retirées, dans un délai de six mois, 14 propositions législatives - il y en avait eu 32 en 2020. Ces retraits sont motivés, pour la plupart d'entre eux, par l'obsolescence. C'est le cas de deux propositions de règlement portant sur l'Union économique et monétaire, puisqu'une nouvelle proposition établissant une facilité pour la reprise et la résilience a été présentée. Je peux aussi citer deux propositions de règlement dont les dispositions ont été adaptées par le récent Pacte sur la migration et l'asile. Ces retraits sont également motivés par l'absence de perspective d'accord, par exemple sur l'introduction d'une carte électronique européenne de services.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Mes chers collègues, après la présentation générale de Didier Marie, je souhaiterais vous donner des précisions sur les initiatives que la Commission devrait prendre en 2021 pour chacune de ses six priorités politiques, en centrant mon propos sur les principales d'entre elles.

Le Pacte vert pour l'Europe comporte de nombreuses propositions, dont la plupart sont de nature législative. Le principal axe consistera à aligner la réglementation européenne en matière climatique et énergétique sur l'objectif de l'Union de réduire les émissions de gaz d'au moins 55 % par rapport à leur niveau de 1990. Les différentes mesures proposées seront regroupées dans un paquet spécifique, présenté pour l'essentiel au deuxième trimestre, qui portera sur le système d'échange de quotas d'émission, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique, la taxation de l'énergie ou encore le développement des carburants alternatifs. Tout au long de l'année, sera déclinée la stratégie en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, au moyen à la fois d'initiatives législatives, par exemple pour lutter contre la déforestation, et de textes non législatifs, par exemple des plans d'action en faveur de la production biologique et de la lutte contre la pollution de l'eau, de l'air et du sol. Le second semestre sera l'occasion de traiter le sujet de la mobilité durable, avec la révision des textes sur les systèmes de transport intelligents et sur le réseau transeuropéen de transport, l'élaboration de nouvelles normes d'émission pour les véhicules à moteur et des initiatives sur le transport ferroviaire, voyageurs et fret. En fin d'année, un autre paquet sera consacré à l'économie circulaire, qui mettra l'accent sur les produits durables et l'écoconception et sur le matériel électronique.

Sur l'objectif d'une Europe adaptée à l'ère du numérique, la Commission prévoit d'importantes nouvelles mesures législatives échelonnées sur 2021. Je peux citer plusieurs de ces projets : une loi sur les données et un réexamen de la directive sur les bases de données ; une redevance numérique, y compris en tant que ressource propre ; une nouvelle identité électronique européenne fiable et sécurisée pour favoriser les activités en ligne et mieux maîtriser le partage et l'utilisation des données ; l'amélioration des conditions de travail des employés des plateformes ; des conditions de concurrence équitables, y compris au titre des marchés publics, en cas de subventions étrangères ; des évolutions du droit des consommateurs en matière électronique. Ce dossier numérique donnera également lieu à des textes non législatifs, en particulier, dès le début 2021, une feuille de route pour la décennie numérique de l'Europe, assortie d'objectifs pour 2030 en matière de connectivité, de services publics, de droit au respect de la vie privée, de liberté d'expression, de libre circulation des données ou encore de cybersécurité. Je voudrais également mentionner l'actualisation de la stratégie industrielle pour l'Europe, rendue nécessaire par l'intensification de la concurrence et les conséquences à tirer de la pandémie, ainsi qu'un plan d'action sur les synergies entre les industries civile, spatiale et de la défense.

Le programme de travail de la Commission au titre d'une économie au service des personnes est chargé. Sa première initiative législative en 2021 devrait être consacrée à un paquet de mesures visant à lutter contre le blanchiment des capitaux. L'approfondissement de l'union des marchés de capitaux donnera lieu, au fil de l'année, à la mise en place d'un cadre de protection et de facilitation des investissements, ainsi qu'à une révision des règles prudentielles pour les entreprises d'assurance, dites Solvabilité II, et de la réglementation relative aux marchés d'instruments financiers. Les modifications prévues du cadre pour la gestion des crises bancaires et la garantie des dépôts contribueront à parachever l'union bancaire. La gouvernance d'entreprise durable ferait l'objet de mesures visant à encourager les entreprises à adopter un comportement durable et responsable sur le long terme. Dans le même temps, une norme européenne en matière d'obligations « vertes » sera également établie. Dans le domaine fiscal, le régime général d'accises sera réformé, ainsi que la directive sur la taxation du tabac. À la fin de l'année, la Commission devrait proposer un dispositif permettant de décourager et contrer les mesures coercitives de pays tiers. Plusieurs initiatives non législatives seront présentées pour rendre l'économie plus équitable. Je peux citer deux plans d'action, l'un sur le socle européen des droits sociaux, prévu pour constituer l'instrument-clef du volet social de l'après-crise, et l'autre sur l'économie sociale, destiné à renforcer l'investissement social et à soutenir la création d'emplois et l'innovation sociale ; la garantie européenne pour l'enfance, pour réduire la pauvreté des enfants et leur donner accès aux services de base que sont la santé et l'éducation ; enfin, un nouveau cadre stratégique en matière de sécurité et de santé au travail.

Concernant l'objectif d'une Europe plus forte sur la scène internationale, il paraît assez logique qu'il soit surtout poursuivi au moyen d'initiatives non législatives. La Commission, qui se veut géopolitique, présentera plusieurs communications qui concerneront :

- le renforcement de la contribution de l'Union européenne au multilatéralisme basé sur des règles, l'objectif affiché étant de prendre la tête du mouvement de réforme de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de celle du commerce (OMC) pour les adapter au nouveau contexte ;

- l'Arctique, territoire très exposé au changement climatique et aux pressions environnementales ;

- le partenariat renouvelé avec les pays du voisinage méridional ;

- le désarmement, la démobilisation et la réintégration des anciens combattants, dans un objectif de stabilisation des pays touchés par des conflits ;

- une approche globale de la recherche, de l'innovation, de l'éducation et de la jeunesse ;

- l'aide humanitaire européenne dans le contexte de la pandémie de Covid-19, de façon à moderniser les partenariats et les méthodes de travail.

La seule initiative législative portera, à la fin de l'année, sur la révision des règles européennes relatives à la protection consulaire pour renforcer la solidarité européenne et mieux protéger les citoyens européens à l'étranger, notamment en période de crise.

La promotion de notre mode de vie européen constituera un axe important du programme de travail 2021, avec des propositions attendues. Un paquet « Schengen », fondé sur une stratégie redéfinissant l'avenir de cet espace de libre circulation des personnes, donnera l'occasion de modifier le mécanisme d'évaluation existant, de réviser le code frontières Schengen et de numériser les procédures de visa. Plusieurs textes législatifs donneront consistance à la stratégie européenne de sécurité : ils concerneront la lutte contre les abus sexuels contre les enfants en ligne, la révision de la réglementation sur le gel et la confiscation des produits du crime et l'établissement d'un code de coopération policière au sein de l'Union européenne. Une communication sur la lutte contre la criminalité organisée et un programme antiterroriste constitueront le volet non législatif de cette stratégie européenne de sécurité. En fin d'année, la santé fera aussi l'objet de deux initiatives législatives tirant les leçons de la crise sanitaire, avec la création d'une nouvelle agence européenne de recherche et de développement dans le domaine biomédical et la constitution d'un espace européen des données de santé. Le nouveau Pacte migratoire, présenté en septembre dernier, sera complété par des textes non législatifs : un plan d'action contre le trafic de migrants et une stratégie sur les retours volontaires et la réintégration. Une autre stratégie européenne, sur la lutte contre l'antisémitisme, sera également présentée, à la fin de l'année, pour soutenir l'action des États membres.

Enfin, plusieurs initiatives, y compris de nature législative, seront prises, au second semestre en faveur d'un nouvel élan pour la démocratie. Ce sera le cas en matière de violence sexiste et de lutte contre les crimes et discours haineux, auxquels la liste des infractions pénales européennes sera étendue. La coopération judiciaire numérique fera l'objet d'un paquet de mesures comprenant un échange d'informations sur les affaires de terrorisme transfrontières, une plateforme de collaboration destinée aux équipes communes d'enquête et un chantier de numérisation de la coopération judiciaire transfrontière. Plusieurs mesures législatives viendront également renforcer la transparence et la démocratie, par exemple la révision du statut et du financement des partis et fondations politiques européens, la réforme de la publicité politique payante, la lutte contre les recours abusifs visant les journalistes et les défenseurs des droits, ainsi que l'amélioration des droits électoraux des citoyens européens mobiles. Parmi les initiatives non législatives, je peux mentionner deux stratégies européennes, en début d'année, sur les droits de l'enfant et en faveur des personnes handicapées, ainsi qu'une communication sur la vision à long terme pour les zones rurales, qui sont parfois négligées par la politique de cohésion.

Vous le voyez, un programme très nourri et marqué, comme l'indique d'ailleurs l'intitulé de la communication de la Commission, par un volontarisme ou une certaine résilience dans le vocabulaire bruxellois.

Sur la base de cette présentation générale, Didier Marie et moi-même vous proposons de faire quelque peu évoluer l'approche que notre commission avait retenue l'année dernière. En effet, le programme de travail 2020 étant le premier de la Commission von der Leyen, notre commission avait adopté une proposition de résolution européenne très complète portant sur chacune des six priorités politiques de la Commission. Nous considérons, Didier Marie et moi, que cette résolution européenne du Sénat, destinée au Gouvernement, avait une portée programmatique pour l'ensemble de la législature européenne.

C'est pourquoi nous ne vous soumettons pas de proposition de résolution européenne cette année. En revanche, nous pensons nécessaire d'adresser à la Commission un avis politique, qui vous a été préalablement diffusé, qui présenterait la position de notre commission sur un nombre limité de points prioritaires, que la Commission serait appelée à prendre en compte dans ses propositions législatives et non législatives en 2021. Elle devra en effet apporter une réponse à notre avis politique sous trois mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Je souscris pleinement aux propos de nos rapporteurs, qui s'inscrivent dans le droit fil des travaux de notre commission. Cependant, après une remarque générale, je proposerais quelques ajustements.

Actuellement, les contours européens bougent et la stabilité européenne a été frappée de plein fouet, notamment à ses frontières. Pourtant, nulle part dans l'avis politique que vous nous présentez, cette notion de frontières et les défis liés aux migrations n'apparaissent. La semaine dernière, lors de notre déplacement à Calais et Boulogne, nous avons observé les conséquences du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Lier la crise migratoire et la crise sanitaire exige une réflexion européenne qui s'inscrive dans un cadre large. Je regrette que cette dimension soit absente de l'avis politique.

La réforme de la politique agricole commune (PAC), dont il est question à l'alinéa 16, est une source d'inquiétude pour de nombreux agriculteurs et pour l'ensemble de ce secteur économique. Pour nos ultramarins, je souhaiterais que soit ajouté un alinéa indiquant qu'une vigilance accrue doit être portée au suivi du Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSÉI). C'est un enjeu fort et une réelle fragilité du dispositif, comme nous l'avons constaté lors de l'audition de M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, le 26 novembre dernier.

Je souhaiterais aussi qu'un alinéa soit ajouté sur l'exigence d'une vigilance accrue en matière d'aide aux filières agricoles en difficulté (élevage, filière viticole, etc.). Sur ces sujets, notre commission a notamment adopté en 2018 une proposition de résolution européenne sur les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) et, en 2019, une proposition de résolution européenne tendant à garantir, au sein de la PAC, le système d'autorisation préalable de plantation viticole jusqu'en 2050. De même, n'oublions pas la filière bois et les forêts.

L'alinéa 36, qui porte sur les questions de défense, est équilibré et bien rédigé. Mais il faut réfléchir à notre stratégie de défense, même si certains États sont partis... Il me semblerait utile de manifester un voeu qui pourrait être exprimé ainsi : « entend réfléchir sur l'importance d'une coopération privilégiée en matière de défense avec le Royaume-Uni ».

Par ailleurs, nous avons des accords de voisinage avec les pays du Partenariat oriental qui ne sont pas membres de l'Union européenne. Je m'inquiète de ce à quoi nous assistons : je pense à la guerre au Haut-Karabakh en novembre dernier, mais aussi à la Géorgie et à la Moldavie, où l'on observe des évolutions des lignes de frontières, des conflits gelés qui n'en sont pas et qui sont proches de l'implosion. Cette situation justifierait, selon moi, de compléter l'alinéa 38 par les mots suivants : « entend que soit menée une réflexion sur les contours de la politique de voisinage de l'Union avec l'Est du continent ».

Je terminerai par une interrogation sur l'alinéa 43 relatif à la stratégie européenne de sécurité. Je suis tout à fait favorable à l'idée de conduire une « réflexion approfondie sur les voies et moyens d'une extension du champ de compétences du Parquet européen à la lutte contre la cybercriminalité ». Mais pourquoi n'étendrait-on pas cette compétence au terrorisme et aux crimes environnementaux ?

Après ces quelques suggestions, je tiens à saluer à nouveau le travail que vous avez réalisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Sur la question transfrontalière, nous observons effectivement un amalgame contrariant entre la crise migratoire et la crise sanitaire. Sur la crise migratoire, comme nous l'avons rappelé dans le texte, nous attendons des avancées avec et sur le Pacte sur la migration et l'asile. Le 22 octobre dernier, le Bureau de notre commission a entendu sur le sujet M. Margaritis Schinas, vice-président de la Commission européenne, chargé des migrations et de la promotion du mode de vie européen.

Sur l'alinéa 16 et la question de l'agriculture, je ne suis pas opposé à le modifier à la marge, mais je ne suis pas convaincu que cela soit réellement opportun, car il ne faut pas perdre de vue que l'objet de notre avis politique est le programme de travail de la Commission européenne pour 2021.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Sur la question migratoire, nous attendons effectivement le Pacte sur la migration et l'asile. Il y a d'ailleurs des travaux en cours sur le sujet par nos collègues André Reichardt et Jean-Yves Leconte.

Sur la PAC, je suis favorable à la proposition de Gisèle Jourda d'insister sur les filières en difficulté car c'est un élément que la Commission pourrait prendre plus spécifiquement en compte.

Nous n'avons pas spécifiquement fait référence au programme POSÉI dans l'avis politique car il figure déjà dans le programme de la Commission, ainsi que dans la résolution européenne de l'année dernière.

Pour le Partenariat oriental, il est également spécifiquement mentionné dans le programme de travail de la Commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Sur la question soulevée par Gisèle Jourda sur la coopération en matière de défense avec le Royaume-Uni, je tiens à vous indiquer que ce fut l'un des éléments de mon propos à la COSAC qui s'est tenue lundi. Auprès des présidents des commissions des affaires européennes des 27 parlements de l'Union européenne, j'ai défendu que nous ne pourrons pas nous priver de l'expertise du Royaume-Uni, tant en matière de défense qu'en matière de politique spatiale.

Nous pouvons effectivement ajouter une mention sur les filières agricoles en difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Je tiens à ce que l'exigence d'une réflexion sur les contours politiques du voisinage qui est source de tensions à l'Est soit intégrée à l'avis politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je vous remercie de nous avoir communiqué l'avis politique en avance afin que nous puissions nous forger une idée. Nous ne pouvons donner notre aval à cet avis politique qui approuve d'emblée un programme de travail largement insuffisant pour éteindre les effets de la grave crise sociale qui gagne la France et l'ensemble de l'Union européenne. Cette crise sociale a déjà déclenché toute une série de crises politiques en Europe et mérite une réflexion ambitieuse pour repenser en profondeur le modèle social européen. Malheureusement, l'avis politique se contente d'effleurer la question. L'alinéa 29 se résume à une énumération de voeux pieux sur la question du socle des droits sociaux européens.

Par conséquent, je ne peux me ranger à la tactique qui consiste à dire que notre commission approuve le programme de travail de la Commission européenne pour ensuite émettre quantité de réserves. Si je partage en partie ces réserves, leur formulation me semble trop générale et aucune n'insiste sur les sujets qui fâchent. En matière de politique de concurrence par exemple, l'avis insiste sur le besoin de réviser les règles actuelles alors même que le projet Hercule fait débat et que la stricte mise en oeuvre des règles de concurrence affaiblit les outils industriels européens.

Concernant les politiques de santé, les alinéas 41 et 42 mériteraient d'être précisés : ils révèlent une exigence opportune et donc, en creux, une certaine inquiétude quant à la transparence des politiques d'évaluation en matière de santé en Europe. Ce sujet fondamental est d'actualité, avec le développement d'une politique de santé et d'une politique vaccinale européennes. Les rapporteurs peuvent-ils nous préciser ce qu'il en est ?

Enfin, même si je n'approuverai pas l'avis politique, la dernière partie concernant la question démocratique me paraît très importante. Faute de rénover les méthodes de construction démocratique de l'Union, nous ferons face à des problèmes croissants de défiance et d'adhésion des populations européennes aux politiques mises en oeuvre. Au-delà de l'avis politique que nous proposons, nous devrions être à l'origine, pour notre propre pays, d'initiatives nouvelles dans la manière d'organiser le débat européen et notamment, de préparer la Conférence sur l'avenir de l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

La première partie de votre exposé reflète une vision très politique de l'Europe. Je ne peux que constater que l'élaboration du programme de travail de la Commission suit une procédure bien définie sur laquelle nous n'avons pas de prise.

Sur la question très importante de la politique de santé, nous nous montrons très exigeants car nous savons que tout est à construire. Pour l'heure, il n'existe pas de politique de santé européenne. Il aura fallu la crise sanitaire que nous connaissons pour que, pour la première fois, des lignes budgétaires soient dédiées à la santé.

Sur l'aspect démocratique enfin, votre réflexion ne me semble pas appeler de modification de l'avis politique, d'autant qu'il est acquis que vous vous exprimerez contre cet avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Pour lever toute ambiguïté, je souhaite indiquer à notre collègue Pierre Laurent que la formulation « approuve le programme de travail » est peut-être un peu large ; elle signifie en fait que l'on prend acte du programme de travail de la Commission et, bien que nous émettions un avis sur ce programme, nous n'avons en effet pas la faculté législative de le modifier. L'intervention de Mme von der Leyen se traduit par une perspective législative sur laquelle, l'année dernière, nous nous sommes prononcés en émettant un avis politique et en adoptant une proposition de résolution européenne. Aujourd'hui, nous proposons un nouvel avis politique en insistant sur certains points pour demander des améliorations et la prise en compte des considérations qui ont été, la plupart du temps, émises tout au long de l'année par notre commission sur un certain nombre de thèmes - notamment la santé. Si, déjà, la Commission accédait à nos demandes, nous aurions beaucoup avancé ! Pour résumer notre démarche : nous prenons acte du programme de travail de la Commission et, sans pouvoir toucher à tous les thèmes, nous réitérons l'ensemble des propositions déjà faites par notre commission et qui n'ont malheureusement pas encore prospéré.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Comme je l'ai dit précédemment, notre avis ne fera pas changer le programme de travail de la Commission ; il insiste simplement sur certains points.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Comme Pierre Laurent, j'ai été interpellée par l'usage du terme « approuve » le programme de travail de la Commission ; la proposition de Didier Marie, consistant à simplement « prendre acte » du programme me convient mieux - ce qui ne signifie pas que nous ne sommes pas d'accord sur le fond - , mais en tant que commission souveraine, nous avons le droit d'exprimer notre propre avis. Il me semblerait donc approprié de substituer le terme « prend acte » au terme « approuve ».

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

M. le Président, qu'en est-il des propositions que j'ai pu faire concernant les différents alinéas, notamment l'alinéa 16, de l'avis politique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Les remarques de notre collègue concernaient l'alinéa 16 qui a trait aux secteurs en difficulté : secteur viticole, bois et forêts, sucre, élevage, mais également un rappel sur le Royaume-Uni, puis les alinéas 36 et 38.

Concernant l'alinéa 36, relatif à la coopération avec le Royaume-Uni en matière de défense, le président Rapin a souligné tout à l'heure, comme il l'a fait lors de la dernière COSAC, qu'il n'y a pas de modification à apporter à notre texte. La Commission affiche en effet sa volonté de poursuivre ses relations avec le Royaume-Uni, lesquelles relèvent d'accords toujours en cours. L'alinéa 38 relatif au Partenariat oriental pourrait, avec l'accord du Président, être enrichi d'une formule pour renforcer l'idée qui y est exprimée.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

J'aurais deux remarques à formuler. Tout d'abord, l'énumération des filières agricoles en difficulté ne me semble pas opportune ; nous risquerions d'en oublier... Ensuite, il me semble important de mentionner, au titre de la réforme de la PAC, l'introduction du système des éco-régimes et leur impact potentiel. Comment la Commission européenne va-t-elle prendre en compte ces éco-régimes, définis par chacun des pays en vertu du principe de subsidiarité, et faire contrôler leur bonne application ? Une disparité dans la définition et la mise en oeuvre effective de ces éco-régimes est à craindre, au détriment de la compétitivité de nos agriculteurs et au bénéfice de ceux des pays de l'Est. Soumis à des règles moins contraignantes et à des contrôles moins rigoureux, les produits issus de ces pays pourraient inonder nos marchés à bas coût, causant la perte de nos agriculteurs. Je pense donc que le problème des éco-régimes devrait être évoqué dans l'avis politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Sur le fond, ces arguments sont valables. Nous devons retenir une formulation large sur les filières en difficulté, faute de pouvoir les citer de manière exhaustive. Si vous en êtes d'accord, je propose de remplacer le terme « approuve » le programme de travail de la Commission par le terme « reçoit ».

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Concernant les filières agricoles, afin d'adopter une rédaction conciliant précision et exhaustivité, je suggère d'évoquer de façon générale les filières agricoles en difficulté, en en citant quelques-unes, de manière non-exhaustive. Pour l'alinéa 38 sur le Partenariat oriental, nous proposerons une rédaction tenant compte des remarques exposées plus tôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Très bien, car je sais que nous devons passer au vote sur l'avis politique. J'insiste toutefois vraiment sur cet enjeu crucial : le Partenariat oriental a failli être détruit en raison de la déstabilisation des provinces qui le composent.

La commission des affaires européennes adopte l'avis politique ainsi modifié, M. Pierre Laurent votant contre.

La commission des affaires européennes du Sénat,

Vu l'article 12 du traité sur l'Union européenne,

Vu le discours de Mme Ursula von der Leyen devant le Parlement européen du 16 juillet 2019, dans lequel elle a présenté ses priorités politiques,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 27 mai 2020 intitulée « Remaniement du programme de travail de la Commission pour 2020 », COM (2020) 440 final,

Vu la réponse de la Commission du 17 juin 2020 à son avis politique relatif au programme de travail de la Commission pour 2020, C (2020) 4145 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 9 septembre 2020 présentant le rapport de prospective stratégique 2020, intitulée « Prospective stratégique - Tracer la voie vers une Europe plus résiliente », COM (2020) 493 final,

Vu le discours sur l'état de l'Union 2020 de Mme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, devant le Parlement européen du 16 septembre 2020,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 19 octobre 2020 présentant le programme de travail de la Commission pour 2021, intitulée « Une Union pleine de vitalité dans un monde fragile », COM (2020) 690 final,

Reçoit le programme de travail de la Commission européenne pour 2021 ; insiste sur la nécessité d'une présentation régulière de son état d'avancement, dans l'objectif d'obtenir des résultats rapides et tangibles pour les citoyens européens ;

Estime que ce programme de travail doit être mis en oeuvre dans le respect du principe de subsidiarité, qui ne saurait être présumé au seul motif de l'approfondissement du marché intérieur, et selon les modalités arrêtées dans la résolution européenne du Sénat n° 106 (2016-2017) du 17 mars 2017 sur la simplification du droit européen ;

Adhère à la démarche de prospective stratégique initiée par la Commission, qui doit alimenter l'élaboration des politiques de l'Union européenne ; demande que cet exercice, y compris la définition des tableaux de bord de la résilience, associe également les parlements nationaux ; considère que les résultats de la prospective stratégique doivent être pris en compte par les travaux de la conférence sur l'avenir de l'Europe ;

Sur le Pacte vert pour l'Europe

Soutient la fixation d'un objectif de neutralité climatique de l'Union européenne à l'horizon 2050, qui marque une ambition élevée en matière de lutte contre le changement climatique cohérente avec les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat ; souligne l'ampleur des investissements nécessaires pour atteindre l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050 et la nécessité d'accompagner certains territoires et certaines filières confrontés à d'importants défis de reconversion ; insiste sur la nécessité pour l'Union européenne de ne se priver d'aucune technologie permettant d'atteindre cet objectif ambitieux ; se félicite que les observations faites par le Sénat dans son avis motivé du 22 mai 2020 relatif à la loi européenne sur le climat aient été prises en compte ;

Relève que le programme de travail de la Commission comprend un important paquet « Ajustement à l'objectif 55 » afin d'adapter la législation pertinente en matière de climat et d'énergie à l'objectif récemment proposé par la Commission visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990 ; souligne dans ce cadre, et en lien avec la perspective d'introduction de nouvelles ressources propres, l'importance de réviser de manière adéquate le système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne (SEQE) et d'introduire un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, condition nécessaire pour prévenir le risque de fuite carbone, assurer une équité dans les relations commerciales internationales et concilier lutte contre les dérèglements climatiques, développement durable, développement économique et inclusion sociale ; invite la Commission à veiller à la qualité des analyses d'impact qui accompagneront les différentes initiatives législatives de ce « paquet », compte tenu de leurs conséquences sur les politiques publiques des États membres ;

Réclame la publication des études d'impact conduites en vue de l'élaboration des stratégies « Biodiversité » et « De la ferme à la fourchette », ces dernières semblant modifier l'appréciation de la Commission sur le projet de réforme de la politique agricole commune (PAC) 2021/2027, tel que proposé pourtant par la Commission elle-même en juin 2018 ; souhaite plus particulièrement que soit rendue publique l'estimation de la diminution de la production agricole de l'Union européenne à l'horizon 2030 engendrée par ces deux stratégies ;

Souhaite que le programme de travail soit complété par des initiatives relatives à la PAC tendant à supprimer la prohibition des clauses de prix, prévue par le règlement (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles, de manière à permettre aux agriculteurs européens de pratiquer des prix communs de cession, comme le font de longue date les agriculteurs américains, à donner aux producteurs agricoles la possibilité de convenir de prix minimaux à l'issue d'une négociation collective et à considérer le « juste prix », non pas seulement comme le prix le plus bas possible pour le consommateur, mais comme un prix raisonnable et permettant une juste rémunération de chaque maillon de la chaîne de valeur alimentaire ; demande des mesures fermes de soutien aux secteurs agricoles en difficulté, dont les filières sucrière, viticole et de l'élevage ;

Appelle à une prise en compte, adaptée à la hauteur de leurs spécificités et enjeux propres, des régions ultrapériphériques (RUP) et des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) dans la mise en oeuvre et le financement des politiques européennes ; insiste sur la pérennité du financement du Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), indispensable au soutien à l'agriculture des RUP ;

Sur une Europe adaptée à l'ère du numérique

Salue la prise de conscience par l'Union européenne de l'importance des enjeux de souveraineté numérique et de l'urgence à agir ;

Accueille favorablement la confirmation de la publication, en 2021, du deuxième acte du corpus législatif visant à la création d'un espace européen des données à caractère non personnel ; rappelle que ce cadre législatif devra assurer efficacement le respect des standards européens en matière de protection des données, indépendamment de leur localisation, par tous les acteurs, européens ou non, susceptibles de les héberger et/ou de les traiter ; demande que les fournisseurs de services informatiques, tant à destination des particuliers que des entreprises, soient tenus d'assurer une totale transparence sur le lieu de stockage et de traitement des données qui leur sont confiées, ainsi que sur les finalités de ces traitements, et sur les législations auxquelles ils sont soumis ; plaide pour une approche différenciée suivant le degré de sensibilité des données considérées, en tenant compte de leur nature et des risques encourus ; appelle à ce sujet à une vigilance renforcée, concernant la mise en place d'un espace européen des données de santé et concernant les données, à caractère personnel ou non, nécessaires aux États et aux institutions européennes pour l'exercice de leurs missions régaliennes et relevant de leur souveraineté ; souligne la nécessité d'engager une réflexion coordonnée au niveau européen sur le périmètre des données stratégiques ;

Souligne la nécessité, tout en maintenant la plus grande ouverture possible envers les acteurs non-européens, de prémunir les utilisateurs du cloud européen de toute exposition à des législations ou à des pratiques permettant un accès abusif à leurs données ; appelle à accorder une attention particulière à l'interopérabilité et à la portabilité des données afin d'éviter les effets de verrouillage au sein du cloud, de stimuler l'innovation, de renforcer la concurrence et de permettre l'émergence de nouveaux acteurs ;

Souhaite la mise en place d'un projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) dans le domaine du cloud ;

Préconise, notamment dans le cadre de la révision de la directive e-commerce, que l'analyse du pouvoir de marché prenne en compte les effets de réseaux et que les relations entre les plateformes - en particulier celles qui sont en position de verrouiller le marché - et leurs utilisateurs ou concurrents soient rééquilibrées par un encadrement a priori de la collecte et de l'utilisation des données, de manière à pouvoir prendre rapidement des mesures correctrices en cas de manquement aux règles de concurrence ; estime urgent de définir la notion-clef de plateformes verrouillant un marché (gatekeeping platforms) à partir de critères précis et d'identifier le caractère systémique de certains opérateurs numériques afin de pouvoir mettre en place un suivi rapproché de ces opérateurs, y compris pour contrôler les acquisitions de petites entreprises innovantes qui génèrent peu de chiffres d'affaires et donc n'atteignent pas les seuils de notification actuels et ainsi s'assurer que l'opération envisagée n'est pas de nature à réduire la concurrence, voire à l'éliminer (killer acquisitions) ;

Appelle à un renforcement de l'écosystème numérique européen et à la mise en place d'une politique industrielle volontariste en la matière ; salue le fait que 20 % des fonds prévus dans le plan de relance européen en cours d'adoption soient destinés à la numérisation de l'économie ; appelle néanmoins à la plus grande vigilance quant à la sélection des bénéficiaires de ces fonds afin de soutenir prioritairement le développement et la croissance de sociétés européennes, pleinement respectueuses de la réglementation européenne en matière de protection des données ;

Souhaite une conclusion rapide des négociations sur la mise en place du Centre européen de compétences industrielles technologiques et de recherche en matière de cybersécurité, afin de favoriser le développement d'une filière industrielle de la cybersécurité en Europe ;

Sur une économie au service des personnes

Appelle à la mise en oeuvre rapide de l'accord obtenu sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027 et l'instrument de relance NextGenerationEU afin de permettre le déploiement dans les meilleurs délais de mesures nécessaires pour faire face aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire et accroître la résilience de l'Union européenne ;

Rappelle que les parlements nationaux doivent ratifier la décision du Conseil sur le système des ressources propres ; demande dès lors qu'ils soient mieux associés aux réflexions à venir concernant la mise en place de nouvelles ressources propres ;

Approuve la prolongation en 2021 de la suspension du Pacte de stabilité et de croissance et de l'assouplissement des règles relatives aux aides d'État, décidés pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 ;

Invite à prendre des mesures concrètes, en lien avec les partenaires sociaux et les citoyens, en vue de la mise en oeuvre du socle européen des droits sociaux, qui doit contribuer à apporter une réponse aux conséquences sociales de la crise sanitaire ; considère que de telles mesures doivent plus particulièrement porter sur l'emploi, les qualifications professionnelles et le niveau des salaires, ainsi que sur la protection des groupes vulnérables davantage affectés par la crise ;

Prend note de la présentation annoncée d'un paquet pour une économie équitable ; demande que ce paquet prévoie des mesures permettant de renforcer la lutte contre la fraude sociale transfrontalière et d'améliorer la coopération européenne en matière de lutte contre la fraude aux prestations sociales ; recommande en particulier d'autoriser l'autorité judiciaire de l'État d'accueil d'un travailleur détaché à écarter un certificat A1 obtenu de façon manifestement irrégulière, d'évaluer les coûts et avantages d'un numéro de sécurité sociale européen qui, sans se substituer au numéro de sécurité sociale national, permettrait une interconnexion plus rapide des systèmes européens de sécurité sociale, une identification et une vérification en temps réel de la couverture, d'élaborer un accord de coopération permettant d'organiser les relations de l'Autorité européenne du travail avec la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale et de procéder à une évaluation quantitative annuelle de la fraude sociale transfrontalière au niveau européen ;

Demande un renforcement substantiel, dans le programme de travail, des mesures visant à moderniser la politique européenne de la concurrence de manière à préserver la souveraineté économique et industrielle de l'Europe ; préconise la réalisation par la Commission d'analyses sectorielles systématiques de l'état de la concurrence ; appelle à clarifier le concept de « bien-être du consommateur », sur lequel est fondée la politique européenne de concurrence, et à y intégrer de nouveaux éléments comme la compétitivité, le maintien de l'emploi, la protection de l'environnement, la protection des données personnelles ou encore l'autonomie stratégique, notamment en matière sanitaire ; préconise un allongement de l'horizon temporel à au moins cinq ans afin de prendre en compte la concurrence potentielle future ; demande à la Commission d'actualiser sans tarder ses lignes directrices relatives à la définition du marché pertinent de façon à prendre en compte les évolutions de la réalité économique ; juge nécessaire de renforcer la flexibilité dans l'application du droit européen de la concurrence ; demande la mise en place d'une évaluation a posteriori et transparente des décisions de la Commission en matière de concurrence de façon à analyser la pertinence des mesures correctrices au regard des objectifs qui leur étaient assignés et à permettre à la Commission d'adapter progressivement ses futures décisions aux évolutions rapides des marchés ; propose à cet effet la création d'un Observatoire européen d'évaluation de la politique de la concurrence, organe indépendant chargé de collecter les informations relatives à l'état et à l'évolution de la concurrence dans les différents secteurs économiques ;

Soutient les propositions figurant dans le livre blanc publié le 17 juin 2020 par la Commission, qui lui permettraient d'interdire des acquisitions d'entreprises européennes par des entreprises bénéficiant de subventions publiques étrangères qui leur procurent un avantage indu, d'imposer aux entreprises des remèdes tels que des paiements réparateurs ou des mesures correctives de nature structurelle ou comportementale lorsqu'elle identifie des distorsions de concurrence sur un marché liées à de telles subventions et d'exclure des procédures de passation des marchés publics les entreprises soumissionnaires bénéficiant de subventions étrangères qui fausseraient le caractère concurrentiel de l'appel d'offres ;

Souhaite que le réexamen de la politique commerciale commune engagé par la Commission, autour du concept « d'autonomie stratégique ouverte », permette de renforcer l'atout que constitue la politique commerciale pour l'Union, qui doit être conforme aux valeurs et aux priorités politiques de l'Union, en veillant à mieux protéger les intérêts européens face aux pratiques déloyales et à assurer un meilleur suivi de la mise en oeuvre des accords commerciaux internationaux ; demande instamment de mieux associer au processus des négociations commerciales internationales les parlements nationaux qui sont appelés à ratifier les stipulations des accords dits de « nouvelle génération » relevant des compétences partagées, tel que rappelé par la Cour de justice de l'Union européenne dans son avis « Singapour » du 16 mai 2017 ;

Sur une Europe plus forte sur la scène internationale

Rappelle, au titre du renforcement de la contribution de l'Union européenne au multilatéralisme fondé sur des règles, qu'aucune disposition du droit international n'habilite un État tiers à intervenir dans la détermination de l'approvisionnement énergétique d'un ou plusieurs États membres ; insiste, par conséquent, sur la nécessité pour les autorités américaines de s'abstenir de toute sanction et de toute menace de sanction envers toute entreprise participant à la construction ou à l'exploitation d'un équipement économique sur le territoire de l'Union et respectant le droit de l'Union, tout comme celui des États membres concernés ; invite tout État tiers à privilégier la voie négociée s'il lui apparaît qu'un projet réalisé sur le territoire de l'Union pourrait être préjudiciable à ses intérêts, et à saisir éventuellement la justice internationale en cas de désaccord persistant ; s'oppose formellement à l'adoption, par tout État tiers, de sanctions visant un État membre ou une entreprise opérant sur le territoire d'un État membre hors décision préalable d'une instance juridictionnelle internationale ; souhaite dès lors que la Commission amplifie l'action qu'elle a conduite jusqu'à présent pour mettre fin à toute ingérence d'un pays tiers dans quelque élément de politique suivie par l'Union européenne ou ses États membres sur leur territoire et fasse ainsi prévaloir le droit, sans écarter l'adoption et la mise en oeuvre de sanctions de rétorsion si nécessaire ;

Salue la mise en oeuvre effective de la coopération structurée permanente en vue d'une coopération renforcée en matière de sécurité et de défense entre les États membres ; préconise, pour que cette dynamique européenne de défense produise des résultats efficaces, de renforcer la performance du processus de planification de l'Union européenne et la cohérence des actions des différentes structures impliquées dans ce processus ; soutient l'objectif général du Fonds européen de la défense visant à renforcer la compétitivité, l'efficacité et la capacité d'innovation du socle technologique et industriel européen de la défense dans toute l'Union, dès lors que ces éléments contribuent de manière importante à l'autonomie stratégique et à la liberté d'action de l'Union, en réduisant sa dépendance à l'égard de sources situées dans des États tiers et en améliorant la sécurité de son approvisionnement ; affirme l'importance de la préférence européenne, seule à même de favoriser une réelle autonomie de la base industrielle et technologique de défense européenne ; juge essentiel que le plan d'action sur les synergies entre les industries civile, spatiale et de la défense, annoncé par la Commission pour le premier trimestre 2021, permette de renforcer encore cette base industrielle et technologique de défense européenne et qu'elle conforte l'autonomie stratégique européenne ;

Demande que les initiatives que prendra la Commission en matière de politique de voisinage comportent des mesures relatives à la lutte contre la fraude, à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne et à un meilleur contrôle des financements alloués aux États tiers relevant de la politique européenne de voisinage ; estime que l'Office européen antifraude, le Parquet européen et la Cour des comptes européenne ont un rôle majeur à jouer en la matière ;

Réaffirme son fort attachement au maintien des équilibres financiers atteints pour l'affectation des crédits de la politique européenne de voisinage, à hauteur des deux tiers à la rive Sud de la Méditerranée, et d'un tiers à l'Est du continent ; appelle à une vigilance accrue à l'égard des conflits persistants dans les États relevant du Partenariat oriental ;

Prend acte de la perspective annoncée de révision de la stratégie arctique de l'Union ; souhaite qu'elle permette de réévaluer significativement cette politique afin de l'adapter aux enjeux du réchauffement climatique, plus de deux fois plus élevé dans l'Arctique que dans le reste du monde, et aux tensions géopolitiques croissantes dans cette région ;

Sur la promotion de notre mode de vie européen

Insiste pour que le programme de travail soit complété par des mesures relatives à l'évaluation des technologies de santé ; considère que ce dispositif d'évaluation doit satisfaire plusieurs conditions : des pratiques garantissant la qualité des évaluations, l'utilisation par les États membres des évaluations cliniques communes nécessaires à l'évaluation d'une technologie de santé, la possibilité pour les États membres d'effectuer une évaluation clinique complémentaire s'ils estiment que certaines études objectives et fiables n'ont pas été prises en compte ou que les études prises en compte n'ont pas été faites dans les conditions de transparence et d'indépendance prévues, le fait que les résultats des évaluations cliniques communes ne préjugent pas du résultat de l'évaluation globale faite par un État membre, la définition dans un règlement, et non par le biais d'actes d'exécution ou d'actes délégués, des garanties relatives à la qualité, à la transparence et à l'indépendance des évaluations cliniques communes, des conditions de transparence et d'indépendance permettant d'assurer l'objectivité et l'intérêt pour une plus grande sécurité sanitaire des consultations scientifiques communes pour les technologies en développement, une coopération volontaire entre États membres et l'identification des technologies de santé émergentes à un stade peu avancé de leur développement et pouvant avoir une incidence majeure sur la santé des patients, notamment en cas de pandémie ;

Appelle à la mise en place, au titre du suivi de l'espace européen de l'éducation et de la stratégie actualisée en matière de compétences prévu par le programme de travail, d'un contrôle continu, public, indépendant et transparent du respect des normes minimales de formation prévues par la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour les établissements de formation inscrits à l'annexe V de cette directive ; souhaite le développement de programmes de formation continue et de re-certification pour l'ensemble des professionnels de santé ; demande à ce que la maîtrise de la langue du pays d'accueil soit un préalable à toute reconnaissance des qualifications ; souhaite une plus grande harmonisation des actes autorisés à la pratique pour chaque profession, et une plus grande concordance entre les spécialités nationales et celles mentionnées à l'annexe V de la directive ; demande à ce que l'application du contrôle de proportionnalité avant l'adoption d'une nouvelle réglementation de professions ne porte pas atteinte à la sécurité des patients ni à la qualité des soins ; souhaite que la carte professionnelle européenne puisse fournir une information claire sur les qualifications du professionnel de santé qui demande à exercer dans un autre État membre, précisant de manière explicite si ces qualifications ont été reconnues dans l'État membre d'accueil ;

Salue les mesures annoncées en matière de stratégie européenne de sécurité ; soutient avec détermination en particulier la lutte contre le terrorisme et le renforcement de la coopération policière et judiciaire au sein de l'Union européenne ; considère que ces objectifs nécessitent des initiatives ambitieuses en matière de traitement des cybercrimes dans le cadre de la coopération judiciaire en matière pénale, d'adoption d'un régime européen de conservation des données permettant de répondre aux besoins opérationnels des services répressifs et judiciaires, de renforcement d'Europol dans la lutte contre la cybercriminalité, de coopération opérationnelle renforcée entre l'ENISA et les autorités répressives et judiciaires nationales en vue d'un cadre européen de certification en matière de cybersécurité, de conclusion dans les meilleurs délais des négociations sur le deuxième protocole additionnel à la convention sur la cybercriminalité du Conseil de l'Europe, dite convention de Budapest, ainsi que de réflexion approfondie sur les voies et moyens d'une extension du champ de compétences du Parquet européen à la lutte contre la cybercriminalité ;

Sur un nouvel élan pour la démocratie européenne

Exprime son inquiétude face à la remise en cause de l'État de droit observable dans l'Union européenne ; considère que l'appartenance à l'Union européenne implique le respect des valeurs européennes par l'ensemble des États membres ; prend acte du premier rapport annuel de la Commission sur la situation de l'État de droit dans l'Union européenne, qui constitue une source d'informations fiables ; considère que les lacunes en matière de respect de l'État de droit relevées dans ce rapport doivent faire l'objet d'un suivi régulier visant à parvenir à une amélioration concrète de la situation ;

Soutient la proposition de la Commission de lutter contre les crimes et discours haineux ; estime que cette lutte doit aussi être menée sur Internet et les réseaux sociaux ;

Rappelle que l'Union européenne est riche de sa diversité, y compris linguistique ; demande donc de nouveau avec force que les institutions européennes permettent l'usage de la langue française dans la rédaction et la traduction, immédiate, systématique et de qualité, des documents officiels et informels d'importance, sur les sites Internet des institutions, organes et agences européens ou encore pour le travail interne aux institutions ;

Insiste pour que soit institué un droit d'initiative des parlements nationaux leur permettant de contribuer positivement à l'élaboration du programme de travail de la Commission ;

Demande que les parlements nationaux, qui sont des acteurs essentiels de la construction européenne, soient pleinement associés aux travaux de la conférence sur l'avenir de l'Europe ;

La réunion est close à 15 heures.