Intervention de Jean-François Rapin

Commission des affaires européennes — Réunion du 13 janvier 2021 à 14h00
Institutions européennes — Programme de travail de la commission européenne pour 2021 : communication et avis politique de mm. jean-françois rapin et didier marie

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin, président, rapporteur :

Mes chers collègues, après la présentation générale de Didier Marie, je souhaiterais vous donner des précisions sur les initiatives que la Commission devrait prendre en 2021 pour chacune de ses six priorités politiques, en centrant mon propos sur les principales d'entre elles.

Le Pacte vert pour l'Europe comporte de nombreuses propositions, dont la plupart sont de nature législative. Le principal axe consistera à aligner la réglementation européenne en matière climatique et énergétique sur l'objectif de l'Union de réduire les émissions de gaz d'au moins 55 % par rapport à leur niveau de 1990. Les différentes mesures proposées seront regroupées dans un paquet spécifique, présenté pour l'essentiel au deuxième trimestre, qui portera sur le système d'échange de quotas d'émission, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique, la taxation de l'énergie ou encore le développement des carburants alternatifs. Tout au long de l'année, sera déclinée la stratégie en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, au moyen à la fois d'initiatives législatives, par exemple pour lutter contre la déforestation, et de textes non législatifs, par exemple des plans d'action en faveur de la production biologique et de la lutte contre la pollution de l'eau, de l'air et du sol. Le second semestre sera l'occasion de traiter le sujet de la mobilité durable, avec la révision des textes sur les systèmes de transport intelligents et sur le réseau transeuropéen de transport, l'élaboration de nouvelles normes d'émission pour les véhicules à moteur et des initiatives sur le transport ferroviaire, voyageurs et fret. En fin d'année, un autre paquet sera consacré à l'économie circulaire, qui mettra l'accent sur les produits durables et l'écoconception et sur le matériel électronique.

Sur l'objectif d'une Europe adaptée à l'ère du numérique, la Commission prévoit d'importantes nouvelles mesures législatives échelonnées sur 2021. Je peux citer plusieurs de ces projets : une loi sur les données et un réexamen de la directive sur les bases de données ; une redevance numérique, y compris en tant que ressource propre ; une nouvelle identité électronique européenne fiable et sécurisée pour favoriser les activités en ligne et mieux maîtriser le partage et l'utilisation des données ; l'amélioration des conditions de travail des employés des plateformes ; des conditions de concurrence équitables, y compris au titre des marchés publics, en cas de subventions étrangères ; des évolutions du droit des consommateurs en matière électronique. Ce dossier numérique donnera également lieu à des textes non législatifs, en particulier, dès le début 2021, une feuille de route pour la décennie numérique de l'Europe, assortie d'objectifs pour 2030 en matière de connectivité, de services publics, de droit au respect de la vie privée, de liberté d'expression, de libre circulation des données ou encore de cybersécurité. Je voudrais également mentionner l'actualisation de la stratégie industrielle pour l'Europe, rendue nécessaire par l'intensification de la concurrence et les conséquences à tirer de la pandémie, ainsi qu'un plan d'action sur les synergies entre les industries civile, spatiale et de la défense.

Le programme de travail de la Commission au titre d'une économie au service des personnes est chargé. Sa première initiative législative en 2021 devrait être consacrée à un paquet de mesures visant à lutter contre le blanchiment des capitaux. L'approfondissement de l'union des marchés de capitaux donnera lieu, au fil de l'année, à la mise en place d'un cadre de protection et de facilitation des investissements, ainsi qu'à une révision des règles prudentielles pour les entreprises d'assurance, dites Solvabilité II, et de la réglementation relative aux marchés d'instruments financiers. Les modifications prévues du cadre pour la gestion des crises bancaires et la garantie des dépôts contribueront à parachever l'union bancaire. La gouvernance d'entreprise durable ferait l'objet de mesures visant à encourager les entreprises à adopter un comportement durable et responsable sur le long terme. Dans le même temps, une norme européenne en matière d'obligations « vertes » sera également établie. Dans le domaine fiscal, le régime général d'accises sera réformé, ainsi que la directive sur la taxation du tabac. À la fin de l'année, la Commission devrait proposer un dispositif permettant de décourager et contrer les mesures coercitives de pays tiers. Plusieurs initiatives non législatives seront présentées pour rendre l'économie plus équitable. Je peux citer deux plans d'action, l'un sur le socle européen des droits sociaux, prévu pour constituer l'instrument-clef du volet social de l'après-crise, et l'autre sur l'économie sociale, destiné à renforcer l'investissement social et à soutenir la création d'emplois et l'innovation sociale ; la garantie européenne pour l'enfance, pour réduire la pauvreté des enfants et leur donner accès aux services de base que sont la santé et l'éducation ; enfin, un nouveau cadre stratégique en matière de sécurité et de santé au travail.

Concernant l'objectif d'une Europe plus forte sur la scène internationale, il paraît assez logique qu'il soit surtout poursuivi au moyen d'initiatives non législatives. La Commission, qui se veut géopolitique, présentera plusieurs communications qui concerneront :

- le renforcement de la contribution de l'Union européenne au multilatéralisme basé sur des règles, l'objectif affiché étant de prendre la tête du mouvement de réforme de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de celle du commerce (OMC) pour les adapter au nouveau contexte ;

- l'Arctique, territoire très exposé au changement climatique et aux pressions environnementales ;

- le partenariat renouvelé avec les pays du voisinage méridional ;

- le désarmement, la démobilisation et la réintégration des anciens combattants, dans un objectif de stabilisation des pays touchés par des conflits ;

- une approche globale de la recherche, de l'innovation, de l'éducation et de la jeunesse ;

- l'aide humanitaire européenne dans le contexte de la pandémie de Covid-19, de façon à moderniser les partenariats et les méthodes de travail.

La seule initiative législative portera, à la fin de l'année, sur la révision des règles européennes relatives à la protection consulaire pour renforcer la solidarité européenne et mieux protéger les citoyens européens à l'étranger, notamment en période de crise.

La promotion de notre mode de vie européen constituera un axe important du programme de travail 2021, avec des propositions attendues. Un paquet « Schengen », fondé sur une stratégie redéfinissant l'avenir de cet espace de libre circulation des personnes, donnera l'occasion de modifier le mécanisme d'évaluation existant, de réviser le code frontières Schengen et de numériser les procédures de visa. Plusieurs textes législatifs donneront consistance à la stratégie européenne de sécurité : ils concerneront la lutte contre les abus sexuels contre les enfants en ligne, la révision de la réglementation sur le gel et la confiscation des produits du crime et l'établissement d'un code de coopération policière au sein de l'Union européenne. Une communication sur la lutte contre la criminalité organisée et un programme antiterroriste constitueront le volet non législatif de cette stratégie européenne de sécurité. En fin d'année, la santé fera aussi l'objet de deux initiatives législatives tirant les leçons de la crise sanitaire, avec la création d'une nouvelle agence européenne de recherche et de développement dans le domaine biomédical et la constitution d'un espace européen des données de santé. Le nouveau Pacte migratoire, présenté en septembre dernier, sera complété par des textes non législatifs : un plan d'action contre le trafic de migrants et une stratégie sur les retours volontaires et la réintégration. Une autre stratégie européenne, sur la lutte contre l'antisémitisme, sera également présentée, à la fin de l'année, pour soutenir l'action des États membres.

Enfin, plusieurs initiatives, y compris de nature législative, seront prises, au second semestre en faveur d'un nouvel élan pour la démocratie. Ce sera le cas en matière de violence sexiste et de lutte contre les crimes et discours haineux, auxquels la liste des infractions pénales européennes sera étendue. La coopération judiciaire numérique fera l'objet d'un paquet de mesures comprenant un échange d'informations sur les affaires de terrorisme transfrontières, une plateforme de collaboration destinée aux équipes communes d'enquête et un chantier de numérisation de la coopération judiciaire transfrontière. Plusieurs mesures législatives viendront également renforcer la transparence et la démocratie, par exemple la révision du statut et du financement des partis et fondations politiques européens, la réforme de la publicité politique payante, la lutte contre les recours abusifs visant les journalistes et les défenseurs des droits, ainsi que l'amélioration des droits électoraux des citoyens européens mobiles. Parmi les initiatives non législatives, je peux mentionner deux stratégies européennes, en début d'année, sur les droits de l'enfant et en faveur des personnes handicapées, ainsi qu'une communication sur la vision à long terme pour les zones rurales, qui sont parfois négligées par la politique de cohésion.

Vous le voyez, un programme très nourri et marqué, comme l'indique d'ailleurs l'intitulé de la communication de la Commission, par un volontarisme ou une certaine résilience dans le vocabulaire bruxellois.

Sur la base de cette présentation générale, Didier Marie et moi-même vous proposons de faire quelque peu évoluer l'approche que notre commission avait retenue l'année dernière. En effet, le programme de travail 2020 étant le premier de la Commission von der Leyen, notre commission avait adopté une proposition de résolution européenne très complète portant sur chacune des six priorités politiques de la Commission. Nous considérons, Didier Marie et moi, que cette résolution européenne du Sénat, destinée au Gouvernement, avait une portée programmatique pour l'ensemble de la législature européenne.

C'est pourquoi nous ne vous soumettons pas de proposition de résolution européenne cette année. En revanche, nous pensons nécessaire d'adresser à la Commission un avis politique, qui vous a été préalablement diffusé, qui présenterait la position de notre commission sur un nombre limité de points prioritaires, que la Commission serait appelée à prendre en compte dans ses propositions législatives et non législatives en 2021. Elle devra en effet apporter une réponse à notre avis politique sous trois mois.

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