Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, 13 ans, est-ce assez ? Est-ce trop peu pour protéger les enfants ?
De quoi parlons-nous aujourd’hui ? De la création d’un crime qui consiste, pour un majeur, à avoir une relation sexuelle avec un mineur.
Le seul fait que la relation sexuelle soit constatée et que le majeur connaisse l’âge de l’enfant suffit à établir le crime et à envoyer l’adulte passer ses vingt prochaines années derrière les barreaux.
La création de ce crime revient donc à formaliser une véritable interdiction pour un majeur d’avoir une relation sexuelle avec un mineur de 13 ans. Non seulement c’est compréhensible, mais c’est souhaitable. Imaginer un adulte, c’est-à-dire une personne de plus de 18 ans, avec un enfant de moins de 13 ans – dans la très grande majorité des cas impubère – est choquant.
De la même façon, est-il choquant de voir deux jeunes, dont l’un serait juste au-dessous de ses 15 ans et l’autre juste au-dessus de ses 18 ans ? Ils sont consentants, me répondrez-vous. Reste que la proposition de loi que nous nous apprêtons à voter se contrefiche du consentement, et c’est bien pour cela que nous la votons.
Il faut cesser de s’interroger quant au consentement du mineur : avec ce nouveau crime, le mineur de 13 ans est victime sans avoir à le prouver, et c’est bien. Il est victime de l’adulte et c’est à l’adulte de savoir que l’on ne touche pas à un enfant.
Peut-on tenir ce raisonnement avec un mineur de 15 ans ?
Bien entendu, il faut également protéger les mineurs âgés de 13 à 15 ans de relations non consenties. L’amendement de notre rapporteur vise précisément à aider le juge à conclure qu’un manque de maturité peut équivaloir à la contrainte et à la surprise. Ces dispositions permettent de répondre à la nécessité de protection accrue des plus jeunes, sans pour autant juger de la pertinence d’une relation entre deux jeunes dont l’un serait majeur.
La différence d’âge conduit à considérer qu’il n’y a pas d’histoire d’amour entre un jeune de terminale et un jeune qui entre tout juste au collège ; entre deux élèves, l’un de seconde, l’autre de terminale, c’est parfois plus discutable. Voilà pourquoi Annick Billon propose l’âge de 13 ans.
Néanmoins, les avocates que nous avons auditionnées sont formelles : les auteurs disent et diront toujours qu’ils ne connaissaient pas l’âge de leur victime. Ah bon ? Pourtant, 87 % d’entre eux appartiennent au cercle rapproché de l’enfant : parents, beaux-parents, oncles, entraîneurs sportifs… Je vous invite à regarder l’avalanche de témoignages provoquée, sur Twitter, par le hashtag #MeTooInceste, auquel on a déjà fait référence. Presque tous les agresseurs connaissent leur victime, donc, évidemment, son âge !
Regardons ce fléau tel qu’il est : un agresseur choisit sa victime, l’entraîne dans sa nasse et la bâillonne à vie par le mal qu’il lui a fait. Et il connaît son âge ! Et il ne peut prétendre le contraire ! La seule chose qu’il prétend d’ailleurs, en général, c’est que l’enfant était consentant. Il n’aura plus à le faire.
Non, l’enfant n’est jamais consentant, quand bien même il dit « oui » ; et que l’on ne vienne pas nous parler d’enfants séducteurs. Oui, l’enfant veut plaire, oui, l’enfant veut séduire, mais ce qu’il demande, c’est de l’amour, de l’affection, pas une relation sexuelle, pas un viol.
C’est à l’adulte de savoir maîtriser ses pulsions, car lui sait. Si cette proposition de loi est adoptée, il saura que c’est vingt ans de prison.
La question de l’imprescriptibilité a également été posée.
Une victime de viol se sent elle-même coupable, quand elle ne souffre pas d’amnésie traumatique. C’est terrible. Dans ces conditions, l’âge de 48 ans, à savoir trente ans après la majorité, peut bel et bien être insuffisant.
Le problème n’est pas celui de la preuve, contrairement à ce que l’on nous répète. En effet, en cas d’inceste ou de viol dans le cercle de confiance de l’enfant, l’auteur lui-même reconnaît souvent les faits, pour peu que la victime parle. Peut-être reconnaît-il d’autant mieux les faits que ceux-ci sont prescrits : il faudrait se pencher sur ce point.
En tout état de cause, la France dispose, ce qui n’est pas le cas de tous les pays, d’une hiérarchie de la prescription.
Rendre le viol sur mineur imprescriptible, pourquoi pas ? Dès lors cependant, on sera en mesure d’exiger l’imprescriptibilité de tout crime, comme les meurtres, et ce sont les notions tout entières de hiérarchie des crimes et de droit à l’oubli qui devront être revisitées. Je le répète, pourquoi pas ? À mes yeux toutefois, ce débat n’a pas suffisamment progressé à ce jour pour que l’on puisse prendre une telle décision.
Enfin, il y a la question de l’inceste.
Un inceste est un inceste, quel que soit l’âge auquel il est commis. Là encore, un travail plus approfondi est nécessaire et je sais que vous le menez, monsieur le secrétaire d’État. L’aggravation de l’atteinte sexuelle en cas de relation incestueuse est une première étape.
En résumé, nous n’avons pas fini notre travail de protection des mineurs, mais, dans un premier temps, créons un interdit : créons ce seuil. C’est peut-être un petit pas, mais c’est un pas certain. Faisons-le !
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, inscrivez ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.