Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous réunissons de nouveau aujourd’hui avec la ferme intention de renforcer la protection de nos enfants, comme nous l’avons fait au mois de juin dernier lors de l’examen de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales. Aujourd’hui, l’objectif est d’autant plus complexe qu’il est précis, puisqu’il s’agit d’améliorer la lutte contre les violences sexuelles commises sur de très jeunes mineurs.
Chère Annick Billon, l’ambition première de votre proposition de loi est, telle que nous la comprenons, de réprimer les faits de viol perpétrés sur des mineurs de 13 ans.
Le groupe Les Républicains du Sénat ne peut que partager l’analyse selon laquelle le viol sur mineur, notamment sur de très jeunes victimes, reste particulièrement difficile à caractériser, à poursuivre et à condamner. Si la définition du viol, complexe à appréhender et trop restrictive selon certains, sera sans aucun doute au cœur de nos débats de ce jour, la première des questions qui s’impose aujourd’hui à nous semble la suivante : la loi en vigueur fixe-t-elle un interdit sociétal suffisamment clair, intelligible et dénué d’équivoque ?
Pour un certain nombre de professionnels, qu’ils exercent dans les milieux de la santé, de l’éducation ou encore de la justice, nos dispositions en matière pénale suffisent à réprimer l’ensemble des violences sexuelles commises sur de jeunes mineurs.
Pourtant, si l’on en croit la forte émotion suscitée dans le débat public ces derniers jours par la parution du livre La Familia grande de Camille Kouchner, la réponse à cette question semble moins évidente.
Or, comme le remarquait Portalis dans son discours préliminaire sur le projet de code civil, « il est des temps où l’on est condamné à l’ignorance parce qu’on manque de livres ; il en est d’autres où il est difficile de s’instruire parce qu’on en a trop ».
Qu’il s’agisse de la détermination d’un seuil d’âge – 13 ou 15 ans – ou de l’institution d’une infraction autonome plutôt que d’une présomption, les avis diffèrent souvent d’un citoyen à un autre et, de la même façon, d’un législateur à un autre. Notre groupe ne fait pas exception en la matière.
Cependant, la position élaborée par la commission des lois nous semble à la fois prudente et pertinente.
En particulier, l’introduction dans le texte de la notion de « maturité sexuelle » est intéressante, en ce qu’elle permettrait au magistrat, « pénétré de l’esprit général des lois, à en diriger l’application », pour citer de nouveau Portalis, selon qui « les lois positives ne sauraient jamais entièrement remplacer l’usage de la raison naturelle dans les affaires de la vie ».
Aussi, nous saluons la proposition de notre rapporteur d’accroître la protection des mineurs âgés de 13 à 15 ans en précisant que la contrainte ou la surprise peut résulter de ce que la victime mineure était âgée de moins de 15 ans et ne disposait pas de la maturité sexuelle suffisante.
Pour conclure, je tiens à remercier notre rapporteur, Marie Mercier, de la qualité et de l’humanité de son travail sur un sujet aussi sensible que délicat.
Pour l’ensemble des raisons évoquées, je ne doute pas que les membres du groupe Les Républicains voteront cette proposition de loi, telle qu’elle a été amendée par la commission des lois.