Intervention de Alexandra Borchio Fontimp

Réunion du 21 janvier 2021 à 10h30
Protection des jeunes mineurs des crimes sexuels — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Alexandra Borchio FontimpAlexandra Borchio Fontimp :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « protéger nos enfants ! » : voilà trois mots qui paraissent évidents et qui traduisent le souhait de tout parent. Cette protection, parce qu’elle est indispensable, doit être à nouveau renforcée face au nombre effrayant de violences sexuelles commises sur des mineurs.

L’affaire médiatique mettant en cause le politiste Olivier Duhamel pour des abus sexuels commis sur son beau-fils, à peine âgé de 13 ans au moment des faits, a ravivé le débat, la douleur et la colère. Pourquoi a-t-il fallu attendre autant de temps pour que la parole se libère ?

Aujourd’hui, les Français ne peuvent plus accepter cette omerta, qui leur est insupportable, comme le montre le hashtag #MeTooInceste, qui déferle sur les réseaux sociaux.

Hasard du calendrier, le Sénat est aujourd’hui réuni pour débattre de ce sujet. Nous savons que les violences sexuelles à l’encontre des enfants sont souvent perpétrées au sein de la famille. Aussi, je pense que nous serons tous d’accord, dans cet hémicycle, pour affirmer que toutes les violences à caractère sexuel à l’encontre de mineurs, dont l’inceste – sujet tabou tant il est abject –, doivent être combattues et punies à la hauteur de leur atrocité.

Briser le silence est le premier impératif ; briser le silence douloureux des victimes qui n’osent pas parler, briser le silence éhonté de ceux qui, assurément, savaient. L’amendement de Mme la rapporteure qui vise à étendre le délai de prescription pour inciter au signalement est un pas nécessaire dans le combat que nous menons.

Ma fille aura 13 ans cette année : à 13 ans, on est encore un enfant. Mes chers collègues, la proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner ne fait que le rappeler et vise ainsi à l’amélioration de la protection que nous devons à nos enfants. Lorsque des prédateurs sexuels abusent d’eux, c’est la société tout entière qui en ressort affaiblie, anéantie.

Tous les élus locaux peuvent témoigner d’affaires dans leur territoire et le département des Alpes-Maritimes n’y échappe pas. J’en parlais encore ce matin sur ce sujet avec un magistrat de Grasse en charge des violences sexuelles. Le constat est transpartisan et ne laisse place à aucun doute : la protection des mineurs présente encore des failles que le législateur doit combler.

Le Sénat, sous l’impulsion de Philippe Bas, a dressé dans son rapport de 2018 déjà confié à Marie Mercier, un état des lieux alarmant. Ses préconisations ont été traduites dans la proposition de loi d’orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d’infractions sexuelles, adoptée par le Sénat au mois de mars 2018. Plus que de vaines paroles, il s’agit d’une nouvelle manifestation du volontarisme et de la détermination de notre groupe à agir sur ces questions, pour les victimes.

Bien que l’Assemblée nationale n’ait toujours pas examiné ce texte, allant ainsi à l’encontre de la demande récurrente de notre société sur ce sujet, le Sénat n’abandonne pas. La délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, dont je suis membre, a produit, sous la présidence d’Annick Billon, de nombreux travaux. Tous visaient à alerter sur la nécessité de faciliter la répression des viols commis à l’encontre de mineurs et préconisaient, en conséquence, la création d’une infraction autonome de crime de pénétration sexuelle sur mineur de 13 ans.

Les améliorations issues des amendements de Mme la rapporteure permettent de garantir que cette proposition de loi sera, de façon certaine, une pierre fondamentale dans l’édifice protecteur que nous sommes en train de bâtir pour nos enfants.

Si les insuffisances de la loi Schiappa du 3 août 2018 sont satisfaites, puisque la définition du crime sexuel sur mineurs est élargie aux actes de pénétration sexuelle commis par la victime sur l’auteur, d’autres garanties doivent être relevées.

Dans son avis du 21 mars 2018, le Conseil d’État a jugé que les défauts de rédaction du dispositif alors proposé par le Gouvernement étaient dangereux. La teneur du débat et les attentes fortes des victimes et de leurs proches n’ont pas suffi à empêcher l’abandon pur et simple de cette mesure.

Sans créer de présomption de non-consentement, mais sans non plus y renoncer, les amendements adoptés en commission des lois répondent aux inquiétudes exprimées.

Cette proposition de loi permet de respecter nos obligations constitutionnelles, tout en accroissant et en consolidant la protection des enfants et en simplifiant le travail des magistrats. Fier de l’avancée permise par ces travaux, le Sénat doit aujourd’hui continuer son combat ! Ces nouveaux instruments marquent une avancée certaine dans la lutte contre les violences sexuelles à l’encontre des enfants.

D’autres questions restent toutefois en suspens, comme l’allongement de la peine encourue, car l’auteur, par exemple, à l’aide de mécanismes de remise de peine, ne purge souvent que la moitié de la peine prononcée, déjà jugée souvent trop faible par les victimes et leurs familles.

Mes chers collègues, ce sujet mérite que notre assemblée le prenne à bras-le-corps avec force et vigueur. Ne laissons plus ces crimes perdurer, ne laissons plus nos enfants en danger.

Je vous écoute, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État. Finalement, nous menons le même combat, avec la même volonté et la même intensité, et ce combat se gagne ici et maintenant.

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